(Konder, Renteria et alii)
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(Konder, Renteria et alii)
RAPPORT BRÉSILIEN Preuve et droits fondamentaux par Carlos KONDER Professeur à l’Université de l’État de Rio de Janeiro – UERJ Pablo RENTERIA Professeur à la Pontificale Université Catholique de l’État de Rio de Janeiro – PUC-Rio Marcos POVOA Doctorant à l’Université Paris II – Panthéon-Assas Gustavo ESPÍRITO-SANTO Doctorant à l’Université Paris II – Panthéon-Assas 1-1 Les droits fondamentaux sont-ils pertinents et efficaces pour prohiber absolument la preuve par la torture comme moyen de lutter contre des fléaux tels que le terrorisme ? L’interdiction de la torture est une garantie individuelle absolue et générale consacrée par l’ordre juridique brésilien. Pour faire face aux abus perpétrés par les pouvoirs publics vis-à-vis des individus lors de la dictature militaire au Brésil (1964-1985), la Constitution Fédérale de 1988 (CF[Br]) a consacré le droit fondamental de tout individu de « ne pas être soumis à la torture ni [de] faire l’objet d’un traitement inhumain ou dégradant » (CF[Br], art. 5ème, III).1 Au vu de cette interdiction constitutionnelle, le législateur infraconstitutionnel a ensuite tâché de définir la torture. C’est ainsi que la Loi fédérale nº 9.455/1997 établit que : « constitue le crime de torture [le fait de] : (I) contraindre quelqu'un par la violence ou moyennant de graves menaces, qui causent de la souffrance physique ou mentale : (a) ayant la finalité d’obtenir une information, une déclaration ou la confession de la victime ou d’un tiers ».2 / 3 C’est ainsi qu’en droit brésilien toute preuve obtenue moyennant torture est réputée illicite et, de ce fait, l’auteur de la torture subira les peines de la loi. La loi prévoit par ailleurs que le fonctionnaire (juge, policier, membre du Ministère public) qui pratique la torture afin d’obtenir une preuve aura sa peine restrictive de liberté augmentée entre un sixième et un tiers.4 Celui qui pratique la torture répondra, en outre, civilement des dommages causés à la victime, y compris la compensation pour le dommage moral. 1 Dans l’original : “ninguém será submetido a tortura nem a tratamento desumano ou degradante”. Dans l’original : Lei nº 9.455/1997, art. 1o. “Constitui crime de tortura: (I) constranger alguém com emprego de violência ou grave ameaça, causando-lhe sofrimento físico ou mental: (a) com o fim de obter informação, declaração ou confissão da vítima ou de terceira pessoa”. 3 Il faut noter par ailleurs que l’article 1er de la Loi nº 9.455/1997 définit d’autres modalités de torture. 4 Dans l’original : Lei nº 9.455/1997, art. 1o, § 4º. “Aumenta-se a pena de um sexto até um terço: (I) se o crime é cometido por agente público”. 2 1 Outre les conséquences mentionnées ci-dessus concernant l’auteur de la torture, il faut remarquer que la preuve obtenue par la torture ne peut absolument pas servir à l’instruction criminelle ou civile, ceci quelle que soit l’activité illicite qui en est l’objet (y compris le terrorisme). En effet, cette interdiction de l’utilisation des moyens de preuve illicites est prévue par la Constitution Fédérale brésilienne, qui établit que « les preuves obtenues par des moyens illicites sont inadmissibles dans la procédure » (CF[Br] art. 5ème, LVI).5 Dans le même sens, le Code brésilien de procédure pénale (CPP[Br]) établit que « les preuves illicites, c’est-à-dire celles obtenues par des moyens non conformes aux normes constitutionnelles et légales, ne sont pas admissibles et doivent être écartées [du dossier] de la procédure » (CPP[Br], art. 157).6 C’est ainsi que les tribunaux brésiliens rejettent fermement toute possibilité d’obtention de la preuve moyennant torture.7 1-2 Etait-il judicieux de soumettre les fouilles corporelles intégrales à une autorisation judiciaire ? Le système juridique brésilien ne contient pas de disposition générale interdisant les fouilles corporelles intégrales, ni ne prévoit l’exigence d'une autorisation judiciaire préalable à un tel procédé. En effet, en droit brésilien le contrôle des fouilles corporelles intégrales est normalement fait par le biais de la protection de l’intimité et de la vie privée, droits fondamentaux prévus à l'art. 5, X de la Constitution Fédérale : « sont inviolables l’intimité, la vie privée, l'honneur et l'image des personnes, et il est assuré le droit à l'indemnisation des dommages matériels ou moraux résultant de la violation de ces droits ».8 La principale controverse sur le sujet est trouvée dans le contexte des relations de travail, dans lesquelles le pouvoir de gestion de l'employeur, au nom de la protection du patrimoine de l’entreprise, impose les fouilles corporelles, en particulier en ce qui concerne les femmes. D’une manière générale, il est dit qu’un tel procédé, lorsque disproportionné, conduirait à la violation de la vie privée en milieu de travail9. La controverse a conduit à la modification du Code du Travail (Consolidação das Leis Trabalhistas), avec l'introduction de l'art. 373-A, qui dispose dans sa section VI : Code du travail [Consolidação das Leis Trabalhistas], art. 373-A, section VI. Sous réserve des dispositions visant à corriger les distorsions qui affectent l'accès des femmes au marché de travail et quelques particularités mises en place dans certaines conventions collectives de travail, il est interdit : (...) VI – à l’employeur ou à son agent, de procéder à la fouille corporelle des salariées.10 En dépit de la restriction légale, d’une manière générale la jurisprudence brésilienne établit que la fouille corporelle intégrale est une atteinte à l'honneur ou à la vie privée de 5 Dans l’original : “são inadmissíveis, no processo, as provas obtidas por meios ilícitos”. Dans l’original : “são inadmissíveis, devendo ser desentranhadas do processo, as provas ilícitas, assim entendidas as obtidas em violação a normas constitucionais ou legais”. 7 V., dans ce sens, l’arrêt qui a réputé nul et de nul effet une confession obtenue moyennant torture (arrêt du 28.01.2008, rendu par le Tribunal Régional Fédéral de la 1ère Région, ACR 1165-TO, 4ème Chambre [4a Turma]). 8 Dans l’original : “são invioláveis a intimidade, a vida privada, a honra e a imagem das pessoas, assegurado o direito a indenização pelo dano material ou moral decorrente de sua violação”. 9 Bruno LEWICKI. A Privacidade da Pessoa Humana no Ambiente de Trabalho. Rio de Janeiro: Renovar, 2004. 10 Dans l’original :“Ressalvadas as disposições legais destinadas a corrigir as distorções que afetam o acesso da mulher ao mercado de trabalho e certas especificidades estabelecidas nos acordos trabalhistas, é vedado: (...) (VI) proceder o empregador ou preposto a revistas íntimas nas empregadas ou funcionárias”. 6 2 l'employé11. Avec l'accord préalable de l'employé uniquement, et du moment qu’il n’y a pas de violation des normes éthiques généralement acceptées, la fouille corporelle intégrale est autorisée.12 Compte tenu de ce positionnement de la jurisprudence, les tentatives d'élargissement de la portée de la disposition de loi indiquée de manière à inclure d'autres situations de fouille corporelle, telles que celles réalisées avant l’accès aux grands spectacles et avant les visites aux détenus de manière générale, ont été mises en échec. Si, à l'égard de la protection du patrimoine de l’entreprise, la fouille corporelle est déjà tolérée (lorsqu'elle est réalisée de manière proportionnelle), dans d'autres cas, liés à la sécurité publique et à la protection corporelle de l’individu, la même tolérance est a fortiori appliquée. Ainsi, comme il n’est pas possible d’exiger une autorisation judiciaire préalable pour procéder à des fouilles corporelles, s’agissant d’une action invasive, ce type de contrôle est exercé a posteriori afin de limiter les abus pratiqués. Lorsque la fouille corporelle intégrale est considérée disproportionnée, l’offenseur sera condamné à indemniser la victime pour le préjudice moral causé, sans préjudice d'autres sanctions applicables en matière pénale ou administrative. 1-3 Le droit de se taire devrait-il être plus ou moins relatif ? Dans l’ordre juridique brésilien le droit au silence est prévu par la Constitution Fédérale (CF[Br]) dans des termes suivants : Constitution Fédérale brésilienne, art. 5, LXIII. Le détenu sera informé de ses droits, parmi lesquels se trouve le droit de garder le silence, et il lui est également garanti l’assistance de sa famille et d’un avocat.13 Même si la règle constitutionnelle en question ne mentionne que les « détenus », il faut remarquer que les tribunaux brésiliens confèrent une interprétation plus large à ladite norme, de manière à reconnaître à toute partie d’une investigation ou d’une procédure punitive le droit de se taire pendant l’interrogatoire, afin de ne pas produire une preuve contre soi-même.14 Dans ce sens, le Supremo Tribunal Federal – la cour constitutionnelle suprême au Brésil – a décidé que « toute personne qui fait une déposition auprès des Pouvoirs Publics appartenant à n’importe quel niveau [de la fédération] peut faire valoir le droit au silence, afin d’éviter l’auto-incrimination ».15 Par ailleurs, le Code brésilien de procédure pénale (CPP[Br]) détermine qu’avant même le début de l’interrogatoire, la partie défenderesse doit être informée par le juge de « son droit de se taire et de ne pas répondre aux questions qui lui auront été formulées » 11 TST, 3ª T., RR 1565/2001-664-09-00.2, Rel. Min. Maria Cristina Irigoyen Peduzzi. STF, 1ª T., AI 220459 AgR, Rel. Min. Moreira Alves, julg. 28/09/1999. 13 Dans l’original : “o preso será informado de seus direitos, entre os quais o de permanecer calado, sendo-lhe assegurada a assistência da família e de advogado”. 14 Cf. Ada Pellegrini Grinover, Antonio Scarance Fernandes e Antonio Magalhães Gomes Filho, As Nulidades no Processo Penal, São Paulo : RT, 2001, 7ª ed, p. 82. 15 Dans l’original : “qualquer pessoa que preste depoimento em qualquer das esferas do Poder Público pode utilizar-se do direito ao silêncio, para evitar a auto-incriminação” (STF, Habeas Corpus nº 86.319-1, rel. Ministro Marco Aurélio, julg. 18.08.2005). V. aussi : STF, Primeira Turma, Habeas Corpus nº 68.929-9/SP, Relator Ministro Celso de Mello, julg. 22.10.1991. 12 3 (CPP[Br], art. 186).16 L’absence d’information de ce droit par le juge entraîne, d’après le Supremo Tribunal Federal, la nullité de l’interrogatoire.17 En ce qui concerne les effets qu’engendre le silence de l’accusé, le Code de procédure pénale, qui est antérieur à l’actuelle Constitution Fédérale (celle-ci datant de 1988), prévoyait que le juge devait prévenir l’accusé que son silence peut « être interprété contrairement à sa propre défense ». Cependant, le Supremo Tribunal Federal s’est manifesté à plusieurs reprises sur l’incompatibilité de la règle en question avec le droit fondamental à la non-auto-incrimination. Ainsi, malgré la portée du Code de procédure pénale, la cour constitutionnelle a reconnu que l’exercice du droit au silence ne peut entrainer aucune conséquence négative concernant les intérêts de l’accusé.18 Ainsi, en 2003 la règle suivante fut insérée au sein du Code brésilien de procédure pénale : « le silence, qui ne sera pas considéré comme une confession, ne pourra être interprété contrairement à la défense » (CPP[Br], art. 186, paragraphe unique).19 En ce qui concerne encore les effets du silence de l’accusé, il faut remarquer d’ailleurs que le refus de celui-ci de répondre aux questions posées par l’autorité publique ne caractérise pas le crime de désobéissance.20 Le silence de l’accusé ne peut pas non plus justifier la détermination ou la maintenance de la détention préventive de l’accusé.21 Par ailleurs, le silence de l’accusé ne peut être pris en considération par le juge afin de justifier l’augmentation de la peine attribuée à l’accusé ; ou encore afin de rendre plus grave le régime d’exécution de la peine.22 En revanche, la confession d’un crime par l’accusé est une circonstance qui entraîne la diminution de la peine. 1-4 Les traquenards probatoires que les moyens technologiques permettent de tendre aux individus jusque dans l’intimité de leur vie privée (écoutes téléphoniques, sonorisation, GPS…) sont-ils suffisamment encadrés ? Au Brésil, la réglementation de l'utilisation des outils technologiques qui provoquent une invasion de la vie privée est effectuée d'abord par la Constitution. La Constitution brésilienne prévoit, de façon générale, que « le secret de la correspondance et des moyens de communication télégraphiques, des données, et des communications téléphoniques, est inviolable, sauf dans ce dernier cas, où le secret peut être brisé par ordonnance d’un tribunal, dans les circonstances et selon les modalités prévues par la loi pour une enquête criminelle ou instruction procédurale pénale » (CF[Br], art. 5, XII).23 Autrement dit, l'utilisation de ces 16 CPP[Br], art. 186. Après avoir été dûment qualifié et avoir pris connaissance de l’intégralité de l’accusation, l’accusé sera informé par le juge, avant le début de l’interrogatoire, de son droit de se taire et de ne pas répondre aux questions qui lui auront été formulées (dans l’original : “Depois de devidamente qualificado e cientificado do inteiro teor da acusação, o acusado será informado pelo juiz, antes de iniciar o interrogatório, do seu direito de permanecer calado e de não responder perguntas que lhe forem formuladas”). 17 Habeas Corpus nº 80.949-9/RJ, Primeira Turma, Relator Ministro Sepúlveda Pertence, julg. 30.10.2001. 18 STF, Habeas Corpus nº 75.616, Primeira Turma, Relator Ministro Ilmar Galvão, julg. em 11.11.1997. 19 Dans l’original : “O silêncio, que não importará em confissão, não poderá ser interpretado em prejuízo da defesa”. 20 STF, Habeas Corpus nº 75.257-8/RJ, Primeira Turma, Relator Ministro Moreira Alves, julg. em 17.06.1997. 21 STF, Habeas Corpus nº 89.503-4/RS, Segunda Turma, Relator Ministro Cezar Peluso, julg. 03.04.2007. 22 STF, Habeas Corpus nº 68.742-3/DF, Pleno, Ministro Relator Octavio Galotti, julg. em 28.06.1991; Habeas Corpus nº 72.815-4/MS, Primeira Turma, Relator Ministro Moreira Alves, julg. 05.09.1995; Habeas Corpus nº 80.616-3/SP, Segunda Turma, Relator Ministro Marco Aurélio, julg. 18.09.2001. 23 Dans l’original : “é inviolável o sigilo da correspondência e das comunicações telegráficas, de dados e das comunicações telefônicas, salvo, no último caso, por ordem judicial, nas hipóteses e na forma que a lei estabelecer para fins de investigação criminal ou instrução processual penal”. 4 moyens dits invasifs est interdite à moins qu’il existe une ordonnance d’un tribunal à des fins d'enquête ou d’instruction procédurale. Le cadre spécifique de l'interception des communications téléphoniques a été réglementé par la loi 9.296/1996. Cette loi est également applicable aux flux de communications dans les systèmes informatiques et télématiques. Elle restreint l'interception à l'existence de preuves suffisantes et à l'impossibilité d’obtention de cette preuve par d'autres moyens. La loi impose également la destruction des enregistrements qui ne seront pas utilisés comme preuve et criminalise l'interception sans autorisation judiciaire préalable. Il est soutenu dans la doctrine que l'interception réalisée avec autorisation judiciaire, telle que prévue par la Constitution Fédérale et régie par la loi citée ci-dessus, ne se limite pas à l'instruction de la procédure pénale, et peut également être applicable à la procédure civile.24 L'argument utilisé est que « s’agissant de relations existentielles, en particulier dans le cas de la protection de la personnalité et des relations familiales, qui sont guidées par le principe de la dignité humaine et de la solidarité constitutionnelle, il s’impose un traitement isonomique afin d'adopter les mêmes critères et hypothèses contenues dans la Loi 9.296/96 pour l’admission de la preuve illégale, à titre exceptionnel et après une méticuleuse analyse des intérêts en jeu ».25 Toutefois, selon l’intérêt juridique qui est en jeu, il peut y avoir un assouplissement de la réglementation, afin d'admettre, par exemple « l'interception téléphonique, ordonnée par un tribunal civil, dans les cas de recherche de paternité, de mesure d'interdiction, d’action de destitution du pouvoir parental, où la preuve illégale montre des faits d'abus sexuels des parents, contraires à la protection de la dignité humaine ».26 L'exigence d'une autorisation judiciaire préalable est limitée aux cas d'interception réalisée par un tiers sans la connaissance des deux parties. Cette règle ne s'applique pas aux cas d'écoute (sonorisation) perpétrée par l'un des interlocuteurs.27 O Supremo Tribunal Federal (Cour constitutionnelle suprême au Brésil) a déjà consolidé sa jurisprudence dans ce sens : « Action Pénale. Preuve. Sonorisation d’un lieu. Sonorisation réalisé par l'un des intervenants à l'insu de l'autre. Validité. La jurisprudence est réaffirmée par la Cour. Répercussion générale reconnue. Recours extraordinaire accueilli. Application de l'art. 543-B, § 3, du CPC. La preuve de sonorisation (écoute installée dans un lieu spécifique) réalisée par l'un des interlocuteurs à l'insu de l'autre est licite ».28 De manière générale, il est soutenu dans la doctrine que tous les moyens dits invasifs de la vie privée et de stockage et contrôle des données personnelles doivent être guidés par les 24 Fredie DIDIER JR. et. al.. Curso de direito processual civil, vol. 2. Salvador: Juspodium, 2009, p. 36. Gustavo TEPEDINO et al. Código Civil interpretado conforme a Constituição da República, vol. I, 2. ed. Rio de Janeiro: Renovar, 2007, p. 433. 26 Gustavo TEPEDINO et al. Código Civil interpretado conforme a Constituição da República, vol. I, 2. ed. Rio de Janeiro: Renovar, 2007, p. 433. Dans l’original : “a interceptação telefônica, em juízo cível, em casos de investigação de paternidade, interdição, ação de destituição de pátrio poder, em que a prova ilícita evidencia a prática de abuso sexual dos genitores contra salvaguarda dos bens jurídicos atingidos, todos relativos à tutela da dignidade da pessoa humana”. 27 Fredie DIDIER JR. et. al.. Curso de direito processual civil, vol. 2. Salvador: Juspodium, 2009, p. 35. 28 STF, RE 583937 QO-RG, Rel. Min. Cezar Peluso, j. 19/11/2009, publ. RJSP v. 58, nº 393, 2010, p. 181-194. Dans l’original : “Ação penal. Prova. Gravação ambiental. Realização por um dos interlocutores sem conhecimento do outro. Validade. Jurisprudência reafirmada. Repercussão geral reconhecida. Recurso extraordinário provido. Aplicação do art. 543-B, § 3º, do CPC. É lícita a prova consistente em gravação ambiental realizada por um dos interlocutores sem conhecimento do outro”. 25 5 principes de transparence, d'exactitude, de finalité, de libre accès et de sécurité, à l'instar des règles de la Communauté européenne.29 Cependant, il n’y a pas de réglementation juridique spécifique en vigueur et les opinions ne sont pas unanimes ni en doctrine, ni en jurisprudence. 1-5 Les infiltrations policières sont-elles légitimes? En droit brésilien, l’infiltration policière est une méthode d’investigation prévue par la loi portant sur la « prévention et la répression des actions commises par des organisations criminelles » (Lei nº 9.034/1995) et concerne tout particulièrement les crimes liés au trafic de drogues (Lei nº 11.343/2006, art. 53, I). Dans ce sens, la loi nº 9.034/1995 établit que : « au cours de toutes les phases de l’enquête criminelle, au surplus des autres procédures prévues par la loi, les procédures d’investigation et de production de preuve mentionnés ci-après sont admises : (…) (V) infiltration, par des agents de la police ou de l’intelligence, pour des missions d’investigation, celle-ci étant constituée des organes spécialisés compétents, moyennant autorisation judiciaire justifiée » (art. 2, V).30 C’est ainsi qu’en droit brésilien l’infiltration est conditionnée à l’autorisation judiciaire, celle-ci étant normalement demandée au sein d’une procédure qui se déroule sous secret de justice, afin d’en assurer l’efficacité. En conformité avec les conventions internationales pour le combat contre le crime organisé (spéc. Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, 2000 et Convention des Nations Unies contre la corruption, 2003), la loi brésilienne a envisagé d’habiliter la police et l’intelligence brésiliennes à pratiquer des actions efficaces pour faire face aux organisations criminelles, notamment en ce qui concerne la production de la preuve. C’est ainsi que l’infiltration se présente comme un moyen extrêmement efficace, puisqu’elle permet que l’agent infiltré, une fois accueilli au sein de l’organisation criminelle, comprenne son fonctionnement en vue d’obtenir des informations et des documents permettant l’identification des pratiques et des membres de l’organisation en vue de leur incrimination.31 En dépit de la prévision légale de l’infiltration policière, il fut débattu en droit brésilien s’il s’agirait d’une mesure qui porterait atteinte au principe constitutionnel de la moralité de l’administration publique (CF[Br] art. 37). Ceci parce que le policier, infiltré au sein d’une organisation criminelle, est susceptible de pratiquer ou de participer à la pratique de certains crimes.32 Dans ce sens, certains auteurs se sont même interrogés si, par l’infiltration policière, l’Etat ne serait en effet lui-même en train de réaliser ou de participer à la réalisation de certains actes criminels.33 Il fut également soulevé que l’infiltration policière porterait atteinte au droit constitutionnellement reconnu à la défense pleine et efficace [ampla 29 Danilo DONEDA. Da privacidade à proteção de dados pessoais. Rio de Janeiro: Renovar, 2006, p. 216-217. Dans l’original : Lei nº 9.034/1995, art. 2o. “Em qualquer fase de persecução criminal são permitidos, sem prejuízo dos já previstos em lei, os seguintes procedimentos de investigação e formação de provas: (...) V – infiltração por agentes de polícia ou de inteligência, em tarefas de investigação, constituída pelos órgãos especializados pertinentes, mediante circunstanciada autorização judicial”. 31 Cf. Rafael PACHECO, Crime Organizado – medidas de controle e infiltração policial, Curitiba: Juruá, 2008, p. 109; e Marcelo BATLOUNI MENDRONI, Crime Organizado – aspectos gerais e mecanismos legais, São Paulo: Atlas, 2007, p. 54. 32 Juarez Cirino dos Santos, Crime Organizado, in Revista Brasileira das Ciências Criminais, nº 42, jan.-mar. 2003, p. 224. 33 Cf. Mariângela LOPES NEISTEIN, O agente infiltrado, p. 74. 30 6 defesa] (CF[Br] art. 5, LV),34 puisqu’elle entraînerait l’auto-incrimination des personnes sous investigation, qui seraient induites à l’erreur sur la véritable identité de l’agent infiltré.35 1-6 L’interdiction de conserver des données personnelles biologiques (empreintes digitales, échantillons cellulaires et profils ADN) ou professionnelles (lustration) est-elle adaptée aux réalités de notre temps ? Le système juridique brésilien ne dispose pas d'une interdiction expresse générale de la conservation des données biologiques ou professionnelles. Le prélèvement génétique est régi par la Loi 12.654/2012, qui prévoit le prélèvement de matériel biologique afin de permettre l'identification criminelle dans le but d'obtenir le profil génétique de l'accusé. Le profil génétique sera stocké dans une base de données de profils génétiques, gérée par un bureau officiel d’expertise criminelle. Il est à noter que les données génétiques contenues dans les bases de données de profils génétiques sont secrètes, et celui qui permet ou favorise l’utilisation de ces données à des fins autres que celles prévues par la loi ou par une décision judiciaire répondra civilement, pénalement et administrativement de ses actes. De plus, l'information génétique contenue dans les bases de données de profils génétiques ne peut pas révéler des informations somatiques ou des traits comportementaux des personnes, sauf la détermination génétique du sexe de la personne, selon les règles constitutionnelles et internationales sur les droits de l'homme, le génome humain et les données génétiques. Ladite Loi 12.654/2012 prévoit, toutefois, que l'exclusion des profils génétiques des bases de données aura lieu à la fin de la durée fixée par la loi pour la prescription du crime ou infraction commis. Ainsi, bien qu'il n'y ait pas d'interdiction générale sur la conservation des données biologiques concernant les profils génétiques des criminels inculpés, les données biologiques doivent être jetés après la prescription du crime. Il est soutenu par la doctrine qu’un tel raisonnement doit être appliqué à tous les domaines où il y a stockage de données génétiques, en raison de son potentiel d'atteinte à la dignité humaine, ce qui explique pourquoi le stockage de données génétiques doit rester exceptionnel.36 1-7 Le critère de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable » est-il transposable en droit français ? La Constitution Fédérale brésilienne consacre le principe de présomption d’innocence des accusés, selon les termes suivants : « aucune personne ne sera considérée coupable avant que la décision pénale condamnatoire ne soit passée en force de chose jugée » (CF[Br], art. 5, LVII).37 Les règles concernant la production et l’appréciation de la preuve qui découlent de ce principe constitutionnel engendrent en droit brésilien un critère de jugement qui s’approche de celui de la preuve « au-delà de tout doute raisonnable », qui prévaut en droit nord-américain. 34 CF[Br], art. 5, LV : aux parties, dans un litige judiciaire ou administratif, et aux accusés en général sont assurés le contradictoire et le principe de la défense pleine et efficace [ampla defesa], y compris les recours inhérents à celle-ci (dans l’original : “aos litigantes, em processo judicial ou administrativo, e aos acusados em geral são assegurados o contraditório e ampla defesa, com os meios e recursos a ela inerentes”). 35 Manuel Monteiro GUEDES VALENTE. O novo regime jurídico do agente infiltrado, Coimbra: Almedina, 2001. 36 Anderson SCHREIBER. Direitos da personalidade. São Paulo: Atlas, 2011. 37 Dans l’original : “Ninguém será considerado culpado até o trânsito em julgado de sentença penal condenatória”. 7 En effet, le principe de présomption d’innocence fait que la charge de la preuve de la conduite criminelle, en ce qui concerne la matérialité du crime et l’identification de son auteur, revienne à la partie accusatrice.38 Ceci étant, au cas où l’accusation ne produit pas de preuves suffisantes pour l’identification de la conduite criminelle, le juge doit alors acquitter la partie défenderesse.39 Il découle également du principe de la présomption d’innocence la règle in dubio pro reu. Ainsi, en droit brésilien, lorsqu’il y a un doute concernant l’existence d’un certain fait dans un litige, la solution sur le point douteux doit être celle qui bénéficie à la partie défenderesse.40 Dans ce sens, le Code de procédure pénale prévoit expressément que : « le juge acquittera la partie défenderesse (…) dès lors qu’il reconnaît : (…) (V) qu’il n’existe pas de preuve que celle-ci ait contribué à la pratique de l’infraction pénale ; (VI) (…) qu’il y a un doute raisonnable concernant l’existence [du crime] ; (VII) qu’il n’existe pas de preuve suffisante pour la condamnation » (CPP[Br], art. 386).41 Ainsi, les doutes concernant les faits présentés au juge par la partie accusatrice peuvent entraîner l’acquittement de la partie défenderesse, alors même que cette dernière n’a pas présenté la preuve que le crime n’a pas eu lieu ou que le défendeur n’y a pas participé. On peut donc dire que le « doute raisonnable » bénéficie à la partie défenderesse. Dans ce sens, il faut remarquer que le droit brésilien ne saurait pas admettre l’application par le juge d’une peine moins importante à l’accusé ou encore la diminution de sa peine lorsqu’il constate un doute sur les faits. Il n’est pas non plus admis la suspension de la procédure jusqu’à ce que l’accusé prouve son innocence ou que la partie accusatrice puisse en prouver la culpabilité. Dans tous ces cas, l’acquittement du défendeur doit être prononcé par le juge dès lors qu’il analyse toutes les preuves produites au long de la procédure et qu’il constate le doute en question.42 1-8 L’institution, en France, de la QPC, a-t-elle eu une incidence sur la limitation des moyens de preuve admissibles ? Le pouvoir attribué aux tribunaux de contrôler, au cours d’un litige, la constitutionalité des lois et des actes normatifs originaires des pouvoirs publics fut incorporé à l’ordre juridique brésilien par la Constitution fédérale de 1934.43 Ce contrôle – dit diffus et à posteriori – de constitutionalité est actuellement prévu par l’article 97 de la Constitution fédérale de 1988 : 38 Fernando CAPEZ, Curso de Processo Penal, São Paulo: Saraiva, 2011, 18ª edição, p. 81. Fernando da Costa Tourinho Filho, Processo Penal, vol. III, Saraiva: São Paulo, 1993, 14ª edição, p. 213. 39 V. Afrânio SILVA JARDIM, Direito Processual Penal, Rio de Janeiro: Forense, 2003, p. 206-213. 40 Guilherme DE SOUZA NUCCI, Manual de Processo Penal e Execução Penal, São Paulo: Editora Revista dos Tribunais, 2008, 5ª edição, p. 97. 41 Dans l’original : “O juiz absolverá o réu (...) desde que reconheça: (...) (V) não existir prova de ter o réu concorrido para a infração penal; (VI) (...) se houver fundada dúvida sobre sua existência [do crime] ; (VII) não existir prova suficiente para a condenação”. 42 Antonio MAGALHÃES GOMES FILHO. Presunção de inocência e prisão cautelar, São Paulo: Saraiva, 1991, p. 10. 43 Constitution fédérale brésilienne de 1934, art. 179 – « Les Tribunaux ne pourront déclarer l’inconstitutionnalité d’une loi ou d’un acte du Pouvoir Public que par la majorité absolue des voix de la totalité des Juges qui en font partie ». Dans l’original : “Constituição Federal brasileira de 1934, art. 179 - Só por maioria absoluta de votos da totalidade dos seus Juízes, poderão os Tribunais declarar a inconstitucionalidade de lei ou ato do Poder Público”. 8 Constitution fédérale brésilienne, art. 97. Les tribunaux ne peuvent déclarer l’inconstitutionnalité des lois ou des actes normatifs originaires du Pouvoir Public que par la majorité absolue des voix de ses membres ou des membres de ses cours internes ayant la compétence pour ce faire [“órgão especial”].44 La déclaration d’inconstitutionnalité des lois ou des actes normatifs peut être provoquée par la demande des parties lors d’un litige ou soulevée d’office par le juge.45 Dans tous les cas, une telle déclaration d’inconstitutionnalité ne produit d’effets qu’entre les parties qui s’opposent dans le litige (inter alios acta).46 Il en ressort qu’en matière de contrôle de la preuve, les parties à un litige disposent d’un moyen leur permettant de limiter toute loi ou acte normatif qui leur imposerait la production d’une preuve contraire aux principes institués par la Constitution fédérale. Néanmoins, dans la mesure où la compétence pour ce contrôle diffus de constitutionalité est attribuée aux tribunaux de chaque état fédéral, ainsi qu’aux tribunaux fédéraux ayant leur siège au sein de chaque état de la fédération, il serait difficile – pour répondre précisément à la question qui a été posé – de mesurer l’incidence que ce contrôle a eu sur la limitation des moyens de preuve en droit brésilien. Ceci dit, cette méthode a certainement le mérite de donner l’initiative aux parties, qui le cas échéant pourront évoquer directement l’inconstitutionnalité de la preuve qui leur est demandée. Un autre moyen de contrôle de constitutionnalité des lois peut également s’avérer un important mécanisme de limitation des moyens de preuve dans l’ordre juridique brésilien. Il s’agit en effet de l’« action directe d’inconstitutionnalité », dont la compétence appartient au Supremo Tribunal Federal (la Cour Constitutionnelle Suprême) : Constitution fédérale brésilienne, Art. 102. Le Supremo Tribunal Federal a la compétence principale de veiller sur la Constitution, lui étant attribué : (I) de connaître en premier et dernier ressort et de juger : (a) l’action directe d’inconstitutionnalité des lois ou des actes normatifs fédéraux et l’action déclaratoire de constitutionnalité des lois ou des actes normatifs fédéraux.47 Si cette « action directe d’inconstitutionnalité » a l’inconvénient de ne pouvoir pas être proposée directement par les parties lors d’un litige,48 elle a l’avantage de produire des effets généraux49, n’étant pas limitée au rapport entre les parties lors d’un litige spécifique. 44 Dans l’original: “Somente pelo voto da maioria absoluta de seus membros ou dos membros do respectivo órgão especial poderão os tribunais declarar a inconstitucionalidade de lei ou ato normativo do Poder Público”. 45 José Afonso da SILVA. Curso de direito constitucional positivo, 9. ed. São Paulo: Malheiros, 1994, p. 52. 46 José Afonso da SILVA. Curso de direito constitucional positivo, 9. ed. São Paulo: Malheiros, 1994, p. 54. 47 Dans l’original : “Compete ao Supremo Tribunal Federal, precipuamente, a guarda da Constituição, cabendolhe: I - processar e julgar, originariamente: (a) a ação direta de inconstitucionalidade de lei ou ato normativo federal ou estadual e a ação declaratória de constitucionalidade de lei ou ato normativo federal”. 48 L’article 103 de la Constitution fédérale brésilienne indique quelles sont les personnes ayant la légitimité pour présenter l’action directe d’inconstitutionnalité, parmi lesquelles se trouve, par exemple, le Président de la République, mais également, le conseil fédéral de l’Ordre des Avocats, les partis politiques représentés au Congrès national, les syndicats et les associations de classe ayant une représentation nationale. 49 CF[Br], art. 102, § 2ème. « les décisions définitives concernant le fond du litige, rendues par le Supremo Tribunal Federal, dans les actions directes d’inconstitutionnalité et dans les actions déclaratoires de constitutionnalité seront efficaces à l’égard de tous et lieront les autres organes du Pouvoir judiciaire et l’administration publique, directe et indirecte, dans les instances fédérales, des états et des municipalités » (dans l’original : “As decisões definitivas de mérito, proferidas pelo Supremo Tribunal Federal, nas ações diretas de inconstitucionalidade e nas ações declaratórias de constitucionalidade produzirão eficácia contra todos e efeito 9 Ainsi, l’effet erga omnes de l’action directe d’inconstitutionnalité peut se révéler être une mesure efficace pour suspendre les effets des lois et des actes normatifs instituant des moyens de preuve inconstitutionnels. Qu’il s’agisse de limiter les effets d’une loi portant sur la preuve par le contrôle diffus de constitutionnalité ou moyennant l’action directe d’inconstitutionnalité, la violation de la règle constitutionnelle en question peut toucher certains des droits fondamentaux individuels prévus par l’article 5 de la Constitution fédérale brésilienne. Il pourrait ainsi être le cas de la violation par la loi des principes du contradictoire et de la défense pleine et efficace [ampla defesa], concernant un moyen de preuve spécifique (CF[Br], art. 5, nº LV)50 ; de l’autorisation de la réalisation des preuves obtenues par des moyens réputés illicites par l’ordre juridique (CF[Br], art. 5, nº LVI)51 ; ou encore de la violation du droit au silence attribué à toute personne mise en détention (CF[Br], art. 5, nº LXIII).52 Par ailleurs, l’existence des mécanismes susmentionnés de contrôle constitutionnel incitent les instances législatives à publier des lois et des actes normatifs en conformité avec la constitution fédérale. C’est ce qui s’est passé récemment avec l’utilisation de l’éthylomètre comme moyen de preuve prévu par le Code brésilien de la route, son utilisation ne pouvant pas être imposé aux individus.53 Le droit brésilien permet donc le contrôle de la constitutionnalité de toute décision judiciaire par les tribunaux, le Supremo Tribunal Federal se trouvant au sommet de ce contrôle (effectué par renvoi dit « extraordinaire »)54. Bien qu’il ne s’agisse pas d’un moyen vinculante, relativamente aos demais órgãos do Poder Judiciário e à administração pública direta e indireta, nas esferas federal, estadual e municipal”. 50 Cf. note de bas de page nº 34. 51 CF[Br], art. 5, LVI : sont inadmissibles dans la procédure les preuves obtenues par des moyens illicites (dans l’original : “são inadmissíveis, no processo, as provas obtidas por meios ilícitos”). 52 CF[Br], art. 5, LXIII : le détenu sera informé de ses droits, parmi lesquels se trouve le droit de garder le silence, et il lui est également garanti l’assistance de sa famille et d’un avocat (dans l’original : “o preso será informado de seus direitos, entre os quais o de permanecer calado, sendo-lhe assegurada a assistência da família e de advogado”). 53 Le Code brésilien de la route (Lei nº 9.503, de 23/09/1997) établit que la concentration alcoolique dans le sang d’un conducteur peut être contrôlée par moyen de l’éthylomètre. Cependant, le Superior Tribunal de Justice, a affirmé que « l’individu ne peut être obligé à collaborer avec des (…) testes de l’éthylomètre ou des examens de sang, en raison du principe selon lequel aucune personne n’est obligé de s’auto-incriminer (nemo tenetur se detegere). Dans tous les cas le STF [Supremo Tribunal Federal] a considéré que le droit fondamental prévaut sur le besoin de la poursuite étatique » (recours dit « Spécial » [Recurso Especial] nº 1111566/DF, 28/03/2012, dans l’original : “o indivíduo não pode ser compelido a colaborar com os referidos testes do 'bafômetro' ou do exame de sangue, em respeito ao princípio segundo o qual ninguém é obrigado a se autoincriminar (nemo tenetur se detegere). Em todas essas situações prevaleceu, para o STF, o direito fundamental sobre a necessidade da persecução estatal”). C’est ainsi que le Code brésilien de la route fut modifié en 2012 de sorte que, outre le critère objectif de la concentration alcoolique dans le sang, l’incapacité de conduire peut également être constaté par « des signes qui indiquent, selon réglementation du Conseil national du trafic [Contran], un changement de la capacité psychomotrice » (Code brésilien de la route, art. 306, par. 1er, II). Par ailleurs, le Code de la route prévoit également depuis 2012 que, outre l’éthylomètre, la preuve de la capacité psychomotrice d’un conducteur peut être faite moyennant « examen clinique, expertise, vidéo, témoignage ou d’autres moyens de preuve admis en droit, pourvu que le droit à la preuve contraire soit assuré [à la partie défenderesse] (Code brésilien de la route, art. 306, par. 2ème). 54 CF[Br], art. 102. Le Supremo Tribunal Federal a la compétence principale de veiller sur la Constitution, lui étant attribué : (…) III – de juger, par biais du renvoi extraordinaire, les actions en justice décidées en unique ou ultime degré de juridiction, lorsque la décision contre laquelle a été interposé le pourvoi : a) contrarie une disposition de la Constitution ; (…). (Dans l’original : Constituição Federal brasileira, art. 102. Compete ao Supremo Tribunal Federal, precipuamente, a guarda da Constituição, cabendo-lhe : (…) III - julgar, mediante 10 de contrôle de constitutionnalité des lois ou des actes normatifs, ledit contrôle de constitutionnalité des décisions judiciaires s’avère en effet un moyen assez utilisé dans la pratique pour que les parties essayent de limiter (ou d’annuler) certaines preuves qui leur ont été imposées par le juge (notamment par la violation des principes du contradictoire et de la défense pleine et efficace [ampla defesa] – cf. CF[Br], art. 5ème, nº LV mentionné ci-dessus). 2-1 Le droit de faire interroger les témoins est-il suffisamment reconnu ? Dans l’ordre juridique brésilien, le droit qu’a la partie défenderesse de faire interroger des témoins est l’une des conséquences majeures qui découle des droits fondamentaux au contradictoire et à la défense pleine et efficace [ampla defesa], ceux-ci consacrés par la Constitution Fédérale : « aux parties, dans un litige judiciaire ou administratif, et aux accusés en général sont assurés le contradictoire et le principe de la défense pleine et efficace [ampla defesa], y compris les recours inhérents à celle-ci ».55 Ceci étant, le droit de faire interroger des témoins en droit brésilien est interprété d’une façon large et le témoin peut être interrogé par les parties au litige même lorsque le témoin en question a été appelé à la procédure par la partie adversaire. La réforme du Code de procédure pénale de 200856 a remplacé le système présidentialiste – où le juge fait la médiation des questions posées aux témoins, celles-ci lui étant adressées par les parties – par le système du cross examination, inspiré du droit angloaméricain. Ainsi, le Code brésilien de procédure pénale établit que « les questions seront formulées par les parties directement au témoin et le juge n’admettra pas les questions qui peuvent orienter la réponse, qui n’ont pas de rapport avec le litige ou qui sont considérées comme une répétition d’une question déjà répondue. Paragraphe unique : en ce qui concerne les questions qui n’ont pas été rendues claires, le juge pourra intervenir sur l’interrogatoire » (CPP[Br], art. 212).57 C’est ainsi que dans le cross examination prévu par la loi brésilienne, le juge peut, d’office ou par la provocation de l’une des parties, empêcher que le témoin réponde à certaines questions ; il garde d’ailleurs le pouvoir de poser, lui aussi, des questions qu’il juge appropriées. Il faut noter par ailleurs que le pouvoir attribué au juge de contrôler le témoignage reste exclusivement lié aux hypothèses prévues par l’art. 212 du Code de procédure pénale, susmentionné. Ainsi, si le juge refuse des questions en dehors des hypothèses prévues par cet article, la partie intéressée peut demander que le refus soit inscrit dans les procès verbaux de l’audience pour qu’un recours en nullité puisse postérieurement être présenté.58 Il faut enfin mentionner que, lors de l’enquête criminelle réalisée par la police, la partie à qui l’on attribue la pratique d’une certaine action criminelle n’a pas le droit de participer à l’interrogatoire des témoins qui ont été désignés par l’autorité policière. L’enquête criminelle menée par la police est en effet une phase préalable à la procédure pénale judiciaire et, de ce fait, l’enquête n’est pas subordonnée au principe du contradictoire entre les parties. recurso extraordinário, as causas decididas em única ou última instância, quando a decisão recorrida: a) contrariar dispositivo desta Constituição ; (…)). 55 Cf. note de bas de page nº 34. 56 Par la loi nº 11.690/2008. 57 Dans l’original : “As perguntas serão formuladas pelas partes diretamente à testemunha, não admitindo o juiz aquelas que puderem induzir a resposta, não tiverem relação com a causa ou importarem na repetição de outra já respondida. Parágrafo único. Sobre os pontos não esclarecidos, o juiz poderá complementar a inquirição”. 58 Fernando CAPEZ, Curso de Processo Penal, São Paulo: Saraiva, 2011, 18ª edição, p. 427. 11 Pour cette raison la personne qui se trouve sous investigation n’a pas le droit de prendre une part active dans les procédures menées par la police. 2-2 Pour un « droit à une expertise équitable » ? En tant que moyen de preuve réalisé au sein des procédures judiciaires ou administratives, l’expertise reste soumise aux principes du contradictoire et de la défense pleine et efficace [ampla defesa], prévus parmi les droits fondamentaux établis par la Constitution fédérale : Constitution fédérale brésilienne, art. 5, nº LV. Aux parties, dans un litige judiciaire ou administratif, et aux accusés en général sont assurés le contradictoire et la défense pleine et efficace [ampla defesa], y compris les moyens de défense et recours inhérents à cette dernière.59 Ces principes étant ainsi établis par la Constitution fédérale, il revient à la loi ordinaire d’en remplir le contenu. En matière d’expertise judiciaire il faut citer les dispositions du Code de procédure civile et du Code de procédure pénale. En matière civile, le Code de procédure civile fixe le principe général selon lequel « lorsque la preuve d’un fait dépend de la connaissance technique ou scientifique, le juge sera assisté par un expert » (CPC[Br], art. 145). Afin de veiller à la qualité technique de l’expertise, le paragraphe 1er de l’article 145 du CPC détermine que « les experts seront choisis entre des professionnels de niveau universitaire, régulièrement inscrits à l’association de classe correspondant à ses activités » et qu’ils doivent attester (par. 2ème) « leur spécialité dans la matière sur laquelle ils devront donner leur opinion, moyennant certificat de l’association de classe où ils sont inscrits ».60 Par ailleurs, « l’expert qui, par son dol ou sa faute, présente des informations fausses, répondra des préjudices causés à l’une des parties, ne pouvant pour les deux ans qui suivent travailler dans d’autres expertises et reste soumis aux sanctions établies par la loi pénale » (CPC[Br], art. 147).61 En ce qui concerne plus spécifiquement la participation des parties dans le déroulement de l’expertise, le Code brésilien de procédure civile prévoit la possibilité de désignation d’« assistants techniques » (assistentes técnicos) par les parties (CPC[Br], art. 421, par. 1e, I). Les parties (normalement sous l’orientation de leurs « assistants techniques » respectifs doivent présenter à l’expert les questions (quesitos) auxquelles, sous contrôle du juge,62 l’expert devra répondre (CPC[Br], art. 421, par. 1e, I). L’expertise terminée, les « assistants techniques » pourront rédiger et présenter au juge leurs « avis techniques » respectifs (pareceres técnicos).63 Lors de 59 CF[Br], art. 5, Cf. note de bas de page nº 34. CPC[Br], art. 145. “Quando a prova do fato depender de conhecimento técnico ou científico, o juiz será assistido por perito, segundo o disposto no art. 421. § 1o Os peritos serão escolhidos entre profissionais de nível universitário, devidamente inscritos no órgão de classe competente, respeitado o disposto no Capítulo Vl, seção Vll, deste Código. § 2o Os peritos comprovarão sua especialidade na matéria sobre que deverão opinar, mediante certidão do órgão profissional em que estiverem inscritos”. 61 Dans l’original: “O perito que, por dolo ou culpa, prestar informações inverídicas, responderá pelos prejuízos que causar à parte, ficará inabilitado, por 2 (dois) anos, a funcionar em outras perícias e incorrerá na sanção que a lei penal estabelecer”. 62 Cf. CPC[Br], art. 426 « Il revient au juge : (I) de refuser les questions non pertinentes ; (II) et de formuler celles qu’il croit nécessaires à la solution du litige » (Dans l’original : “Compete ao juiz: (I) indeferir quesitos impertinentes; (II) formular os que entender necessários ao esclarecimento da causa”). 63 Cf. CPC[Br], art. 433: « L’expert présentera son rapport au greffe, dans le délai fixé par le juge, au moins 20 (vingt) jours avant l’audience d’instruction et de jugement. Paragraphe unique : les assistants techniques 60 12 l’audience, « la partie souhaitant que l’expert ou l’assistant technique se manifeste sur son travail demandera au juge de les convoquer à l’audience, et la partie doit présenter dès lors ses questions » (CPC[Br], art. 435).64 Enfin, « le juge n’est pas lié par le rapport fait par l’expert et il peut construire sa conviction sur d’autres éléments ou faits prouvés dans la procédure » (CPC[Br], art. 436).65 En matière criminelle, le Code brésilien de procédure pénale établit des règles semblables à celles qui viennent d’être mentionnées en matière civile, l’expertise criminelle par excellence étant l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito].66 Ainsi, l’expert criminel doit être titulaire d’un diplôme universitaire (CPP[Br], art. 159). Le Ministère public peut également soumettre ses questions (quesitos) à l’expert et designer un « assistant technique » (CPP[Br], art. 159, par. 3ème). Les parties peuvent également interroger l’expert sur l’objet de la preuve produite et présenter leurs « avis techniques » (CPP[Br], art. 159, par. 5ème, I et II). « S’il n’est pas possible que l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito] ait lieu, en raison de la disparition des vestiges, la preuve testimoniale peut remplacer celui-ci » (CPP[Br], art. 167).67 Cependant, il faut remarquer que, si l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito] est possible en raison de l’existence de vestiges, l’expertise « aura lieu même en cas d’aveu de la part de l’accusé » (CPP[Br], art. 159 susmentionné, partie finale). C’est ainsi moyennant des règles comme celles qui viennent d’être mentionnées en matière civile et pénale, ainsi que sous l’égide des principes constitutionnels du contradictoire et de la défense pleine et efficace [ampla defesa] que l’ordre juridique brésilien tâche de construire le droit à une expertise équitable. 2-3 L’obligation positive de mener une enquête effective sur les causes de la mort ou des blessures d’une personne privée de liberté est-elle disproportionnée ? En droit brésilien, le meurtre, la torture et les dommages corporels [lesão corporal] (sauf quand il s’agit des dommages corporels légers ou commis sans faute) sont des crimes qui doivent faire l’objet d’une « action pénale publique inconditionnée ». Cela veut dire que l’enquête policière ne dépend pas de l’autorisation de la victime ou de son représentant légal. Dans ce sens, le Code brésilien de procédure pénale établit que « dans des crimes d’action publique, l’enquête policière débutera : (I) d’office ; (II) moyennant la demande de l’autorité judiciaire ou du Ministère Public, ou par la demande de la victime ou de la personne qui peut la représenter » (CPP[Br], art. 5).68 En outre, « tout citoyen [pessoa do povo] qui prend présenteront leurs avis techniques [pareceres] dans le délai commun de 10 (dix) jours, après que les parties soient notifiées de la présentation du rapport de l’expert » (Dans l’original : “ O perito apresentará o laudo em cartório, no prazo fixado pelo juiz, pelo menos 20 (vinte) dias antes da audiência de instrução e julgamento. Parágrafo único: Os assistentes técnicos oferecerão seus pareceres no prazo comum de 10 (dez) dias, após intimadas as partes da apresentação do laudo”). 64 Dans l’original : “A parte, que desejar esclarecimento do perito e do assistente técnico, requererá ao juiz que mande intimá-lo a comparecer à audiência, formulando desde logo as perguntas, sob forma de quesitos”. 65 Dans l’original : “O juiz não está adstrito ao laudo pericial, podendo formar a sua convicção com outros elementos ou fatos provados nos autos”. 66 V. CPP[Br], art. 158: « Lorsque des vestiges résultent d’une infraction, l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito], direct ou indirect, est indispensable et celui-ci aura lieu même en cas d’aveu de la part de l’accusé » (Dans l’original : “Quando a infração deixar vestígios, será indispensável o exame de corpo de delito, direto ou indireto, não podendo supri-lo a confissão do acusado”). 67 Dans l’original : “Não sendo possível o exame de corpo de delito, por haverem desaparecido os vestígios, a prova testemunhal poderá suprir-lhe a falta”. 68 Dans l’original : “Nos crimes de ação pública o inquérito policial será iniciado: (I) de ofício; (II) mediante 13 connaissance de l’existence d’une infraction pénale pourra, oralement ou par écrit, la communiquer à l’autorité policière et celle-ci, ayant vérifié le bien-fondé des informations, demandera l’ouverture de l’enquête » (CPP[Br], art. 5, § 3).69 En effet, au cours des enquêtes concernant les crimes mentionnés ci-dessus (comme d’ailleurs tout crime qui engendre des vestiges), l’autorité policière doit, nécessairement, faire l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito] (cf. CPP[Br], art. 158)70, c’està-dire l’expertise sur le corps de la victime afin de vérifier l’extension, les circonstances et la cause des blessures. Lorsque il s’agit d’un meurtre, « les cadavres seront toujours photographiés dans la position dans laquelle ils ont été trouvés, ainsi que le seront, dans la mesure du possible, toutes les blessures externes et les vestiges qui se trouvent dans l’endroit où le crime a eu lieu » (CPP[Br], art. 164).71 Par ailleurs, « l’autopsie sera faite au moins six heures après le décès, sauf si les experts jugent que, d’après les évidences qui découlent de l’état du cadavre [sinais de morte], celle-ci peut être faite avant l’expiration de ce délai, ce qui sera transcrit sur le rapport d’expertise » (CPP[Br], art. 162).72 Il faut noter que l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito] doit avoir lieu quelle que soit la victime, fut-elle privée ou non de sa liberté. En revanche, il n’existe pas en droit brésilien une obligation spécifique d’investigation concernant les crimes commis contre les victimes qui se trouvent en prison, auquel cas s’appliquent les règles du CPP[Br] mentionnées ci-dessus. Dans ce sens, il semblerait difficile – dans les termes de la question posée – que l’on puisse parler en droit brésilien de disproportion de l’obligation de mener une enquête sur les causes de la mort ou des blessures d’une personne privée de liberté. 2-4 Les droits fondamentaux admettent-ils trop libéralement (prélèvement d’ADN postmortem) ou trop restrictivement (établissement de la filiation incestueuse) les moyens de faire éclater la vérité biologique ? La ‘vérité biologique’ est souvent reléguée par la jurisprudence brésilienne lorsqu’elle rentre en conflit avec les droits fondamentaux. Par exemple, en ce qui concerne les enquêtes de paternité, bien que l'article 232 du Code civil de 2002 se limite à établir que le refus du père au prélèvement de son ADN peut valoir preuve de paternité, le Superior Tribunal de Justiça73 a établi l’interprétation, à travers l‘Enoncé [Súmula] nº 301, que le refus crée une vraie présomption relative de paternité, statuant par conséquent que le test biologique est dispensable. Cette interprétation a été requisição da autoridade judiciária ou do Ministério Público, ou a requerimento do ofendido ou de quem tiver qualidade para representá-lo”. 69 Dans l’original : “Qualquer pessoa do povo que tiver conhecimento da existência de infração penal em que caiba ação pública poderá, verbalmente ou por escrito, comunicá-la à autoridade policial, e esta, verificada a procedência das informações, mandará instaurar inquérito”. 70 CPP[Br], art. 158: « Lorsque des vestiges résultent d’une infraction, l’expertise sur l’objet du délit [exame de corpo do delito], direct ou indirect, est indispensable et celui-ci aura lieu même en cas d’aveu de la part de l’accusé » (dans l’original : “Quando a infração deixar vestígios, será indispensável o exame de corpo de delito, direto ou indireto, não podendo supri-lo a confissão do acusado”). 71 Dans l’original : “Os cadáveres serão sempre fotografados na posição em que forem encontrados, bem como, na medida do possível, todas as lesões externas e vestígios deixados no local do crime”. 72 Dans l’original : “A autópsia será feita pelo menos seis horas depois do óbito, salvo se os peritos, pela evidência dos sinais de morte, julgarem que possa ser feita antes daquele prazo, o que declararão no auto”. 73 L’équivalent au Brésil de la Cour de cassation. 14 également appliquée aux investigations de paternité post-mortem, quand il y a refus des descendants à se soumettre à l'examen ADN.74 L’interprétation qui a prévalu dans la jurisprudence est dans le sens de reconnaître que le droit fondamental à son intégrité physique et à la vie privée du parent présumé justifie l’écartement de la vérité biologique, puisque la présomption juridique serait suffisante à établir le lien de filiation, avec tous ses effets juridiques : « Enquête de paternité - Examen ADN – Imposition par force de la réalisation de l’examen par le défendeur. Acte démesuré, très écarté des garanties constitutionnelles implicites et explicites - la préservation de la dignité humaine, l'intimité, l'inviolabilité du corps humain, la primauté du droit – Ordonnance du tribunal qui impose, en enquête civile de paternité, la conduite, contre son gré, du père présumé à un laboratoire afin de permettre le prélèvement de son ADN. Le refus au prélèvement d’ADN se résout sur le plan juridique, à travers la doctrine et la jurisprudence et leurs commandements concernant la preuve des faits en général. »75 Il est à noter, cependant, que l'écartement de la vérité biologique dans cette affaire a été critiqué à juste titre dans la doctrine, au motif que le droit de l'enfant de connaître son ascendance génétique n'est pas satisfait par la simple présomption juridique, car cela nécessite la vérité biologique, et celle-ci doit prévaloir sur le droit de l'accusé.76 De la même façon, la vérité biologique est souvent surmontée par des liens appelés ‘socio-affectifs’. Ainsi, il est soutenu que dans l’action de négation de paternité, existante en droit brésilien, l'évocation de la vérité biologique ne sert pas à déconstruire le lien socioaffectif déjà établi, sous peine de violation des droits fondamentaux de l'enfant.77 Toutefois, il est important de souligner que dans les cas d’enquête post-mortem, la réalisation de test ADN sur matériel biologique prélevé directement sur le cadavre, après exhumation, est admise. Cependant, si le matériel recueilli est insuffisant, en raison de sa dégradation, à la conclusion positive du rapport, la détermination de la paternité sera réalisé par d'autres moyens de preuve, sans recours à la vérité biologique.78 En ce qui concerne la filiation incestueuse, bien que jusqu'en 1988 il était interdit de reconnaître la paternité dans de tels cas, depuis l'entrée en vigueur de la Constitution Fédérale de 1988 les différences entre les enfants ont été bannies. Dans ce sens, le § 6 de l'art. 277 de la Constitution dispose que : « Les enfants, issus ou non du mariage, ou adoptés, auront les mêmes droits et qualifications, et toute désignation discriminatoire concernant les enfants est interdite ».79 Ainsi, il n’y a plus, dans le système juridique brésilien, de discrimination contre la filiation incestueuse, comme cela a déjà été décidé par le Superior Tribunal de Justiça : « Filiation incestueuse. Droit à l'héritage. Avec la promulgation de la loi 6.515/77, qui a donné une nouvelle formulation à l'article 2 de la loi 883/49, le fils incestueux a acquis le droit à l’héritage sur un pied d'égalité avec les enfants légitimes. Le droit à la reconnaissance de paternité n’étant pas possible au fils incestueux jusqu’à l’avènement de la Constitution de 74 STJ, 3ªT., REsp 1046105, Rel. Min. Nancy Andrighi, j. 01/09/2009. STF, Pleno, HC 71373, Rel. Min. Francisco Rezek, Rel. p/ Acórdão: Min. Marco Aurélio, j. 10/11/1994 76 Maria Celina Bodin de Moraes. Recusa à realização do exame de DNA na investigação da paternidade e direitos da personalidade. Revista Forense, v.94, nº 343, jul./set. de 1998, p. 157-168. 77 STJ, 3ª T., REsp 1000356/SP, Rel. Ministra Nancy Andrighi, j. 25/05/2010. 78 STJ, 3ª T., REsp 1060168, Rel. Min. Nancy Andrighi, j. 25/08/2009. 79 Dans l’original : “Os filhos, havidos ou não da relação do casamento, ou por adoção, terão os mesmos direitos e qualificações, proibidas quaisquer designações discriminatórias relativas à filiação”. 75 15 1988, il était nécessaire d’établir la paternité incidenter tantum au cours d’une autre action en justice, et cela dans le seul but de garantir son droit à l'héritage ».80 2-5 Requiem pour l’ « exceptio veritatis » ? En droit brésilien, l’« exceptio veritatis » est un moyen de défense prévu par le Code pénal qui peut être invoqué par le défendeur dans un litige relatif aux crimes de calomnie et de diffamation. La calomnie est définie par le Code pénal brésilien (CP[Br]) comme « la fausse imputation à quelqu’un d’un fait définit en tant que crime » (CP[Br], art. 138).81 La diffamation est à son tour définie comme « l’imputation d’un fait offensif à la réputation d’une personne » (CP[Br], art. 139).82 L’« exceptio veritatis » n’est pas prévue pour la troisième espèce de crime contre l’honneur établie par le Code pénal brésilien, à savoir l’injure, celle-ci étant considérée comme « l’offense à la dignité ou à la décence [decoro] d’une personne » (CP[Br], art. 140).83 Ayant défini les hypothèses où l’« exceptio veritatis » est admise en droit brésilien (crimes de calomnie et diffamation), le Code pénal en fixe les limites. En ce qui concerne le crime de calomnie, le Code pénal brésilien établit trois situations où le défendeur ne peut pas prétendre se prévaloir de l’« exceptio veritatis », à savoir : « si le fait imputé [par le défendeur à la victime] constitue un crime d’action privée84 et que la victime n’a pas été condamnée par une décision définitive » (CP[Br], art. 138, par. 3ème, I)85 ; « si le fait [criminel] est imputé aux personnes mentionnées au nº I de l’article 141 [à savoir le Président de la République ou un chef de gouvernement étranger] » (CP[Br], art. 138, par. 3ème, II)86 ; ou encore « si le crime imputé [à l’auteur de l’action en calomnie], quoi qu’il s’agisse d’un crime d’action publique87, a entrainé l’acquittement de la victime88 par une décision définitive » (CP[Br], art. 138, par. 3ème, III).89 Dans ces trois hypothèses le défendeur ne peut pas exciper de l’« exceptio veritatis ». 80 STJ, 3 T., REsp 526/SP, Rel Min. Eduardo Ribeiro, j.18/09/1990. Dans l’original : “Filiação incestuosa. Direito à herança. Com a vigência da Lei 6.515/77, que deu nova redação ao artigo 2º da Lei 883/49, o filho incestuoso passou a ter direito a suceder, em igualdade de condições com os legítimos. Não lhe sendo dado, até a Constituição de 1988, pleitear o reconhecimento da paternidade, esta haveria de ser examinada e decidida incidenter tantum, como questão prejudicial, para o único fim de assegurar-se o direito a herança”. 81 Dans l’original : “Caluniar alguém, imputando-lhe falsamente fato definido como crime: Pena - detenção, de seis meses a dois anos, e multa”. 82 Dans l’original : “Difamar alguém, imputando-lhe fato ofensivo à sua reputação: Pena - detenção, de três meses a um ano, e multa”. 83 Dans l’original : “Injuriar alguém, ofendendo-lhe a dignidade ou o decoro: Pena - detenção, de um a seis meses, ou multa”. 84 L’action pénale qui peut être intentée directement par la victime d’un crime ou par son représentant (cf. CPP[Br], art. 30 : « Il appartient à la victime ou à celui qui la représente d’intenter l’action privée » ; dans l’original : “Ao ofendido ou a quem tenha qualidade para representá-lo caberá intentar a ação privada”). 85 Dans l’original : “se, constituindo o fato imputado crime de ação privada, o ofendido não foi condenado por sentença irrecorrível”. 86 Dans l’original : “se o fato é imputado a qualquer das pessoas indicadas no nº I do art. 141”. 87 En opposition à l’action privée mentionnée ci-dessus, l’action pénale publique est intentée par le Ministère public (cf. CPP[Br], art. 24 : « dans les crimes d’action publique, celle-ci sera intentée par la dénonciation faite par le Ministère public, mais elle dépendra, lorsque la loi l’exige, de la demande du Ministère de la justice, ou de la représentation de la victime ou de celui qui a les pouvoirs pour la représenter » ; dans l’original : “Nos crimes de ação pública, esta será promovida por denúncia do Ministério Público, mas dependerá, quando a lei o exigir, de requisição do Ministro da Justiça, ou de representação do ofendido ou de quem tiver qualidade para representá-lo”). 88 Il s’agit en effet de l’auteur de l’action en calomnie. 89 Dans l’original : “se do crime imputado, embora de ação pública, o ofendido foi absolvido por sentença irrecorrível”. 16 En ce qui concerne le crime de diffamation, la limitation de l’usage de l’« exceptio veritatis » est plus large. Ceci parce que le Code pénal brésilien établit que, dans le cas de diffamation « l’exception de la vérité n’est admise que si la victime est un fonctionnaire public et que l’offense porte sur l’exercice de ses fonctions » (CP[Br], art. 139, par. unique).90 2-6 Est-il concevable que, au nom des droits fondamentaux, on en vienne à consacrer la preuve médiatique par des moyens qui seraient contraires aux droits fondamentaux sur le plan judiciaire ? En procédure civile et pénale brésilienne, la liberté des moyens probatoires est le principe. En matière civile, le Code brésilien de procédure civile (CPC[Br]) établit que « tous les moyens légaux, ainsi que les moyens moralement légitimes, même si ceux-ci ne sont pas prévus par ce Code, sont admis afin de prouver la vérité des faits sur lesquels se base l’auteur ou le défendeur » (CPC[Br], art. 332).91 En matière pénale, le Code de procédure pénale (CPP[Br]) détermine que le juge doit se baser sur d’autres preuves que celles établies lors de l’investigation policière ; par ailleurs, les preuves présentées au juge pénal ne sont pas soumises aux restrictions existant en matière civile.92 Ainsi, en raison du principe général de la liberté de la preuve, aucune restriction formelle ne se présente en droit brésilien en ce qui concerne la présentation de la preuve médiatique, ici comprise comme la preuve issue des moyens de communication imprimés ou numériques.93 En effet, une telle preuve peut être présentée en droit brésilien en tant que « preuve documentaire » [prova documental]. À propos d’un tel moyen de preuve, le Code brésilien de procédure civile établit que « toute reproduction mécanique, ainsi que photographique, cinématographique, phonographique ou de toute autre espèce, fait preuve des faits ou des choses qu’elles représentent, si celui contre qui la preuve fut produite en admet la conformité » ; « si l’authenticité de la reproduction mécanique est contestée, le juge déterminera qu’une expertise soit réalisée » (CPC[Br], art. 383 et paragraphe unique).94 Le Code de procédure pénale établit à son tour qu’« à l’exception des cas expressément prévus par la loi, les parties pourront présenter des documents à tout moment de la procédure (CPP[Br], art. 231)95 et que « tout écrit, instrument ou papiers, publics ou particuliers sont 90 Dans l’original : “A exceção da verdade somente se admite se o ofendido é funcionário público e a ofensa é relativa ao exercício de suas funções”. 91 Dans l’original : “Todos os meios legais, bem como os moralmente legítimos, ainda que não especificados neste Código, são hábeis para provar a verdade dos fatos, em que se funda a ação ou a defesa”. 92 C’est en effet ce que détermine l’article 155 du CPP[Br] : « le juge formera sa conviction par la libre appréciation de la preuve judiciairement produite de façon contradictoire par les parties et sa décision ne peut pas avoir pour fondement exclusif les éléments informatifs présentés lors de l’investigation [policière] (…). Paragraphe unique. Les restrictions de la loi civile ne seront observées qu’en ce qui concerne l’état des personnes » (dans l’original : “O juiz formará sua convicção pela livre apreciação da prova produzida em contraditório judicial, não podendo fundamentar sua decisão exclusivamente nos elementos informativos colhidos na investigação (...). Parágrafo único. Somente quanto ao estado das pessoas serão observadas as restrições estabelecidas na lei civil”). 93 Cf. dictionnaire Larousse, « médiatique » : « relatif aux médias ou à la communication par les médias ; rendu populaire grâce aux medias » (in : http://www.larousse.com/en/dictionaries/french/médiatique, consulté en 11/03/13). 94 Dans l’original : “Qualquer reprodução mecânica, como a fotográfica, cinematográfica, fonográfica ou de outra espécie, faz prova dos fatos ou das coisas representadas, se aquele contra quem foi produzida lhe admitir a conformidade. Parágrafo único. Impugnada a autenticidade da reprodução mecânica, o juiz ordenará a realização de exame pericial”. 95 Dans l’original : “Salvo os casos expressos em lei, as partes poderão apresentar documentos em qualquer fase do processo”. 17 considérés comme documents » ; « à la photographie d’un document, dûment certifiée, sera attribuée la même valeur probatoire qu’à l’original » (CPP[Br], art. 232 et paragraphe unique).96 Or, si la preuve médiatique peut être en général présentée au juge civil ou pénal en tant que « preuve documentaire », la valeur qu’une telle preuve peut avoir face au juge doit néanmoins être nuancée. Ceci parce que la preuve médiatique peut porter atteinte à certains droits fondamentaux constitutionnellement prévus. Afin d’analyser cette question, il peut être intéressant de distinguer deux espèces de preuve médiatique. En premier lieu, s’agissant de la présentation en justice d’une enquête faite par les différents moyens de média (journal, télévision, magazine, etc.), il faut remarquer qu’une telle procédure médiatique n’est pas soumise aux principes du contradictoire et de la défense pleine et efficace [ampla defesa] – droits fondamentaux prévus par la Constitution fédérale brésilienne97 – tel que ces principes sont interprétées ou sein de l’ordre juridique brésilien. Or, si les enquêtes médiatiques ne peuvent pas, à elles seules, servir en tant que fondement d’une décision judiciaire (justement en raison des principes constitutionnels susmentionnés), rien n’empêche que le juge prenne ces enquêtes en considération pour former sa conviction du moment que, lors de la procédure, il donne aux parties la possibilité de s’exprimer sur les résultats d’une telle enquête et que, le cas échéant, il puisse en confirmer les résultats par d’autres moyens de preuve, comme l’expertise judiciaire. Le second type de preuve médiatique que l’on peut mentionner concerne les données volontairement publiées dans certains médias, notamment les médias numériques (réseaux sociaux et d’autres bases de donnés et d’échange d’informations). Dans la mesure où ces médias établissent normalement différents degrés de publicité des données qui y sont publiées, l’utilisation de ces données en tant que moyen de preuve peut porter atteinte aux droits fondamentaux qui garantissent l’intimité et la vie privée des parties dans un litige, ces droits fondamentaux étant, en effet, assurés par la Constitution fédérale brésilienne.98 Enfin, il faut ajouter que, au moins en matière civile, lorsque le fait allégué est réputé « notoire », il ne doit pas être prouvé (cf. CPC[Br], art. 334, I).99 Si le texte légal n’établit en effet pas l’utilisation indistincte de la preuve en raison de la protection d’un droit fondamental, il est néanmoins vrai que cette règle porte d’importants effets en ce qui concerne l’utilisation de la preuve médiatique. 2-7 Les droits fondamentaux sont-ils condamnés à avoir toujours un temps de retard sur les nouveaux moyens de preuve électronique ? Les droits fondamentaux ne sont pas condamnés à être toujours en retard par rapport aux nouveaux moyens de preuves électroniques. Effectivement, les changements 96 Dans l’original : “Consideram-se documentos quaisquer escritos, instrumentos ou papéis, públicos ou particulares. Parágrafo único. À fotografia do documento, devidamente autenticada, se dará o mesmo valor do original”. 97 CF[Br], art. 5, Cf. note de bas de page nº 34. 98 CF[Br], art. 5, X « l’intimité, la vie privée, l’honneur et l’image des personnes sont inviolables, l’indemnisation en raison du dommage matériel ou moral qui résulte de leur violation étant assurée (dans l’original : “são invioláveis a intimidade, a vida privada, a honra e a imagem das pessoas, assegurado o direito a indenização pelo dano material ou moral decorrente de sua violação”). 99 CPC[Br], art. 334 : « ne doivent pas être prouvés les faits [réputés comme] : I – notoires ; (…) » (dans l’original : “Não dependem de prova os fatos : I - notórios”. 18 technologiques ont tendance à rendre les règles juridiques régissant les faits sociaux obsolètes. Cela sert à révéler l'inadéquation de la technique législative usuelle, qui statue de façon casuistique et rigide sur une situation de fait, à travers un modèle normatif. Toutefois, en particulier dans les secteurs où l'évolution technologique est rapide, la technique législative de clauses générales permet la réglementation plus adéquate face aux nouveaux problèmes, garantissant à l'interprète de la règle la liberté d'adapter les préceptes normatifs aux particularités de l'affaire. Il faut garder à l'esprit le caractère de principe que revêtent les droits fondamentaux. Sans se résumer à une situation de fait spécifique, le principe incarne une valeur dans le plan déontologique du droit. Le principe de droit ne précise pas les conditions de son application au préalable, et il se limite à protéger un bien juridique prima facie. Ainsi, l'interprète de la règle juridique pourra évaluer la pertinence de l'application du droit fondamental dans les circonstances spécifiques de l'espèce, afin d'optimiser la protection des intérêts juridiques en jeu. En conséquence, les nouveaux moyens de preuves électroniques conduiront inévitablement à l'obsolescence de certaines règles juridiques, soient-elles civiles, de procédure ou même constitutionnelles. Cependant, ces nouveaux moyens de preuve ne l'emportent pas sur les droits fondamentaux, qui imposent à l'interprète le constant effort d’une interprétation évolutive afin de garantir la protection des intérêts juridiques en jeu. En particulier, il est reconnu que les droits fondamentaux sont des corollaires du principe de la dignité humaine, et que celle-ci est une disposition générale sur la protection de la personnalité, suffisamment malléable pour que la protection qu’elle impose ne prenne pas de retard face aux nouveaux défis posés par les constants développements technologiques. 2-8 Comment résoudre les conflits de droits fondamentaux relatifs à la preuve ? Les conflits de droits relatifs à la preuve concernent normalement la possibilité de production de certains moyens de preuve. De manière générale, il est possible d’affirmer l’existence d’un droit fondamental à la preuve dans le droit brésilien. Son fondement se trouve dans la garantie constitutionnelle d'une procédure régulière (due process of law), le contradictoire et la défense pleine et efficace [ampla defesa] (CF[Br], art. 5, LV)100 et enfin dans le droit fondamental à une protection judiciaire équitable.101 Le droit fondamental à la preuve peut aussi être déduit des principes adoptés par la Constitution Fédérale et les traités signés au niveau international, en vertu de son article 5, § 2 :102 « Les droits et garanties assurés par la Constitution n'en excluent pas d'autres qui découlent du régime et des principes adoptés par la Constitution, ou des traités internationaux auxquels la République Fédérative du Brésil est partie » (CF[Br], art. 5, § 2).103 D’un autre côté, l’interdiction de la preuve illicite est prévue constitutionnellement dans l’art. 5, LVI, de la Constitution : « ne sont pas recevables dans la procédure les preuves obtenues par des moyens illicites ».104 Ainsi, on peut affirmer qu'il existe aussi un droit 100 Cf. note de bas de page n. 34. Eduardo CAMBI. Direito constitucional à prova no processo civil. São Paulo: Revista dos Tribunais, 2001, p. 170. 102 Fredie DIDIER JR. et. al.. Curso de direito processual civil, vol. 2. Salvador: Juspodium, 2009, p. 19. 103 Dans l’original : “Os direitos e garantias expressos nesta Constituição não excluem outros decorrentes do regime e dos princípios por ela adotados, ou dos tratados internacionais em que a República Federativa do Brasil seja parte”. 104 Dans l’original : “são inadmissíveis, no processo, as provas obtidas por meios ilícitos”. 101 19 fondamental à la non-utilisation de preuves illicites. La substance de ce droit est cependant difficile à évaluer avec précision. Le droit brésilien reconnaît l'existence d'une conception large de la preuve dite illicite, car cette conception comprend les preuves qui vont à l’encontre du système juridique dans son ensemble, selon la vision amplifiée de la Constitution.105 Selon le Supremo Tribunal Federal, « la preuve illicite (…) ne constitue pas un moyen légitime de formation de la conviction du juge, motif par lequel elle doit être écartée, même au détriment de la vérification de la vérité, en faveur de l’idéal plus élevé d'une procédure équitable, compatible avec le respect dû aux garanties fondamentales de l’homme ».106 Ainsi, le débat sur la légalité de certains éléments de preuve comporte un risque de collision entre ces droits fondamentaux, le droit à la preuve et le droit à la non-utilisation de preuves illicites. Il y a des controverses au sujet de la solution de ce conflit, avec des positions doctrinales et jurisprudentielles plus extrêmes, qui défendent l’interdiction absolue de l'utilisation de preuves illicites, ainsi que des positions intermédiaires, qui soutiennent que la preuve illicite ne peut être utilisée qu’en procédure pénale et au bénéfice de l'accusé. Cependant, l’opinion dominante va dans le sens que, dans ce cas, le conflit doit être résolu par le principe de la proportionnalité, en pesant les intérêts en jeu dans le cas concret.107 Dans ce sens, il est dit que : « A la rigueur, la question doit toujours être analysée à la lumière du principe de la proportionnalité. L’interdiction constitutionnelle à l'utilisation des preuves illicites ne peut pas être comprise comme une valeur absolue, ni devant un tribunal pénal, ni, également, devant un tribunal civil ».108 Ainsi, par exemple, il est soutenu que « dans des cas exceptionnels – comme dans le cas de la suppression du pouvoir parental (…) et d’enquête de paternité ou de class actions – la preuve illicite doit être admise parce que l'intérêt juridique à protéger est plus important que l’institution juridique qui sera sacrifiée, à condition que les présupposés pour l’utilisation de la pondération soient présents ».109 105 Eduardo Cambi. A prova civil: admissibilidade e relevância. São Paulo: Revista dos Tribunais, 2006, p. 69. STF, Pleno, AP307, Rel. Min. Ilmar Galvão, j. 13.12.1994, publ. DJ 13.10.1995. Dans l’original : “a prova ilícita (...) não se reveste da necessária idoneidade jurídica como meio de formação e convencimento do julgador, razão pela qual deve ser desprezada, ainda que em prejuízo da apuração da verdade, no prol do ideal maior de um processo justo, condizente com o respeito devido a direito de garantias fundamentais da pessoa humana”. 107 Fredie DIDIER JR. et. al.. Curso de direito processual civil, vol. 2. Salvador: Juspodium, 2009, p. 20. 108 Gustavo TEPEDINO et al. Código Civil interpretado conforme a Constituição da República, vol. I, 2. ed. Rio de Janeiro: Renovar, 2007, p. 433. Dans l’original : “A rigor, a matéria deve sempre ser analisada à luz do princípio da proporcionalidade. Afinal, a vedação constitucional ao uso da prova ilícita não pode ser compreendida como valor absoluto, nem em sede penal, nem, igualmente, em sede civil”. 109 Gustavo TEPEDINO et al. Código Civil interpretado conforme a Constituição da República, vol. I, 2. ed. Rio de Janeiro: Renovar, 2007, p. 433. Dans l’original : “em casos excepcionais – como nas hipóteses de destituição do poder familiar (...) e de investigação de paternidade ou de ações coletivas – há de ser admitida a prova ilícita, pois o bem jurídico a ser protegido é mais relevante do que o bem jurídico que se admite sacrificar, desde que se encontrem presentes os pressupostos para o emprego da ponderação”. 106 20
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