La circulation des programmes télévisés par les réseaux

Transcrição

La circulation des programmes télévisés par les réseaux
La circulation des programmes télévisés par les réseaux Bittorrent :
genèse, structuration et usages
Aurélien Le Foulgoc
Université Paris 2, IFP, France
Après la musique et les films, la distribution des programmes télévisés devient
aujourd’hui une question sensible. Que l’on parle de télévision sur mobile, de vidéo à la
demande ou de magnétoscope numérique, de nombreux procédés influent aujourd’hui sur
notre rapport à la télévision. Si le cinéma offre depuis bien longtemps différents modes de
consommation, ce n’était pas le cas il y a encore peu pour la télévision. Certes, depuis le
début des années 80, la possibilité d’enregistrer un programme afin de le visualiser
ultérieurement existe par l’intermédiaire du magnétoscope. Le contournement de la grille de
programmation n’est donc pas récent. Mais ce contournement de l’usage reste relatif et sans
commune mesure avec les nouveaux modes de consommation légaux ou illégaux qui
fleurissent sur Internet. J’ai pris le parti de focaliser cette étude sur les échanges de fichiers
vidéo entre consommateurs. Je ne vais donc pas pleinement traiter de l’appropriation du
phénomène, par exemple par les studios Warner et la chaîne ABC aux Etats-Unis, ou par la
BBC en Angleterre1.
Concernant ce phénomène, il est difficile de parler d’une seule circulation : plusieurs
types de flux s’agencent et chacun induit des pratiques qui lui sont propres. Du simple loisir
au militantisme en passant par l’événementiel, différents flux de programmes coexistent,
induisant différents types de sites et différentes organisations du contenu télévisuel. Mais une
grande diversité de flux est-elle génératrice d’une diversité de contenus ? Quels programmes
de quels pays circulent sur le réseau Bittorrent2 et à destination de qui ? Répondre à ces
premières questions me permettra d’identifier les contenus et de savoir ce que les utilisateurs
du protocole Bittorrent consomment sur ces réseaux d’échanges.
Mais avant cela, il est nécessaire d’évoquer la genèse du protocole Bittorrent et de la
circulation des programmes télévisés. Pourquoi s’intéresser à Bittorrent, alors que Kazaa,
Gnutella, Emule, Edonkey et bien d’autres protocoles préexistent ? Il faut interroger les
spécificités de ce protocole, celles qui le rendent attractif pour l’échange de programmes
télévisés. Nous verrons pourquoi la rencontre entre les usages permis par ce réseau
1
Les studios Warner ont signé un accord en août 2006 en vue de la distribution payante de films grâce au
protocole Bittorrent (« La Warner va être le premier studio à vendre ses films en P2P », in Le Monde, 11 mai
2006). La BBC expérimente depuis bientôt un an un lecteur multimédia appelé BBC IMP, qui permet aux
internautes anglais d’accéder à une base de donnée de programmes récemment diffusés par la chaîne
(http://www.bbc.co.uk/imp/).
2
Il s’agit d’un des protocoles peer to peer les plus dynamiques.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
1
Septembre 2006
d’échanges et les usages liés à la télévision a été particulièrement performante. Mais en
amont, trois étapes ont permis l’essor de l’échange de fichiers de programmes télévisés : la
numérisation, l’accès et la distribution. C’est sur ce triptyque que repose le phénomène étudié.
Ces trois éléments constituent une partie de l’explication de la structuration des réseaux
Bittorrent, ainsi que de la provenance des programmes télévisés échangés.
Je souhaite ensuite présenter différents types de pratiques de publications de fichiers
vidéo. Chacune correspond à un rapport au contenu télévisuel sur le réseau.
Il est aussi nécessaire d’ébaucher une cartographie du réseau, afin d’en identifier les
contenus (provenance et nature) ainsi que les consommateurs (nationalités). Cette approche
plus quantitative vise à démontrer et à expliciter l’organisation et la structuration de sphères
d’influences. Sommes-nous confrontés à une véritable circulation mondiale des programmes,
ou s’agit-il principalement d’une circulation interne à chaque espace télévisuel ? Ce réseau
ouvre-t-il des horizons télévisuels, ou se contente-t-il de renforcer des pratiques préexistantes
dans les espaces télévisuels nationaux ? Toutes ces questions renvoient aux pratiques des
téléspectateurs : je cherche ici à savoir s’il y a une continuité des pratiques télévisuelles ou
l’émergence de nouvelles pratiques de consommation3.
Il est enfin essentiel de démontrer qu’au-delà de pratiques de consommation qui
appartiennent à un nombre réduit d’utilisateurs4 en regard des audiences télévisuelles, ce
phénomène influe sur les pratiques professionnelles de certains acteurs, et par conséquent sur
le système télévisuel français. Ces nouvelles pratiques se propagent dans un premier temps
sous la forme d’une consommation de programmes, mais chez un nombre réduit
d’utilisateurs, et dans un deuxième temps de manière beaucoup plus diffuse, en remodelant
les préoccupations ainsi que le travail de certains acteurs médiatiques, leaders d’influence.
1.
Bittorrent et télévision, la rencontre entre trois facteurs : numérisation,
accès, distribution
Des séries télévisées en passant par les talk-shows à la mode, les documentaires voire les
dessins animés, une nouvelle économie de l'échange permet un accès à un contenu télévisuel
mondialisé. Mais cette économie repose sur trois facteurs essentiels sans lesquels elle ne se
serait pas développée. Chacun de ces éléments participe à la construction du phénomène et en
est une des clés. Bien qu’ils soient indépendants du versant commercial de la circulation
mondiale des programmes télévisés, ces trois facteurs sont susceptibles de favoriser la
pression culturelle anglo-saxonne sur le reste du monde. La prééminence anglo-saxonne en
matière de numérisation des programmes télévisés, de qualité d’accès au réseau Internet et de
développement d’outils logiciels d’échanges, constitue un élément décisif concernant le
phénomène étudié.
3
Il est important de savoir si ce réseau impose par exemple un renforcement de la pression des programmes
anglo-saxons sur les téléspectateurs du monde entier, ou bien s’il propose une ouverture sur une sélection de
programmes du monde entier.
4
Il faut maîtriser l’outil informatique, bénéficier d’une connexion Internet à haut débit, installer un programme
spécifique et se rendre sur des sites dédiés. Tous ces obstacles font que cet usage est réservé à des utilisateurs
motivés possédant une connaissance minimale de l’informatique. La pression législative importante a aussi
certainement tendance à freiner l’enthousiasme et la témérité d’une partie des utilisateurs les moins chevronnés.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
2
Septembre 2006
1.1. La numérisation des programmes télévisés
Si la rencontre entre le numérique et la télévision est depuis longtemps une réalité pour
les professionnels des médias, elle l’est beaucoup moins pour le grand public. La grande
majorité des téléspectateurs reçoit un signal analogique. Certes, l’arrivée récente de la
télévision numérique terrestre marque un rapprochement avec l’informatique, mais
l’utilisateur moyen bénéficie aujourd’hui au mieux d’un décodeur5. De plus, même si
aujourd’hui, un grand nombre de constructeurs proposent des terminaux contenant un disque
dur, ils sont très peu à autoriser le partage des programmes numérisés avec un ordinateur.
C’est aux Etats-Unis, en août 1997, que le premier service d’enregistrement numérique
de la télévision a vu le jour sous l’appellation commerciale TIVO. Il s’agit du premier
terminal d’enregistrement commercial qui numérise le signal, qui retire les coupures
publicitaires des programmes et qui permet la copie des émissions sur un ordinateur6. Ce
service par abonnement compte plus de 4 millions d’abonnés aux Etats-Unis. Il est
aujourd’hui officiellement présent aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada et à Taiwan,
mais des communautés d’utilisateurs ont progressivement émergées aux Pays-Bas, en
Nouvelle-Zélande, en Australie et en Afrique du Sud, afin de permettre l’utilisation gratuite
des terminaux de cette société. Outre un plus grand confort de l’utilisateur, ce procédé
instaure un nouveau rapport à la télévision, dans lequel toute publicité est exclue7. Il accélère
ensuite la déconstruction de la grille de programmation, en proposant de rechercher les
programmes à partir d’une multitude de critères, faisant abstraction des chaînes de
programmation. De même, il peut enregistrer non seulement les émissions programmées par
les téléspectateurs, mais aussi potentiellement des programmes connexes, susceptibles
d’intéresser l’utilisateur. La télévision n’est plus abordée seulement comme un continuum
temporel, une succession de programmes : elle se transforme en banque de programmes,
adaptée aux goûts de chaque utilisateur. Il s’agit d’une forme de personnalisation du média de
masse, de son adaptation aux habitudes et aux désirs de chacun8.
1.2. La logique d’accès comme catalyseur du phénomène
Même si le système TIVO a toujours reposé en partie sur l’Internet (il propose un
accès à un programme télévisé électronique, ainsi qu’à une banque de programmes), c’est
l’augmentation du nombre de connexions ainsi que le passage de beaucoup d’utilisateurs au
5
Le terminal pilotime proposé par le bouquet satellite Canal Satellite Numérique dès janvier 2003 représente la
première expérience grand public en France de terminal d’enregistrement numérique des programmes télévisés.
Il ne permet cependant pas de copier les émissions enregistrées sur un autre support.
6
De nombreuses communautés d’utilisateurs développent aujourd’hui des systèmes analogues gratuits. Parmi
eux, les projets Mythtv (http://www.mythtv.org/) et Freevo (http://freevo.sourceforge.net/) sont les plus avancés
sur la plateforme logicielle linux. Aujourd’hui, Microsoft propose ce genre de système au grand public sous la
dénomination Media Center (http://www.microsoft.com/windowsxp/mediacenter/default.mspx). Sous windows,
les alternatives à Media Center sont aussi légions. Parmi elles, Media portal (http://www.teammediaportal.com/) est le projet le plus avancé.
7
La pression publicitaire aux Etats-Unis a indéniablement contribué au succès de ce service.
8
Ce système est sans commune mesure avec le magnétoscope qui peut au mieux enregistrer 8 heures de
programmes sur une bande magnétique. Certains terminaux peuvent contenir jusqu’à 450 heures de programmes
télévisés.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
3
Septembre 2006
haut débit qui a contribué à l’essor de cette offre commerciale.
Parallèlement, les protocoles d’échanges de fichiers tels que Edonkey, Napster, Kazaa
ou Emule, ont apparus et ont permis l’échange de fichiers dans le monde entier. Cette
nouvelle économie de l’accès a entraîné une première circulation des biens culturels
numérisés. L’industrie musicale et l’industrie logicielle ont dû rapidement faire face à
l’échange illicite et globalisé de musique et de logiciels. Mais l’amélioration des connexions
Internet, avec un accès illimité au réseau, a ouvert la porte à l’échange de fichiers beaucoup
plus lourds, tels que les fichiers comportant de la vidéo. Pourtant, il a fallu attendre la création
d’un nouveau protocole d’échanges spécifique pour voir se développer considérablement le
trafic de fichiers de programmes télévisés, sous de nouvelles formes.
1.3. La création d’un système de distribution
Le protocole Bittorrent apparaît aux Etats-Unis en février 2002. Le logiciel éponyme a
donné une nouvelle dimension à l’échange de données sur Internet. Le protocole Bittorrent
permet la diffusion rapide de gros fichiers à un grand nombre d’utilisateurs9. Les internautes
amorcent le téléchargement des fichiers à partir d’un lien publié sur un site Internet. Ce
procédé permet aux sites offrant des liens pointant vers des contenus illicites de contourner la
loi, puisqu’ils ne détiennent aucun contenu10. Contrairement aux autres protocoles, Bittorrent
permet de recevoir un gros fichier en très peu de temps, en contre partie de quoi les fichiers
sont disponibles peu de temps11. Un lien ne reste généralement actif que quelques semaines,
voire quelques mois. Ce protocole est donc particulièrement adapté à une demande massive et
ponctuelle (liée par exemple au passage d’une émission à la télévision). L’efficacité du
logiciel Bittorrent est telle qu’il est possible de recevoir un fichier populaire quelques dizaines
de minutes après la publication du lien. Ainsi, un programme télévisé diffusé aux Etats-Unis
est disponible dans le monde entier sur le réseau quelques heures après sa diffusion12.
La conjonction de ces trois facteurs a donc permis une reconfiguration du paysage
télévisuel pour une partie des téléspectateurs du monde entier. Il ne serait donc pas étonnant,
ne serait-ce que pour une raison technique, de constater une domination anglo-saxonne en
termes de contenus. Jusqu’à peu, il était moins aisé pour tout autre utilisateur de mettre en
ligne des programmes de télévision. Cependant, je ne peux prétendre tout expliquer à partir de
9
Il faut noter que ce protocole n’est pas illégal, il est notamment utilisé par les communautés open source pour
distribuer leurs logiciels. Il permet d’économiser la bande passante des serveurs, en faisant supporter une partie
du trafic par les utilisateurs.
10
Le site thepiratebay.org publie régulièrement les lettres de menace de procès qui lui sont adressées par nombre
d’acteurs économiques. Cela donne un aperçu de la pression que subissent ces sites qui sont à la limite de la loi.
(http://thepiratebay.org/legal)
11
La force de ce protocole repose aussi sur l’exploitation de la bande passante de l’utilisateur en envoi de
données, puisque la vitesse de réception est conditionnée par la vitesse d’envoi. Enfin, le logiciel télécharge en
priorité les parties les plus rares des fichiers afin d’en assurer la pérennité et l’intégrité sur le réseau.
12
Je renvoie le lecteur souhaitant obtenir plus de précisions sur les spécificités du protocole Bittorrent aux sites
Internet http://www.dessent.net/btfaq/ et http://en.wikipedia.org/wiki/BitTorrent. Je renvoie aussi le lecteur à
l’article
paru
dans
le
magazine
Wired
en
Janvier
2005
http://www.wired.com/wired/archive/13.01/bittorrent.html.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
4
Septembre 2006
ces arguments techniques13 ; de plus, la mise en ligne des fichiers est une chose, mais qu’en
est-il réellement de la consommation ? Quels programmes sont consommés par quels
utilisateurs ? Quels usages viennent finalement se greffer sur quelle nouvelle offre de
programmes ? Comment cette offre se structure-t-elle ?
2.
Différents types de structuration de l’offre télévisuelle par le réseau
Bittorrent
L’engouement pour le protocole Bittorrent provient de la capacité et de la régularité de
distribution des fichiers. Une des spécificités de ce protocole par rapport aux autres réside
dans la nécessité de publier un lien sur Internet pour partager un fichier. Un important réseau
de sites a donc rapidement vu le jour et a donné une visibilité à cette nouvelle économie de
l’échange. Loin d’être uniforme, le paysage des sites proposant des contenus télévisuels est
multiple et fonctionne parfois selon des projets. Je m’intéresse ici à la forme éditoriale des
sites, beaucoup moins à leurs caractéristiques techniques14. Certains sites sont de simples
moteurs de recherche, d’autres agrègent des forums et parfois un contenu rédactionnel autour
de tel ou tel type d’émissions. Certains fonctionnent comme des catalogues, d’autres peuvent
ne proposer qu’une série ou qu’un seul type d’émissions. La régularité d’apparition des
fichiers est l’élément essentiel qui rend le mariage entre Bittorrent et télévision
particulièrement intéressant pour les utilisateurs. Ils peuvent attendre avec la même certitude
la disponibilité d’une émission sur le réseau Bittorrent et la diffusion programmée à la
télévision. L’analogie possible entre l’attente d’un programme à la télévision et sur un site
Bittorrent rapproche cette pratique des pratiques télévisuelles classiques15.
2.1. Identité du moteur de recherche de fichiers Bittorrent
Les moteurs de recherches de fichiers Bittorrent sont les sites les plus populaires et les
plus fréquentés. Ils rassemblent souvent tous les types de contenus, proposant une
organisation sommaire : vidéo, musique, livres, dessins animés, applications, bandes
dessinées. Il s’agit d’un point nodal regroupant tous les utilisateurs de Bittorrent, légaux et
illégaux16. Le moteur de recherche canadien Isohunt, administré par Gary Fung, agrège ainsi
les contenus de 219 sites de tous types. Les différents flux de données sont indifférenciés,
l’utilisateur se rend généralement sur ce genre de sites afin d’y effectuer une requête précise,
ce qui implique une démarche rigoureuse de recherche. Même si certains de ces sites
proposent des forums consacrés aux programmes télévisés ou bien encore des filtres de
recherche afin d’isoler les programmes désirés, les fichiers sont relativement indifférenciés,
13
Des logiciels comme Windows Media Center existent depuis quelques années. Il existe aussi des variantes de
TIVO comme les produits proposés par la société KISS. L’adoption
14
Certains sites peuvent être de simples moteurs de recherche pointant vers d’autres sites qui assurent le lien
entre les usagers (il s’agit des Tracker). Leur forme éditoriale peut être rigoureusement identique.
15
Il s’agit bien ici d’une forme de montée en performance des échanges de fichiers.
16
Ce protocole est massivement utilisé par les communautés open source afin de distribuer leurs programmes à
moindre coût. C’est par exemple le cas des distributions Linux. Cela leur permet d’économiser la bande passante.
Il tend aussi à être utilisé par les industries culturelles pour distribuer leurs produits. Le protocole en lui-même
n’est donc pas illégal.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
5
Septembre 2006
ce qui rend leur utilisation moins aisée pour une pratique régulière de téléchargement de
programmes télévisés.
Pour remédier à ce manque de lisibilité, des communautés d’utilisateurs ont fait
progressivement émerger des sites spécifiquement consacrés à l’échange de programmes
télévisés par Bittorrent. Ils ont offert une meilleure lisibilité, un contenu valorisé et parfois
une véritable démarche éditoriale. Même s’ils ne proposent que des programmes télévisés, la
majorité de ces sites consacrés à la télévision se présentent comme des moteurs de recherche.
Les premiers et les plus connus ont été tvtorrent.com, shuntv.net, btefnet.com et
suprnova.com, Lokitorrent.com17. Cependant, l’organisation de ces sites reste problématique,
peu claire et désordonnée. Les liens vers les fichiers s’accumulent rapidement sur les serveurs
et certains flux sont plus populaires que d’autres18. Même si ces sites ne distribuent que des
programmes télévisés, dans la forme, rien ne différencie la circulation d’un programme
télévisé de celle d’un jeu vidéo, d’un film ou d’une bande dessinée. Les fichiers s’accumulent
sur ces serveurs comme n’importe quel contenu électronique. Autrement dit, sur ces moteurs
de recherche, la télévision par Bittorrent ne bénéficie généralement pas d’un traitement
particulier en liaison avec le média télévisuel.
L’une des explications peut provenir de l’identité visuelle de ces sites. Ils adoptent la
forme des moteurs de recherche warez, sites de hackers19 qui ont connu un succès croissant
jusqu’à l’avènement du peer to peer. Ils offraient gratuitement aux internautes des jeux vidéo
ou des applications dont les protections avaient été cassées. Depuis bien longtemps, ces
communautés d’informaticiens relèvent les défis des protections informatiques pour le
plaisir20, pour ensuite les distribuer au grand public. Ces communautés se sont aussi
construites dans une posture oppositionnelle face aux industries du logiciel, face aux
institutions, puis face aux industries de la musique, du cinéma et de la télévision.
De la même manière, les administrateurs de moteurs de recherche Bittorrent se sont
construit une identité oppositionnelle face aux industries culturelles, principalement
américaine (MPAA et RIAA). C’est particulièrement le cas de l’administrateur du site
thepiratebay.org. J’oppose ici visuellement ce site à un moteur de recherche renommé de
hackers, Katz.ws. L’analogie est criante.
17
Depuis, ces sites ont été fermés suite à des procès perdus face à la MPAA (Motion Picture Association of
America)
18
Plusieurs utilisateurs peuvent par exemple mettre en ligne le même épisode d’une série. Généralement un seul
flux se démarque, soit par sa qualité, soit par un signe distinctif qui permet de qualifier l’encodage ou bien la
qualité de la vidéo. Nous pouvons quasiment avancer le fait que des labels se développent (« VTV », « dsrdimension »). Ils permettent à l’utilisateur de reconnaître certaines sources dont la qualité du travail d’encodage
est excellente.
19
www.Astalavista.com est un des sites de hackers les plus connus, il offre un moteur de recherche de cracks de
logiciels.
20
Linus Torvalds évoque cette motivation première qu’est le plaisir. (in HIMANEN Pekka, L’éthique Hacker et
l’esprit de l’ère de l’information, Exils / Essais, Paris, 2001, p.15-19)
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
6
Septembre 2006
www.katz.ws
www.thepiratebay.org
D’un point de vue visuel, ces sites se ressemblent étroitement. Ils comportent tous les
deux une page proposant les derniers ajouts de fichiers, une barre de recherche de fichiers,
ainsi que de la publicité, qui finance les activités de ces sites (Comme sur les sites de hackers,
généralement cette publicité est liée au commerce des rencontres ou du sexe). Cette publicité
se compose d’un bandeau horizontal et de bandeaux verticaux et latéraux. La filiation est ici
claire entre le site Katz.ws, un important moteur de recherche de la communauté de Hackers,
et le site thepiratebay.org, un des plus importants sites Bittorrent actuels. La spécificité du
site thepiratebay.org (la baie pirate) est qu’il revendique en plus ouvertement l’idée de
piratage. Même si le site thepiratebay.org constitue une caricature, jusque dans son logo, en
termes de provocations des industries musicales et cinématographiques, il soulève
l’hypocrisie des sites concurrents21.
Logo du site www.thepiratebay.org
21
Il faut noter l’existence en Suède du « Piratpartiet » (« Parti Pirate »), parti politique qui compte aujourd’hui
225 000 membres. Le contexte politique et social suédois peut donc expliquer l’existence, ainsi que les
revendications de ce site.(http://www2.piratpartiet.se/)
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
7
Septembre 2006
Le choix de remplacer le crâne pirate par une cassette audio magnétique imprimée sur la
grand-voile d’un navire traduit l’intentionnalité, la filiation, ainsi que l’imaginaire que
l’administrateur du site convoque pour qualifier son activité.
Il faut cependant garder à l’esprit que tous les sites ne se réclament pas aussi ouvertement
d’une forme de piratage. Des administrateurs de sites tels que celui de Isohunt disent plutôt
participer à un mouvement inéluctable :
« We are not going to shutdown, and even if they manage to shut us down
there’s no way to stop the technology and no way for them to stop the
Internet »22
Cet administrateur n’a pas totalement tort, tant les sites qui ferment sont rapidement
remplacés par d’autres.
Loin de constituer des communautés d’utilisateurs, ces sites se présentent plutôt comme
des entreprises. Voici par exemple la rhétorique superlative des moteurs de recherche isohunt,
thepiratebay, torrentreactor, btjunkie et torrentspy, conçue pour attirer les clients, dans une
logique performative, propre à n’importe quelle entreprise. Il s’agit de promesses de
satisfaction clairement formulées :
« Le plus important moteur de recherche Bittorrent et peer to peer »
« Le plus important traqueur Bittorrent au monde »
« L’original, les torrents les plus actifs de l’Internet »
22
Interview donnée sur la chaîne canadienne CBC le 30 mai 2006, diffusée dans un sujet sur le piratage lors de
l’édition du journal télévisé (http://www.cbc.ca/story/arts/national/2006/05/31/fung-piracy.html). « Nous
n’allons pas fermer le site et même s’ils arrivaient à nous arrêter, il est impossible d’arrêter la technologie et
l’Internet. »
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
8
Septembre 2006
« Le plus important moteur de recherche Bittorrent »
« Le plus important moteur de recherche Bittorrent »
Les superlatifs utilisés traduisent à la fois la volonté de s’affirmer comme étant le
meilleur site dans un domaine, mais aussi une véritable concurrence commerciale entre les
différents acteurs. Nous ne sommes pas ici dans le registre du loisir ou de la communauté,
comme nous aurions pu le penser, mais bien dans celui du commerce, d’une logique d’offre et
de demande. Parallèlement à cela, il y a le challenge pour ces très jeunes informaticiens,
d’être le meilleur dans son domaine.
L’identité visuelle de ces moteurs de recherche se différencie donc nettement de certains
autres sites Bittorrent, qui adoptent une identité visuelle plus travaillée, plus soignée et moins
agressive. Bien loin des considérations de piratage ou d’une construction identitaire
oppositionnelle face aux institutions, ces sites peuvent tout simplement proposer un contenu
sous une forme rédactionnelle déculpabilisée. Certains sites opèrent un tri dans la distribution
des programmes et s’organisent autour d’un genre ou d’une série. Ils forment ainsi des
communautés beaucoup plus identifiées, moins passagères et occasionnelles. Ils font circuler
les programmes qu’ils aiment afin de les regarder, contrairement aux autres sites dont la
logique est de distribuer le maximum de fichiers. Contrairement aux moteurs de recherche qui
mettent massivement en avant la quantité de fichiers disponibles et qui vivent du trafic de leur
site, il s’agit rarement pour eux d’une source de revenu ou d’une quête de la performance.
2.2. Les sites communautaires sélectifs
Il n’y a donc pas une seule manière de partager les programmes télévisés sur Internet.
Outre les véritables banques de données que sont les moteurs de recherche, des communautés
s’organisent parfois autour de centres d’intérêt plus précis. Un site comme Latebyte.nl s’est
développé aux Pays-bas autour de la diffusion des Late Show américains (Late Show with
David Letterman sur CBS, Late Night with Conan O’Brien sur NBC, Tonight Show with Jay
Leno sur NBC, The daily show with Jon Stewart sur Comedy Central). Il n’est plus ici
question de moteur de recherche ni d’exploitation ouvertement commerciale du phénomène,
le site se présente comme un site communautaire d’information et de distribution consacré à
ces émissions :
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
9
Septembre 2006
« Bienvenue sur Latebyte, la communauté néerlandaise des amoureux des Late Night
de la télévision américaine… »
La communauté est mise en avant et tout soucis de performance est exclu de la rhétorique
du site, qui regroupe simplement des « amoureux néerlandais » de ces émissions américaines.
Cette nouvelle circulation des programmes introduit l’idée d’une liberté totale de goût, faisant
abstraction des mécanismes d’exportation commerciale de ces émissions. Le Daily show with
Jon Stewart est par exemple diffusé en version hebdomadaire sur la chaîne d’information
internationale CNN, le Tonight Show with Jay Leno est distribué en Europe par la chaîne
CNBC. Ajoutons aussi que le Daily Show with Jon Stewart est aussi diffusé en version
quotidienne ou hebdomadaire dans d’autres pays (Norvège, Suède, Finlande, Danemark,
Taiwan, Philippines, Nouvelle-Zélande, Portugal, Canada, Australie). Commercialement ces
émissions sont donc déjà diffusées dans le monde entier, mais de manière restreinte et peu
valorisée. Ce site les libère de leurs contraintes de programmation et leur offre la visibilité
désirée par cette communauté de téléspectateurs23.
D’un point de vue structurel, ce site propose un agenda avec une annonce des invités des
numéros à venir, des informations et des rumeurs sur les animateurs et sur l’actualité des
shows proposés. Le classement est clair puisque chaque émission bénéficie d’une page dédiée
sur laquelle apparaissent les dernières diffusions (les dix dernières sont téléchargeables). Elles
peuvent aussi apparaître groupées sur une seule page. L’internaute se rendant sur ce site peut
donc sélectionner ces émissions selon les invités, ou bien encore selon les réactions sur le
forum du site. Outre une distribution, ce site offre en effet la possibilité de réagir à chaque
numéro, de juger chaque prestation et de valoriser les événements qui ponctuent la vie de ces
programmes américains.
www.latebyte.nl
23
L’accès au site nécessite une inscription qui donne accès aux forums dans lesquels les utilisateurs discutent
des émissions qu’ils ont regardées.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
10
Septembre 2006
Ce site néerlandais constitue une véritable plateforme de distribution de ces shows dans
le monde entier24. Contrairement aux autres sites, les émissions sont toutes disponibles
chronologiquement. L’organisation quasi-professionnelle de latebyte.nl est adaptée à des
pratiques analogues à celles induites par la programmation télévisuelle classique. Nous avons
aussi ici une dédramatisation de l’échange illicite de programmes, en donnant à cette activité
l’apparence d’une activité autorisée, commerciale et anodine. L’identité visuelle de ce site
ressemble à celle de n’importe quel autre site de passionnés, dans une démarche clairement
qualitative et passionnée.
2.3. Une programmation communautaire de la télévision
La manière dont ces émissions sont présentées est cependant problématique pour les
chaînes de télévision. Il y a clairement ici une identité forte commune dans ces programmes, à
un tel point qu’on en oublie où ils sont diffusés et à quelle chaîne ils appartiennent. Il s’agit
d’une des conséquences importantes de l’échange de programmes télévisés par le réseau
Bittorrent : la marque distinctive n’est plus la chaîne de télévision, mais bien le programme. Il
y a un risque important pour les chaînes de télévision en termes d’image et d’habitude de
consommation. L’unité n’est plus la chaîne, comme c’est le cas dans l’espace télévisuel, mais
bien l’émission, le contenu. Nous avons donc d’un côté une plus forte valorisation des
contenus, mais de l’autre un déracinement problématique :
« We get an opportunity to produce this stuff because they make enough
money selling beer that it’s worth their while to do it. I mean, we know
that’s the game. I’m not suggesting we’re going to beam it out to the
heavens, man, and whoever gets it, great. If they’re not making their money,
we ain’t doing our show. »25
Comme le dit très justement Jon Stewart, l’économie de ces programmes repose sur les
chaînes de télévision, qui reposent elles-mêmes sur la publicité. Par conséquent, cet échange
de programmes peut devenir problématique pour ces contenus dont le modèle économique
reste celui de la publicité ou de l’abonnement. Mais il ne faut pas oublier que le mouvement à
l’œuvre est aussi porté par les industries culturelles :
« La relation existant entre les industries d’information d’une part et les
médias audiovisuels et les réseaux de communication d’autre part est
dorénavant de plus en plus étroite car ces derniers ont un besoin important
de films, de téléfilms, de produits éducatifs, de services en information.
24
Un bref relevé des nationalités des utilisateurs téléchargeant ces émissions a donné des résultats analogues à
ceux des deux moteurs de recherche étudiés un peu plus loin. Pour des raisons de faisabilité, je n’ai pas inclus ce
site dans mon étude de consommation.
25
« Nous faisons cette émission parce qu’ils arrivent à vendre suffisamment de bière, il vaut mieux qu’ils en
vendent. Je veux dire, nous le savons, c’est la règle du jeu. Je ne suggère pas qu’on diffuse partout, si vous
l’attrapez, tant mieux. S’il ne gagnent pas leur argent, nous ne ferons plus notre émission. » Jon Stewart.
Reinventing Television, in Wired, San Francisco, Condé Nast publications, Septembre 2005, p.102
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
11
Septembre 2006
Cette industrialisation de l’information et des produits culturels (CD, DVD,
etc.) se traduit donc par une relative domination des fournisseurs de
programmes et entraîne dans son sillage un certain nombre de
modifications des conditions de production et de diffusion de
l’information.»26.
Cependant, cette industrialisation n’est pas sans risques pour les industriels. Aujourd’hui
un seul téléspectateur peut visionner une émission pour ensuite la partager avec le monde
entier, de même qu’un seul média pouvait jusque là diffuser un programme à une multitude de
téléspectateurs. Le point de rupture se situe ici : sur ces réseaux, tout téléspectateur a les
capacités de devenir lui-même un média en imposant sa propre démarche de programmation
sur le site de son choix. Un tel modèle ne demande plus de chaîne de télévision : le producteur
publie son produit dans une banque de programmes. Dans un tel système d’échange, l’unité
est le programme27. Par exemple, les responsables du site latebyte.nl ont choisi de diffuser les
liens vers les fichiers d’un ensemble d’émissions sur leur site, le diffuseur n’est plus la chaîne
mais le site, lui-même porté par une communauté. A défaut de pouvoir produire, la
communauté programme.
3.
Programmes et audience des sites proposant des liens Bittorrent
3.1. Portée et limites de l’étude
L’étude des consommateurs doit être clarifiée. J’établis les nationalités à partir des
adresses IP. C’est-à-dire que je ne peux savoir que d’où les fichiers sont téléchargés. Je ne
dispose d’aucune donnée sur l’identité du consommateur qui se trouve derrière l’ordinateur
cible. Concrètement cela signifie que si un américain expatrié télécharge ses séries favorites à
partir d’un ordinateur se situant à Singapour, il est enregistré comme consommateur originaire
de Singapour. Afin de restreindre la marge d’erreurs, j’ai appliqué un filtre d’adresses IP
permettant d’écarter toutes les adresses gouvernementales ou publiquement connues comme
appartenant à des organismes. C’est ainsi que je peux écarter une partie du trafic provenant
d’ambassades ou bien de bases militaires. Tout le long de cette étude, le lecteur doit garder à
l’esprit les limites des chiffres avancés.
26
RIEFFEL Rémy, Que sont les médias ?, Gallimard / Folio actuel, Paris, 2005, p. 69
Il me semble des procédés communautaires, comme celui de www.last.fm dans le domaine musical, méritent
toute notre attention. Ce site procède à des recoupements statistiques des goûts musicaux des utilisateurs, afin de
générer des liens entre les différents artistes : la majorité des utilisateurs aimant un artiste en aime aussi un autre,
vous avez donc aussi beaucoup de chances de l’aimer. Nous retrouvons la même logique sur des sites
commerciaux comme Amazon.com. Il s’agit d’un nouveau mode de mise en visibilité des unités, en exploitant
tous les liens susceptibles de les relier entre elles, à partir d’une étude statistique de la consommation des
utilisateurs. La valorisation ne passe plus par le critique d’un journal, une chaîne de télévision, une radio, mais
par la communauté et ses propres usages.
27
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
12
Septembre 2006
3.2. Démarche de recherche
J’ai tout d’abord cherché à savoir quels étaient les types de programmes les plus
touchés par ce phénomène. Mon étude se focalise sur deux moteurs de recherche Bittorrent,
thepiratebay.org et demonoid.com. Je n’ai pas inclus d’autres types de sites pour des raisons
de faisabilité. Etendre le champ d’étude demanderait l’investissement massif de toute une
équipe de recherche.
Je souhaite tout d’abord obtenir des informations précises sur les types de programmes
proposés sur les moteurs de recherche, ainsi que sur la provenance géographique des
consommateurs de ces programmes. A-t-on une diffusion uniforme ? Peut-on définir des
sphères d’influences culturelles ? A-t-on massivement une consommation externe ou interne
au pays d’origine des programmes ? Autrement dit, s’agit-il pour beaucoup d’utilisateurs d’un
magnétoscope mutualisé et mondialisé permettant d’obtenir une émission ratée, ou s’agit-il
plutôt d’un moyen massif de contourner le cryptage de certaines chaînes ? S’agit-il d’un
renforcement de la circulation de programmes diffusés dans l’espace télévisuel national de
chaque utilisateur, ou bien d’une volonté de découvrir d’autres programmes non exportés ?
Peut-on établir une corrélation entre le pays d’origine des programmes disponibles et la
présence de magnétoscopes numériques Tivo ? Je souhaite aussi apporter quelques éléments à
la question des tensions entre le local et le global ainsi formulée par Rémy Rieffel :
« Peut-on évaluer plus avant les conséquences de cet univers mondial de
l’information et de la communication ? Celui-ci est-il vraiment engagé dans
une uniformisation des standards et des produits, ou au contraire, proposet-il une réelle variété des contenus ? Sommes-nous sur la voie d’une
homogénéisation des comportements ou sur le chemin d’une fragmentation
des audiences ? Autrement dit, sommes-nous définitivement soumis au règne
de l’impérialisme culturel américain ou aspirés par une nouvelle forme de
diversité culturelle ? »28
Afin d’apporter un début de réponse à ces questions quant aux réseaux peer to peer,
j’ai mené des études de trafic sur les sites thepiratebay.org et demonoid.com. Le premier
propose tous types de contenus en libre accès. Il s’agit d’un des sites Bittorrent les plus
actifs29. demonoid.com est un site restrictif, auquel l’accès n’est permis qu’aux utilisateurs
inscrits (les inscriptions étant ponctuellement ouvertes). Malgré cette limitation, il figure
parmi les sites les plus actifs30.
28
RIEFFEL Rémy, Que sont les médias ?, Gallimard / Folio Actuel, Paris, 2005, p. 70
Le trafic relevé par la régie publicitaire Adbrite (www.adbrite.com) est de 1.700.000 pages vues et 380.000
visiteurs uniques par jour. Pour indication, un site comme www.lemonde.fr bénéficie d’un trafic de 2.200.000
pages vues et de 160.000 visiteurs uniques par jour (Source Nielsen).
30
Le trafic est en moyenne de 1.400.000 pages vues et 160.000 visiteurs uniques par jour. (Source Adbrite).
29
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
13
Septembre 2006
3.3. Part du flux télévisuel dans les échanges et nature des programmes publiés sur les
sites
J’ai analysé le trafic de programmes télévisés sur deux périodes. Les relevés ont été
faits entre les 5 et 8 août 2006 et entre les 15 et 19 mars 2006. Nous avons donc deux périodes
différentes, l’une en pleine saison télévisuelle, l’autre pendant la période estivale31.
Les séries de graphiques distinguent tout d’abord la part du flux télévisuel dans
l’ensemble des échanges par le protocole Bittorrent. Même si une étude récente sur les
échanges de données sur les réseaux peer to peer affirmait que la vidéo représentait 61% du
volume du trafic32, cela nous est d’aucune utilité dès lors que l’on s’intéresse plus
qualitativement aux flux (les fichiers vidéo sont beaucoup plus lourds que les autres types de
contenus). Un relevé du nombre de fichiers publiés sur les sites étudiés permet de cerner un
peu plus précisément l’importance réelle du trafic de programmes télévisés.
31
Je ne prétends pas que les télévisions du monde entier fonctionnent comme les télévisions françaises, c’est-àdire sur une forte rupture entre grille d’été et grille annuelle. Aux Etats-Unis, beaucoup d’émissions fonctionnent
par exemple en deux séries de 12 épisodes (cela est aussi vrai pour certains talk shows). Quant à la « trêve
estivale », elle n’est que partielle, puisque les Late show se poursuivent par exemple tout l’été. La rupture de
grille américaine se situe plutôt en fin d’année, autour du mois de novembre. Il reste tout de même que la
majorité des séries sont arrêtées et reprennent en septembre. Il sera donc intéressant de voir si nous constatons
une différence de flux, par exemple un échange plus important de programmes de stock pendant la période
estivale.
32
Une étude de trafic menée en 2005 par la société Cachelogic sur les échanges de fichiers par protocoles peer
to peer. Elle intéresse particulièrement les fournisseurs d’accès qui doivent faire face à l’augmentation
conséquente du trafic de données. (http://www.cachelogic.com/home/pages/research/index.php)
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
14
Septembre 2006
Premièrement, en comparant les trafics des sites demonoid.com et thepiratebay.org, je
relève de sensibles différences. Les pratiques ne sont pas uniformes, certains sites rassemblent
des communautés plus ou moins importantes de consommateurs de programmes télévisés.
Concernant le site thepiratebay.org, le rapport est de 79/2867 (fichiers de programmes
télévisés/ensemble des fichiers) sur la période du mois de mars, et 87/672 sur la période du
mois d’août. La publication de fichiers de programmes télévisés ne faiblit donc pas pendant
l’été, alors que le rythme global de publications de fichiers ralentit sensiblement.
Le site demonoid.com présente la configuration inverse, puisque le rapport est de 134/995
au mois de mars, et de 169/2867 au mois d’août. Ici aussi, il n’y a qu’une très légère
augmentation des publications de fichiers de programmes télévisés pendant la période
estivale, alors que le rythme global de publications augmente de 288% pendant l’été.
La pratique de consommation des programmes télévisés n’est donc pas saisonnière et,
contrairement au reste du trafic, elle se distingue par sa grande stabilité.
3.4. Part de programmes simultanés et de programmes différés dans les échanges
Afin d’essayer d’expliquer cette apparente stabilité des échanges de programmes
télévisés, j’ai ensuite regroupé les fichiers en deux catégories : les programmes simultanés et
les programmes différés33.
33
J’entends par programme simultané, les programmes qui apparaissent sur les serveurs suite à leur diffusion sur
une chaîne de télévision. Sont considérés comme des programmes différés, tous les programmes qui apparaissent
sur le site à la demande d’un utilisateur ou sans lien avec une quelconque programmation. Ces programmes sont
souvent des saisons entières de séries télévisées, parfois des vidéocassettes numérisées. Nous pouvons faire un
parallèle avec la distinction traditionnelle entre programmes de flux et programmes de stock. Certains
programmes sont valorisés pour une unique diffusion, leur durée de vie est très courte. D’autres programmes
gardent une forte valeur après leur diffusion, ce sont les programmes de stocks. Ces derniers ne sont
généralement pas liés à une quelconque temporalité.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
15
Septembre 2006
Demonoid (15/03/2006-19/03/2006)
Programmes
différés
45%
Programmes
simultanés
55%
Il est indéniable que si la consommation de programmes télévisés est constante tout le
long de l’année, l’été elle change de nature.
Ce système d’échange est en premier lieu utilisé afin de visionner les émissions
récemment programmées à la télévision. Cela s’apparente à l’usage d’un magnétoscope
partagé, grâce auquel les téléspectateurs peuvent espérer voir les programmes qu’ils n’ont pas
pu visionner, revoir les programmes qu’ils ont appréciés ou contourner le cryptage des
chaînes payantes. Cette mutualisation de l’enregistrement n’est pas sans conséquences,
puisqu’elle est susceptible d’offrir une plus grande diversité de programmes, et donc
d’accélérer la déconstruction des grilles de programmes, amorcée par les magnétoscopes34.
34
Si hier il était possible d’enregistrer jusqu’à 4 heures (parfois 8 heures) de programmes sur une cassette vidéo,
les magnétoscopes numériques peuvent aujourd’hui contenir des centaines d’heures de programmes. En plus
d’une contenance plus élevée, ils offrent un guide des programmes dans lequel le téléspectateur navigue sans
plus se soucier de l’heure, du jour ni de la chaîne de passage du programme désiré. La grille de programmes
s’estompe donc progressivement au profit de banques de programmes, dans lesquelles le téléspectateur fait
librement son choix. Ces systèmes imposent un nouveau rapport à la télévision, qui outrepasse les préjugés qui
pouvaient guider le parcours d’un programme de télévision imprimé. L’émission n’est plus jugée dans un
contexte programmatique, elle bénéficie donc d’une plus grande autonomie. Le continuum télévisuel est brisé
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
16
Septembre 2006
Fortement liées au système télévisuel lors de la saison (prédominance des programmes
simultanés), les pratiques d’échanges s’autonomisent pendant l’été (augmentation de la part
de programmes différés). Il semble bien que l’été soit un moment plus calme, propice à
l’échange des séries qui ont retenu l’attention tout le long de l’année. Apparaître sous la forme
d’une saison entière lors de l’été, c’est s’imposer comme une série importante. C’est par
exemple le cas de 24, diffusée sur la chaîne Fox aux Etats-Unis et vendue dans le monde
entier. L’intégrale de la saison 6, achevée aux Etats-Unis en juin 2006, a été massivement
échangée sur les différents sites pendant l’été, avant sa diffusion dans le reste du monde. Il en
a été de même pour chaque épisode de la saison.
Je relève ensuite des différences entre les deux sites étudiés : thepiratebay.org
comporte en moyenne une plus grande part de programmes simultanés (64%) que le site
demonoid.com (48%), il est donc beaucoup plus utilisé comme un enregistreur partagé. Cela
peut-être lié à la provenance géographique ou au type de programmes publiés sur ce site.
3.5. Provenance géographique des programmes partagés sur ces deux sites
Afin de cerner un peu mieux la nature des échanges de programmes, j’ai ensuite relevé
la provenance géographique des fichiers échangés. J’ai regroupé les deux périodes et conservé
la distinction entre les programmes simultanés et les programmes différés. Je souhaite savoir
précisément quels sont les pays qui dominent les échanges.
Le site thepiratebay.org est clairement administré et défendu par des suédois35, sa
localisation est donc claire ; il sera intéressant de savoir si les programmes suédois y sont
échangés en plus grande proportion que sur le site demonoid.com. Ce dernier est plus difficile
à cerner, puisqu’il m’a été impossible d’obtenir la nationalité de son administrateur.
L’hébergeur est référencé aux Pays-Bas36 et le site est en anglais : ce sont les seules
informations dont je dispose. Nous avons donc d’un côté, un site clairement localisé en
Suède, de l’autre un site dont la localisation est très floue.
pour laisser place à de libres parcours dans un espace télévisuel syncrétique, dans lequel l’unité est beaucoup
moins la chaîne que le programme (nous avons vu précédemment que cela n’est pas sans poser de problèmes).
35
Son administrateur provoque régulièrement la RIAA (Recording Industry Association of America) et la MPAA
(Motion Picture Association of America) ouvertement sur son site. La liste des courriers de plaignants peut être
consultée sur le site à l’adresse http://thepiratebay.org/legal.
36
L’adresse IP du site (83.149.101.9) est enregistrée aux Pays-Bas.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
17
Septembre 2006
demonoid.com
thepiratebay.org
Les données sont très parlantes : premièrement, nous constatons aisément la
prédominance des Etats-Unis. Dans chacun des cas de figures, ce pays représente entre 52%
et 69% du total des fichiers publiés. La télévision américaine domine donc les échanges de
programmes télévisés dans le monde par le biais de la technologie Bittorrent. Les
programmes en provenance d’Angleterre arrivent généralement en seconde position, entre
10% et 27%. L’Australie et le Canada arrivent ensuite autour de 5%. La circulation de
programmes originaires de ces pays représente donc pas moins de 75% du total de ces
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
18
Septembre 2006
échanges, ce qui est considérable. Une sphère culturelle anglo-saxonne se dégage
distinctement.
Après ces pays, on peut distinguer les programmes français sur le site demonoid.com ;
ils oscillent entre 4% et 7%. La localisation du site est aussi un facteur à prendre en compte
puisque thepiratebay.org connaît un trafic important de programmes suédois de flux (15% des
programmes de flux sont suédois), ce qui étaie un peu plus l’idée d’un enregistreur partagé ou
mutualisé37. Le phénomène prend ensuite plusieurs formes, notamment locales, avec par
exemple la valorisation des programmes suédois sur un site suédois. Le site demonoid.com
offre aussi une forte de proportion de programmes, mais en provenance d’Angleterre (entre
21% et 27%). La communauté anglaise est donc plus importante et plus active sur ce site que
sur thepiratebay.org (10% et 11%).
Si nous focalisons ensuite sur la distinction entre simultané et différé, ceux différés sont
massivement dominés par les Etats-Unis. Sur le site demonoid.com, ils représentent 61% des
programmes proposés, sur le site thepiratebay.org, ils représentent 69% du total. Les
programmes originaires des Etats-Unis connaissent donc une plus forte valorisation à long
terme que ceux des autres pays.
Si je me borne à une explication purement technique, nous retrouvons principalement sur
ces sites des programmes provenant de pays disposant du système TIVO. Mais cette
explication est insuffisante, puisqu’il y a tout de même globalement une diversité de
programmes : sur les deux périodes étudiées, je retrouve des programmes d’une quinzaine de
pays. J’ajoute que ces pays sont massivement occidentaux (Etats-Unis, Canada, Australie,
Europe). Il ne s’agit donc pas sur ces sites d’un partage pleinement interculturel, mais bien de
la circulation d’une culture occidentale, très majoritairement anglo-saxonne. Le réseau, qui
porte en lui une abolition des frontières, semble ici respecter l’ordre commercial de l’échange
mondial de programmes télévisés. Reste à savoir si les pays consommateurs de ces
programmes sont les pays massivement sous l’influence de la culture occidentale, et plus
précisément américaine.
Ces premiers résultats nourrissent la thèse d’une pression supplémentaire sur les
minorités culturelles, en favorisant le mainstream américain préexistant, plutôt qu’une
ouverture culturelle. Au lieu d’une fenêtre supplémentaire sur les cultures du monde entier, ce
réseau apparemment dérégulé, réduirait la diversité des programmes consommés dans le
monde. Par conséquent, si les téléspectateurs se détournent de leurs programmes locaux pour
consacrer du temps à ceux disponibles sur les réseaux Bittorrent, une uniformisation
culturelle plus grande et plus rapide semble à redouter.
Le point positif qui se dégage tout de même ici de la circulation relevée semble être la
motivation. Esclave des grilles de programmes, faisant ses choix par défaut dans la liste des
programmes disponibles, l’utilisateur paraît ici libéré de toutes ces contraintes. Ces réseaux
37
Chaque utilisateur contribue au maintien de ce magnétoscope en possédant sur son disque dur une partie de
l’ensemble, et en assurant une partie du trafic. Il s’agit d’une mutualisation renforcée par le principe de
fonctionnement du logiciel Bittorrent, qui contraint l’internaute qui souhaite recevoir un fichier à en envoyer
parallèlement une partie, ou son ensemble. L’utilisateur du réseau Bittorrent ne prend donc pas uniquement ce
qui l’intéresse sur ces sites dans une démarche égoïste, il est contraint, plus ou moins consciemment, à un
partage. Il n’est d’ailleurs pas rare de lire des messages d’utilisateurs disant offrir leur bande passante pendant un
temps donné, demandant ensuite un passage de relais à la communauté d’utilisateurs. Ce réseau induit de
véritables codes de conduite qui induisent certains comportements, comme celui du partage.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
19
Septembre 2006
imposent une nouvelle hiérarchisation guidée par une apparente notion de libre choix : celui
de partager, de mettre en valeur un type de programmes, sans autre considération que sa
qualité. Dans les faits, il s’avère bien que ce modèle est une utopie, cette liberté ne serait
qu’un leurre, puisque la variété des programmes disponibles n’est que relative.
Toutes ces réflexions nous conduisent logiquement à l’identification des différents types
de programmes disponibles sur ces sites. Nous savons qu’ils viennent principalement de pays
anglo-saxons et qu’ils circulent effectivement sur deux modes : le simultané et le différé.
Nous ne savons cependant pas quelle est la nature exacte de ces flux : quelles émissions
circulent et de quelle manière ?
3.6. Quels types d’émissions circulent sur les sites Bittorrent ?
Tous les types de programmes se prêtent-ils indifféremment à un échange simultané et à
un échange en différé ? Quels types de programmes sont échangés à court terme, en lien avec
la grille de programmation, et quels types de programmes conservent une valeur à plus long
terme ? Autrement dit, il est ici question de savoir si la valorisation des programmes par les
usagers de ces réseaux est identique à celle qui en est faite par les réseaux commerciaux.
demonoid.com
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
20
Septembre 2006
thepiratebay.org
Il y a une nette différence de circulation entre les programmes simultanés et les
programmes différés. Le site demonoid.com offre étonnamment une plus grande diversité de
programmes de simultanés, alors qu’il comptait beaucoup moins de pays.
Les séries télévisées dominent très largement les échanges, notons d’ailleurs qu’il
s’agit exclusivement de séries américaines. Il faut aussi noter que certains des programmes
signalés comme provenant de France, de Suède ou d’autres pays sont en réalité des séries
américaines diffusées dans ces pays.
Ce type de programmes est particulièrement adapté à une circulation internationale
intensive par les réseaux Bittorrent, puisque la plupart des pays affichent une saison de retard
sur la diffusion américaine. Beaucoup d’internautes regardent donc les épisodes avant leur
diffusion effective dans leur espace télévisuel local. Une véritable économie parallèle du
sous-titrage a d’ailleurs rapidement vu le jour, il est généralement possible de trouver des
sous-titres en anglais un ou deux jours après la diffusion américaine. Ils sont ensuite
disponibles dans les autres langues quelques jours plus tard. Les séries les plus populaires
deviennent donc accessibles au monde entier dans un temps proche de celui des Etats-Unis,
sans la barrière de la langue.
Les dessins animés constituent un deuxième groupe de programmes importants en différé
et en simultané sur les sites d’échanges. Ils sont principalement dominés par des séries
comme The Simpsons et The Griffin, qui relatent avec humour les aventures de deux familles
américaines de classe moyenne. Certains mangas japonais sont également échangés, mais
généralement avec un sous-titrage anglais.
Il est ensuite étonnant de constater que les documentaires, généralement associés à des
programmes de stock, bénéficient dans ce système principalement d’une consommation en
simultané. Leur circulation sur le réseau coïncide avec leur diffusion, ils sont rarement
conservés par les utilisateurs ou extraits de DVD. Il faut aussi noter que les documentaires
proviennent presque exclusivement de la BBC et de chaînes américaines comme The History
Channel ou The Discovery Channel.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
21
Septembre 2006
En diffusion simultanée, les retransmissions sportives apparaissent parfois, tout comme
les jeux télévisés (cette catégorie comprend la télé-réalité). Ces genres sont absents de la
circulation différée. Certains grands événements sportifs, comme des matchs de football
mémorables de coupes du monde, font de temps à autre leur apparition : ce sont généralement
des copies numériques de vidéo cassettes.
La catégorie show comédie concerne les émissions d’humour tournées en plateau. Il
s’agit par exemple du Saturday Night Live sur NBC ou de l’équivalent éphémère diffusée sur
Canal+ Samedi Soir en Direct.
Il faut ensuite noter l’importance prise par les talk-shows, principalement pour la
diffusion simultanée. Leur apparition sur les deux sites étudiés est cependant erratique. Il ne
semble d’ailleurs pas se dégager une logique d’apparition, certains invités déclenchent
systématiquement la mise en ligne des émissions dans lesquelles ils apparaissent, d’autres
non. Par exemple, les apparitions de figures contestataires ou subversives comme Michael
Moore, Jon Stewart, Bill Maher ou Noam Chomsky sont systématiquement partagées. De
plus, rares sont les talk-shows qui sont échangés en fin de saisons, c’est uniquement le cas des
émissions de la chaîne HBO, qui sont programmées selon un rythme analogue à celui des
séries. L’émission The Daily Show with Jon Stewart sur Comedy Central apparaît aussi
regroupée dans des archives qui contiennent parfois plusieurs mois d’émission. C’est aussi le
cas du Colbert report diffusé sur la même chaîne.
3.7. Système de valorisation des contenus partages sur le réseau Bittorrent
La dissonance entre la valorisation des émissions dans les espaces télévisuels et sur les
réseaux Bittorrent est un des éléments frappant de l’étude de la circulation des différents types
de contenus. Si dans le système télévisuel classique un documentaire est crédité d’une plus
grande longévité, ce ne semble pas être le cas sur les réseaux Bittorrent. A contrario, une série
télévisée conserve une grande valeur tout le long de sa diffusion, et bien après. Il n’est pas
rare de croiser des épisodes de séries datant des années 70.
La valeur possessive et commerciale semble être un des éléments décisifs de la
circulation en différés des programmes télévisés sur les réseaux Bittorrent. La valorisation des
programmes télévisés à long terme sur le réseau Bittorrent se plie donc à la valorisation
commerciale des émissions en DVD. La vie en réseau de ces programmes est donc liée à leur
valeur commerciale, plus qu’à leur valeur purement affective. Nous pouvons penser qu’un
documentaire animalier vieillit moins rapidement qu’un épisode d’une série comme 24, mais
sa valeur en DVD étant beaucoup plus faible, cela réduit ses chances ultérieures d’apparaître.
La circulation de programmes télévisés est bien guidée par deux processus : le premier en
simultané, qui correspond à l’utilisation d’un magnétoscope, avec des modes de valorisation
qui lui sont propres. Le second en différé, qui fonctionne en relation avec, d’une part
majoritairement une valorisation commerciale sous forme de DVD, d’autre part plus
marginalement une valorisation liée au système de rediffusion télévisée. La prégnance de la
logique possessive aboutit en partie à une survalorisation des séries télévisées dans la
circulation des programmes de stock38.
38
Les utilisateurs renseignent généralement la provenance des images extraites. En circulation de stock, les
extractions de DVD sont très fréquemment citées.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
22
Septembre 2006
3.8. Origines géographique des consommateurs de séries américaines du réseau
Bittorrent
Afin de clore cette première étude des réseaux bittorrent, j’ai souhaité enfin savoir quels
étaient les pays clients des séries américaines. S’il y a une uniformisation de la publication
des contenus au profit des Etats-Unis et de l’Angleterre, y a-t-il bien une diffusion dans le
monde entier ?
J’ai effectué les relevés d’utilisateurs entre le 18 et le 27 août 2006. Je me suis ici
focalisé sur 3 exemples de téléchargements de séries américaines. Qui les consomme ?
Sommes-nous confrontés à une circulation massivement intérieure (aux Etats-Unis), ou
assiste-t-on à une consommation véritablement mondialisée des programmes Anglo-saxons ?
J’ai tout d’abord relevé la provenance géographique des utilisateurs téléchargeant
l’intégrale de la cinquième saison de la série 24 diffusée sur la chaîne FOX. Il s’agit d’une
série qui connaît un succès mondial, la dernière saison était une exclusivité américaine au
moment du téléchargement. Nous sommes donc dans la configuration d’une série bénéficiant
d’une renommée internationale dont la saison concernée est exclusive.
J’ai relevé plus d’une trentaine de nationalités téléchargeant la saison entière. 21% des
utilisateurs se situent aux Etats-Unis, il s’agit du trafic intérieur. Ensuite, 17% des utilisateurs
sont en Angleterre, 9% au Canada. Il s’agit de la première zone sous influence américaine qui
se dégage, avec 26% des clients pour cette série. Viennent ensuite les pays européens,
toujours sous influence américaine (mais dans une moindre mesure), la France en tête. Les
pays occidentaux les plus industrialisés se distinguent logiquement. Le Japon est présent, mais
nettement en retrait ; la Russie et la Chine sont absentes de la liste.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
23
Septembre 2006
La deuxième série retenue s’appelle Entourages. Il s’agit de la troisième saison d’une
série diffusée sur la chaîne payante HBO. Elle est moins connue que 24. Contrairement à
l’exemple précédent, il s’agit d’un seul épisode, diffusé le 17 août 2006. Le relevé a été
effectué le 20 août, soit trois jours après la diffusion américaine. Il s’agit ici d’une série
télévisée à laquelle les Américains n’ont pas accès s’ils ne sont pas abonnés : elle se prête
donc particulièrement à un plus grand partage « intérieur ».
La série étant cryptée, il n’est pas étonnant que 45% des clients soient originaires des
Etats-Unis : les utilisateurs contournent ainsi le verrou de l’abonnement. Avec les Etats-Unis,
le Canada et l’Australie représentent 75% des utilisateurs. La France arrive une fois de plus en
tête devant le Royaume-Uni et Israël. La Chine apparaît aussi dans la liste des pays. En
comparaison de la série 24, les utilisateurs proviennent seulement de 15 pays. Cette série
moins importante circule donc moins, mais bénéficie tout de même d’un échange
international. Cet échange se fait massivement dans la sphère culturelle anglo-saxonne : EtatsUnis, Canada, Australie, Royaume-Uni.
Enfin, le troisième relevé a été fait à partir du dix-septième épisode de la série
Windfall, une nouvelle série dont la première saison a été diffusée l’été dernier sur la chaîne
NBC. Cette série n’a donc pas été diffusée ailleurs qu’aux Etats-Unis. Les utilisateurs n’en
avaient pas entendu parler dans leur pays.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
24
Septembre 2006
Bien que lancée le 8 juin 2006 aux Etats-Unis, cette série est d’ores et déjà échangée
dans le monde entier. Vingt-cinq pays téléchargent déjà cette série, avant toute exportation
commerciale. On ne peut donc pas affirmer avec certitude que les téléspectateurs vont
simplement télécharger les séries qu’ils peuvent voir sur leurs téléviseurs, comme ce serait le
cas en France avec Desperate Housewives ou 24, séries diffusées sur Canal+. Il y aurait une
volonté des utilisateurs de rechercher et de regarder des séries américaines avant même
qu’elles leur soient proposées sur leurs télévisions nationales. Les utilisateurs n’iraient donc
pas seulement chercher ce qu’ils connaissent déjà, ils auraient aussi une véritable volonté de
consommer des séries américaines, indépendamment de ce qui leur est proposé sur leurs
chaînes de télévision locales. Ceci témoignerait une fois de plus d’une accentuation de la
pression culturelle américaine, liée à une véritable volonté de la part des utilisateurs du monde
entier de consommer cette culture.
4.
Conséquences du développement des réseaux Bittorrent sur le paysage
audiovisuel mondial
4.1. Un nouveau réseau de contenus anglo-saxons pour les anglo-saxons et les pays sous
influence américaine
Ces premiers résultats nous laissent penser que les réseaux d’échanges Bittorrent
contribuent à accentuer la pression des programmes en provenance des Etats-Unis, et plus
largement des pays anglo-saxons, sur le reste du monde. Des sphères d’influences de
dessinent tout de même, conformes aux liens historiques et culturels préexistants. Les pays
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
25
Septembre 2006
européens arrivent en tête, principalement la France, l’Angleterre, l’Allemagne, les pays
nordiques ainsi que certains pays de l’ancien bloc de l’Est, qui font aujourd’hui partie de
l’Europe. Des pays comme le Japon, la Chine et la Russie sont en retrait de cette circulation
des programmes, de même que les pays du Moyen-Orient (A l’exception des Emirats-Arabes,
sous influence américaine). Certes, les connexions Internet sont bien moins développées dans
ces pays, et la qualité de l’accès ne permet généralement pas de télécharger rapidement de la
vidéo, mais certains pays comme l’inde, la Malaisie, le Brésil, le Chili ou les Philippines
apparaissent tout de même. Par contre, à aucun moment, un utilisateur d’un pays d’Afrique,
mis à part l’Afrique du Sud, n’est apparu dans la liste des utilisateurs. Le flux principal
concerne les pays anglo-saxons, immédiatement suivis des pays européens, puis des pays
asiatiques et d’Amérique du Sud.
4.2. Les modes de valorisation des programmes télévisés
L’apparition des programmes sur les sites de téléchargement se fait de deux manières : en
simultané et en différé.
En simultané, il s’agit logiquement d’un lien avec la diffusion à la télévision : les
utilisateurs partagent les programmes qu’ils ont enregistrés lors de leur passage à l’antenne. Il
faut noter que la plupart des programmes relevés sur ces sites sont ceux des jeunes
générations. En effet, rare sont les émissions américaines diffusées en journée. Un talk show
comme celui d’Oprah Winfrey n’apparaît jamais. Ce n’est qu’une hypothèse, puisque cela
pourrait aussi être lié à l’heure de programmation. Apparaissent sur ces réseaux, les émissions
que les téléspectateurs enregistrent en raison de leur programmation tardive. Si cela était le
cas, nous aurions une inversion de la valorisation des programmes : les programmes
difficilement accessibles à la télévision seraient plus facilement accessibles sur le réseau. Il
s’agit d’une piste intéressante, mais cela reste à confirmer.
En différé, il s’agit d’une logique plus commerciale, puisque les programmes qui
apparaissent sont ceux qui ont une valeur marchande sous forme de DVD. Ce mode
d’apparition sur les réseaux est donc guidé par une logique d’offre principalement
commerciale. La valeur possessive pour les téléspectateurs guide donc la publication des
programmes sur ces réseaux. S’il est intéressant de posséder une série télévisée dans logique
de collection, cela l’est beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’un documentaire ou bien d’un talkshow. Le second point concerne les programmes aptes à la rediffusion, qui sont identifiés
comme programmes de stock dans l’espace télévisuel classique : ils ont eux aussi moins de
chances d’être échangés.
Il n’y a donc pas une logique de valorisation, mais plusieurs, chacune étant liée au
parcours des programmes dans l’espace télévisuel, puis dans le commerce de DVD.
4.3. Raisons et motivations de l’acte de mettre en ligne : logique de plaisir, logique
militante et logique événementielle.
Pour publier un fichier sur le réseau Bittorrent, il faut une volonté. L’origine de cette
volonté me semble particulièrement intéressante. Qu’est-ce qui fait qu’un programme est
échangé ? Qu’est-ce qui confère une importance à un programme au point qu’une personne
décide de le partager ?
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
26
Septembre 2006
L’information est par exemple un type de programmes qui circule très peu. La durée de
vie d’un programme d’information est trop courte pour justifier l’investissement dans un
partage. Les partages de programmes d’information sont bien souvent erratiques.
Par contre, il n’est pas rare de voir apparaître des programmes qui témoignent d’un
engagement ; c’est par exemple le cas des interventions médiatiques de Noam Chomsky :
chacune d’elles apparaît sur le réseau et circule généralement longtemps. De la même
manière, chaque intervention d’animateurs polémiques tels que Bill Maher (ancien animateur
de Politically Incorrect sur ABC et aujourd’hui animateur de Real Time with Bill Maher sur
HBO) ou Jon Stewart (animateur du Daily Show with Jon Stewart sur Comedy Central)
circule sur le réseau.
L’apparition de Jon Stewart dans l’émission Crossfire sur CNN le 15 octobre 2004 a par
exemple donné lieu à une déferlante d’échanges sur les réseaux Bittorrent, à un tel point que
le nombre de téléchargement a été plus élevé que la diffusion sur CNN39. L’événement s’est à
un tel point propagé de manière virale sur le réseau Internet que l’extrait est aujourd’hui
disponible de manière permanente sur les sites de stockage gratuit de vidéo ainsi que sur
certains blogs d’internautes40.
4.4. L’événement : son partage et sa production
Au travers de l’exemple de Jon Stewart dans l’émission Crossfire, la notion d’événement
prend une nouvelle dimension. Le réseau Bittorrent influe indéniablement sur la construction
des événements télévisés. Ce qui n’est pas un événement pour les chaînes de télévision peut
en devenir un pour les téléspectateurs utilisant ces réseaux. Les téléspectateurs peuvent
aujourd’hui décider de ce qui constitue un événement, indépendamment des choix éditoriaux
des professionnels des médias. Chaque utilisateur contribue à la production de l’événement.
Au-delà, il s’agit d’une nouvelle économie d’échanges de programmes, principalement guidée
par les affects. Si les séries circulent autant, c’est grâce à la pression émotionnelle qu’elles
réussissent à maintenir sur le téléspectateur, d’un épisode à l’autre ; cela crée une dynamique
d’échange qu’il n’y a pas pour un programme unique. Si les parcours télévisés des
personnalités engagées telles que Noam Chomsky, Jon Stewart, Bill Maher, Michael Moore et
bien d’autres apparaissent sur ces réseaux, c’est sans doute en raison des passions qu’elles
déclenchent. Le réseau Bittorrent n’est donc pas seulement un lieu de jouissance et de plaisir,
il est aussi un lieu stratégique de luttes d’influences politiques, idéologiques et sociales.
Vers l’organisation d’un nouveau paysage audiovisuel international ?
Au travers du développement des réseaux Bittorrent, l’industrie télévisuelle doit faire
face à de nouveaux enjeux majeurs. Malgré la couverture médiatique dont elle bénéficie,
l’industrie musicale semble moins vulnérable que l’industrie télévisuelle. En télévision, la
chaîne de production et de distribution télévisuelle est bien plus grande et bien plus lourde.
Un lien aussi direct entre producteurs et consommateurs court-circuite un grand nombre
39
We are the web, in Wired, San Francisco, Condé Nast publications, Août 2005, p.109
http://www.ifilm.com/ifilmdetail/2652831
http://onegoodmove.org/1gm/1gmarchive/2004/10/jon_stewart_cro_1.html
http://grouper.com/video/MediaDetails.aspx?id=429203&ml=o%3D7%26fr%3D1049009%26fx%3D
http://youtube.com/watch?v=fSDUQoM8G1k
40
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
27
Septembre 2006
d’acteurs. Cette technologie remet le processus mondial de distribution des programmes
télévisés en question. Pourquoi une attente d’un an entre la diffusion d’une série américaine
dans les espaces télévisuels du reste du monde, dès lors que de simples utilisateurs les
consomment en quelques jours ? Que faire de l’industrie du doublage, si le consommateur se
satisfait d’un sous-titrage, en échange de quoi il peut vivre la série en synchronie totale avec
son rythme de production ? La société Disney a récemment répondu a ceux qui estiment que
le phénomène Bittorrent est mineur, qu’il ne concerne qu’un petit nombre d’acteurs et de
consommateurs. La société américaine a signé un accord avec la chaîne allemande
Prosiebensat 1, afin que cette dernière puisse diffuser les séries de la chaîne américaine ABC
sous forme de vidéo à la demande, une semaine avant leur diffusion américaine41. Ainsi, un
programme produit aux Etats-Unis par une chaîne américaine sera diffusé en premier lieu à
l’étranger, sur une chaîne allemande. Il s’agit d’une des plus importantes avancées en matière
de distribution internationale de programmes télévisés. Cette décision n’est évidemment pas
sans rapport avec l’extension massive du réseau Bittorrent.
L’essentiel réside dans le fait que l’industrie culturelle, sous la pression des
internautes, accélère la diffusion internationale des émissions américaines. C’est-à-dire que
cet espace, que nous aurions pu définir avant l’étude comme un espace de liberté
supplémentaire, d’ouverture sur le monde, accélère en réalité le processus d’uniformisation
culturelle. L’impact est donc considérable sur l’organisation de la circulation mondiale et
commerciale des programmes télévisés. Ce mouvement de consommation pousse les acteurs
puissants, qui sont les principales victimes, à faciliter un peu plus l’exportation de leurs
produits. Si je pousse ce raisonnement un peu plus loin, les réseaux bittorrent constituent une
sérieuse menace pour la diversité et l’autonomie des cultures.
C’est ensuite au sein de la profession journalistique que l’on commence à ressentir les
effets de cette circulation des programmes de télévision.
L’émission Plus clair, diffusée sur Canal+, traite de manière croissante des lancements de
séries aux Etats-Unis ; ce glissement éditorial est assurément lié à la plus grande circulation
des programmes télévisés dans le monde. Une partie du journal de cette émission est
accaparée par les événements télévisuels américains. Cette couverture éditoriale est possible
parce qu’un nombre croissant de téléspectateurs peut accéder directement à ces séries. Dans
cette émission, le journaliste a deux postures : officiellement celle de promouvoir l’arrivée
prochaine de ces séries sur Canal+, et plus officieusement celle de répondre à la
consommation croissante des téléspectateurs (utilisant le peer to peer), en matière de
programmes américains42. Le métier du journaliste est aussi de garder une longueur d’avance
sur les téléspectateurs, il n’est donc pas question pour eux d’ignorer des pratiques susceptibles
de leur donner un meilleur accès aux produits culturels qu’ils couvrent.
De la même manière, un dossier dans Le monde 2 du 29 juillet 2006 consacré aux séries
américaines a fait réagir une lectrice de l’hebdomadaire :
« Je suis une fan, doublée d’une puriste, de la série The West Wing. Je me
fais rapporter directement les DVD des Etats-Unis dès leur sortie. Puis je
41
Ce service commercial a été intitulé « Maxdome ». Entré en service le 27 juillet 2006, il offrira, en vidéo à la
demande, les épisodes des séries américaines Lost et Desperate Housewives une semaine avant leur diffusion
gratuite aux Etats-Unis. (http://www.paidcontent.org/disneys-shows-online-in-germany-seven-days-prior-to-tv)
42
Nous avons vu que les échanges concernent principalement des programmes américains.
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
28
Septembre 2006
savoure soir après soir l’intelligence du scénario, la subtilité des dialogues,
les leçons de civisme à l’américaine, le jeu des acteurs, l’émotion et le
suspense de chaque épisode. Quelle n’avait pas été ma joie en voyant à la
« une » du Monde 2 « ces séries qui racontent l’Amérique » (n°128). Et puis
Patatras ! En révélant le nom du prochain Président, vous avez tué plus de
vingt heures de suspense. Une partie de mon plaisir est gâchée. Je ne vous
en remercie pas. »43
Il y a fort à parier que le journaliste n’utilise pas les DVD importés ni les sources
d’information traditionnelles pour connaître le nom du nouveau Président et raconter les
derniers épisodes diffusés aux Etats-Unis. De là à affirmer que ce journaliste a téléchargé ces
séries sur le réseau pour en avoir la primeur…il n’y a qu’un pas.
Bibliographie
Ouvrages
! FLICHY Patrice, Les industries de l’imaginaire, PUG, Grenoble, 1991, 275p.
! FLICHY Patrice, L’imaginaire d’Internet, La découverte, Paris, 2001, 272p.
! HIMANEN Pekka, l’éthique hacker et l’esprit de l’ère de l’information, Exils / Essais,
2001, 219p.
! MIEGE Bernard, La société conquise par la communication – La communication
entre l’industrie et l’espace public, PUG, Grenoble, 1997, 213p.
! PROULX Serge (dir.), MASSIT-FOLLEA Françoise (dir.), CONEIN Bernard (dir.),
Internet, une utopie limitée, Presses de l’Université de Laval, Laval, 2005, 335p.
! RIEFFEL Rémy, Que sont les médias ?, Gallimard / Filio actuel, 2005, 537p.
Périodiques
! Le Monde, Paris (1944 - )
! Wired, San Francisco (1995 - )
Sites Internet
! www.adbrite.com (Régie publicitaire sur internet)
! www.astalavista.com (Site communautaire de hackers)
! www.bittorrent.com (Site officiel du protocole et du client Bittorrent)
43
Courrier des lecteurs, in Le Monde 2, 12 août 2006, Paris, p.4
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
29
Septembre 2006
! www.btefnet.com (Ancien site Bittorrent consacré à la télévision)
! www.btjunkie.org (Moteur de recherche Bittorrent)
! www.cachelogic.com (Site d’une société spécialisée dans l’étude du phénomène P2P)
! www.demonoid.com (Moteur de recherche et tracker Bittorrent)
! freevo.sourceforge.net (Site de développement du projet de magnétoscope numérique
sous linux freevo)
! www.grouper.com (Site de publication de vidéos)
! www.ifilm.com (Site de publication de vidéos)
! www.isohunt.com (Moteur de recherche Bittorrent)
! www.katz.ws (Moteur de recherche de hackers)
! www.last.fm (Site communautaire et statistique de pratiques musicales d’utilisateurs)
! www.latebyte.nl (Tracker Bittorrent spécialisé dans les Late shows américains)
! www.lemonde.fr (Site Internet du journal Le Monde)
! www.lokitorrent.com (Ancien site Bittorrent consacré à la télévision)
! www.microsoft.com/windowsxp/mediacenter/default.mspx (Site du magnétoscope
numérique développé par la société Microsoft)
! www.mpaa.com (Site de la Motion Picture Association of America)
! www.mythtv.org (site de développement du projet de magnétoscope numérique sous
linux mythtv)
! www.piratpartiet.se (Site du parti pirate suédois)
! www.prosiebensat1.com (Site du bouquet satellite allemand Prosieben)
! www.riaa.com (Site de la Recording Insdustry Association of America)
! www.shuntv.net (Ancien site Bittorrent consacré à la télévision)
! www.suprnova.com (Ancien site Bittorrent consacré à la télévision)
! www.team-mediaportal.com (Site de développement du magnétoscope numérique
Média portal, sous Windows)
! www.thepiratebay.org (Moteur de recherche et tracker Bittorrent)
! www.tivo.com (site officiel la société américaine développant le magnétoscope
numérique Tivo)
! www.torrentreactor.to (Moteur de recherche Bittorrent)
! www.torrentspy.com (Moteur de recherche Bittorrent)
! www.tvtorrent.com (Ancien site Bittorrent consacré à la télévision)
! www.youtube.com (Site de publication de vidéos)
Colloque international « Mutations des industries de la culture, de l’information et de la communication »
30
Septembre 2006

Documentos relacionados

les conditions d`une typologie des genres télévisuels d

les conditions d`une typologie des genres télévisuels d nis des axes de typologisation selon les critères homogènes d’organisation discursive (que le matériau soit verbal ou visuel). Propositions pour une typologie des genres médiatiques En fait, ce dét...

Leia mais