Pour repenser les systèmes

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Pour repenser les systèmes
MONY ELKAIM
Pour repenser les systèmes
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ERS LA FIN DES ANNÉES SOIXANTE,
je faisais un stage en
pédopsychiatrie à Bruxelles et il m’avait semblé important de recevoir les enfants avec leurs familles. J’étais étonné
de ce que je découvrais dans ce processus. Il arrivait, par
exemple, que l’enfant-symptôme aille mieux, mais qu’un
autre membre de la fratrie se mette à aller moins bien. Ma formation de l’époque ne m’offrait pas les outils théoriques
nécessaires à la compréhension de ce qui se passait. Aussi
étrange que cela puisse paraître, les éléments qui m’aidaient
à me repérer provenaient plutôt des domaines de la sciencefiction et du fantastique que de celui de la psychiatrie.
Deux nouvelles m’avaient alors particulièrement marqué.
L’une était une histoire des Chroniques martiennes, de Ray
Bradbury. Un couple de vieux colons terriens résidait sur
Mars. Un jour, le mari entend du bruit à l’extérieur de la maison, sort et n’en croit pas ses yeux : il voit face à lui leur
enfant tel qu’il était quand il avait disparu, de longues années
auparavant. Il se doute bien qu’il ne s’agit pas de son fils,
mais d’une créature capable de prendre la forme des êtres
aimés. Néanmoins, ce couple l’héhergera et vivra avec elle
comme si elle était leur propre enfant. Un jour funeste, pourtant, le père ne pourra s’empêcher de l’amener au marché. Et
là, chaque passant reconnaîtra en cet être celle ou celui qui lui
manque. Le pauvre extraterrestre, transformé en une sorte de
chimère, meurt ainsi de n’avoir pu résister aux désirs conflictuels de ceux qui le sollicitent sans le savoir. Or, ces attentes
Mony Elkaïm est
psychiatre,
spécialiste des
thérapies familiales.
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contradictoires, je les voyais se manifester dans les familles
que je rencontrais. Attentes contradictoires non pas seulement
parce que deux personnes souhaitaient quelque chose
d’opposé d’une troisième, mais aussi parce qu’une même personne pouvait émettre deux demandes différentes la fois.
L autre nouvelle était L’Invention de Morel, de Bioy Casares.
C’est l’histoire d’un fugitif qui arrive sur une île. Il s’y cache
et voit une superbe femme se promener. Elle lui plaît tant
qu’il en tombe amoureux. Il lui écrit sur le sol à quel point il
l’aime, mais elle semble n’en avoir cure. Il plante des fleurs
pour lui manifester son amour, elle les écrase lors d’un déjeuner sur l’herbe avec un ami. Elle a l’air de ne rien remarquer.
Il découvre enfin que ce qu’il voit, ce qu’il prend pour la réalité n’est qu’une représentation, une projection holographique,
qui présenterait pourtant une certaine densité. Il s’agit d’un
enregistrement de quelques jours qui se répète à l’infini. Il
trouve la caméra qui a permis cette réalisation. En l’expérimentant sur une plante et sur un animal, il découvre que ce
qui a été filmé dépérit puis finit par mourir. Son amour est tel,
cependant, qu’il se filmera aux côtés de cette femme, vivant
auprès d’elle, intercalant sa voix dans les moments de silence,
créant de son mieux l’apparence d’un couple. Il mourra peutêtre, mais il vivra dans la fiction qu’il a construite.
Cette interrogation sur la réalité et sa construction m’avait
laissé rêveur. Le prix que l’on est prêt à payer pour qu’un
mythe se maintienne, le renoncement à sa réalité propre au
nom d’une fiction ardemment désirée me renvoyaient encore
à ce que je vivais avec ces familles.
C’est ensuite que j’ai lu les ouvrages de Laing et Cooper ; j’en
avais essentiellement retenu le fait qu’un discours ou un comportement apparemment insensé pouvait faire sens dès lors
qu’on s’intéressait à leur contexte.
Plus tard, en arrivant aux États-Unis, j’ai passé quelques
années comme « fellow » à l’Albert Einstein College of
Medecine à New York, avant de devenir directeur d’un centre
de santé mentale dans le sud du Bronx. Là, on avait déjà rationalisé depuis une dizaine d’années une théorie qui pouvait
s’appliquer au travail thérapeutique avec les familles. Ces
rationalisations s’appuyaient, entre autres, sur l’application
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que le groupe de Palo Alto avait fait de la Théorie générale
des systèmes de Ludwig von Bertalanffy. D’après ce groupe,
les lois générales qui s’appliquaient à divers systèmes ouverts
comme les systèmes physico-chimiques ou biologiques dans
la théorie de von Bertalanffy pouvaient être élargies aux systèmes familiaux. Par exemple : une des lois de cette théorie
est celle du maintien de l’état d’un système à l’intérieur de
certaines normes, l’« homéostase ». On s’est mis alors à imaginer que dans un système familial en danger de changement,
un symptôme pouvait avoir la fonction de maintenir un équilibre anachronique.
Imaginons une famille avec deux filles. L’aînée s’en va, la
seconde commence à présenter un comportement bizarre, elle
reste au lit, ne sort plus de chez elle, devient complètement
dépendante de ses parents. En thérapie familiale, la mère me
dira : « Je n’ose pas imaginer ce qui se passera si ma seconde
fille part. Mon mari et moi, nous n’avons pas d’intérêts communs. » Dans le contexte de la théorie générale des systèmes,
je me demanderai dans quelle mesure ce symptôme chez cette
jeune fille n’a pas pour fonction de maintenir un équilibre
devenu anachronique, de geler le temps, d’éviter à la famille
l’épreuve du changement. Et c’est dans cette optique-là que
les thérapeutes familiaux se sont mis à recadrer comme protecteur le comportement du patient.
Une autre théorie prévalait. C’était l’application que Gregory
Bateson et le groupe de Palo Alto avaient fait de la théorie des
types logiques de Whitehead et Russell. Cette théorie avait été
créée pour éviter certains paradoxes. Par exemple :
« Epiménide le Crétois affirme que tous les Crétois sont des
menteurs » – ment-il ou dit-il vrai ? Car s’il dit vrai, il ment,
mais s’il ment il dit vrai. Autre exemple décrit par Russell,
celui de la classe des classes qui ne sont pas membres d’ellesmêmes. En effet, si la classe des classes qui ne sont pas
membres d’elles-mêmes est membre d’elle-même, alors elle
n’est pas membre d’elle-même, puisqu’elle est la classe des
classes qui ne sont pas membres d’elles-mêmes. Mais, si elle
n’est pas membre d’elle-même, alors elle est membre d’ellemême car le fait de ne pas être membre d’elle-même est la
propriété qui définit l’appartenance à cette classe. Cette
théorie avait mené les thérapeutes familiaux à prôner le
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changement de niveau logique face à chaque difficulté
d’importance. On ne parlait plus que de position « méta »,
comme s’il suffisait de grimper de balcon en balcon pour
mieux comprendre ce qui se passait sur scène. Le monde
devenait un emboîtement de poupées russes ! Mais tout paraissait préférable au piège de l’auto-référence que Whitehead et
Russell semblaient avoir désignée comme le mauvais génie
responsable de ces types de paradoxes, paradoxes d’ailleurs
que leur théorie ramenait au niveau de simples sophismes.
J’étais arrivé dans une communauté où les théories dominantes en thérapie familiale étaient celles-là. Je n’avais pas
tellement le choix et ce sont ces approches qui m’ont servi de
repères pour ma pratique aux États-Unis. Cependant, j’étais
plus que gêné aux entournures par ces théories… Comme
j’aimais beaucoup les gens que je côtoyais, j’ai cherché des
théories nouvelles qui pourraient, sans me séparer de mon
entourage professionnel, nous libérer des limites qui nous
enserraient. Car je n’étais pas seul à trouver peu évident de
travailler avec des êtres humains en changement, dans leur
unicité et leur singularité, tout en utilisant comme référence
une théorie qui insiste sur les systèmes à équilibre et les lois
générales. Je me suis alors intéressé aux travaux d’Ilya
Prigogine qui portaient sur les systèmes à l’écart de l’équilibre. Grâce à lui, j’ai pu introduire en thérapie systémique
l’importance des règles intrinsèques plutôt que les lois générales d’une histoire non linéaire, aussi bien que du hasard.
Mon but n’était pas de maintenir à tout prix une théorie basée
sur les isomorphismes entre divers systèmes ouverts. Je tentais d’introduire un contrepoison qui nous aiderait à nous
ouvrir aux singularités et aux éléments hétérogènes. Je cherchais, sans me séparer de mes collègues thérapeutes systémiques, à leur offrir des degrés supplémentaires de liberté.
Peu m’importe qu’il y ait ou non des isomorphismes entre
divers systèmes, ce qui m’intéresse, c’est ce qui stimule notre
créativité, ce qui élargit notre champ du possible.
Quand j’ai commencé à m’intéresser aux travaux de
Prigogine, je me suis demandé dans quelle mesure des éléments apparemment anodins ne pouvaient pas s’amplifier et
changer l’état du système. Je vais donner un exemple qui
montrera mon évolution par rapport à ce point.
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Il s’agissait d’une famille de juifs nord-africains, dont le père
était décédé. Trois filles étaient décrites comme patientes à
des titres divers. Quand je demande à la mère de me parler
d’elle, elle me répond quelque chose comme : « Moi, c’est
comme la mer. Ça va, ça vient » – puis elle n’arrête pas de
parler d’« eau » (par ailleurs, les prénoms hébreux de certains
de ses enfants sont évocateurs d’eau). À un autre moment, la
mère ajoutera : « Maintenant, j’ai vieilli. Je ne compte plus.
Je n’attends que l’eau chaude » – l’eau avec laquelle on lave
les morts en Afrique du Nord.
À côté de la fonction des symptômes qui pourraient être vus
comme permettant à la mère de rester une mère indispensable
et de garder ses filles malgré leur âge, j’avais été sensible à
cet élément eau. Au début, j’avais fait comme si l’eau était la
singularité à amplifier. Puis j’ai compris plusieurs choses.
Tout d’abord, différents éléments singuliers avaient surgi,
entre autres le mot « compter ». Donc, cette singularité « eau »
était le fruit d’une intersection entre eux et moi, et pas une
spécificité familiale uniquement. Si elle présentait une spécificité, ce serait plutôt par rapport au système thérapeutique.
Par ailleurs, alors que je m’imaginais avoir sélectionné cet
élément, toute une série d’autres éléments singuliers étaient
mis en jeu : la manière dont je parlais, la référence à une culture commune, la manière dont je m’étais assis à un moment
auprès d’une des filles, etc. Il n’y avait donc plus un élément
qu’on relève et qu’on amplifie, mais une série d’éléments qui
jouent à la fois à divers niveaux.
Si je peux reparler de cette histoire aujourd’hui, je dirai simplement que nous avons participé – eux et moi – à créer des
scènes nouvelles, nous avons construit ensemble quelque
chose qui a permis d’ouvrir de nouveaux possibles.
L’excommunication de fait lancée contre l’auto-référence
était l’autre aspect important qui me posait problème.
Comment continuer à faire comme si nous étions extérieurs
aux patients que nous décrivions ? Nous construisons la réalité dont nous parlons dans le processus même de la décrire.
Comment tenir compte du fait que nous appartenons à ces
systèmes que nous décrivons, sans pour autant perdre toute
possibilité d’y agir ?
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Là, nous nous sommes tournés, d’autres thérapeutes familiaux
aussi bien que moi-même, vers les travaux de Heinz von
Foerster et de Francisco Varela. Von Foerster, qui a été à
l’origine de la seconde cybernétique, insiste énormément sur
les liens entre le système observé et l’observateur, Varela met
l’accent sur le fait que l’observateur émerge dans le système
même qu’il est en train de décrire.
L’auto-référence a été au cœur de mes recherches ces dernières années et le paradoxe qu’elle représente n’est pour moi
qu’un des paradoxes constitutifs de la condition humaine.
Il est clair que ce que je vois n’est pas uniquement créé par
moi, cela surgit à l’intersection de ce qui me constitue et de
mon contexte. Il n’en demeure pas moins que ce qui
m’importe, c’est comment j’émerge au sein de cette intersection. Comment puis-je utiliser ces sentiments qui naissent en
moi à ce moment dans le contexte d’un travail thérapeutique ?
Ceci m’a d’ailleurs mené, inspiré par les travaux de Félix
Guattari, à penser en termes de ce que j’appelle des assemblages. Ces assemblages seraient constitués aussi bien d’éléments biologiques, génétiques, que d’éléments liés au
contexte familial, social ou autre. Ce qui se passerait dans une
situation ne serait pas tellement lié à des individus en interaction, mais plutôt à des assemblages d’assemblages, si je
peux m’exprimer ainsi. Ce seraient ces assemblages d’éléments liés à nous, mais non réductibles à nous, qui permettraient le changement ou favoriseraient un blocage.
Ce concept d’assemblage m’a aidé à ne pas me laisser enfermer dans l’idée d’un individu limité biologiquement par sa
propre peau, ou par le contexte d’un système familial.
Un autre concept que j’ai appelé « résonnance » m’a aidé également à me libérer par rapport aux limites des théories systémiques en psychothérapie. Ce que vit un thérapeute en
psychothérapie renvoie bien sûr à des éléments liés à sa
propre histoire mais, pour moi, si ces éléments sont nécessaires, ils ne sont nullement suffisants. Qu’est-ce qui fait que
cette corde vibre chez le thérapeute à ce moment spécifique
dans ce contexte précis ? Pour moi, cette corde vibre à l’intersection des divers systèmes mis en jeu à ce moment-là. Il ne
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s’agit pas uniquement d’éléments qui renvoient à la famille
d’origine du thérapeute ou à celle du patient, mais ce pont
unique et singulier se constitue aussi en lien avec l’institution
où le patient est vu, avec le groupe de supervision de l’étudiant, par exemple, le contexte social, etc. Ce que vit le thérapeute par rapport au patient ou le patient par rapport au
thérapeute n’est que la partie visible d’un iceberg incomparablement plus important.
Il y a tellement de paramètres mis en jeu dans le concept de
résonance que cela me mène aux frontières de l’approche
systémique en psychothérapie. Cette approche, comme je
l’ai dit, insiste sur l’homéostase d’un système et sur la fonction d’un symptôme au sein de ce système. Mais comment
faire quand tant d’univers sont en jeu à la fois ? Ce concept
d’homéostase ne perd-il pas alors de sa pertinence ? Quant
à celui de fonction, comment l’employer – comme le dirait
le biologiste chilien Maturana – dans un « multivers »
pareil ?
Ce qui compte pour moi en psychothérapie n’est pas une
investigation archéologique à la recherche de je ne sais
quelles strates profondément enfouies, mais plutôt la création
d’un pont opératoire entre mes patients et moi.
Un de mes premiers patients dans le sud du Bronx était portoricain. Je lui ai dit : « Que puis-je faire pour vous ? » il m’a
répondu : « Que pouvez-vous faire pour moi ? » J’ai ajouté :
« Si vous m’expliquez ce qui se passe, peut-être pourrai-je
vous aider… » À quoi il rétorque : « Mais vous voulez que je
vous explique quoi ? » « Ce que vous avez !» » « Vous voulez dire qu’il faut que je vous explique ce que j’ai pour que
vous puissiez m’aider ? » « Oui ! » « Mais comment pouvezvous alors m’aider ? » Et il est parti.
J’ai découvert ensuite que, dans les églises pentecôtistes du
sud du Bronx, les médiums, en transe, commençaient par
révéler à leurs patients les maux qu’ils avaient, avant de procéder à l’exorcisme libérateur. Quelle preuve pouvais-je donner, moi, de ma compétence, si je n’étais même pas capable
de savoir ce qu’avait mon patient ? Ce n’est que quand le
révérend père de l’Église pentecôtiste a dit à ses ouailles qu’il
s’occupait des problèmes spirituels et moi des problèmes
matériels que ce patient a pu revenir.
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Ce qui naît dans une rencontre thérapeutique, c’est un accord
culturel entre deux personnes. Il faut que ce qui s’y dit soit
plausible et pourtant surprenant. Le fait que les patients aillent
mieux ne veut pas dire que notre théorie soit juste. Il n’y a pas
de rapport entre les résultats thérapeutiques et la preuve de la
justesse d’une théorie, quelle qu’elle soit – trop d’éléments
sont en jeu à la fois. Il est clair cependant que nous avons
besoin de grilles explicatives, de « cartographies » comme
dirait Félix Guattari. Mais ces grilles doivent s’autoriser à être
limitées, à ne pas rabattre à leur niveau tout ce qui se passe,
et s’accepter surtout comme prétextes d’ouverture. Ce qui
compte n’est pas la vérité du sujet ou de je ne sais quel
système, mais d’élargir le champ du possible ; ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment ouvrir de nouvelles alternatives pour l’autre et pour moi, car nous sommes dans un
processus de libération commun. Que sont ces scènes que
nous inventons en commun avec nos patients à l’intersection
de toute une série de systèmes ou de scènes ? Quel rôle y
jouent nos propres singularités ? Comment ouvrir de nouveaux devenirs ?
Pendant longtemps, mes grilles explicatives ont été la théorie
générale des systèmes et la seconde cybernétique. Elles m’ont
aidé à pouvoir faire sens de ce qui se passait, même si je ne
m’illusionnais pas sur le fait qu’elles ne constituaient qu’un
tremplin. Mais un tremplin, ce n’est qu’un lieu d’où on
s’élance.
1. Si tu m’aimes, ne
m’aime pas, Le Seuil,
1989.
Je vais terminer par une histoire marocaine qui conclut mon
dernier livre (1). Il s’agit d’un monsieur qui s’appelle Jha. Jha,
au Maroc, a la même notoriété que Marius pour ceux qui
aiment les histoires marseillaises.
Un vendredi, Jha va à la mosquée. Les fidèles lui demandent
de s’adresser à eux. J’imagine qu’ils le lui demandent au nom
d’une transcendance ou d’une sagesse qu’il est supposé posséder. Jha répond à l’assistance : « Savez-vous ce que je vais
vous raconter ? » Évidemment, les membres de cette assistance ne peuvent que dire qu’ils ne savent pas. Jha ajoute :
« Comment puis-je vous parler de ce que vous ignorez ? » En
effet, pour savoir quelque chose, il faut au moins imaginer
que cela soit possible. Comment parler à quelqu’un de ce qui
risque d’être inécoutable pour lui ?
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Le vendredi suivant, Jha revient à la mosquée. Même
demande de la part des fidèles, même question de Jha. Cette
fois-ci, l’assistance répond : « Oui, nous savons ce que tu vas
nous raconter ! » « Alors à quoi bon vous le raconter ? », dit
Jha en se rasseyant. En effet, quelle ouverture pouvons-nous
apporter à des gens si nous ne faisons que leur répéter ce
qu’ils savent déjà ?
Le troisième vendredi, même demande de l’assistance et
même question de Jha. Mais cette fois-ci, les fidèles s’étaient
préparés et lorsque Jha demande : « Savez-vous ce que je vais
vous raconter ? », la moitié dc la salle répondit « Oui ! » et
l’autre moitié « Non ! » À quoi Jha n’eut plus qu’à ajouter :
« Que la moitié qui le sait le dise à la moitié qui ne le sait
pas ! »
M.E.
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