marabâ, parâ, brésil
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POUR UNE RÉ HABILITATION DES PÂTURAGES AMAZONIENS D É GRAD É S , L ' EXEMPLE D 'ANDROPOGON GAYANUS KUNTH, (MARAB  , PAR , BRÉ SIL) Danielle MITJA* , Niwton LEAL FILHO * * & Olivier TOPALL * * * INTRODUCTION Les agriculteurs de la communauté de Santa Maria, localisée dans la commune de Jacunda, à 1 20 km de Marabà dans l ' Etat du Para, au Brésil, sont confrontés depuis quelques années à des problèmes de dégradation des pâturages implantés, pour les plus anciens, depuis seulement deux décennies. En effet, d' année en année, la production des graminées cultivées Panicum maximum et Brachiaria humidicola décroît au profit d' une flore d' adventices plus ou moins envahissantes. Ces agriculteurs sont donc à la recherche de nouvelles graminées pour réhabiliter leurs parcelles à divers stades de dégradation. C ' est ainsi que récemment Andropogon gayanus a été introduit, par quelques producteurs, dans des j achères herbacées issues de pâturages dégradés de Panicum maximum. Cette introduction a été faite sans savoir, a priori, quelles seraient les conséquences à long terme d' une telle innovation dans leurs exploitations. La graminée Andropogon gayanus, présente dans les régions tropicales du monde entier, est également plantée dans d' autres régions du Brésil. Elle est originaire des savanes africaines où elle prolifère tout particulièrement dans les j achères (César, 1 984 ; Mitja, 1 992 ; Fournier, 1 994). Elle constitue dans ces milieux une ressource très appréciée par le bétail et a une forte valeur énergétique (César, 1 987). Dans une zone de savane humide sans élevage en Côte-d' Ivoire, cette espèce autochtone envahit les jeunes jachères et reste présente, avec une biomasse décroi ssante, j usqu' au stade « savane boisée basse », soit une quaran taine d' années après l ' abandon de la culture (Mitj a, 1 992 ; Mitj a & Puig, 1 990) . Cette espèce a été introduite au Brésil en 1 979, en provenance du C.I.A.T. (Centro lntemacional de Agricultura Tropical) du Costa Rica (Dias-Filho, 1 983). Elle est bien connue dans la région du « Planalto Central » brésilien 1 depuis les * I.N.P.A./O.R.S .T.O.M., C.P.E.C., CP 478, Aleixo, 690 1 1 -970 Manaus (AM) Brésil. ** I.N.P.A., C.P.E.C., CP 478, Aleixo, 690 1 1 -970 Manaus (AM) Brésil. *** Nucleo de Estudos sobre Agricultura Familiar /C.A.P - U.F.Pa/L.A.S .A.T., CP 222, 6850 1 -970 Maraba (PÂ) Brésil. 1 La région du « Planalto Central >> brésilien présente des formations végétales appelées cerrado >>, à forte composante herbacée et à strates ligneuses plus ou moins denses, comparables du point de vue de la structure de la végétation aux savanes africaines (Schnell, 1 987). << Rev. Eco/. (Terre Vie), vol. 5 3 , 1 998. 39 années 1 980 (Thomas et al. , 1 98 1 ). Elle a également fait l' objet d ' expérimenta tions menées par l ' EMBRAPNCPATU (Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuâria/Centro de Pesquisa Agropecuâria do Tropico Ù mido) en Amazonie, dans la région de Paragominas, Etat du Para (Dias-Filho & Serrào, 1 980) . Le cultivar actuellement commercialisé au Brésil est Andropogon gayanus Kunth var. bisquamulatus (Hochst.) Hack. cv Planaltina (C.I.A.T. 62 1 ). Andropogon gayanus est une graminée fourragère cespiteuse, pérenne, dressée à port en « parapluie » , dont les touffes peuvent atteindre 3 rn de haut et 1 rn de diamètre basal. Elle appartient à la famille des Poaceae, sous famille des Panicoideae et tribu des Andropogoneae. Andropogon gayanus pousse à des altitudes comprises entre 0 et 1 400 rn, principalement dans des régions où les précipitations annuelles sont comprises entre 400 et 2 000 mm (Mejfa, 1 984). Cette espèce peut tolérer jusqu ' à 9 mois secs, mais sa croissance est meilleure lorsque la saison sèche est plus courte (Bogdan, 1 977). Elle s' adapte à une grande variété de sols allant des plus fertiles aux moins fertiles, supportant une acidité extrême et de fortes teneurs en aluminium (Mejfa, 1 984) . Les expérimentations ont montré une bonne tolérance de cette espèce à la sécheresse, qui est due à sa capacité de s ' enraciner profondément et de puiser dans les réserves hydriques du sol (Thomas et al. , 1 98 1 ) . Aucune maladie ni parasite n'ont pour l' instant été détectés sur Andropogon gayanus (Mejfa, 1 984) si ce n' est dans le « cerrado », une chenille, « lagarta-dos-capinzais » de l ' espèce Macis latipes dont le contrôle a été rapide (Andrade & Thomas, 1 982). Andropogon gayanus est résistant aux attaques du parasite le plus redouté des éleveurs, la « cigarrinha-das-pastagens » (Cosenza et al. , 1 989), appellation qui regroupe plusieurs espèces d' insectes homoptères mais principalement Deois incompleta (Silva, 1 986). Andropogon gayanus est bien accepté par les bovins et les chevaux (Thomas et al. , 1 98 1 ; Andrade et al. , 1 984). Sa valeur nutritive a été j ugée comme modérée à bonne (Costa et al. , 1 990 ; Mej fa, 1 984 ) . Son principal inconvénient est de présenter un cycle végétatif plus court que celui des autres graminées cultivées dans la région (Mozzer et al. , 1 97 1 ) . Les études faites sur les pâturages d e la communauté d e Santa Maria permettent de définir le comportement de cette graminée dans les conditions locales. Les connaissances acquises depuis de nombreuses années sur Andropogon gayanus au Brésil et ailleurs dans le monde aideront à l ' interprétation des résultats obtenus. SITUATION HISTORIQUE DES GRAMINÉES CULTIV É ES DANS LA R É GION DE MARAB  L ' histoire de la transformation de la forêt dense amazonienne de la région de Jacunda en pâturages a commencé il y a 20 ans seulement. La graminée utilisée, dans les années 1 976-77, lors de l' installation des premiers occupants, a été le Panicum maximum « capim coloniào » (Topall, 1 995). Cette espèce est très appréciée des producteurs pour ses qualités nutritives. Elle est vraisemblablement d' origine africaine et a été répandue abondamment dans le monde tropical (De Candolle, 1 883) . C ' est une graminée cespiteuse à port dressé se développant en touffes qui peuvent atteindre de 2 rn à 3 rn de haut. Des - 40 - dégradations fortes des couverts végétaux cultivés sont apparues en quelques années, liées à une invasion des pâturages par des adventices herbacées et parfois par des ligneux (Serrào & Toledo, 1 990 ; Topall et al. , 1 994 ; Veiga, 1 995 ) . A partir des années 1 980, Brachiaria humidicola ( « capim quicuio-da Amazônia ») a été introduit, soit immédiatement après la culture vivrière, soit en remplacement de pâturages où le Panicum maximum était dégradé. B. humidicola est une graminée originaire du Zululand, en Afrique du sud (Whyte et al. , 1 959) à port traçant et qui couvre parfaitement le sol. Elle mesure généralement moins de 50 cm de haut lorsqu' elle est pâturée régulièrement. Cette graminée est réputée pour contrôler parfaitement les adventices herbacées envahissantes. Depuis 1 985, les espèces B. humidicola et P. maximum se sont montrées très sensibles aux attaques d' insectes notamment celles de la « cigarrinha-das pastagens », qui dans certains cas réduisent significativement la productivité de ces pâturages, favorisant l ' invasion d' adventices qui peuvent alors éliminer les graminées cultivées . En 1 988, Brachia ria brizantha ( « capim brachiarào ») a été introduit après les cultures vivrières d' ouverture (manioc, riz et maïs), ou dans des parcelles dégradées de P. maximum et de B. humidicola. C ' est une graminée originaire de zones montagneuses d' Afrique du sud et d' Afrique tropicale (Purseglove, 1 992). Elle est cespiteuse et peut atteindre de 1 rn à 1 ,5 m. Elle a la capacité de couvrir le sol de manière presque parfaite (90 à 1 00 %) durant les premières années de sa plantation, empêchant la germination des semences d' adventices. B. brizantha qui était considéré comme tolérant à la « cigarrinha-das-pastagens » avant 1 996, a subi récemment des attaques sévères de ce même insecte dans la région de Jacunda (Para) . Depuis 1 99 1 , Andropogon gayanus (« capim androp6gon ») est semé ou planté, le plus souvent pour récupérer des pâturages où le Panicum maximum et le Brachiaria humidicola étaient dégradés. Il peut également être introduit immé diatement après la culture de manioc (Mitja et al. , 1 996) . SITE D ' ÉTUDE ET M ÉTHODE MILIEU PHYSIQUE Le climat de la région de Maraba est de type tropical humide. Il se caractérise par une saison des pluies de 7 mois (d' octobre à avril) et par une saison sèche de 5 mois (Reynal et al. , 1 995) . Les précipitations annuelles sont de 2 0 1 5 mm (moyenne sur 1 5 ans, de 1 97 3 à 1 987), l ' évapotranspiration potentielle est de 1 395 mm (moyenne annuelle sur 1 4 ans, de 1 973 à 1 986), la température moyenne annuelle est de 26 oc (moyenne sur 1 4 ans, de 1 973 à 1 986) et l ' humidité relative de l ' air varie de 76,9 à 88,4 % (moyennes mensuelles sur 1 4 ans de 1 973 à 1 986) 2 . Les sols sur lesquels sont installées nos parcelles d' étude ont 1 à 2 rn de profondeur. La structure de la roche mère (schistes du groupe Tocantins et granites 2 Ces données ont pour source I' INMET (Instituto Nacional de Meteorologia do Brasil), I ' ORSTOM (Institut Français de Recherche Scientifique pour le Développement en Coopération) et le LASAT (Laboratoire S6cio-Agronômico do Tocantins). - 41 1 10 km ��������---�-----H --------r------ ...... Figure 1 . -- Localisation de la zone d' étude (d' après Reynal et al. , 1 995). du complexe du Xingu) y est localement discernable dans des fragments de roche altérée ferruginisée, en dessous de 1 ,5 rn de profondeur. Il s ' agit de sols ferralitiques appauvris en argile (Chauvel, corn. pers .) . Leur teneur en argile est comprise entre 10 et 20 % en surface et entre 40 et 50 %, de 0,5 à 1 rn de profondeur. Ils sont acides et fortement désaturés (taux de saturation de l ' ordre de 1 0 à 20 % pour des capacités d' échange comprises entre 5 et 1 0 meq/IOOg) . Leur teneur en phosphore assimilable est faible, inférieure à 5 ppm. Ces sols sont considérés comme peu fertiles (Chauvel, Martins et Desj ardins, corn. pers . et Anonyme, 1 974). -- 42 -- La végétation initiale, réduite actuellement à quelques lambeaux forestiers dispersés au milieu des pâturages, était une forêt dense de plateau (Anonyme, 1 974). Quelques rares noyers d ' Amazonie ( « castanheiras-da-Amazônia » , Ber tholletia excelsa H . B . K.), témoins de la végétation passée, sont encore présents en bordure des pâturages ou dans les lambeaux de forêt de certaines propriétés. LES EXPLOITATIONS AGRICOLES ÉTUDIÉES Le premier agriculteur, originaire de l ' état d' Espirito Santo (Brésil), a une exploitation de 1 1 5 ha située à 1 0 km de la ville de Jacunda (localisation de l ' habitation 04° 30' 1 0 " S, 49° 04' 24" 0). Il s' est installé en 1 977 sur un site alors entièrement couvert de forêt primaire. En 1 995, soit 1 8 ans plus tard, son exploitation est uniquement couverte de pâturages (87 %) et de j achères ( 1 3 %). En fait, 4 espèces de graminées couvrent la quasi-totalité des pâturages : Panicum maximum, Brachiaria humidicola, Brachiaria brizantha et Andropogon gayanus. Durant les premières années de son installation, cet agriculteur a adopté une succession culturale typique de la région. Immédiatement après le défrichement sont installées des cultures vivrières, généralement du manioc en mélange avec du riz et du maïs. Après 2 à 2,5 ans la récolte du manioc est terminée et le pâturage est installé. Ce schéma a une variante qui consiste à planter uniquement du riz, le pâturage est alors installé 1 5 à 30 jours après la culture vivrière, avec pour conséquence une disponibilité des terres pour le bétail beaucoup plus rapide. Sur l ' exploitation agricole, les travaux sont réalisés manuellement sans intervention de tracteurs ni d ' intrants (engrais, herbicides) dont l ' agriculteur ne pourrait supporter le coût. Chaque année, en fin de saison des pluies, la majorité des pâturages est brûlée dans le but d' éliminer les mauvaises herbes et les tiges sèches de la graminée cultivée, tout en favorisant la repousse de jeunes feuilles très appréciées par le troupeau. Dans ce type d' agriculture la charge en bovins à l ' hectare est relativement faible, de l ' ordre de 1 bête par hectare. Le deuxième agriculteur est propriétaire de 400 ha de terres (localisation de l ' habitation 04° 3 1 ' 03 " S, 49° 02' 32" 0), qu' il a récemment achetés dans la communauté de Santa Maria. Son exploitation est située à 1 5 km de la ville de Jacunda. Il est originaire de l ' état de Bahia (Brésil) . Ses pratiques culturales sont également manuelles sans apport d' intrants. MÉTHODE D ' ÉTUDE DE LA VÉGÉTATION La parcelle 1 , appartenant au premier exploitant, a fait l' objet de 3 relevés, le 02/111/ 1 994 temps 0, correspondant à la plantation de boutures de talles d'Andro pogon gayanus, le 1 4/III/ 1 995 soit 1 an après la plantation et le 28111/ 1 996 soit 2 ans après. La parcelle 2, appartenant au deuxième exploitant, qui a été mise en place par semis de graines et non pas plantée, a été étudiée le 05/III/96 soit 5 ans après son installation. Ainsi seront combinées deux approches : la méthode d' étude diachronique qui consiste à suivre une même parcelle dans le temps et la méthode d' étude synchronique par laquelle nous comparons des parcelles d' âges différents (Lepart & Escarré, 1 983). Des enquêtes concernant l ' histoire de chaque parcelle ont été faites auprès des producteurs concernés . - 43 Les relevés effectués portent sur la végétation ligneuse et herbacée adventice et sur la graminée cultivée A. gayanus. Les ligneux de plus de 2 rn sont absents des parcelles. Les ligneux bas de moins de 2 rn et les herbacées ont été étudiés sur un transect de 50 m2 ( 1 rn x 50 rn) divisé en dix sous parcelles de 5 m2 . Un coefficient d' abondance dominance-recouvrement de type Braun-Blanquet modifié (Tab. 1) est donné à chaque espèce herbacée rencontrée. Une classification ascendante hiérarchique du moment d' ordre deux a été utilisée pour traiter le tableau espèces/parcelles et obtenir des groupes d'espèces. Un remaniement manuel de quelques espèces a été effectué à partir de la connaissance de leur écologie. Les ligneux 3 ont été identifiés, comptés et leur hauteur a été mesurée. TABLEAU 1 Coefficients d'abondance-dominance-recouvrement de type Braun-Blanque! modifié. Définition Coefficient 1 2 3 4 5 6 7 8 9 Recouvrement Recouvrement Recouvrement Recouvrement Recouvrement Recouvrement Recouvrement Recouvrement Recouvrement de moins de 1 %, espèce très rare rencontrée 1 fois . compris entre 1 et 4 % , espèce assez rare. compris entre 4 et 9 % . compris entre 9 e t 1 6 % . compris entre 1 6 et 25 % . compris entre 2 5 e t 3 6 % . compris entre 36 e t 4 9 % . compris entre 4 9 e t 6 4 % . supérieur à 6 4 % . L e nombre de touffes d'A. gayanus e t l e nombre d e talles par touffe ont été comptés sur la même superficie (50 m 2 ) . Certaines touffes chevauchent la limite du transect. En conséquence, les chiffres donnés ici correspondent à toutes les touffes dont 1' aire basale est présente, en totalité ou en partie, dans le transect. Le nombre de talles par m2 sera calculé à partir de la quantité réelle de talles présentes à l' intérieur du transect, en excluant les talles situées à l ' extérieur du transect, bien qu' appartenant à des touffes localisées sur la limite de ce dernier. En revanche, le nombre de talles utilisé pour regrouper les touffes en classes est le nombre total de talles de chaque touffe. Les touffes sont séparées en deux groupes : les touffes jeunes qui ont un nombre de talles inférieur ou égal à 1 0 et les touffes adultes dont le nombre de talles est supérieur à 1 0 . Les touffes adultes sont qualifiées de sénescentes, lorsque les talles situées en leur centre ne repoussent pas après les feux. 3 Nous appellerons ligneux tous les individus j eunes ou plantules qui dans le futur seront des arbres ou des arbustes, mais également les lianes ligneuses et les arbrisseaux. 44 HISTORIQUE DES PARCELLES a) En 1 993, le premier exploitant décide de tester une nouvelle espèce de graminée encore peu utilisée dans la région. Il disperse donc des semences d'Andropogon gayanus dans un bas fond situé en bordure d' une parcelle alors en friche. Cette « pépinière » d'A. gayanus se développe convenablement et il décide donc de réhabiliter, avec cette graminée, l ' une de ses parcelles dégradées. La parcelle 1, où a été installé A. gayanus, initialement défrichée en 1 979, avait à cette époque là, été plantée en riz associé à Panicum maximum. Après la récolte du riz en mai 1 9 80, P. maximum s' est tout d' abord développé, puis peu à peu s ' est dégradé. Depui s 1 99 1 la parcelle l était une jachère herbacée où existaient encore quelques rares pieds de P. maximum. En janvier 1 994, l ' exploi tant plante une partie de cette parcelle 1 en A. gayanus. Il installe des boutures de 3 à 4 talles, sans nettoyage préalable de la parcelle (Fig. 2A), en réalisant simplement un petit trou aussitôt rebouché. En même temps il plante du Brachiaria brizantha qui, par la suite, ne s ' est pas développé. La végétation secondaire n ' est donc pas modifiée immédiatement après la plantation d'A. gayanus. Pour ce qui concerne la végétation secondaire, nous assimilons les mesures faites au moment de la plantation à l ' état de la parcelle avant la plantation. Le troupeau a été mis dans la parcelle 4 fois en 2 ans (Fig. 3). La première année, en 1 994, la parcelle a été mise en défens durant 6 mois, jusqu 'en octobre. L ' introduction du troupeau après la fructification et avant les feux annuels a permis la fixation des semences d'A gayanus qui ont tendance à être dispersées par le vent. En 1 995 le troupeau a pâturé la parcelle d'A gayanus en juin, au moment de la floraison, puis à nouveau en octobre/novembre. Enfin un dernier passage du troupeau a eu lieu en j anvier 1 996. Cette parcelle a été brûlée chaque année. b) Le deuxième exploitant avait directement semé A. gayanus au début de l ' année 1 99 1 . La parcelle 2, utilisée à cet effet, avait été rachetée à un voisin en 1 985, alors qu' elle était plantée en P. maximum. Cette parcelle avait été défrichée en 1 980 pour y installer du manioc. Après 6 ans de culture de P. maximum 1' espèce cultivée s' est dégradée. La j achère herbacée, issue de ce pâturage, a été remplacée 2 ans plus tard par une culture d'A. gayanus, installée par semis, et qui avait 5 ans au début de cette étude. Cette parcelle 2 a brûlé chaque année depuis l' implanta tion d'A gayanus et le troupeau s ' y trouvait 1 mois avant le relevé floristique. RÉ SULTATS EVOLUTION DE LA GRAMINÉE C ULTIVÉE, A NDROPOGON GA YANUS Dans la parcelle 1 , les pieds d'A gayanus ont été plantés avec une densité de 0,8 par m 2 . Chacun d ' eux était formé de 3 à 4 talles. Nous observons, au cours du temps, une augmentation rapide du nombre de touffes adultes qui passe de 0,68 touffe par m 2 la première année, à 0,86 touffe après 2 ans et à 1 ,66 au bout de 5 ans (Tab. Il) . A. gayanus a donc tendance à se développer convenablement dans le milieu au cours des premières années qui suivent sa plantation. - 45 (A ) (B) (C) Figure 2. - (A) Implantation d'Andropogon gayanus dans la j achère herbacée (parcelle 1, plantation), sans nettoyage préalable (28/II/ 1 994) . (B) Andropogon gayanus 1 an après sa plantation dans la parcelle 1 ( 1 2/III/1 995). (C) Limite entre la parcelle 1 plantée en Andropogon gayanus et le reste de la parcelle initiale laissée intacte sous forme de jachère herbacée (09/Ill/ 1 996). Relevé 3 Relevé 2 Relevé 1 28/11/96 1 4/III/95 021111194 1 1 1 1 1 1 1 1 feux 1 7/XV94 ,j, ,j, 1 1 1 1 feux 220095 ,j, ,j, ,j, IJ IF IMIA IMIJ IJ lA JS 10 IN ID IIJ IF IMIA IMIJ IJ lA JS JO IN ID IIJ IF IMIA lM 96 95 94 Il Il 2è me pâture 1 ère pâture Plantation 3ème pâture 4 me è pâture Figure 3. - Synopsis de l' étude diachronique de la parcelle 1 après sa mise en culture avec Andropogon gayanus. TABLEAU Il Structure de population d' Andropogon gayanus dans la parcelle (plantation, 1 an et 2 ans) et la parcelle 2 (5 ans). Nombre de talles Nombre de touffes Total au m2 50 m2 Plantation Après 1 an Après 2 ans Après 5 ans 0,8 1 ,68 1 1 ,96 40 84 50 98 Adultes 50 m2 au m2 0 0,68 0,86 1 ,66 0 34 43 83 1 Jeunes au m2 50 m2 0,8 1 0, 1 4 0,3 40 50 7 15 au m2 Max. de talles par touffes 2,8 25 70 1 03 4 99 212 203 La graminée passe d ' un coefficient 2 équivalent à un recouvrement de 3 % au moment de la plantation à un coefficient 9, soit un recouvrement de 70 % au bout d ' un an (Fig. 2B) La deuxième année, suite à une utilisation plus intense mais toutefois modérée, 3 périodes de pâture d'une durée chacune de 1 mois, dont la dernière 1 mois avant notre passage (Fig. 3), le coefficient est de 8 correspondant à un recouvrement de 60 % . Dan s la parcelle de 5 ans le coefficient est à nouveau de 9, soit 70 % de recouvrement. Durant l ' année qui suit l ' implantation de la graminée, le nombre de talles par touffes augmente parfois de manière spectaculaire (Fig. 4), comme dans le cas d' une touffe comportant 99 talles (Tab. Il) . Au cours de la deuxième année, la tendance à l' augmentation du nombre de talles par touffe se poursuit, avec un maximum enregistré de 2 1 2 talles. La parcelle de 5 ans se caractérise par une quantité de grosses touffes identique à celle de la parcelle de 2 ans, mais elle possède un plus grand nombre de touffes de densités moyenne et faible (de 0 à 90 talles). - 47 • Plantation • • an 50 lil 2 ans 0 5 ans 35 30 0- 10 25 Nombre de touffes 20 15 Nombre de talles 10 Figure 4. - Distribution des touffes d'Andropogon gayanus e n fonction de l a quantité de talles dans la parcelle l (plantation, l an et 2 ans) et la parcelle 2 (5 ans) . Le nombre de talles par m2 passe de 2,8 lors de la plantation, à 25 puis 70 après respectivement 1 et 2 ans. Il est bien supérieur 5 ans après laplantation avec 1 03 talles/m2 (Tab. II). L' augmentation du nombre de talles par rn indique que la graminée se développe convenablement dans le milieu. Toutefois, dans la parcelle 2 de 5 ans, après les feux, certaines touffes (9 %) présentent des plages centrales où les talles ne repoussent pas, elles sont considérées comme sénescen tes . Aucune observation de ce genre n ' avait été faite dans la parcelle 1 . DYNAMIQUE DES HERBACÉES ENVAHISSANTES Les espèces adventices présentes dans les parcelles d'A gayanus peuvent être classées en 5 groupes (Tab. III). Le groupe 1 est formé d' espèces présentes et souvent abondantes avant l ' installation d'A gayanus. Ces espèces ont disparu, ou sont très faiblement représentées (coefficient égal à 1 ou 2), après 1 ou 2 ans . Dans ce groupe, les deux espèces herbacées Stachytarpheta cayennensis et Andropogon bicornis qui enva hissaient la parcelle avant la plantation d'A gayanus, sont parfaitement contrôlées après 2 ans de culture (Fig. 2C). Le groupe 2 est formé d'espèces bien représentées et qui se maintiennent dans le milieu. Une tendance générale à la baisse des coefficients est toutefois observée durant la première année de culture, alors qu' une augmentation se produit au cours de la seconde année. - 48 TABLEAU III Coefficients d 'abondance-dominance-recouvrement des espèces herbacées rencontrées dans la parcelle 1 (plantation, 1 an et 2 ans) et la parcelle 2 (5 ans). Coefficients par espèce Plantation 1 an 2 ans 5 ans Andropogon gayanus Kunth Poaceae Brachiaria brizantha (Hochst. ex A. Poaceae 2 9 8 9 1 1 3 Panicum maximum Jacq. Poaceae 2 Melochia cf villosa (Mill .) Fawc. & Sterculiaceae Espèces herbacées Famille Rich.) Stapf Espèces plantées 1 3 1 5 2 1 4 2 1 4 1 4 Fimbristylis sp. Cyperaceae Sida rhombifolia L. Malvaceae Borreria latifolia (Aubl.) K. Schum. Rubiaceae Pterocaulon alopecuroides (Lam.) Asteraceae 3 2 2 1 1 2 1 4 2 2 2 2 2 1 2 2 Dichromena ciliata Vahl Cyperaceae 2 1 2 Panicum laxum Sw. Corchorus sp. Zornia cf diphylla (L.) Pers. Emilia fosbergii Nicolson Bidens pilosa L. Acanthospermum australe O. Ktze. Ageratum conyzoides L. Vernonia cinerea (L.) Less. Lindernia crustacea (L.) F. Muel!. Physalis angulata L. Desmodium canum (Gmelin) Schinz. Poaceae Tiliaceae Fabaceae Asteraceae Asteraceae Asteraceae Asteraceae Asteraceae Scrophulariaceae Solanaceae 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 2 2 Fabaceae 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 1 Rendle Andropogon bicornis L. Poaceae Stachytarpheta cayennensis (Rich.) Verbenaceae Vahl Paspalum melanospermum Desv. ex Poir. Poaceae OC. ex Theil. Borreria verticillata (L.) G. Meyer Rubiaceae Phyllanthus cf niruri L. Euphorbiaceae Euphorbia hirta L. Euphorbiaceae Chromolaena odorata (L.) King & Asteraceae Robinson Cuphea antisyphilitica H.B.K. Lythraceae Croton trinitatis Millsp. Euphorbiaceae Cyperus luzulae Rottb. Cyperaceae Cassia obtusifolia L. Caesalpiniaceae Hyptis suaveolens Poit. Lamiaceae Setaria geniculata (Lam.) Beauv. Poaceae Sidastrum micranthum (St.-Hilaire) Malvaceae Fryxell 49 1 1 Groupe 1 1 Groupe 2 Groupe 3 1 1 1 1 1 1 1 3 3 1 1 1 Groupe 4 Coefficients par espèce Scoparia dulcis L. Scrophulariaceae Euphorbia thymifolia L. Euphorbiaceae Desmodium axillare (Sw.) DC. Fabaceae Cyperus diffusus Vahl Cyperaceae 1 1 1 1 Panicum sp. Poaceae 2 2 Cyperus sphace/atus Rottb. Cyperaceae 1 1 Kükenth. Cyperaceae 1 1 Cyperus densicaespitosus Mattf. & 1 1 1 Fabaceae 1 Poaceae 1 Cucumis anguria L. Cucurbitaceae 1 1 1 1 1 1 Stylosanthes guianensis (Aubl.) Sw. Pennisetum Schu1t. cf polystachyum (L.) Elephantopus mollis H.B.K. Asteraceae Mimosa pudica L. Sida cordifolia L. Mimosaceae lpomoea cf bahiensis Willd. Comme/ina benghalensis L. Convolvulaceae Malvaceae Commelinaceae 1 Groupe 5 Cyperus fiavus (Vahl) Nees. Cyperaceae 1 Sida martiana A. St.-Hil. Ma/vaceae 2 Lamiaceae Lamiaceae Orthopappus angustifolius Gleason Asteraceae 1 1 1 1 Ophiog/ossum sp. Ophioglossaceae Digitaria horizontalis Willd. Poaceae Nombre d' espèces herbacées présentes 34 36 33 29 55 Le groupe 3 est formé d'espèces souvent faiblement représentées (coefficients le plus souvent égaux à 1 ) mais qui se maintiennent dans le milieu. Le groupe 4 est formé d' espèces qui se sont installées ou ont proliféré dans le milieu après la formation du pâturage d 'A. gayanus. Hyptis suaveolens est un exemple d'espèce absente en 1 994 et qui, par la suite, se développe considérable ment dans la parcelle 1 . Le groupe 5 est formé d'espèces si faiblement représentées que leur présence ou leur absence n' est pas interprétable. Il est probable, que pour ces espèces plus rares, la superficie de relevé choisie (50 m2 ) est insuffisante pour conclure. Alors que l ' on assiste à une modification de la composition ftoristique et de la densité des individus herbacés, la richesse ftoristique reste inchangée (Tab. III) . LES RARES LIGNEUX PRÉSENTS DANS LES PARCELLES D'ANDROPOGON GA YANUS Dix-sept ans après le défrichement de la forêt, il ne reste dans la parcelle 1 que quelques rares individus ligneux dont la maj orité mesure moins de 50 cm de haut. Ce sont pour la plupart des rejets de souche, de racine ou des plantules dont l' identification au niveau spécifique n ' est pas touj ours possible. La parcelle 2 défrichée depuis 1 6 ans présente les mêmes caractéristiques. 50 Dans tous les cas, la densité des individus est faible, elle varie de 5 à 8 pour 50 m 2 de relevé, soit de 1 000 à 1 600 individus à l ' hectare. Le nombre d' espèces, qui fluctue entre 2 et 5 (Tab. IV), est également faible. TABLEAU IV Les jeunes ligneux présents dans la parcelle 1 (plantation, 1 an et 2 ans) et la parcelle 2 (5 ans). Espèces ligneuses Memora allamandiijlora Bur. & K. Schum. Memora magni.fica (Mart.) Bur. Memora jlavida K. Schum. (DC.) Bur. & Plantation LL Bignoniaceae 2 LL Bignoniaceae 3 LL Bignoniaceae 1 2 2 6 Solanum rugosum Dun. Solanum rubiginosum Vahl Solanum subinerme Jacq. Smilax sp. Stigmaphyllon martianum Juss. Inconnue Lecythidaceae 1 Lecythidaceae 2 Tabernaemontana angulata Vismia sp. Chrysobalanaceae Solanaceae Solanaceae So/anaceae A. 1 an 2 ans Famille LL Smilacaceae LL Malpighiaceae 5 ans 1 3 1 1 1 Mart. ex Muel!. 1 Lecythidaceae Lecythidaceae Apocynaceae C/usiaceae Chrysoba/anaceae 1 1 1 1 Nombre d' individus ligneux rencontrés (50 m2) 7 8 8 5 Nombre d' espèces de ligneux 4 5 2 5 LL = liane ligneuse Les espèces du genre Memora (Bignoniaceae), sont des témoins de la végétation initiale de forêt (Tab. IV) . Ce sont des lianes ligneuses qui réussissent à se maintenir dans le milieu 1 7 ans après le défrichement de la forêt, grâce à des rejets de souche. Ces espèces résistent donc à des coupes répétées et à des feux annuels. Les espèces du genre Solanum (Solanaceae ), présentes dans la parcelle 1, sont des subligneux envahissants et épineux qui s ' installent dans le milieu après le défrichement et qui s ' y maintiennent par rejets de souche et de racine ainsi que par une production abondante de semences. Ces espèces ont tendance à devenir envahissantes si elles ne sont pas contrôlées par l ' homme ou par la graminée cultivée. 51 DISCUSSION DISCUSSIONS MÉTHODOLOGIQUES Pour étudier l' évolution de la végétation cultivée et adventice après implan tation d'Andropogon gayanus, nous avons combiné les deux approches méthodo logiques décrites par Lepart & Escarré ( 1 983) dans leur analyse bibliographique sur les successions végétales. D ' une part la méthode d' étude diachronique a été utilisée pour étudier la parcelle 1 : elle consiste à suivre une même parcelle, en temps réel, durant plusieurs années et à observer l' évolution de certains facteurs. D ' autre part la méthode d' étude synchronique, qui consiste à étudier simultanément des parcelles d' âges variés, après implantation d'A gayanus, a été utilisée pour comparer la parcelle 2 de 5 ans à la parcelle 1 de 2 ans. Cette dernière méthode est la seule permettant d' obtenir rapidement des résultats, mais elle a l ' inconvénient de comparer des parcelles ayant des histoires souvent différentes. Une étude menée au Gabon sur 2 j achères de même âge, mais caractérisées par des méthodes culturales différentes, nous avait permis de mettre en évidence des reconstitutions de végétation différentes (Mitj a & Hladik, 1 989). Dans le cas présent, A. gayanus a été semé dans la parcelle 2 et non planté comme dans la parcelle 1 . Panicum maximum a subsisté 6 ans dans la parcelle 2 et a été suivi de 2 ans de j achère herbacée avant l ' installation d'A. gayanus, alors que dans la parcelle 1 , P. maximum a subsisté 1 1 ans et a précédé une j achère herbacée de 3 ans. Alors que l' approche diachronique permet de mettre en évidence des variations fines de la composition floristique (Lepart & Escarré, 1 983), la méthode d' étude synchronique n' apporte que des informations plus générales sur les tendances d' évolution des écosystèmes. Malgré cet inconvénient, la méthode d' étude synchronique a été utilisée par la maj orité des auteurs qui ont travaillé sur les successions végétales car elle a l ' avantage de permettre une interprétation immédiate. En utilisant de manière complémentaire les deux méthodes, nous avons cherché à obtenir une interprétation tout d' abord fine puis plus générale de la dynamique du milieu cultivé. ANDROPOGON GA YANUS ESPÈCE COMPÉTITRICE Lors de la plantation d'A gayanus, effectuée sans nettoyage préalable de la parcelle, de nombreuses espèces herbacées ont des coefficients d' abondance dominance-recouvrement élevés. La première année, ces coefficients baissent de manière spectaculaire (Tab. III). En revanche, la deuxième année les coefficients sont légèrement plus élevés, pour les mêmes espèces qui se développent à nouveau, ou pour d' autres espèces absentes précédemment et qui commencent à se développer. Toutefois, la végétation adventice reste globalement beaucoup moins dense qu' avant la plantation de l ' e spèce cultivée et ceci se confirme quelques années plus tard dans la parcelle de 5 ans. Lors de son implantation Andropogon gayanus entre en concurrence avec deux herbacées, non consommées par le bétail, qui envahissaient la j achère antérieure : Andropogon bicornis qui est une graminée adventice redoutée des producteurs et Stachytarpheta cayennensis, adventice connue pour ses capacités à 52 - coloniser les aires abandonnées et les bords de chemins. Le contrôle que la graminée cultivée assure sur ces deux herbes envahissantes est à la fois rapide et considérable. La croissance rapide d'Andropogon gayanus immédiatement après les feux (Bogdan, 1 977 ; Dias-Filho, 1 983 et Andrade et al. , 1 984) est l ' un de ses atouts pour concurrencer les herbacées adventices qui sont rapidement surcimées et n ' ont plus la luminosité suffisante pour se développer. Toutefois, il suffit que la pression du troupeau devienne plus forte, comme la deuxième année dans la parcelle 1 , pour que le rapport adventice herbacée/espèce cultivée ait tendance à se modifier (Ayala et al. , 1 993) et que l ' on observe une recrudescence des herbacées adventices. Alors qu ' il intervient globalement sur l' abondance des individus herbacés, A. gayanus ne modifie pas la richesse spécifique. Ainsi le potentiel d' invasion par les adventices est touj ours présent et peut à tout moment s' exprimer en cas de déficience de la graminée cultivée. INSTALLATION D'ANDROPOGON GA YANUS DANS LES PÂTURAGES DÉGRADÉS Nous assistons au cours des 5 premières années à une augmentation du nombre de touffes adultes d'A. gayanus et le recouvrement assuré par la graminée plantée croît de manière spectaculaire au cours de la première année avant de se stabiliser par la suite aux alentours de 60 à 70 % (Tab . III) . L' évolution observée dépend en grande partie de la capacité de cette espèce à coloniser l' espace en surcimant et éliminant les espèces concurrentes. Cette évolution dépend également de la gestion du pâturage par le producteur. Dans le cas présent le producteur a préservé le pâturage après sa plantation, la première pâture n ' intervenant qu ' après la fructification et avant les feux, pour permettre un bon développement de l' espèce cultivée comme cela est généralement conseillé (Andrade et al. , 1 984). Le producteur a également effectué un usage modéré durant la deuxième année, se limitant à 3 périodes de pâture d' une durée de 1 mois chacune. Cette croissance rapide d'A. gayanus est d' autant plus remarquable qu' aucun engrais n ' a été utilisé par le producteur et que la parcelle était déjà considérée comme dégradée avant l ' installation d'A. gayanus. La forte régénération sexuée d'A. gayanus observée la première année peut s ' expliquer par une suite d ' événements qui se sont succédés dans le temps, liés à la production et à la fixation des semences et à la croissance des plantules. Tout d' abord cette espèce produit un grand nombre de semences viables (Mejfa, 1 984 ; Costa et a l. , 1 990), ensuite le troupeau n ' a pas pénétré dans la parcelle durant la floraison et la fructification, laissant entier le potentiel de régénération de l' espèce, et enfin le troupeau a pénétré dans la parcelle après la chute des graines permettant la fixation de ces dernières au sol et limitant la dissémination anémochore de cette espèce. Dans le courant de la première année, le recouvrement assuré par les touffes adultes augmente mais permet encore la croissance de nombreux jeunes plants. Par la suite du fait des plus nombreuses périodes de pâture (Fig. 3), parfois durant la période de floraison et de fructification, comme nous avons pu le vérifier dans la parcelle de 2 ans, la disponibilité en semences a certainement diminué. A ce facteur s' est raj outé une forte couverture assurée par les touffes adultes, le tout aboutissant à une plus faible régénération sexuée de l' espèce. La croissance du nombre de talles au cours des 5 premières années est liée d' une part aux caractéristiques génétiques d'A. gayanus et d' autre part à l ' impact de la mise en pâture répétée qui favorise la pénétration de la lumière et donc la poursuite du tallage (Davies, 1 988). - 53 - La sénescence de certaines touffes, observée après les brûlis de fin de saison sèche, n ' influence pas la densité des talles qui continue à augmenter au cours des 5 premières années qui suivent l' implantation de la graminée fourragère. En fait la sénescence de certaines touffes est compensée par la mise en place d ' un plus grand nombre de touffes issues de la germination de semences et par croissance des jeunes pieds laissant le potentiel fourrager intact. DEVENIR DES RARES LIGNEUX PRÉSENTS Les ligneux sont faiblement représentés dans ces parcelles défrichées il y a 1 6 et 1 7 ans. En effet, l a plupart des ligneux de l a forêt ont été supprimés lors de la coupe initiale et du premier brûlis. Certains autres, qui avaient tout de même résisté à ce premier impact, ont été éliminés au cours du temps par les feux répétés. Les espèces les plus résistantes s ' avèrent être des lianes du genre Memora (Bignoniaceae). Les arbres typiques des successions secondaires qui existent généralement dans les parcelles de cultures vivrières comme Cecropia spp. et Trema micrantha, ne résistent pas davantage au passage répété des feux. Seuls existent des sous-ligneux comme certaines espèces du genre Solanum (Solana ceae), qui dans certaines parcelles peuvent devenir envahissantes, mais qui se développent modérément dans les parcelles plantées en A. gayanus. CONCLUSION L'espèce fourragère Andropogon gayanus est bien adaptée aux conditions du milieu forestier où elle bénéficie de sols plus riches et d ' un climat plus humide que dans les savanes d'où elle est originaire. A. gayanus a réussi à réhabiliter, pour une période dont la durée est pour l' instant inconnue, une terre abandonnée après dégradation d ' un pâturage de Panicum maximum. En effet, A. gayanus planté dans une j achère herbacée, sans nettoyage préalable, manuel ou chimique, et sans apports d' engrais, a réussi à se développer de manière spectaculaire en concurrençant efficacement les herbacées envahissantes déj à bien installées dans la parcelle et en diminuant significative ment leur abondance. La double aptitude d'A. gayanus à la reproduction sexuée et à la reproduction végétative par tallage, rend cette espèce hautement compétitive vis-à-vis des adventices qui ne présentent pas touj ours, à ce même degré, ces deux aptitudes. Toutefois, 1 ' équilibre espèce fourragère/adventice herbacée qui j oue en faveur de l ' espèce cultivée dans l' étude présente, est fragile, et peut être inversé par des modifications de la gestion du troupeau, comme par exemple une fréquence et une intensité plus élevées de la pâture. A. gayanus est une espèce fourragère qui répond actuellement aux exigences des petits producteurs de la région de Jacundâ qui n ' utilisent pour l ' instant aucun intrant et dont la main d' œuvre, souvent d' origine familiale, est touj ours limitée. Cette espèce fourragère est adaptée aux contraintes de leur environnement actuel transformé en pâturages plus ou moins dégradés après seulement 20 ans d ' utili sation agricole. Elle est résistante à la « cigarrinha-das-pastagens » , produit une forte biomasse très rapidement disponible après les feux, est appréciée des bovins et des chevaux, a une valeur nutritive de moyenne à bonne, se régénère dans la - 54 - parcelle grâce à la production d' une grande quantité de semences viables, concurrence efficacement les herbacées adventices et les sous-ligneux envahis sants. En contrepartie, elle sèche plus rapidement que les autres espèces fourra gères (Mozzer et al. , 1 97 1 ) . Les petits producteurs s ' accommodent facilement de cet inconvénient, leurs exploitations étant formées d' une mosaïque de petites parcelles plantées avec diverses espèces fourragères qui assurent durant toute l' année une continuité dans l ' approvisionnement du troupeau. REMERCIEMENTS Les auteurs remercient les agriculteurs de la communauté de Santa Maria -Para, spécialement M. Fidelcino Gaspar de Bessa et M. Claudionor Avelino Ribeiro pour leur accueil chaleureux et leur active participation à la réalisation des travaux de recherche. Le financement de ces études a été assuré par le programme SOFT du Ministère Français de l ' Environnement, le Ministère Français des Affaires Etran gères, le CNPq, l ' INPA, le CAT et l' ORSTOM. RÉ SUMÉ L ' i mplantation d' une nouvelle graminée, Andropogon gayanus, dans des p âturages de Panicum maximum dégradé, est étudiée chez des producteurs pratiquant l ' agriculture manuelle. Andropogon gayanus réussit à reconstituer un pâturage à partir d' une jachère herbacée, sans nettoyage préalable, ni application d' intrants. Son taux de recou vrement passe de 3 à 70 % en 1 an et fluctue autour de cette dernière valeur les années suivantes. Alors que la densité des adventices diminue considérablement, notamment celle des deux espèces Stachytarpheta cayennensis et Andropogon bicornis, la richesse spécifique reste élevée et la potentialité d' invasion par ces espèces existe toujours. Dans la pratique, bien que les résultats obtenus avec Andropogon gayanus soient encourageants, l' intensité et la fréquence de la pâture sont autant de facteurs influençant l' équilibre espèce fourragère/adventices et le risque d' une nouvelle dégradation du pâturage n' est pas totalement écarté. S UMMARY The introduction of a new tropical forage grass, Andropogon gayanus, on pastures of degraded Panicum maximum is studied in traditional agriculture. Andropogon gayanus worked well to rehabilitate a herbaceous fallow, without weeding or fertilizer contribution. Its cover increases from 3 to 70 % in the first year and remain around thi s value the next years. However, despite of a considerable decrease in the density of weeds, notably the species Stachytarpheta cayennensis and Andropogon bicornis, the weed diversity was still high, and the potential for new weed invasions always exists. Thus, though the results obtained - 55 with Andropogon gayanus were encouraging, the pasture intensity and frequency influence the balance crops/weeds and the risk of a new pasture degradation cannat be discarded. RÉ FÉRENCES R.P. DE & THOMAS, D. ( 1 982). - Pesquisas em avaliaçao de pastagens e produçao de sementes de forrageiras no centro de pesquisa agropecuaria dos cerrados. Boletim de pesquisa no I l , EMBRAPA- CPAA, Planaltina DF, 19 p. ANDRADE, R.P. DE, THOMAS, D., ROCHA, C.M.C. DE, GOMES, D.T., COUTO, W. , COSENZA, G. & MooRE, C.P. ( 1 984). - Formaçiio e manejo de pastagens de Capim Androp6gon. Comunicado Técnico n° 34, 5 p. ANONYME ( 1 974) . - Projeta RADAM, folha SB. 22 A raguaia e parte da folha SC. 22 Tocantins. 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