Compte-rendu des Journées au Vert - la Plate

Transcrição

Compte-rendu des Journées au Vert - la Plate
JOURNEES AU VERT 2013
DE LA PLATE-FORME POUR LE COMMERCE EQUITABLE
ACTES
Jeudi 12 septembre
Jardin d’agronomie tropicale du Bois de Vincennes
45 bis avenue de la Belle Gabrielle
Avec le soutien de :
SOMMAIRE
Jeudi 12 septembre
Matinée en plénière
« Dynamiques d’accompagnement du changement en matière de consommation équitable » . Conférence animée par Lara Mang-Joubert……...……………………………………………….……………p.3
L’après midi en ateliers simultanés
Atelier 1 : Quels outils pour le préfinancement des achats de commerce équitable ? Atelier
animé par Stéphane Comar……………………………………………….………………………………………….………….p. 11
Atelier 2 : Explorer les externalités des entreprises : un état des lieux Atelier animé par Christophe Alliot du cabinet Basic……………………………………………………………………………………………….……p. 23
Annexe
Liste des participants……………………………………………………………………………………………..…..……………..p. 30
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 2
Plénière : Dynamique d’accompagnement en
matière de consommation équitable
Cette conférence a été animée par Lara Mang-Joubert, consultante
(SCOP Oxalis)
Préambule
Alors que le commerce équitable atteint des taux de notoriété record (99%) et un fort capital de sympathie
auprès des citoyens, la consommation de produits équitableS est loin d’être généralisée au sein de la population française.
Quels sont les freins au passage à l’acte en matière de consommation responsable ? Quelles sont les
graines de changement les plus prometteuses ? Sensibiliser, communiquer, convaincre, changer ? Oui,
mais comment ?
les 3 objectifs de cette formation-action :
 Acquérir des notions théoriques permettant d’appréhender les mécanismes du changement de comportements en faveur du commerce équitable, avec un éclairage issu des sciences humaines.
 Une appropriation individuelle de ces savoirs (savoir faire le lien avec son propre contexte professionnel,
décliner en applications concrètes les concepts théoriques…) ;
 Un temps de réflexion individuel et collectif pour faire émerger de nouvelles idées et pistes stratégiques.
Changer ses habitudes de consommation…
La société de consommation vue par les sciences humaines
Les actes d’achat de consommation ne sont pas seulement
effectués sur la base des caractéristiques rationnelles du
produit (qualité, prix, goût, etc.) mais derrière ces achats se
trouve un « iceberg » de vécus, de représentations :
● des ressentis (émotions, sensations…)
● des besoins (plus ou moins profonds ou conscients)
● désirs, pulsions
S’il devait renoncer à cet achat, le consommateur ressentirait une multitude d’émotions et de sentiments : frustration, déception, satisfaction, révolte, envie d’agir, réconfort, etc. On s’aperçoit qu’il n’est pas facile de changer ses comportements de consommation car ces derniers se basent sur des satisfactions inconscientes de l’achat, des habitudes, etc.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 3
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
Consommer est devenu un acte structurant des relations
sociales :
« La consommation est ontologique, elle fait partie de l’homme moderne […] est un mode actif de relation à la collectivité
et au monde (…) une réponse globale sur laquelle se fonde tout
notre système culturel. » Jean Baudrillard – La culture des
objets
Nos besoins et désirs sont manipulés par la société de consommation : La société de consommation
repose sur l’entretien de la sensation de manque.
Le processus du changement - Qu’est-ce que le changement des habitudes ?
Notre consommation correspond à un
choix ou une habitude ou un confort
de routine, qui repose sur des besoins et
manques profonds que nous ressentons,
qui sont basés sur nos schémas mentaux, émotionnels, individuels ou collectifs.
Expérimenter de nouvelles habitudes de consommation (par exemple : consommer équitable) implique de
modifier des valeurs collectives, l’image de soi, de la « normalité » autour de soi, etc.
Modifier ses habitudes peut ainsi être un processus douloureux et inconfortable pour les consommateurs.
Les formes d’inertie sont nombreuses (partie immergée de l’iceberg) mais néanmoins pas inéluctables quand
on parvient à mieux identifier les ressorts.
Le modèle de Proschaska et Di Clemente, développé à partir des études menées sur les addictions, les dépendances à l’usage d’un produit, montre un processus d’appropriation en 6 étapes
Dans ce modèle, au départ, la personne ne se sent pas concernée et au final elle ne peut plus faire autrement
que de changer. Le changement est un processus, basé en plusieurs étapes.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 4
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
Le modèle de Proschaska et Di Clemente repose sur 6 étapes :
Etape N°1 : Précontemplation → « Je ne suis pas concerné »
Etape N°2 : Contemplation → La personne fait le lien entre ce changement et elle-même, néanmoins elle
fait face à des freins nombreux pour changer et mesure ce qu’elle pourrait perdre en changeant
Etape N°3 : Préparation → La personne se pose des questions pratiques, techniques sur l’organisation sur
ce changement
Etape N°4 : Action → La personne teste, expérimente (en faisant par exemple son premier acte d’achat
équitable). Ce premier achat est souvent fragile car la personne n’est pas encore dans l’habitude et elle s’expose ainsi au regard des autres
Etape N°5 : Maintien → La personne intègre le changement et s’approprie les valeurs
Etape N°6 : Terminaison → « Il est naturel pour moi d’agir ainsi »
Les étapes N°5 et N°6 dépendent de l’environnement de la personne, du regard collectif et du sens qu’elle va
y mettre.
.
 Le processus de changement est non linéaire :
A chaque étape : des rétroactions, des rechutes peuvent survenir.
La personne doit être motivée pour aller d’une étape à l’autre : la question de l’accompagnement de la personne à chacune des étapes est essentielle.
L’accompagnement sera différent selon les étapes : campagne de communication, témoignage des pairs,
des autres consommateurs, etc.
 Les conditions pour qu’une personne change ? 2 conditions doivent être réunies pour qu’une personne change :
→ Condition 1 : en avoir envie !
→ Condition 2 : s’en sentir capable ! Avoir confiance en sa capacité d’agir (empowerment)
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 5
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
La consommation équitable comme évolution sociétale
Le commerce équitable est une innovation sociale dans les relations qu’il promeut entre les acteurs
économiques :
 Il met le metteur en marché face à un choix, une alternative
 C’est un levier pour repenser le commerce international
 Il réinterroge nos modes de consommation et de production
Le commerce équitable : Une démarche qui réveille les dissonances cognitives
Quelles dissonances existe-t-il autour du commerce équitable ?
 Le commerce équitable est une démarche complexe aux interfaces entre les extrêmes :
→ Du militantisme > à la démarche commerciale
→ Du quotidien > au géopolitique
→ De l’exotisme > au plus local
 Il existe un écart structurel entre :
→ Un fort crédit d’opinion (taux de notoriété et de sympathie très élevés)
→ Un faible passage à l’acte d’achat
 Il n’existe pas d’identité propre du « consommateur équitable »
Comment résoudre les dissonances cognitives ?
Santé, écologie, économie, etc : Nous sommes en permanence abreuvés d’injonctions paradoxales, qui
créent chez le citoyen une tension psychologique permanente.
On observe généralement 3 types de comportements face aux dissonances cognitives :
 La négation du problème (déni)
 Repousser le moment de la décision
 Passer concrètement à l’action = changer !
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 6
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
Comprendre les dissonances cognitives pour mieux les dépasser
Les résistances sont légitimes et inévitables : il faut les comprendre et les accepter pour mieux les dépasser.
Pour ce faire les études et les enquêtes sociologiques et marketing peuvent être précieuses pour permettre
de:
→ Analyser les comportements d’achat
→ Connaître ses publics cibles
→ Mesurer l’impact d’une campagne
Exemple : L’étude consommation de Max Havelaar France (Kantar, 2013)
Méthodologie : Questionnaires de terrain posés à deux catégories de consommateurs :
→ Les « abandonnistes »
→ Les « stables »
Questionnements :
→ Quels sont les freins et moteurs à l’acte d’achat équitable ?
→ Quelle évolution des comportements des consommateurs équitables?
→ Quels argumentaires sont décisifs ou porteurs pour ces consommateurs?
Principaux résultats de l’étude concernant les consommateurs de commerce équitable
Résoudre les dissonances cognitives :
→ Pensant le changement comme une dynamique
collective
→ Considérant le commerce équitable comme une
innovation sociétale
→ Observant et cultivant les mécanismes de diffusion qui dépassent l’acte d’achat
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 7
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
La diffusion des innovations sociétales
Présentation du modèle d’Everett Rogers :
Ce modèle permet de comprendre les mécanismes et freins de la diffusion sociétale du changement. Dans ce
modèle, l’innovation sociale se diffuse à travers les groupes d’individus suivants :
 Pionniers
 Premiers adoptants (leaders d’opinion)
 Majorité précoce (diffusion par affinité, mimétisme social)
 Majorité tardive (acte devenu normal, conformisme social)
 Retardataires + réfractaires
 La diffusion de l’innovation sociale s’effectue aux interfaces entre 2 sous-groupes qui se comprennent.
La communication sera donc différente pour chacun de ces groupes. Pour diffuser une innovation sociale, il
faut donc mobiliser des relais intermédiaires.
En tant que pionniers (à l’origine de l’innovation sociale), il faut accepter de perdre la propriété du message
et que cette innovation se transmette d’un groupe vers un autre en mobilisant ses propres motivations, ses
propres arguments.
 La question de l’appropriation collective du SENS : Le développement d’une innovation ne repose aucunement sur la qualité intrinsèque de l’invention, mais sur la qualité collective des acteurs à lui donner du sens et
usage Norbert Alter, sociologue
 La question de l’APPROPRIATION IDENTITAIRE : Une innovation sociale nécessite une transformation
identitaire plus importante qu’une innovation technique.
3 mécanismes distincts identifiés
 « Enrôlement » par adhésion à une dynamique d’action collective
 Appartenance à un groupe préexistant socialement attractif
 Et/ou différentiation et singularisation
Une des limites du commerce équitable réside dans la faible identification des consommateurs
équitables à un groupe spécifique (de « consommateurs équitables »).
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 8
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
Accompagner le changement
Des questions ou des constats préalables à tout accompagnement :
« Il faut du temps. Il faut accepter de ne pas réussir. Beaucoup d’humilité. Etre à l’écoute. »
« Il n’y a pas de règle toute faite »
« Avant d’accompagner, répondre aux questions essentielles pré-changement : Quels besoins ? Quelle nécessité ? Faut-il une prise conscience sur la situation actuelle avant tout changement ?
Accompagner le changement : quoi, comment, pourquoi ?
Comment être convaincant sans prêcher ? Comment respecter les idées et le rythme des autres?
Quelle raison existentielle me pousserait à changer ?
La valeur de l’exemple (= incarner ce changement), est-ce vraiment une solution efficace pour accompagner le changement ?
Comment créer un lien continu pour être présent aux cotés de la personne qui change son habitude ?
Comment quantifier le changement en cours ?
Des questionnements et avis sur les stratégies pour accompagner le changement (leur efficacité, leur
légitimité…)
 Accompagner le changement en :
→ Proposant des alternatives crédible
→ Privilégiant les situations d’apprentissage
→ Question associée : Quid de l’instruction civique ?
 Enjeux éthiques et questionnement liés à l’accompagnement du changement :
→ Des sanctions => pose la question de la perte de liberté
→ Des invitations ( ou incitations ?) => pose la question d’une forme de paternalisme économique »
→ Faut il vraiment accompagner le changement ? ( infantilisation)
 Comment dépasser l’étape 1 « se sentir concerné » ?
 Il existe différents stades de changement : quelles priorités ? A quel stade de changement est il le plus
efficace d’intervenir ? Comment accompagner efficacement un public divers (à différents stades du changement...) ?
 Pour accompagner le changement en « rassurant », peut-on évoquer la réversibilité des choix ?
 « Les comportements en matière de conso restent ambivalents. Ne pas culpabiliser ce qui est négatif, mais
valoriser ce qui se fait de positif. »
 Pour les populations dites « défavorisées », comment éviter d’associer surcoût et conso responsable ?
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 9
Synthèse Plénière : « Dynamique d’accompagnement du changement »
 Comment ne pas se sentir marginal, ne pas se sentir seul ? (bénéfice de l’effet d’entraînement d’un
groupe, plus facile, partager, témoignage des autres…) . Comment utiliser la mécanique de groupes ?
 Les meilleurs ambassadeurs du commerce équitable ne sont-ils pas les clients « lambda », en cours de
« conversion » ? Une fois le demande disponible, le problème n’est-il pas l’accessibilité de l’offre ?
 On doit impliquer les gens : « Changer, pourquoi faire ? Qu’est-ce qui ne va pas ? Qu’est-ce qui va
bien ? Quelles sont vos idées ? »
 Comment effectuer un mouvement « bottom-up » qui favorise le changement ?
Des questions sur la place de la communication dans l’accompagnement du changement
Education au gout, aux lieux de consommation classique, informations sur les alternatives
Mode de communication : budget ?
Communication et connaissance du sujet encore confidentielle
Comment faire pour que les consommateurs ne se cachent pas derrière le « prétexte » de « je ne sais
pas »
Comment définir la bonne adéquation entre le discours (forme/fond) et la cible ?
Valoriser les expériences, obtenir du soutien « exemplaire », raconter de « belles histoires »
« Expliquer ou mettre en évidence les « gains » potentiels. Communiquer sur ces informations »
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 10
QUELS OUTILS FINANCIERS POUR LE PREFINANCEMENT DES ACHATS DE COMMERCE
EQUITABLE ?
Atelier animé par Stéphane Comar, directeur financier de la coopérative
Ethiquable
Introduction : Les pratiques de préfinancement dans le commerce
équitable
Le Plan national d’action en faveur du commerce équitable encourage la mise en place d’outils de financement spécifiques (publics et/ou privés) pour faire face aux besoins de trésorerie spécifiques des importateurs
de commerce équitable dû au préfinancement des achats de produits et de matières premières.
Cet atelier a vocation à préparer un état des lieux des pratiques et des besoins en vue de la mise en place
officiel d’un groupe de travail dédié.
Présentation des participants et tour de table des pratiques de leurs structures
en matière de préfinancement
Tour de table des participants et présentation des
Stéphane Comar,
Directeur
de la coopérative
Ethiquable
: L’entreprise préfinance au
pratiques
de financier
leurs structures
en matière
de préfimoins 60% de ses achats.
nancement :
Georges d’Andlau, Plate-forme pour le Commerce Equitable
Gerald Godreuil, Directeur de la Fédération Artisans du Monde : Ce sujet est important pour les
acteurs de commerce équitable. Le préfinancement est un engagement important de la démarche
de commerce équitable et il est indispensable pour de nombreuses organisations de producteurs
ou d’artisans. Mais en même temps, il freine la quantité de produits qui peut être mise sur le marché
faute d’outil adéquat.
Sophie Mayard, Responsable alimentaire chez Solidar’Monde : Les pratiques de préfinancement
de Solidar’Monde dépendent de la nature des produits. Pour l’artisanat (environ 50% des commandes) le préfinancement est pratiqué. Pour l’alimentaire : 25% est commandé via EFTA sans préfinancement. Les 25% restant sont commandés avec un préfinancement de 50%. Il y a donc souvent un 4
à 5 mois de décalage de trésorerie. Pour certaines organisations de producteurs qui n’ont peu ou
pas accès à des financements locaux (ex : Satére Mawé en Amazonie brésilienne), le préfinancement
est de 100%, un an à l’avance.
Adélaïde de Causans, Responsable de partenariats microfinance Nord-Sud au COFIDES (Coopérative de financements) : La mission de Cofides est de faciliter l’accès aux financements et aux activités génératrices de revenus en Afrique de l’Ouest. L’organisation travaille avec
des IMF et les banques commerciales auxquelles COFIDES apporte des garanties au Cameroun, au
Mali, au Sénégal et en Côte d’Ivoire. Cofides s’intéresse particulièrement au commerce équitable et
au financement des coopératives agricoles.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 11
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Gérard Enault, Responsable marché entreprises participatives et éthiques au Crédit Coopératif : Le
Crédit Coopératif est partenaire de longue date du secteur. Le groupe est très attentif au développement
des marches bios et équitables, même s’il n’a, à ce jour, que peu ou pas de capacités à faire des financements au Sud.
Valerie Hauchart, Responsable des standards chez Max Havelaar France : Le préfinancement est un
des outils économique majeur du cahier des charges Fairtrade. Il faut que les outils qui seront mis en place
puissent être disponibles au plus grand nombre possible d’entreprises.
Sylvaine Lemayeur, Chercheuse CIRAD : Impliquée dans des recherches sur les impacts comparés des
différents modèles de production, d’organisation et de commercialisation. Les outils de préfinancements
sont un des facteurs de renforcement des capacités des OP.
Gaelle Balineau, Chercheuse et Présidente de FairNESS : Impliquée dans des travaux de recherche sur
les questions de soutien aux organisations de producteurs.
Marie Chauvin, Chargée de mission soutien aux PME de la Région Ile de France : S’intéresse aux spécificités des entreprises de CE, leurs besoins, leurs contraintes etc.
Jean Christophe Galland, Acheteur chez Malongo : L’entreprise achète 3500 tonnes de café équitable
labellisé Fairtrade par an. Malongo pratique le préfinancement, mais n’a pas suffisamment de fonds pour
répondre à toutes les sollicitations des OP. C’est également un problème pour l’entreprise d’endosser la
totalité du risque.
Jean-René Cuzon, membre du département de recherche à l’Agence Française de Développment :
L’AFD finance majoritairement des Etats. Mais elle développe également quelques outils de financement
des entreprises. L’AFD est également active sur le développement et le renforcement de filières de commerce équitable.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 12
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Exposé de Stéphane Comar sur le préfinancement
Les besoins de financements diffèrent en fonction des spécificités des filières (de 3
mois à 1 an sur les filières agricoles)
Par exemple sur la filière café, les producteurs ont un important besoin de financement s’effectue au moment
de la cueillette des cerises. C’est à cette période que le préfinancement doit être fait et au moins à hauteur de
60 % de sa commande. Le solde sera payé à l’embarquement de la commande contre document. Dans le cas
de la filière coton, les paysans ont besoin de financement pour acheter les intrants avant la mise en culture. Il y
a donc 4 ou 6 mois de préfinancement à accorder.
Pourquoi le préfinancement ?
Dans les pays du Sud l’infrastructure bancaire est souvent réduite et les OP agricoles ont très difficilement
accès aux institutions bancaires existantes, pour toutes sortes de raisons comme le manque de garantie, ou
encore le savoir-faire pour monter un dossier de crédit.
Dans ce contexte, les organisations de producteurs ont souvent recours à des commerçants pour financer leurs
récoltes. Ces derniers sont les seuls à pouvoir leur apporter de la trésorerie au moment où les OP en ont besoin. Mais cette asymétrie crée un rapport de force et dépendance en défaveur des OP qui favorise des pratiques de taux de crédit usuraire et une vente de leurs produits à des prix bas.
L’idée initiale du CE et l’un de ses principes forts est que le préfinancement des commandes par les entreprises
partenaires vient remplacer le recours des OP à ces commerçants proposants des taux usuraires.
Les besoins de préfinancement à mettre en œuvre vont dépendre des filières agricoles
concernées mais aussi des besoins spécifiques des organisations de producteurs : cela
représente des avances sur trésorerie allant de 3 mois à 1 an
Le préfinancement n’est pas à ce jour un critère obligatoire dans les cahiers des charges de Fairtrade International : « Les producteurs peuvent le demander » et les « entreprises peuvent y répondre ». Cela ne constitue
pas une obligation stricte. Mais cela reste un vrai levier d’autonomisation et de développement pour les OP.
Ce type de besoin financier (besoin en fond de roulement - BFR) n’est pas facile à garantir et peu de banques
propose des solutions adaptées.
Par ailleurs, le préfinancement met l’entreprise de commerce équitable dans une situation à la fois d’acheteur
et de banquier – ce qui n’est pas idéal.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 13
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Etude de cas : Les filières cacao d’Ethiquable
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 14
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 15
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 16
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 17
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 18
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Conséquences pour l’entreprise de commerce équitable
Pour le cacao, les récoltes se passent à différentes périodes de l’année selon la localisation
géographique des organisations de producteurs. Les flux financiers dépendent donc des dates de commande.
Les besoins de financement arrivent environ 1 à 2 mois avant la préparation des containers. C’est la somme de
ces décalages de trésorerie qui fait le besoin permanent à préfinancer.
Sur 3 mois de l’année, le préfinancement accordé par Ethiquable à ces organisations de producteurs
partenaires peut représenter jusqu’à 500 000 € pour la seule filière cacao (sur la base de 200 tonnes de
cacao importées). Les montants sont corrélés aux durées du préfinancement.
Quand une entreprise travaille sur plusieurs filières (thé, café etc.), le préfinancement qu’elle accorde aux OP
peut atteindre des montants considérables au regard des pratiques commerciales conventionnelles.
Discussion avec la salle
Valérie Hauchart, Max Havelaar France : Il faut préciser qu’il existe plusieurs types de préfinancement dans
les standards de commerce équitable : le paiement par avance, prêt à la coopérative, etc.
Sylvaine Lemailleur, CIRAD : Le coût du préfinancement est-il compris dans le prix de vente des produits
du CE ?
Stéphane Comar, Ethiquable : Il existe plusieurs cas de figure. On peut refacturer le préfinancement au producteur (il est alors intégré au prix d’achat). Dans tous les cas, le coût du préfinancement est intégré d’une
façon ou d’une autre par l’entreprise.
Gérard Enault, Crédit Coopératif : L’exemple de fonctionnement tri-partite avec l’OP, l’entreprise et la SIDI
est intéressant. Le Crédit Coopératif serait prêt à voir comment mettre en place ce type de fonctionnement.
Pouvez-vous nous en dire plus sur cet exemple ?
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 19
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Réponse de Stéphane Comar (Ethiquable) sur les fonctionnements tripartite : OP, entreprise de
commerce équitable et partenaire financier
Souvent Ethiquable fait le préfinancement en direct aux OP, notamment grâce au Crédit coopératif qui
est l’une des rares banques à financer du Besoin en Fond de Roulement (BFR) ( qui peut s’élever jusqu’à 4
millions parfois !)
Cependant, certains partenaires financiers travaillent directement avec les organisations de producteurs (la SIDI, Alterfin (Belgique), Responsability Impact Finance (Suisse), OÏKO Crédit, Shared interest, etc.). Ces organisations prêtent directement aux OP et nantissent les contrats d’achats. Les clients
s’engagent si l’OP est d’accord à rembourser directement les banquiers. Ce montage permet de d’éviter
que les entreprises du Nord aient à jouer un rôle à la fois de client et de banquier. Cela permet également
aux OP de renforcer leurs capacités de gestion en prenant la responsabilité directe des crédits.
Les taux d’intérêt sont intermédiaires entre les taux pratiqués au Sud et ceux pratiqués au Nord. Ils
sont un peu plus élevés que ce qu’Ethiquable pourrait trouver directement sur le marché français. Les plus
chers sont autour de 12% et les moins chers autour de 9%. Les seules garanties exigées sont le contrat
d’achat. Généralement on explique que le taux d’intérêt correspond au coût de l’argent + la prime de risque. C’est donc crucial pour les OP d’avoir accès à une garantie d’achat via le contrat de commerce équitable afin de faire baisser l’estimation du risque.
Il n’existe pas suffisamment de partenaires financiers avec lesquels mettre en place ce type de collaboration tripartite sur le terrain. De nombreuses filières de commerce équitable ne sont pas couvertes
par le champ d’intervention des partenaires existants. Il y a donc un enjeu à développer ce modèle avec
d’autres partenaires financiers, ou à renforcer l’accès aux financements des partenaires existants pour
qu’ils puissent étendre leur rayon d’action géographique.
Risque de change : Quand les entreprises ou les OP empruntent dans une devise pour acheter des produits, mais que la recette de la vente se fait dans une autre devise , il y a une possibilité de variation des
taux de change entre les deux opérations. Au Nord, il existe des outils de couverture de change qui existent rarement au Sud. Les producteurs ne peuvent pas se couvrir contre le risque de change. Il conviendrait de voir s’il y a un besoin et assurer les producteurs contre le risque de change à leur niveau.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 20
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Suite de la discussion avec la salle
Jean Christophe Galland, Malongo : Malongo est confronté également à ces enjeux. Sur la filière
Mexicaine, les préfinancements démarrent en novembre, et les arrivages se font de janvier à juillet.
Vers avril-mai il y a beaucoup d’argent dehors. La gestion du risque est complexe car Malongo n’a
pas de garantie en cas de défaillance d’une commande. Les producteurs jonglent avec le préfinancement, et les institutions locales. Au Mexique il y en a quelques unes. Ce n’est pas le cas partout. Les
taux d’intérêt sont autours de 7 ou 8% et les prêts sont en pesos. C’est le « Roots capital ». Au Laos,
nous avons des commandes de 40 containers. Nous travaillons avec Alterfin et une banque FrancoLaos. Comme pour les partenaires d’Ethiquable, les coopératives ont un accès facilité au crédit en
mettant en garantie les contrats d’achat avec Malongo. Cela évite à Malongo des décaissements trop
importants et le risque est assumé par ces institutions financières.
Carole Tawema, Karethic : Pour Karethic, nous avions au début de notre activité accès au crédit
bancaire directement au bénin à un taux d’intérêt de 12%. Maintenant, c’est un acteur privé qui a les
reins assez solides qui nous fait les avances de trésorerie. Les risques sont peu élevés et le coût du
taux d’intérêt est intégré dans le prix de vente.
Camille Duaz, Guayapi : Nous avons les mêmes problématiques. Pour la filière du Brésil, il faut
payer 1 an à l’avance. Les banques nous accordent difficilement les financements car elles ne comprennent pas l’importance de nos besoins de trésorerie.
Stéphane Comar, Ethiquable : Quand les prix sont hauts, cela fragilise les coopératives qui ont du
mal à préfinancer les commandes aux producteurs. Elles n’ont pas toujours les capacités de trésorerie
et de financement pour résister à la concurrence des commerçants.
Jean Christophe Galland, Malongo : Dans nos contrats, le prix final d’achat n’est pas fixé. C’est donc
le prix minimum garanti qui est utilisé comme base du préfinancement. Mais quand les cours sont
élevés, ce n’est pas suffisant.
Gaelle Balineau, FairNESS : Une coopérative peut faire défaut car les producteurs ont vendu à la
concurrence ?
Jean Christophe Galland, Malongo : Ca peut arriver. Sil y a des problèmes de ce type, on accompagne la coopérative. Il arrive qu’on reporte le contrat sur l’année suivante.
Carole Tawema, Karethic : Quid du financement participatif ? Cela permettrait d’intégrer le
consommateur final dans le financement du commerce équitable ? Il existe plusieurs plateforme,
comme blubizz ? Nous avons une page Facebook qu’on redirige vers une plateforme de crowdfunding. Nous sommes financés en partie par un fond d’investissement. La garantie est apportée par
« Pur Projet » et les particuliers financent le reste !
Gérard Enault, Crédit Coopératif : Nous sommes en veille active sur la finance participative. Cela
peut apporter des solutions innovantes de co-financement. Mais est-ce pertinent pour tout type de
projet ?
Adélaïde de Causans, COFIDES : Il me semble important de mentionner que le financement participatif a des limites. Il faut apporter des garanties aux internautes.
En tant que fond de garantie, nous nous appuyons sur des institutions financières locales car il est
important de cultiver le lien de proximité. Cela permet de créer de la confiance et de l’expertise notamment sur l’identification des risques. Cela me paraît plus durable que le financement participatif.
Stéphane Comar, Ethiquable : Oui, le financement participatif a des limites, mais il est intéressant
de le garder à l’esprit car c’est intéressant en effet de faire participer les consommateurs-citoyens au
développement des filières de commerce équitable. Il faut rester en veille sur les évolutions règlementaires à ce sujet.
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 21
Synthèse Atelier 1 « Préfinancement »
Conclusions et perspectives
Tour de table de réaction des participants
Comment favoriser le développement du commerce équitable en apportant des outils de préfiancement
des transactions équitables ? Comment éviter la concentration des risques sur certain acteurs et favoriser
l’émergence d’acteurs institutionnels qui financent les transactions commerciales équitables?
Georges d’Andlau :
Réflexion autour de 4 termes :
> L’accès aux financements du préfinancement des entreprises du Nord et des organisations de producteurs du
Sud
>Les outils pour diminuer les risques physiques
>Les outils de risques de change
Jean-René Cuzon, AFD : C’est intéressant de voir qu’il y a déjà des choses. Il faudrait compléter cet état des
lieux. L’AFD est intéressée pour creuser ce sujet. C’est aussi en s’appuyant sur l’existant qu’on peut réfléchir aux
conditions du changement d’échelle. Quels sont les avantages et les limites? Comment trouver une solution
française ?
Jean Christophe Galland, Malongo : Nous serons contents de participer au groupe de travail pour élaborer de
nouvelles solutions.
Marie Chauvin, Chargée de mission soutien aux PME de la Région Ile de France : Il serait intéressant de solliciter la participation de France Active qui a une expérience et une expertise dans les garanties pour les structures de l’ESS.
Gaelle Balineau et Sylvaine Lemayeur, chercheuses : Les chercheurs sont intéressés à poursuivre la réflexion
sur ce sujet.
Gérard Enault, Crédit Coopératif : Nous souhaitons nous investir dans la suite de ces travaux. Il y a une problématique d’identification du volume des besoins afin d’identifier le type de solution à mettre en place et ne pas
partir sur des fausses pistes. Les prochaines réunions doivent pouvoir fournir des premières estimations chiffrées. Par ailleurs, le préfinancement « pollue » les relations entre les entreprises de commerce équitable et leurs
banquiers, mais le vrai besoin est effectivement dans les pays du Sud. Le Crédit Coopératif a tissé des liens avec
des réseaux amis et voudrait faire intervenir son département international pour mobiliser les partenaires pertinents.
Adélaïde de Causans, COFIDES :
Nous sommes prêts à participer aux prochaines étapes.
Solidar’Monde et Artisans du Monde : On se sent moins seuls face à nos problèmes ! Nous sommes prêts à
participer à ce groupe de travail.
Georges d’Andlau : Il faudrait également explorer l’organisation institutionnelle, pour faire face au risque de
change et au risque de garantie?
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 22
ATELIER 2 : EXPLORER LES EXTERNALITES DES
ENTREPRISES : UN ETAT DES LIEUX
Atelier animé Christophe Alliot et Sylvain Ly du cabinet Basic
Présentation de l’atelier
Les entreprises créent de la valeur ajoutée et des emplois directs. Au-delà de cette perception majoritaire, elles ont
également des impacts sociétaux importants sur leur environnement et sur leurs parties prenantes (employés,
fournisseurs, clients…), qui ne sont pris en compte dans la valorisation économique et financière de leurs activités.
Il s'agit – entre autres – des externalités positives ou négatives.
Dans le cadre de l’évaluation extra-financière, de la RSE et des référentiels publics ou privés qui y sont liés (article
225 du Grenelle 2, GRI, ISO 26 000, IIRC...), les entreprises sont de plus en plus incitées à intégrer ces externalités
dans leurs réflexions stratégiques, voire dans leur bilan économique, afin de prendre la mesure de leur impact
global sur la société, et de l’améliorer s’il y a lieu.
Cette tendance en vogue dans le monde économique et financier est porteuse d’enjeux, de controverses, de risques mais aussi d’opportunités pour le commerce équitable. Le but de cet atelier était d’initier un premier temps
d’échange et d’appropriation sur ce sujet.
Objectifs de la mesure des externalités = Mesurer, avec l’approche la plus objective possible, les impacts sociaux et environnementaux liés à l’activité d’une entreprise, puis mettre ces informations à disposition du plus
grand nombre pour accompagner les citoyens dans leurs choix de consommation
Développement durable et RSE dans les entreprises : des concepts aux
normes
Des premières initiatives médiatisées de mesures des externalités en France ont vu le jour depuis
2012, avec des objectifs divers…
Ces initiatives avaient différentes finalités : démontrer la rentabilité d’une activité auprès des investisseurs
(VEOLIA, McKinsey pour Ashoka) ou améliorer l’image d’une entreprise (Puma).
 VEOLIA : Calcul des externalités des services d'eau potable et d'assainissement (coûts d’entretien des stations d'épuration et réseaux d'eau). Résultats : externalités positives entre 2 et 45 fois supérieures aux coûts
opérationnels  Conclut que l’effet positif sur l'environnement compense les investissements financiers. Ces conclusions révèlent l’objectif de l’étude, qui était de trouver des arguments commerciaux
pour démontrer l'utilité des investissements liés aux services d’eau potable et d’assainissement.
 McKinsey pour Ashoka : Etude d'impact de l'entrepreneuriat social. Question sous-jacente : Quel retour
sur investissements des sociétés privés du recours à la sous-traitance des entreprises de l'IAE ? Résultats :
l’insertion par l'activité économique permet de générer un bénéfice de 50 millions d'euros
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 23
Synthèse Atelier 2 « Explorer les externalités des entreprises »
Puma : Etude de l’impact environnemental de l’entreprise en comparant 2 chaussures : 1 chaussure
classique et 1 chaussure « écologique »
Résultats : les externalités négatives totales représentent 137 M €, dont seulement 8M € seraient
directement imputables à Puma
 Conclut à la responsabilité des fournisseurs dans la génération d’impacts environnementaux et à la responsabilité limitée de Puma. Cette conclusion nie le lien de cause à effet de la relation donneur d’ordre/fournisseur.
Contexte : L’essor du développement durable et de la RSE
Le concept de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE, ou des Organisations, RSO) a émergé dans les années 1970 et se développe depuis. Son essor a rejoint celui du développement durable.
La RSE a fait l’objet de plusieurs tentatives de définition :
Au niveau européen, ses grands principes sont énoncés par l’OCDE (Principes Directeurs pour les entreprises
multinationales, 1976, révisés en 2011), puis par l’Union européenne (Promouvoir un cadre européen pour la
RSE, 2001), qui définit les notions d’externalités et d’impacts sociaux et environnementaux.
Au niveau international, l’ONU définit en 2000 les 10 principes du Global Compact (ou Pacte Mondial), un
cadre d’engagement volontaire par lequel des entreprises, associations ou ONG sont invitées à respecter 10
principes universellement acceptés touchant les droits de l’homme, les normes du travail, l’environnement et la lutte contre la corruption. Le Global Compact comptait 10660 adhérents fin 2012, dont 7071 entreprises, et 700 membres en France. Cette norme internationale constitue une initiation au reporting extrafinancier. Ces travaux ont évolué pour aboutir en 2011 à l’adoption des Principes directeurs des Nations
unies sur les droits de l’Homme et les Entreprises.
En France, il existe depuis 2001 une législation demandant aux grandes entreprises de présenter des rapports
extra-financiers dans les domaines social, environnemental et de la gouvernance. La loi « Grenelle II » (2010,
art. 225) demande aux entreprises de fournir des détails dans leurs rapports annuels « sur la façon dont elles
prennent en compte les conséquences sociales et environnementales de [leur] activité et [leurs] engagements
sociaux en faveur du développement durable. » L’objectif de cette législation est de mettre en place un dispositif juridique encadrant et promouvant la transparence sociale et environnementale des entreprises.
Il s’applique également aux collectivités et aux établissements publics.
Partant de ces grands principes, le concept de RSE est progressivement décliné en principes concrets et
en indicateurs mesurables dans le cadre d’un reporting extra-financier.
COMPTE RENDU JAV 2013  p.24
Synthèse Atelier 2 « Explorer les externalités des entreprises »
La déclinaison des principes de RSE en indicateurs et la mesure de l’impact
par le reporting extra-financier
Pour répondre aux exigences accrues dans la législation sur le reporting extra-financier, les premières initiatives de normalisation et de mesure d’impact émergent dès la fin des années 1990 et développent des indicateurs sociaux et environnementaux pour mesurer l’impact de l’activité des entreprises :
 L’Organisation Internationale de Normalisation (ISO) a élaboré les Lignes directrices relatives à la responsabilité sociétale, appelées ISO 26 000, entre 2005 et 2010. Elles ont pour objectif de définir un concept
de responsabilité sociétale applicable à tout type d’organisation (entreprises, collectivités territoriales, associations…), quelle que soit sa taille ou sa localisation. ISO 26000 définit la responsabilité sociétale comme la
« responsabilité d’une organisation vis-à-vis des impacts de ses décisions et activités sur la société et sur l’environnement […
Cette responsabilité concerne 7 « questions centrales » :
 la gouvernance de l’organisation
 les droits de l’Homme
 les conditions et relations de travail
 l’environnement
 les bonnes pratiques des affaires (y compris la lutte contre la corruption)
 les questions relatives aux consommateurs
 l’engagement sociétal
Cela marque une évolution importante par rapport à la conception « volontariste » de la RSE en vigueur jusqu’alors : l’ISO 26 000 affirme que les entreprises doivent prendre leur part dans le développement durable de la planète en respectant les textes internationaux universellement reconnus. Cependant, ISO
26000 n’est pas une norme car elle n’est pas certifiable.
 La GRI (Global Reporting Initiative), issue de la concertation de multinationales, décline la RSE en indicateurs et propose un référentiel qui permet de mesurer l'avancement des programmes de développement durable des entreprises. A ce jour, la GRI a permis essentiellement de définir des indicateurs mais n’exige pas
un niveau de performance sur ceux-ci.
Néanmoins, les reporting et rapport RSE varient d’une entreprise à l’autre et ne se basent pas sur les
mêmes unités de mesure, rendant la comparaison (dans le temps et d’une entreprise à l’autre) difficile,
voire impossible.
La monétarisation, ou mesure financière des impacts liés à l’activité d’une entreprise, constitue une réponse à ce problème. Le langage monétaire sert alors de « langage universel », permettant d’harmoniser les mesures de l’impact et de comparer les entreprises entre elles.
Ce type de reporting est développé par les agences de notation financière, les agences environnementales les
cabinets d’audit.
La GRI, fusionnée avec de grands cabinets d’audit et d’expertise des comptes, a ainsi donné naissance à l’IIRC
(International Integrated Reporting Council) en 2010, avec pour objectif d’établir une mesure financière des
impacts sociaux et environnementaux des entreprises. D’autres initiatives se développent, portées par le PNUE
(Programme des Nations Unies pour l’Environnement, à l’initiative notamment de la GRI), par des agences environnementales ou des ONG (WWF…)
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 25
Synthèse Atelier 2 « Explorer les externalités des entreprises »
Les enjeux de la monétarisation des impacts
 Le langage monétaire sert de « langage universel »
Les reporting et rapports RSE varient d’une entreprise à l’autre et ne se basent pas toutes sur les mêmes unités de mesure, rendant la comparaison (d’une entreprise à l’autre et dans le temps) difficile, voire impossible.La monétarisation, ou mesure financière des impacts liés à l’activité d’une entreprise, constitue une réponse à ce problème : le langage monétaire, servant de « langage universel » permet alors d’harmoniser les
mesures de l’impact et de comparer les entreprises entre elles.
 Qui doit effectuer ce travail de monétarisation ?
Plusieurs modes de valorisation des donnes extra-financières de développement (…) Les calculs peuvent être
réalisés par les entreprises elles-mêmes, ou bien par des chercheurs, par les pouvoirs publics, ou encore par
des ONG.Faire du calcul des externalités une démarche portée par la société civile présente un intérêt réel :
celui de mettre à disposition les résultats des études pour les exploiter, notamment en les communiquant au
grand public.
Pour aller plus loin…
 Deux courants de pensée économique irriguent la réflexion sur les impacts sociaux et environnementaux
des entreprises à travers deux concepts :
- Le concept d’externalité (Pigou, 1932) = coûts (externalité négative) ou bénéfices induit par un agent économique pour un agent qui n'est pas impliqué dans la relation commerciale. Solution proposée dans ce modèle : réintégrer les externalités dans les prix du marché.
- Le concept de coûts sociétaux (Kapp, 1951) = toutes les pertes directes ou indirectes supportées par des
tierces personnes ou le public en général résultant de l'activité d'une entreprise. Solution proposée dans ce
modèle : définir des contraintes ou limites au marché.
 Ces deux concepts conduisent à deux méthodes de monétarisation, qui peuvent s’articuler ou non.
- La valorisation par le marché = estimation du consentement à payer (ecotaxe…)
- Le calcul des coûts économiques = calcul des coûts cachés, c’est-à-dire non pris en charge ou mutualisés.
 Les tenants des externalités font appel indifféremment aux 2 méthodes ; les tenants des coûts sociétaux
rejettent la valorisation par le marché
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 26
Synthèse Atelier 2 « Explorer les externalités des entreprises »
Exemple d’application : le cas de la filière cacao
Etape 1 : L’analyse de la filière
Objectif : Mettre en lumière les dynamiques d’acteurs et leurs impacts économiques. Cette étape permet d’identifier les rapports de force existant entre les acteurs, de mettre en avant les inégalités de pouvoirs existant tout au long de la filière et d’évaluer les impacts de celles-ci.
Etape 2 : L’analyse des impacts
Objectif : Montrer les conséquences et leurs interactions par une étude combinée des effets sociaux et environnementaux. Cette étape met en lumière les impacts sociaux et environnementaux combinés issus des interactions entre acteurs tout au long de la filière.
Situation actuelle sur la filière cacao :
90% de la production mondiale de cacao est faite par 5,5 millions de petits exploitants.
44% des revenus de la population de Côte d’Ivoire et 29% au Ghana dépendent du cacao.
 La libéralisation du marché, les crises du cacao de 1990 à 2002 et le (très) faible pouvoir de négociation des
petits producteurs ont plusieurs conséquences :
→ les cultivateurs d’Afrique occidentale perçoivent des revenus moyens < à 2$ / jour / personne
→ 284 000 enfants sont en situation de travail forcé dans la production de cacao en Afrique de l'Ouest, dont
200 000 en Côte d'Ivoire
→ l’extension du cacao à haut rendement, cultivé en monoculture avec des produits agrochimiques au détriment des variétés traditionnelles
 Les mauvaises pratiques agricoles, entretenues par le manque d’appui technique, d’accès aux financements
et d’accès aux équipements ont plusieurs conséquences :
→ l’érosion, le vieillissement des plantations et une productivité décroissante
→ la perte de 8 millions d'hectares de forêt tropicale
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 27
Synthèse Atelier 2 « Explorer les externalités des entreprises »
Etape 3 : La quantification des impacts
Objectifs : Evaluer les dommages et les coûts associés & évaluer la part attribuable des dommages
 Pertes individuelles pour les producteurs et la société = différence entre le seuil de vie durable*
(associé aux coûts de production durables) et le revenu réel moyen des producteurs (associé aux prix moyens
qu’ils obtiennent).
Résultat : ordre de grandeur mondial = entre 1 et 1,3 Mds US$ /an sur la période 1989-1998 (source : BASIC)
*Remarque : la notion de « seuil de vie durable » est proche de celle de prix juste dans les systèmes du
commerce équitable
 Travail des enfants : coût des politiques publiques de lutte contre le travail des enfants & pertes à long terme qui découlent du non-accès des enfants à l’éducation.
Résultat : ordre de grandeur en Afrique sub-saharienne = 35 Mds US$ /an (sur une période de 20 ans) (source :
OIT)
 Déforestation : coût du changement climatique à long terme lié à la déforestation.
Résultat : ordre de grandeur pour le cacao = 15 Mds US$ /an depuis les années 90 (sources : FAO et Cambridge, Rapport Eliasch)
Une limite : la difficulté à évaluer les impacts sociaux.
Etape 4 : L’utilisation des résultats
Les résultats de tels travaux peuvent être exploités pour différents objectifs :
Suivi interne des impacts et des coûts sociétaux dans la durée pour les minimiser
Comparaison des acteurs par secteur (par ex : le rapport entre coûts sociétaux et création de richesse/
bénéfices).
Mise au point d’une comptabilité alternative (ex. : comptabilité environnementale) pour éviter les dommaGes (cf. méthode CARE développée par Jacques Richard) : manière de quantifier la dette écologique ou
environnementale
Pour les groupes d’assurance internationaux : répercussion des coûts sur les polices d’assurance
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 28
Synthèse Atelier 2 « Explorer les externalités des entreprises »
Quelles opportunités pour le commerce équitable ?
Chiffrer les apports du commerce équitable en termes d’impacts sociaux et environnementaux
Exemple : étude sur la filière lait  la production de montagne relocalisée produits 3 fois moins d'impact négatifs
que la filière conventionnelle
Utiliser la notion de coût global
Au-delà du prix d’un produit, certains coûts cachés sont invisibles pour le consommateur. Il s’agir de comprendre et faire comprendre comment l’activité d’une entreprise impacte, en particulier, la planète et les dépenses
publiques.
Echanges
Quels sont les principaux impacts (principales externalités) positifs de vos démarches de commerce
équitable ? Quels sont selon vous les avantages comparatifs du CE par rapport aux externalités positives
que les grands groupes mettent en avant dans leurs démarches RSE ?
 Impacts économiques et sociaux positifs
 Emploi agricole
 Durabilité des systèmes de production, protection des forêts…
 Impacts organisationnels
 Lutte contre les changements climatiques
 Lutte contre l’exode rural et les migrations pour raisons économiques ou climatiques
Evite le passage de cultures licites à des cultures illicites
Quels sont ceux qui pourraient être (mieux) valorisés ?
Approche filière et différences entre les filières
Démonstration du lien entre CE et modèles d'emploi inclusifs, durables par rapport au modèle industriel
Quels sont les principaux impacts négatifs qui restent à atténuer ?
Transport et émissions de gaz à effet de serre
Présentation du cabinet BASIC (Bureau d’Analyse Sociétale pour une Information Citoyenne)
« Malgré l’essor du développement durable et d’une multitude d’outils destinés à sa mise en œuvre dans les sphères publiques ou privées, les solutions ne sont pas encore à la hauteur des enjeux économiques, écologiques et sociaux : la dégradation environnementale s’accélère en même temps que la précarisation des conditions de travail. L’aggravation de l’endettement public et privé questionne chaque jour davantage notre modèle économique. Dans ce contexte, nous pensons qu’un
levier de changement réside dans une meilleure information sur les impacts sociétaux des acteurs économiques privés et
publics, pour informer les citoyens et citoyennes, nourrir le débat public et les décisions politiques. C’est pourquoi nous avons
créé BASIC, le Bureau d’Analyse Sociétale pour une information citoyenne.
Basic entend rendre accessible au plus grand nombre des études qui permettent :
> d’appréhender les principaux enjeux socio-environnementaux d’un secteur d’activité, d’une entreprise, d’un territoire, d’un
investissement
> de prendre la mesure des impacts avérés ou potentiels liés à ces enjeux
> des comparaisons (entreprises, secteurs, investissements…) à l’aune de leurs impacts
> de questionner in fine l’efficacité des pratiques et politiques de développement durable
En donnant les moyens d’apprécier les coûts nécessaires à la création de richesse économique, nous contribuons à un meilleur rationnel de choix économiques individuels ou collectifs (achats, investissements, orientation professionnelle…). »
Contacts :
Christophe Alliot – [email protected] – 06 61 64 24 49
Sylvain Ly – [email protected] – 06 23 36 10 96
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 29
Annexes
LISTE DES PARTICIPANTS (par ordre alphabétique)
Nom
Prénom
Organisation
Adresse e-mail
BUOT
Julien
ATES
[email protected]
BALINEAU
Gaëlle
Fairness
[email protected]
BAY
Patricia
AFD
[email protected]
BEN JEBARA
Driss
FAIR[e] un monde équitable
[email protected]
BENTZ
BLANCHARD
Anne
Marc
ACESA
Max Havelaar France
[email protected]
[email protected]
BOUTROU
BRUNAUD
Jean-Jacques
Gérard
AVSF
ObsAR
[email protected]
[email protected]
BULJAT
Stefan
Bastina
[email protected]
CABRERA
Olivier
Max Havelaar France
[email protected]
CHAUVIN
Marie
Région Île-de-France
[email protected]
COIFFE
Alexandra
ALTHEANE
[email protected]
COMAR
Stéphane
ETHIQUABLE
[email protected]
COUBARD
Céline
Région Île-de-France
[email protected]
CUZON
DAMIGUET
Jean-René
Christine
AFD
[email protected]
Ministère des Affaires Sociales [email protected]
D'ANDLAU
Georges
PFCE
DE CAUSANS
DE MAN
DEPRINCE
DUBREUIL
Adélaïde
Danielle
Aline
Estelle
Cofides Nord-Sud
Max Havelaar France
of-FEEE
FAIRe une monde équitable
DUEZ
Camille
Guayapi
DUFUMIER
Marc
PFCE
EBERHART
ENAULT
FAYOLLE
Christophe
Gérard
Sarah
Ethiquable
CREDIT COOPERATIF
CCFD-Terre Solidaire
[email protected]
[email protected]
[email protected]
FORCELLA
Enrica
Solidar'Monde
[email protected]
FRANCOIS
Martine
GRET
[email protected]
APOLLIN
Frédéric
AVSF
[email protected]
GALLAND
Jean-Christophe
MALONGO
[email protected]
GALLICE
Romain
Groupe Chèque Déjeuner
rgallice@chequedéjeuner.fr
GARNIER
GODREUIL
Eric
Gérald
Alter Eco
Fédération ADM
[email protected]
[email protected]
GUENARD
GUINOT
HAMADOUCHE
HAUCHART
Charlotte
Hélène
IEDES-Univ Paris 1
Ligue de l'enseignement
[email protected]
[email protected]
LArbi
Valérie
Artisanat SEL
Max Havelaar France
[email protected]
[email protected]
JALOUSTRE
Mélanie
Guayapi
[email protected]
JAMMET
Marie-Paule
Fédération Artisans du Monde [email protected]
LABARRE
Marie
ALTHEANE
[email protected]
LABI
Hajar
université paris est
[email protected]
LANOS
Vincent
SAGECO
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
[email protected]
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 30
Annexes
LEFEBVRE
Laurent
ECOCERT
[email protected]
LEMEILLEUR
LESAY
Sylvaine
Martial
CIRAD
Max Havelaar France
[email protected]
[email protected]
MONTIER
Patrick
Ecocompare
[email protected]
PALMA TORRES Arturo
PHIN
Catherine
CRIDA
Alter Eco
[email protected]
[email protected]
PROUTEAU
RAVEL
REYNAUD
Colette
Claudie
Didier
FAIRe une monde équitable
Guyapi
Ekitinfo
[email protected]
[email protected]
[email protected]
TAWEMA
Carole
TERRETHIC-KARETHIC
TESSE
Sarah
Ministère de l'ecologie
[email protected]
[email protected]
TURQUAIS
Yves
ARTISANAT SEL
[email protected]
VALLEUR
Romain
AVSF
[email protected]
VIARDOT
Marlène
Ekitinfo
[email protected]
WOLF
Valentin
Guyapi
[email protected]
COMPTE RENDU JAV 2013  p. 31

Documentos relacionados