Droit à la santé et droit de propriété intellectuelle – Rapport brésilien

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Droit à la santé et droit de propriété intellectuelle – Rapport brésilien
Droit à la santé et droit de propriété intellectuelle – Rapport brésilien
Judith Martins-Costa et Márcia Santana Fernandes1
Introduction. I) Brevetabilité des produits pharmaceutiques en général. II) Brevetabilité du vivant et de
l’humain. III) Les Médicaments Génériques. IV) Les Relations Nord-Sud. Conclusion.
Introduction
La grippe porcine (nom scientifique : grippe A, virus H1N1) est à la une des journaux télévisés,
remplaçant (temporairement, au moins) les nouvelles, toujours alarmantes, concernant l’expansion du
SIDA. D’anciennes maladies infectieuses, qui semblaient être confinées au passé, sont de retour, et
atteignent des proportions qui les approchent des pandémies. Le temps et la géographie se dissolvent
lorsque les communications physiques, de même que la virulence des maladies, transpercent sans cesse
les frontières du Sud et du Nord, pôles d’un seul globe terrestre. La technologie de la santé, impuissante
pour atténuer ces problèmes, en pose d’autres, qui établissent des liens aigus de tension entre la santé et
l’éthique, lorsqu’elle crée, par exemple, la possibilité technique de section, d’emmagasinage,
d’appropriation et de commercialisation des matières vivantes, y inclus le corps humain. La pendule du
Droit hésite entre le garant de l’accès adéquat à la santé, considéré comme un droit fondamental et
essentiel, et la création éventuelle de barrières à cet accès, provenant des effets de l’exclusivité assurée
par le droit des brevets.
Cette pendule oscille de grande vitesse au Brésil, pays ancré dans un clivage entre la franche
protection offerte par l’ordre juridique à la dignité de la personne humaine et à sa santé, et l’effectivité,
insuffisante au sens du pratique, de cette protection ; entre le garant, prévu par la Constitution même, des
droits créés par la propriété intellectuelle et la garantie, dans le même texte, de la fonction sociale de la
propriété; entre les intérêts commerciaux et politiques d’une industrie qui est devenue un oligopole
transnational, et les devoirs de l’État brésilien vis-à-vis de sa population, susceptible à des maladies qui
parfois n’existent même pas dans les pays industrialisés.
Au centre de la réflexion engendrée par les paradoxes advenant de cette ligne de scissions
multiples, l’on trouve la relation – complexe et tendue – entre, d’un côté, le droit de propriété et
d’exclusivité, conséquence des brevets ; et, de l’autre, l’intérêt public de protéger de façon adéquate la
1
Respectivement: Professeur et Docteur en Droit par l’Université de São Paulo (USP), Professeur de Droit civil de la Faculté
de droit de l’Université fédérale de l’État du Rio Grande do Sul (UFRGS); Professeur de l’Université Ritter dos Reis
(UNIRITTER) et Docteur en Droit civil par l’Université fédérale de l’État du Rio Grande do Sul (UFRGS). Les auteurs
veulent remercier l’indication proposée par le Professeur Émérite Arnoldo Wald et aussi la collaboration généreuse du
Professeur Docteur Denis Borges Barbosa et du Professeur LLM Karin Grau-Kuntz, de même que les membres de leur équipe
de recherche, Maître-avocat Fernanda M. Bonatto et les étudiantes en Droit Giovana V. Benetti, Lísia Testa, Camila S. Pastore
santé, ce qui contrarie parfois le principe du privilège, par moyen de la fonctionnalisation du droit de
propriété2. Aussi faut-il décrire, parce qu’il s’agit d’une présupposition introductoire à l’examen des
aspects spécifiques de cette question, (i) le cadre légal de la propriété intellectuelle et (ii) la qualification
des brevets dans le Droit brésilien.
(i) le système normatif
La propriété intellectuelle est régie par un système normatif complexe qui articule la Constitution,
des Traités internationaux3, le Code civil, les lois spéciales et des actes administratifs. On peut affirmer
que, quoique ce thème soit considéré comme appartenant au domaine du Droit privé, on y trouve
spécifiquement la forte présence de l’intérêt public, voire des politiques publiques implémentées par des
normes d’ordre public de protection e d’ordre public de direction4.
La première référence est la Constitution du Brésil, car on y trouvera le centre d’une toile qui se
ramifie dans les codes et dans les lois spéciales.
La Constitution fédérale du Brésil de 1988 assure, dans le chapitre des Droits fondamentaux
(article 5, XXVII), que revient aux auteurs « le droit exclusif d’utilisation, de publication ou de
reproduction de leurs œuvres, transmissible aux héritiers pour le temps fixé par la loi ». En outre, elle
assure (article 5, XXIX) aux auteurs d’inventions industrielles le « privilège temporaire de leur
utilisation, de même que la protection des créations individuelles, de la propriété des marques, des noms
des entreprises et d’autres signes distinctifs, visant l’intérêt social et développement technologique et
économique du pays ».
Ce texte-là, qui est le noyau du système normatif de la propriété intellectuelle, a laissé son
empreinte sur la relation de coimplication dialectique entre, d’un côté, l’intérêt de l’inventeur (ou l’intérêt
du titulaire du brevet), et, de l’autre, l’intérêt social du développement de la société, de l’accroissement de
l’emploi, de la promotion des conditions de vie, de l’alimentation et de la santé de la population, voire de
l’intérêt public de la libre concurrence et de la défense du consommateur5 : d’abord, parce que les droits
exclusifs d’exploitation éloignent le principe (aussi prévu dans la Constitution) de la libre concurrence et
ensuite parce que, puisque les médicaments sont marqués par un caractère essentiel, les droits
d’exclusivité créés par les brevets peuvent rendre difficile, voire impossible, l’accès du consommateur au
(UFRGS) et Débora Janczura (UNIRITTER).
2
Constitution fédérale du Brésil. Articles 5, XII, XIII; 170, II, III.
3
« C’est dans le domaine de la Propriété intellectuelle, et, en particulier, de la Propriété industrielle, possiblement, où l’on
applique le plus fréquemment et de façon plus directe les normes internationales ». BARBOSA, Denis Borges. Propriedade
Intelectual. A Aplicação do Acordo TRIPS. Rio de Janeiro: Lúmen Juris, 2005. p. 13.
4
De façon générale, la doctrine brésilienne adopte la distinction proposée par l’auteur français Gérard Farjat. FARJAT,
Gérard. Droit Économique. Paris: Presses Universitaires de France, 1982.
5
Constitution fédérale du Brésil. Article 170, IV (libre concurrence) et V (protection du consommateur). La protection du
consommateur est aussi prévue par l’article 5, XXXII.
produit (à cause des prix élevés).
À cette structure normative on peut ajouter, toujours à partir d’un abordage intrasystémique,
l’article 196 du même texte constitutionnel, où l’on établit que la santé est un « droit de tous, devoir de
l’État, garanti par des politiques sociales et économiques visant la réduction du risque des maladies et
d’autres afflictions, de même que l’accès universel et égalitaire aux actions et aux services assurant la
promotion, protection et récupération [de la santé] » 6.
La mise en détail de la relation complexe entre le garant de la santé comme un « droit de tous » et
la protection de la propriété intellectuelle se trouve à présent dans les réglementations de la Loi 9.279, du
14 mai 1996, dite « Loi de la Propriété intellectuelle ». Ici, l’on trouve une convergence entre l’ancienne
tradition brésilienne de protection aux inventeurs et aux auteurs, et les vicissitudes de la notre situation
dans le cadre de la communauté des nations. En fait, le long de deux siècles d’histoire, des politiques
publiques différentes se sont succédé au Brésil ; ces politiques privilégiaient parfois l’industrie nationale,
parfois des « ouvertures » vis-à-vis du marché international7, qui impliquent une intensification de la
protection des brevets.
Pour compléter le système de la Propriété intellectuelle, on trouve, parmi d’autres, la Loi 9.610,
du 19 février 1998, qui réglemente les droits d’auteur (expression qui comprend non seulement les droits
d’auteur stricto sensu, mais aussi les droits liés à ceux-là, que l’on appelle « droits connexes »), de même
que la Loi 9.609, du 19 février 1998 (dite « Loi du logiciel »), qui stipule la protection de la propriété
intellectuelle des logiciels et de leur commercialisation.
S’appliquent aussi à cette matière la Loi 6.360, du 23 septembre 1976, avec les altérations de la
Loi 9.787, du 10 février 1999 (établissant les « médicaments génériques ») ; la Mesure provisoire 2.18616, du 23 août 2001, destinée à réglementer les dispositions constitutionnelles sur la diversité biologique,
l’accès au patrimoine génétique et aux connaissances traditionnelles, et le Décret 3.945, du 18 février
1998, qui a promulgué la Convention de la biodiversité biologique, dite « Convention de Rio », car elle a
été élaborée pendant la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et la diversité, en juin 19928.
Le statut du brevet, en tant que source des droits particuliers de l’inventeur, sont prévus par la Loi
9.279/96, que l’on doit mentionner plus de profondeur.
(ii) le statut du brevet
6
Le Brésil est signataire de la Déclaration des Droits humains de 1948 et du Pacte sur les Droits économiques, sociaux et
culturels de 1966. L’article 25 de celle-là fait mention à la santé, et celui-ci oblige les États signataires de garantir l’assistance
médicale dans tous les cas de maladie. Voir : GRAU-KUNTZ, K. Dignidade Humana e Direito de Patentes: sobre o Problema
de Acesso a Medicamentos. In: Propriedade Intelectual – estudos em homenagem à Professora Maristela Basso.
CARVALHO, Patrícia Luciane, org. Curitiba: Juruá, 2005. p.307.
7
PIMENTEL, Luiz Otávio. Propriedade Intelectual e Desenvolvimento. In: Propriedade Intelectual – estudos em homenagem
à Professora Maristela Basso. CARVALHO, Patrícia Luciane, org. Curitiba: Juruá, 2005. p. 43-46.
8
La législation brésilienne peut être consultée sur le site: <http://www.presidencia.gov.br/legislacao>.
En ce qui concerne la protection de l’inventeur (ou de l’industrie pharmaceutique), le noyau du
système protectif se trouve dans le brevet. On sait que la fonction du brevet est, justement, celle de
protéger les inventions, assurant au propriétaire un contrôle sur leur utilisation, dans la mesure où, même
si le droit de l’auteur naît avec l’invention, le droit à l’exclusivité de l’invention (le droit de propriété
industrielle) ne surgit qu’avec la concession du brevet. Celui-ci – nous le savons aussi – se concrétise par
moyen du droit temporaire – exerçable erga omnes – d’empêcher cette utilisation par des tiers, avec
l’exclusivité octroyée à l’inventeur ou au titulaire du brevet.
La propriété industrielle, comme espèce du genre propriété intellectuelle, partage des éléments
communs à ce genre, c’est-à-dire : l’immatérialité de l’objet ; sa classification parmi les biens meubles ;
et la limitation, dans le temps, de sa protection. Cette limitation même est définie par le brevetage, qui,
selon le texte légal9, et la majorité des opinions doctrinaires10, garantit la propriété et son us exclusif pour
vingt ou quinze années (cela dépend du type de brevet). Ce garant est concédé au bout d’une procédure
administrative réglée par l’institut brésilien de propriété intellectuelle (INPI,
Instituto Nacional de
Propriedade Intelectual11), pourvu que l’on y trouve les éléments de la nouveauté, de l’activité inventive,
et de l’applicabilité industrielle12.
Aussi peut-on synthétiser, à partir de l’ensemble normatif existant, les traits de cet institut,
caractérisant les droits patrimoniaux créés par les brevets comme une sorte de propriété temporaire dont
l’objet est constitué par un bien insaisissable : l’invention. Le Code civil brésilien (article 83, II) stipule
que « les droits personnels à caractère patrimonial ainsi que leurs actions respectives » sont « considérés
comme meubles au sens de la loi ». De même, la Loi de la propriété intellectuelle (article 5) « considère
comme des biens meubles, pour tous les effets légaux, les droits de propriété intellectuelle ». Cette
conception est la même adoptée officiellement, selon les instructions proposées par l’INPI13.
Ces très brèves notes sur le cadre général du brevetage dans le Droit brésilien permettent déjà
l’abordage de questions spécifiques, concernant le brevetage des médicaments, des procédures médicales,
des méthodes et des techniques concernant la santé, de même que celui que de la matière vivante. Cette
approximation doit être prudente, comme l’exige les difficultés intrinsèques à « l’analyse différentielle
9
Loi 9.279/96, article 6.
À titre d’exemple, on peut citer GAMA CERQUEIRA, J. Tratado da Propriedade Industrial. 1982. v. 1; PONTES DE
MIRANDA, F. Tratado de direito privado: parte especial. Rio de Janeiro: Borsoi, 1971. t. XVII, § 2.135. ; SABÓIA, Marcelo
Tocha. A propriedade industrial e sua tutela jurídica. Revista da ABPI n. 14, jan-fev. 1995, p. 9.; MARTINS, Fran. Curso de
Direito Comercial. vol. I. São Paulo: Saraiva, 1974.; SILVEIRA, N. O sistema de propriedade industrial brasileiro. Rio de
Janeiro : Instituto Brasileiro de Propriedade Intelectual, 2001. Consultable sur le site: <http://www.ibpi.org.br/>. Accès: 16
fév. 2006.; BARBOSA, Denis. B. Nota sobre as noções de exclusividade e monopólio em propriedade intelectual. Rio de
Janeiro. Consultable sur le site : <http://denisbarbosa.addr.com/ >. Accès : 28 avr. 2005.; HAMMES, B. J. O direito de
propriedade intelectual. São Leopoldo: Unisinos, 2002. On peut trouver l’opinion contraire, qui qualifie les droits advenant
d’un brevet comme une quasi-propriété, ne garantissant que des droits similaires à ceux inhérents à la propriété, dans:
GOMES, O. Direitos reais. Édition mise à jour par Luiz Edson Fachin. Rio de Janeiro: Forense, 2005. p. 112.
11
L’institut national de la propriété intellectuelle (INPI) est une autarchie fédérale.
12
Loi 9.279/96, article 8.
13
INSTITUTO NACIONAL DA PROPRIEDADE INTELECTUAL. Como garantir sua patente. Rio de Janeiro, 2006.
Consultable sur le site : <http://www.inpi.gov.br>. Accès : 26 jan. 2006.
10
des juriscultures »14. Aussi ne doit-on pas oublier l’existence (au dessous du texte des lois) de ce
continent submergé et invisible, dont les normes juridiques ne sont que le sommet15 – un continent qui,
même s’il n’est pas expressément mentionné, se trouve, lui aussi, présent au moment de comprendre les
règles juridiques spécifiques, car il forme les horizons herméneutiques16 sur lesquels l’interprète se trouve
ancré.
I) Brevetabilité des produits pharmaceutiques en général
La protection des brevets a d’anciennes racines dans le Droit brésilien ; elle est antérieure même à
l’indépendance du pays17. On doit examiner rapidement cette tradition (1), pour après présenter la loi en
vigueur actuellement, en considérant son étendue et application (2) et, finalement, les domaines
d’interdiction au brevetage (3).
1. La protection au brevet – donnés historiques
Le Brésil a été le premier pays en Amérique Latine, et le quatrième au monde, à accueillir une
législation protectrice pour les inventions18. Jusqu’en 1945, le pays ne faisait aucune restriction à la
protection de la propriété intellectuelle, pourvu que les conditions légales (nouveauté, activité inventive et
applicabilité industrielle) fussent présentes. En 1945, cependant, le Décret-loi 7.903 (le « Code de la
propriété industrielle ») établit, pour la première fois, des exclusions de brevetabilité, atteignant les
produits pharmaceutiques et alimentaires.
Les politiques gouvernementales de l’époque avaient pour but de stimuler la création de
l’industrie nationale et d’empêcher la formation de monopoles dans un domaine où la recherche et
l’industrie étaient à leurs débuts ; elles visaient favoriser la substitution des importations19. La Dictature
militaire (1964-1988), qui se penchait fortement vers le nationalisme, intensifia les exclusions : le Décret14
LEGRAND, Pierre. Sur l’analyse différentielle des juriscultures. Revue Internationale de Droit Comparé, 4, 1999. p. 10531071.
15
Il s’agit d’une métaphore de l’historien italien Paolo Grossi. GROSSI, P. Il Ordine Giuridico Medievali. LATERZA: Roma,
1995. p. 6.
16
GADAMER, Hans. Verdad y Método. Salamanca: Sígueme, 1991. p. .372 . Dans la doctrine brésilienne : GRAU, Eros
Roberto. Ensaio e Discurso sobre a Interpretação / Aplicacão do Direito. São Paulo : Malheiros, 2009. p. 147 et ss.
17
Ainsi, citons la Charte du 28 janvier 1809, du Prince Régent Dom João VI, qui prévoyait la concession d’un privilège
d’exclusivité aux inventeurs et aux introducteurs de nouvelles machines et d’inventions comme « un bénéfice pour l’industrie
et pour les arts ».
18
MACH DE OLIVEIRA, Ubirajara. A proteção jurídica das invenções de medicamentos e dos gêneros alimentícios, Porto
Alegre: Síntese, 2000. p. 24.; LORDELLO, Alessandro. Posfácio. Recente Questão das Patentes e dos Medicamentos
Genéricos no Brasil. In: Política de Patentes em Saúde Humana. PICARELLI, Márcia et ARANHA, Márcio, org. São Paulo:
Atlas, 2001. p. 254 et ss.
19
FROTA, Maria Stela Pompeu Brasil. Proteção de Patentes de produtos farmacêuticos: o caso brasileiro. FUNAG/IPRI,
1993. p. 34-35. ; MACH DE OLIVEIRA, Ubirajara. op. cit. p. 61. Pendant une brève période, cependant, le Décret-loi 254/67
(« Code de la propriété intellectuelle de 1967 ») permettait la concession de brevets aux processus de fabrication de
médicaments, ce qui fut altéré par le Décret-loi 1.005/69.
loi 1.005, du 21 octobre 1969, étendit la règle d’éloignement de la protection des brevets. Dans son article
8, elle étend cet éloignement au domaine des processus de fabrication de médicaments et de produits
alimentaires20. Deux ans plus tard, la Loi des brevets (5.772/1971) considéra les secteurs pharmaceutique
et alimentaire comme des parties intégrantes du domaine public. Par conséquent, les industries
pharmaceutiques, chimique et alimentaire furent mises au large de la protection justement dans la même
période historique où fut déclenchée l’industrialisation des médicaments21.
La relation de coimplication dialectique entre l’intérêt public et l’intérêt privé dont on parlait à
l’Introduction de ce rapport a trouvé un de ses avatars entre les années 1960 et 1980. À ce moment-là, les
points de vue se sont divisés en deux : d’un côté, le Sud (les pays en voie de développement), pour
lesquels la propriété intellectuelle était un bien d’intérêt public ; de l’autre, les pays du Nord
(développés), pour lesquels il s’agissait d’un bien privé, objet d’un droit à être protégé, comme n’importe
quel autre droit de propriété. À la fin des années 1980, le Brésil et les États-Unis commencèrent une
phase dans leurs relations caractérisée par des conflits concernant la protection de la propriété
intellectuelle, desquels résultèrent des représailles commerciales contre le Brésil22, de même que des
difficultés dans les négociations diplomatiques, qui s’étendirent pour encore dix années environ. Pendant
les années 1990, cependant, l’exclusion des brevets, même si elle était permise par la Convention de
Paris, et considérée comme constitutionnelle par le STF (Tribunal fédéral suprême du Brésil, qui exerce
des fonctions similaires à celles du Conseil constitutionnel en France)23, finit par être abandonnée, à cause
d’actions convergentes dans les domaines politique, économique et législatif.
En effet, depuis le milieu des années 1990, le panorama juridique et politique du Brésil a changé
considérablement – encore une fois, à cause d’un clivage complexe, concernant à la fois des faits et des
normes.
En ce qui concerne les faits, il y a le phénomène de la « transnationalisation de la
pharmacologie », qui peut, à la limite, être considérée comme une branche de la mondialisation
économique, que préconisent les Etats-Unis24. Ce phénomène a favorisé la concentration de la production
des médicaments dans les pays industrialisés, de façon à générer de vrais oligopoles pharmaceutiques par
moyen de mégafusions entrepreneuriales25, ce qui mena à la diminution de l’espace pour l’industrie
nationale brésilienne de médicaments26.
20
Le STF a discuté cette règle, et déclara sa constitutionnalité. In: STF, RE n. 93.679-3, RJ, Rel, ad hoc., Min. Moreira Alves,
j. le premier février 1982.
21
MACH DE OLIVEIRA, Ubirajara. op. cit. p.115.
22
Parmi d’autres: MACH DE OLIVEIRA, Ubirajara. op. cit. p. 92.; BASSO, Maristela. O Direito Internacional da
Propriedade Intelectual. Porto Alegre: Livraria do Advogado, 2000. p. 150 et ss.
23
STF, RE n. 94.468-1-RJ, 1a T., j. le 13. avril 1982, Rel. Min. Neri da Silveira.
24
BARBOSA, Denis Borges. Propriedade Intelectual. A Aplicação do Acordo TRIPS. Rio de Janeiro : Lúmen Juris, 2005. p.
3-16.
25
BENETTI, Daniela V. Nakalsi. Proteção às patentes de medicamentos e comércio internacional. In: BARRAL, W. et
PIMENTEL, Luiz Otávio. Propriedade Intelectual e Desenvolvimento. Florianópolis : Fundação Boiteux, 2007. p. 348.
26
Voir item IV, infra.
Dans le domaine normatif international, l’Accord sur les aspects des droits de propriété
intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC)27 a été annexé à l'Accord instituant l'Organisation
mondiale du commerce (OMC) en 1995, ce qui mena à un glissage du traitement international de ce sujet,
qui se trouvait jusque là exclusivement dans le champ d’action de l’Organisation mondiale de la propriété
intellectuelle (OMPI), vers l’enceinte de l’OMC. À cause des décisions de l’ADPIC, ce contexte fut
reflété dans le domaine normatif du Droit interne du Brésil, puisque les pays signataires de l’accord se
sont obligés de reconnaître les produits pharmaceutiques comme appartenant au groupe des matières
brevetables. La Loi de la propriété intellectuelle (aussi connue comme la « Loi des brevets », Loi 9.279,
du 14 mai 1996)28 a été le reflet le plus important de l’acceptation de l’ADPIC, en décembre 1994, par le
Congrès national du Brésil. Cette loi inclue des dispositions sur les produits pharmaceutiques et
chimiques dans son article 229. Avec l’adoption de cette loi, finissait au Brésil une longue période
d’exclusion de ces produits de la protection des brevets.
2. La Loi en vigueur : son étendue et portée
De nos jours, la brevetabilité comprend les inventions de l’industrie pharmaco-chimique (industrie
de synthèse, qui produit les matières premières le l’industrie pharmaceutique, c’est-à-dire, les principes
actifs) et l’industrie pharmaceutique (une industrie typiquement de transformation, qui produit des
médicaments, à partir des principes actifs ou des « produits biologiques », tels les vitamines naturelles, les
sérums, les extraits opothérapiques et les vaccins). Elle porte aussi sur les processus, les approximations
et les similitudes29, à l’exception des médicaments similaires et génériques, comme l’on verra plus tard30.
Il s’agit d’une large étendue, qui accompagne, en général, l’ADPIC.
Malgré l’énorme étendue de la protection des brevets proposée par la Loi 9.279/96, cette ampleur
a commencé à être cernée (surtout en ce qui concerne les médicaments), trois ans après son entrée en
vigueur, avec l’adoption de la Loi 9.789, du 10 février 199931, et, ensuite, avec la création de l’Agence
nationale de surveillance sanitaire (ANVISA), ce qui mena à l’insertion, dans la Loi de la propriété
intellectuelle, de l’article 229-C, par lequel la concession de brevets aux produits et aux processus
27
Le Brésil est signataire de l’ADPIC, et membre de l’OMC. Le texte a été ratifié par le Parlement brésilien en décembre
1994, avec le but d’encadrer le pays dans les exigences de l’OMC et de promouvoir les investissements étrangers dans le pays.
BASSO, Maristela., op. cit., en spécial, p. 147 et ss. Les dispositions contenues dans ce traité sont devenues une partie de la
législation brésilienne, à partir du premier janvier 2000, comme le réaffirment les autorités administratives et politiques, soit le
Ministère des Relations extérieures, soit l’INPI, ou une partie de la doctrine. BARBOSA, Denis Borges., op. cit., p. 118. Des
opinions contraires peuvent êtres trouvées dans, par exemple : LEONARDOS, Gustavo Starling. A data de aplicação no Brasil
do Acordo sobre Aspectos dos Direitos de Propriedade Intelectual Relacionados ao Comércio- TRIPS. In: Revista da ABPI. p.
6/14.
28
Loi 9.279/66, article 2.
29
Par exemple: TJSP, AI n. 363.085-4/0, São Paulo, j. le 7 octobre 2004. Pour le STF, AR 1165/RJ, j. le 08 juin1999. TJRJ.
Appel 129375, proc.n. 97.02.00923-5/RJ, 6e Groupe, TRF 2, Rel. Des. Fed. André Fontes. J. 25/05/2004. Consultable sur le
site : <http://www.trf2.gov.br/>.
30
Voir infra, III.
pharmaceutiques est conditionnée non seulement aux décisions de l’INPI (Institut national de propriété
intellectuelle), mais aussi au consentement préalable de l’ANVISA.
Ce changement a permis un rapprochement de la pendule des tendances vers le centre, en ce qui
concerne le règlement légal de la propriété industrielle des produits pharmaceutiques. La légitime
protection des brevets put ainsi s’harmoniser davantage avec la tutelle effective de l’intérêt public
concernant la santé, par moyen de contrôles substantiels et formels sur les conditions d’octroi de
privilèges aux inventions, tout en promouvant le contrôle des prix des médicaments.
Les auteurs sont d’accord pour considérer que cette détermination légale a provoqué une
« profonde altération »32 dans le système national de propriété industrielle, en ce qui concerne les
réquisitions de brevets de produits et de processus pharmaceutiques. Même si l’ANVISA a été créée dans
le cadre du mouvement de privatisation des années 1990 comme un émule des regulatory agencies nordaméricaines, il faut avouer qu’elle a, parmi d’autres, le but de « promouvoir la protection de la santé de la
population par moyen du contrôle sanitaire de la production et de la commercialisation de produits et de
services soumis à la surveillance sanitaire, y inclus des environnements, des processus, des matières
premières et des technologies qui y sont associés », auquel on ajoutera le but d’exercer un contrôle sur les
prix33. Ainsi, créa-t-on au Brésil un système de surveillance sanitaire à être exercée par un ensemble
d’institutions de l’administration publique directe et indirecte, des niveaux fédéral, des États fédéraux, du
District fédéral et des municipalités, exerçant les activités de réglementation, de normatisation, de
contrôle et de surveillance du domaine des conditions sanitaires.
Le choix politique d’étendre la protection des brevets au marché des produits pharmaceutiques,
même s’il a été objet de polémique, à cause du caractère inélastique34 des produits associés à la santé, fut,
en effet, contrebalancé par une certaine mesure de protection de l’intérêt public. Cette protection suit la
règle du texte constitutionnel même, en ordonnant une conjugaison du respect à la propriété industrielle
avec l’attention que l’on accorde aux intérêts sociaux et au développement technologique et économique
du pays35. Cette combinaison « crée une interprétation spécifique pour ces droits du compromis général
vis-à-vis de l’us social de la propriété, avec un lien téléologique qui doit être présent dans la totalité du
31
Voir infra, III.
L’expression se trouve chez FALCONE, Bruno. Questões Controversas sobre Patentes Farmacêuticas no Brasil. In:
Propriedade Intelectual. Estudos em Homenagem à Professora Maristela Basso. CARVALHO, Patrícia Luciane, org.
Curitiba: Juruá, 2005, p. 227.
33
Loi 9.782, du 26 janvier 1999. Article 7, XXV. Rédaction donnée par la Mesure provisoire 2.000-17 (medida provisória,
acte normatif advenant du Pouvoir exécutif avec la force d’une loi ; similaire au Décret-loi, ayant une durée déterminée dans le
temps, renouvelable jusqu’à ce qu’elle soit appréciée par le Pouvoir législatif). Il y a encore le contrôle des prix promu par la
Chambre de réglementation du marché des médicaments (CMED), créée par la Loi 10.742, du 6 octobre 2003. La Chambre est
composée par des représentants des Ministères de la Santé, de la Justice, des Finances et du Bureau présidentielle (« Casa
Civil »).
34
La doctrine souligne, par le choix du vocabulaire, le caractère essentiel des produits pharmaceutiques.
35
Il s’agit de l’article 5, XXIX, de la Constitution, cité auparavant. Voir :TJRJ, Appel 363714, proc.n. 2004.51.01.5068400/RJ, 1er Groupe Spécialisé, TRF 2, Rel. Des. Fed. Guilherme Calmon. J. 11/12/2007. Consultable sur le site :
<http://www.trf2.gov.br/>.
32
texte constitutionnel »36.
Voici justement le lien téléologique auquel font appel les défenseurs d’un meilleur accord entre la
protection des brevets des médicaments (surtout ceux utilisés pour traiter les maladies infectieuses et
endémiques) et la protection des intérêts publics concernant la santé. Les deux fronts se battent à présent
dans le STF, sur la question des « brevets pipeline », ou « brevets de revalidation », qui protègent des
produits encore en développement, pas encore offerts aux marchés de consommation, mais qui peuvent
néanmoins être protégés par un brevet. Le principe invoqué pour l’Action directe d’inconstitutionnalité
(ADIN)37 est celui de l’opposition entre articles 230 et 231 de la Loi 9.279/96 et les dispositions des
articles 3, I à III, XXII à XXIV, XXIX et XXXVI ; 6 ; 170, II à IV ; 196 ; et 200, I et V, de la
Constitution du Brésil.
Selon le Procureur général de la République du Brésil (qui exerce des fonctions similaires à celles
du Ministère public en France), il ne s’agit pas d’oublier l’importance du respect effectif « aux normes
internationales et à l’empire de la loi, car on s’attend de l’État brésilien qu’il obéisse aux déterminations
de l’ADPIC et à ses limites exactes ». Pourtant, les brevets pipeline, parce qu’ils ne sont pas prévus dans
l’ADPIC, ont été insérés par le législateur national au détriment des normes constitutionnelles qui
garantissent les brevets, dans la mesure où elles veulent « rendre brevetable, au détriment du principe de
la nouveauté, ce qui est déjà dans le domaine public », ce qui rendrait difficile « l’usufruit des bénéfices
d’un système de libre concurrence »38.
L’opinion doctrinaire39 partage de cette interprétation, et soutient que le mécanisme des brevets
dont on parle ici est inconstitutionnel, car il s’oppose, justement, à la limite finaliste proposée par l’article
5, XXIX de la Constitution40.
Néanmoins, même s’il est largement adopté par la loi brésilienne, le principe du brevetage
n’atteint pas toutes les hypothèses ; on signalera les exceptions tout de suite.
36
BARBOSA, Denis. Inconstitucionalidade das patentes pipeline. In: <http://denisbarbosa.addr.com/pipeline.pdf>. Accès: 30
avr. 2009.
37
STF,
ADIN
4234,
en
jugement.
<http://www.stf.jus.br/portal/processo/verProcessoAndamento.asp?numero=4234&classe=ADI&origem=AP&recurso=0&tip
oJulgamento=M>.
38
Selon les termes de la représentation du Procureur général de la République. Consultable sur le site :
<http://www.stf.jus.br/portal/geral/verPdfPaginado.asp?id=360456&tipo=TP&desc>. Le sujet est fort actuel, et son
importance réside dans la quantité de brevets pipeline qui ont déjà été déposées, de même que dans le type de médicaments
qui en font l’objet. On y trouve des médicaments importants pour le traitement du SIDA et de la leucémie, tels l’efavirenz (qui
a été licencié de façon compulsoire, récemment), le lopinavir / ritonavir, l’abacavir, le nelfinavir et l’amprenavir. Ces drogues
sont essentielles pour le traitement du SIDA. L’imatinib ou Glivec (marque commerciale) est essentiel pour le traitement du
cancer.
39
TRF2, Appel 403015, proc. n. 2005.51.01.519385-4/RJ, 2e groupe spécialisé, TRF2, Rel. Des. Fed. Liliane Roriz. J.
27/11/2007. Consultable sur le site : <http://www.trf2.gov.br/>. BARBOSA, Denis. Inconstitucionalidade das patentes
pipeline. op. cit. CLÉVE, Clémerson Merlin et RECK, Melina Brekenfeld. A repercussão, no regime da patente de pipeline,
da declaração de nulidade do privilégio originário. Revista da ABPI, São Paulo: Prêmio Editorial, n. 66, set/out. 2003.
40
Fondé sur le caractère finaliste du droit assuré par l’article 5, XXIX, de la Constitution fédérale. Rép. 960728 / RJ.
Troisième groupe, j. le 17 mars 2009. In: DJe 15/04/2009.
3. Les domaines d’interdiction au brevetage
Au Brésil, on ne peut pas breveter les méthodes diagnostiques, thérapeutiques et chirurgicales :
l’article 10, VIII de la Loi 9.279/96 éloigne expressément les notions d’invention et de modèle d’utilité,
d’entre autres, de « n’importe quelles conceptions purement abstraites » ; « des œuvres scientifiques » et
« des techniques et des méthodes opératoires ou chirurgicales, de même que des méthodes thérapeutiques
ou de diagnostic, applicables au corps humain ou animal »41. Par conséquent, les brevets concernant les
diagnostics, les thérapies et les méthodes chirurgicales, permises, par exemple, par la législation nordaméricaine, sont interdits par la législation brésilienne.
Cependant, l’INPI s’occupe à présent d’établir des « Directives pour l’examen de brevets dans les
domaines de la biotechnologie et de la pharmacie, pour les réquisitions de brevets déposées après le 31
décembre 1994 »42. Ce document a pour but de résoudre les doutes pour les cas où il est moins clair s’il
s’agit d’une méthode thérapeutique ou non, ou s’il s’agit d’une méthode de diagnose ou non.
Les méthodes thérapeutiques ou diagnostiques ne sont pas des fins en elles-mêmes, parce qu’elles
sont des pratiques inhérentes à des professions dirigées au garant de la tutelle de la santé publique et du
traitement de patients (personnes ou animaux). Par conséquent, ces méthodes présupposent la
connaissance et détermination de l’état de santé d’un patient, pour que l’on puisse assurer la « cure, le
rétablissement ou la prévention d’une maladie ou du mauvais fonctionnement du corps humain ou animal,
ou le soulagement des symptômes de douleur, de souffrance ou de déconfort, ayant pour but de rétablir ou
de maintenir les conditions normales de santé »43. C’est-à-dire, la fonction ou le but central de ces
méthodes ne peut pas être l’industrialisation ou l’exploitation commerciale44.
Par contre, les méthodes non-thérapeutiques sont en principe brevetables. Os les caractérise, selon
les directives de l’INPI, comme les méthodes « ayant pour point de départ les conditions normales de
santé de l’être, et qui n’ont point d’objectif prophylactique, de cure des maladies, ni de soulagement des
symptômes de douleur ou de déconfort »45. Par exemple, on peut citer les méthodes d’administration
d’hormones aux agneaux pour augmenter la production de laine, les méthodes d’induction hormonale de
l’ovulation chez les bovins, les méthodes d’hydratation de la peau, les produits cosmétiques, etc.
Dans le cas des méthodes de diagnose, « ceux qui mènent à des conclusions sur l’état du patient
ou des résultats de la technique utilisée » ne peuvent pas être reconnus comme brevetables46. Cependant,
41
Loi 9.279/ 1996, article 10, VIII.
BRÉSIL, Instituto Nacional da Propriedade Intelectual-INPI. Diretrizes do Instituto Nacional da Propriedade Industrial
para o exame de patentes nas áreas de biotecnologias e farmacêutica, depositadas após 31 de dezembro de 1994. Propriedade
Intelectual, Legislação e Tratados Internacionais. p. 289-291. Basso, M.; Polito. F.; Rodrigues Junior, E.B., org. São Paulo:
Editora Atlas, 2007.
43
Idem.
44
Idem.
45
Idem, p. 289-290.
46
Loi 9.279/96, article 10, VIII. Voir aussi : BRÉSIL. Instituto Nacional da Propriedade Intelectual-INPI. op. cit. p. 290.
42
les méthodes peuvent être brevetées qui ne font pas de diagnostic, c’est-à-dire, les méthodes qui elles
seules ne sont pas capables de répondre ou d’éclaircir les questions sur la situation de santé des patients.
Par exemple, ne sont pas considérées comme des méthodes de diagnostic les instruments qui mesurent la
pression artérielle, les rayons X, etc.
Finalement, on peut observer que la ligne faible et grise qui sépare les deux qualifications dépend
de l’analyse, par l’examinateur de brevets, de la réquisition et de la description de l’invention. Seulement
les cas concrets pourront éclairer si la Loi et des directives de l’INPI s’appliquent ou non.
Les exceptions du principe de protection des brevets comprennent aussi, parmi d’autres47, les
inventions qui nuisent à la santé publique, suivant une tradition qui remonte à la Loi 3.129, du 14 octobre
1882. Cependant, il n’est pas toujours facile d’établir une division nette entre ce qui nuit et ce qui fait du
bien pour la santé : la différence peut être dans le dosage, et les concepts de « nuisibilité » et de
« bénéfice » sont fort relatifs48. Pareillement à la protection des brevets, conférée par l’article 4249, ne
s’applique pas à des tiers, non-autorisés par le titulaire du brevet, qui utilisent l’invention en caractère
privé, sans but commercial, pourvu qu’ils ne causent pas des dommages aux intérêts économiques du
titulaire du brevet50. Le système des brevets permet, en outre, l’usage du brevet, sans autorisation
préalable du titulaire, pour des buts expérimentaux et pour la réalisation d’études ou de recherches
scientifiques ou technologiques51.
Dans le cas spécifique des médicaments, on permet, sans autorisation du titulaire, de préparer un
médicament, selon la prescription médicale pour des cas individuels, par un professionnel habilité, et le
médicament ainsi obtenu, selon ces déterminations52.
Néanmoins, il existe un autre cas, dans le Droit brésilien, d’interdiction forte au brevetage – à
savoir, le brevetage du vivant e du corps humain.
II) Brevetabilité du vivant et des parties du corps humain
La loi brésilienne53 spécifie le régime du brevetage des êtres vivants lorsqu’elle éloigne des
notions légales de l’invention et du modèle d’utilité le « tout ou une partie des êtres vivants naturels et les
matières biologiques que l’on trouve dans la nature, même s’ils en sont isolés, y inclus le génome ou
germoplasme de n’importe quel être vivant naturel et les processus biologiques naturels ». La réponse
donnée par le législateur brésilien est, donc, solide, et ne peut être changée par des tendances
internationales qui en disent autrement (1). Cependant, la protection à la propriété industrielle atteint la
47
Voir, infra, item IV.
FALCONE, Bruno. op. cit., p. 226.
49
Loi 9.279/96, article 42.
50
Loi 9.279/96, article 43, I.
51
Loi 9.279/96, article. 43, II.
52
Loi 9.279/96, article 43, III.
48
biotechnologie, ce qui l’associe à d’autres règles légales (2).
1. La non-brevetabilité des parties du corps humain et du vivant
Au Brésil, les gènes humains ne font pas objet d’un brevet, et l’on affirme largement le principe
de la non-réification de l’humain, à cause de la reconnaissance constitutionnelle de la dignité de la
personne humaine54. Dans ce but, outre la règle spécifique de l’article 10, VIII de la Loi 9.279/96, on
trouve liés, dans le même texte, les clauses générales d’exclusion de la brevetabilité portant sur la
moralité et à l’ordre public de l’article 18, III. L’interdiction s’étend même aux matières obtenues
ultérieurement à l’isolement de l’élément naturel. La force expansive du principe constitutionnel de la
dignité humaine explique non seulement le ratio legis de la prohibition, mais aussi, également, son
expansion vers d’autres textes normatifs. Puisque le Droit brésilien reconnaît comme un principe général
l’injonction kantienne selon laquelle tout homme est toujours une fin et jamais un moyen, d’autres règles
légales interdisent le brevetage des cellules souche humaines embryonnaires. On considère que les
cellules sont des découvertes, et non des inventions. Il s’agit ici de la cellule même, c’est-à-dire, de la
cellule in natura ou de ses méthodes d’isolement. De même, la prohibition a un fonds éthique, soutenu
aussi par la moralité publique. Voilà pourquoi les cellules humaines ne peuvent pas être appropriées ni
commercialisées dans le cadre du système brésilien55.
Malgré la fermeté du texte légal en ce qui concerne la non-brevetabilité des êtres vivants et de la
matière humaine, ce sujet demeure un objet de polémique, fût-ce à cause de l’extension des frontières de
la biotechnologie, marquées par l’extraordinaire croissance des possibilités techniques d’intervention
dans le corps humain, fût-ce à cause de l’énormité des intérêts économiques portant sur ce thème.
L’existence de ces éléments de pression, cependant, nous oblige d’être extrêmement prudents dans ce
domaine. Les innovations du secteur s’appliquent surtout aux processus et aux formes de vie, et sont liés
à des organismes vivants (des animaux – y inclus les humains –, des plantes et des microorganismes), à
leurs subdivisions cellulaires et, encore, à quelques fractions subcellulaires de nature chimique qui
fournissent l’information nécessaire au développement des processus de vie, de même qu’au maintien et à
la diversification des êtres vivants56.
Même s’il n’y avait pas cette sorte d’interdiction légale, le principe de l’interdiction du brevetage
des êtres vivants et de la matière humaine aurait aussi pu être atteint par moyen de la distinction entre
53
Loi 9.279/96, article 10.
Constitution fédérale, article premier, III.
55
FERNANDES, M. S. Uma abordagem jurídica e bioética sobre as patentes relacionadas às células-tronco humanas. Thèse
de doctorat. Porto Alegre: UFRGS; 2008. Voir aussi: FERNANDES, M. S. Células-Tronco humanas e as patentes. Rev.
HCPA. Consultable sur le site : <http://www.seer.ufrgs.br/index.php/HCPA/ojs/>, 2008, 28 (3) 168:176. FERNANDES, M. S.
Uma abordagem jurídica e bioética sobre as patentes envolvendo as células-tronco humanas. In : Bioética e
Responsabilidade. p. 235-298. MARTINS-COSTA, J. et MÖLLER, L. L., org. Rio de Janeiro: Forense, 2009.
56
MACH DE OLIVEIRA, Ubirajara. A proteção jurídica das invenções de medicamentos e dos gêneros alimentícios. p.101.
54
invention et découverte, à laquelle on peut associer la condition nécessaire de la nouveauté.
Quoiqu’abandonnée par d’autres pays57, la distinction entre invention et découverte (selon ce
qu’on appelle la product of nature doctrine) a été pleinement adoptée par le Droit brésilien, et la Loi de la
propriété intellectuelle détermine que seule l’invention est brevetable. Pour les fins de la loi, l’expression
« invention privilégiable » est un concept technique58. Ses éléments essentiels ont leurs racines dans les
idées de la « création inventive » et de la « possibilité d’industrialisation », ce que renforce
l’interprétation suivie de l’INPI : l’invention doit être le résultat de « l’exercice de la capacité de création
de l’homme, représentant une solution pour un problème technique spécifique dans un certain domaine
technologique, et qui puisse être fabriqué ou utilisé industriellement 59». Voilà pourquoi ne peut être objet
de ce privilège que ce qui n’existait pas préalablement dans la nature – au contraire de la découverte, qui
est constituée justement par ce qui existait déjà dans la nature.
La distinction entre invention et découverte doit être bien comprise afin d’éviter des dilemmes
concernant le brevetage de la matière biologique des parties du corps et, spécifiquement, des cellulessouche60. Comme l’on a remarqué, la justification pour l’interdiction de son brevetage trouve son
fondement sur le fait que les cellules-souche se qualifient comme des « découvertes ». Dans ce sens,
l’invention concerne non seulement les méthodes de son isolement. Voici donc la raison d’être de
l’inappropriabilité et de la non-commercialisabilité des cellules-souche dans le système brésilien61.
On y ajoute la condition de la nouveauté de l’invention, critère objectif et directement lié à
l’analyse des connaissances existantes dans le cadre de l’état de la technique. On considère comme déjà
existant dans l’état de la technique ce qui était devenu public avant les douze mois portant sur l’exercice
du droit de priorité, l’état de la technique devant être interprété dans la perspective de l’expert, et non
proprement dans celle de l’homme commun62. Dans le Droit brésilien, on fait la distinction entre
nouveauté et originalité. Celle-ci est un concept plus large, puisqu’il utilise comme critère toutes les
inventions analogues ou du même genre ; par contre, celle-là est appréciée seulement du point de vue des
antériorités légales, c’est-à-dire : ce qui est reconnu à l’état de la technique ou ce qui est objet de
protection d’un brevet63. L’interdiction se justifie aussi lorsque l’objet breveté ne se soumet pas à la
57
BAGLEY, M. A. A global controversy: the role of morality in biotechnology patent law. In: Intellectual property and
information wealth. Praeger, Dec. 2006.
58
CERQUEIRA, J. D. G. op. cit. p. 208-209, 211.
59
BRÉSIL, Instituto Nacional da Propriedade Intelectual-INPI. INSTITUTO NACIONAL DA PROPRIEDADE
INTELECTUAL. Como garantir sua patente. Rio de Janeiro, 2006. Consultable sur le site: <http://www.inpi.gov.br>. Accès:
26 jan. 2006.
60
SANTOS, L. G. D. Invenção, descoberta e dignidade humana. In: EMERICK, F. C. E. M. C. (Ed.). Limite: a ética e o
debate jurídico sobre acesso e uso do genoma humano. Rio de Janeiro: Fundação Oswaldo Cruz, 2000. p. 55-64. et p. 55.
61
FERNANDES, M. S. Células-Tronco humanas e as patentes. Rev. HCPA. Consultable sur le site:
<http://www.seer.ufrgs.br/index.php/HCPA/ojs/>. 2008, 28 (3) 168:176. Aussi: FERNANDES, M. S. Uma abordagem
jurídica e bioética sobre as patentes envolvendo as células-tronco humanas. In : Bioética e Responsabilidade. p. 235-298.
MARTINS-COSTA, J. et MÖLLER, L. L., org. Rio de Janeiro: Forense, 2009.
62
Convention de l’Union de Paris pour la protection de la Propriété industrielle. Paris, 1883, article 4.
63
CERQUEIRA, J. D. G. op. cit. p. 308. Aussi: SILVEIRA, N. Os requisitos de novidade e originalidade para a proteção do
desenho industrial. In: SANTOS, M. J. P. D.; JABUR, W. P. (Ed.). Criações industriais, segredos de negócio e concorrência
production industrielle dans le sens de l’executabilité ou de la réalisabilité de la solution technique décrite
et revendiquée avec des résultats constants, autant de fois que nécessaire, par n’importe quel expert dans
ce domaine.
Ce serait, en effet, un contresens d’adopter la condition de la nouveauté en ce qui concerne le
corps humain ou ses parties, dans la mesure où le corps est une manifestation des lois de la nature, libres
pour touts les hommes, sans exclusivité d’usage64.
L’exception s’applique seulement aux microorganismes, et le brevetage est permis aux
microorganismes transgéniques (article 18), définis par la loi comme les « organismes, excepté le tout ou
une partie de plantes ou d’animaux, exprimant, par moyen de l’intervention humaine directe dans sa
composition génétique, des caractéristiques non-atteignables normalement par l’espèce en conditions
naturelles ». Il faut aussi que ces microorganismes présentent les trois conditions de la brevetabilité, dont
on a déjà parlé : l’activité inventive, la nouveauté et l’applicabilité industrielle.
2. Les brevets et la biotechnologie
Même si l’on interdit la brevetabilité du vivant, la Loi 9.279/96 ne repousse pas la progression de
la biotechnologie.
La biotechnologie a créé des espèces (des semences et des plantes) avec le but d’augmenter les
profits économiques, ce qui explique l’énormité des investissements entrepreneuriaux. La méga-diversité
des ressources naturelles du Brésil est reconnue dans tout le monde, suffît-il de rappeler que le Bassin
Amazonien, par exemple, contient huit fois plus d’espèces que le Bassin du Mississipi, ou, encore, dix
fois plus d’espèces végétales que tout le continent européen65. Aussi est-il facile de comprendre les
potentialités économiques et scientifiques liées aux recherches de la biotechnologie végétale66.
L’industrie de la biotechnologie mouvemente de millions de dollars, avec des revenus bruts de
plus de quatre millions de dollars, seulement pour la vente d’herbicides aux Etats-Unis67. Au Brésil, le
marché est en évidence dans le domaine du végétal, puisque le secteur de semences seulement
mouvemente environ US$ 1,2 millions par an, générant environ 300 mille emplois directs ou indirects68.
Il est facile de comprendre la raison pour laquelle la conquête de nouveaux brevets est un objectif
desleal. São Paulo: Saraiva, 2007. p. 285
64
CARVALHO, N. P. The problem of gene patents. Washington University Global Studies Law Review, Washington, v. 3, n.
3, p. 701-753, 2004. LENK, C.; HOPPE, N.; ANDORNO, R. Ethics and law of intellectual property: current problems in
politics, science and thechnology. p. 11-89. Aldershot: Ashgate, 2007.
65
VARELLA, Marcelo Dias. Propriedade intelectual de setores emergentes: Biotecnologia, fármacos e informática. São
Paulo, Atlas, 1996. p. 48.
66
FERNANDES, Márcia S. Alimentos transgênicos e o Direito. Revista Direito e Democracia, Vol.2, n.1, p. 183-204, Ed.
Ulbra, 2000.
67
RIFKIN, J. A valorização dos genes e a reconstrução do mundo: o século da biotecnologia. p.86. São Paulo: Makron Books,
1999.
68
NERO, Patrícia Aurélia Del. Propriedade Intelectual: A tutela jurídica da biotecnologia. Editora Revista dos Tribunais, São
constant et fort encouragé par les entreprises de biotechnologie.
Les plantes transgéniques sont des organismes génétiquement modifiés pour promouvoir la
résistance aux insectes et aux maladies végétales, ou encore pour augmenter le taux de protéines ou pour
réduire les niveaux de graisse, ou encore pour modifier la saveur des produits alimentaires. Une variante
de la biotechnologie, l’ingénierie génétique, est largement utilisée pour l’obtention de médicaments
nouveaux – par exemple, le Projet Genoma, du parasite Trypanosoma cruzi69, qui cause la maladie de
Chagas (dont on compte 12 à 14 millions de personnes infectées en Amérique Latine, surtout dans les
zones rurales)70. Ces facteurs conduisent aux spécificités du Droit brésilien, en ce qui concerne les brevets
et la biotechnologie végétale, d’abord par l’enchevêtrement de lois incidentes : la matière est réglementée
par la Loi 8.974 du 5 janvier 1995, qui dispose sur l’usage des techniques d’ingénierie génétique et sur la
libération d’OGM sur l’environnement ; la Loi 9.456 du 28 avril 1997 (de la Propriété intellectuelle de
cultivars)71, qui réglemente les droits de « l’améliorant », concept qui désigne la personne physique qui
obtient un cultivar et qui établit des descripteurs pour le différencier des autres72, et la Loi 9.279/96, la
Loi de la propriété industrielle même. En outre, il ne faut pas oublier la Convention portant sur la
diversité biologique, signée à Rio en 1992, et promulguée au Brésil par le Décret 2.519 du 16 mars 1998.
De cet ensemble normatif complexe adviennent des divergences concernant l’extension et l’étendue des
règles légales incidentes.
Par exemple, il y a divergence sur l’applicabilité de la Loi 9.279/96 ou de la Loi 9.456/97 sur les
domaines communs des deux réglementations. En ce qui concerne la propriété intellectuelle des OGM,
celle-là détermine (article 18) que les microorganismes sont brevetables, pourvu qu’ils présentent les
conditions requises73 ; par contre, celle-ci détermine, dans son article 2, que « la protection des droits
portant sur la propriété intellectuelle des cultivars est effectuée par moyen d’une concession d’un
Certificat de protection de cultivar, considéré comme un bien meuble pour les effets de protection et
comme seule forme de protection de cultivars et d’un droit qui peut empêcher la libre utilisation de
plantes ou de leurs parties de reproduction ou de multiplication végétative dans le pays ». C’est-à-dire, ce
qui pour un texte est brevetable, pour l’autre demeure comme un système spécifique, comme le permet
l’ADPIC, lorsqu’il détermine que les États-membres peuvent exclure la brevetabilité des plantes et des
Paulo, 1998. p. 211.
69
Il s’agit d’un projet de l’OMS, effectué dans 15 pays. Au Brésil, dirigé par la FIOCRUZ, par l’École Paulista de Médicine et
par l’Université fédérale de Minas Gerais.
70
BRASIL,
Ministério
da
Saúde,
Fundação
Fiocruz.
Consultable
sur
le
site:
<http://www.fiocruz.br/chagas/cgi/cgilua.exe/sys/start.htm?sid=130>.
71
C’est une compétence du SNPC (Service national de protection des cultivars), lié au Ministère de l’Agriculture, de l’élevage
de bétail et de l’approvisionnement.
72
Loi 9.456/97, article 3, I.
73
Loi 9.279/96, article 18, paragraphe. Ici, l’on affirme que les microorganismes transgéniques sont des « organismes, excepté
le tout ou une partie de plantes et d’animaux, qui expriment, par moyen de l’intervention humaine dans leur composition
génétique, des caractéristiques non atteignables par l’espèce dans des conditions naturelles ».
animaux, et qu’ils peuvent créer un système spécifique pour la protection des variétés des plantes74.
III) Les médicaments génériques
Si l’on considère les directions prises par la Loi 9.279/96 en ce qui concerne la brevetabilité des
médicaments, le grand tournant date de l’année 1999. Dans la rédaction originale de la Loi de la propriété
intellectuelle, l’exclusivité advenant du brevet comprenait aussi les processus et d’autres catégories
approximatives ou similaires75, tout en interdisant ce que l’on appelle les « médicaments similaires » qui
avaient proliféré dans l’industrie pharmaceutique entre 1976 et 1996. Cependant, avec un nouveau tour
d’écrou, la Loi 9.787, du 10 février 1999, que l’on appelle la « Loi des génériques », a coincé davantage
ce domaine en y ajoutant une nouvelle catégorie, celle des « médicaments génériques », dont l’usage est
considéré comme licite.
Le médicament générique est celui qui garde une relation de « bioéquivalence » (c’est-à-dire,
d’identité d’éléments et d’effectivité76) avec le « médicament de référence », défini légalement comme
« le produit novateur enregistré par l’organisation fédérale responsable de la surveillance sanitaire et
commercialisé dans le pays, dont l’efficacité, sûreté et qualité furent prouvées scientifiquement par
l’organisation fédérale compétente, lors de l’enregistrement »77. La différence entre le médicament
similaire et le générique réside sur le fait que, malgré les deux utilisent les mêmes principes actifs du
médicament de référence, la même concentration, formule pharmaceutique, voie d’administration,
posologie et indication thérapeutique78, le générique a l’avantage de la « biodisponibilité », c’est-à-dire :
il présente la bioéquivalence avec identité d’efficacité en ce qui concerne la capacité d’assimilation par
l’organisme79.
La politique des génériques adoptée par la « Loi des génériques » a eu pour guide l’ampliation de
l’accès aux médicaments par la population, essayant d’harmoniser la protection du brevet pour les
produits pharmaceutiques et la promotion de l’abordabilité des prix des produits, ce qui est une conquête
importante surtout pour les victimes du SIDA.
Aujourd’hui, on fabrique deux mil types de génériques, qui correspondent à 17% du marché, et
74
NERO, Patrícia Aurélia Del. op. cit. p. 214, 215.
TINOCO, José Carlos. Lei de Patentes, Marcas e Direitos Conexos. São Paulo, Revista dos Tribunais, 1997. p. 85.
76
Dans les termes de la loi, lorsqu’il y a équivalence thérapeutique entre un médicament de référence et un autre, il y a
interchangeabilité. Le produit pharmaceutique interchangeable est, dans les termes de l’article 3, XXIII, « l’équivalent
thérapeutique d’un médicament de référence, lorsqu’on prouve, essentiellement, les mêmes effets d’efficacité et de sécurité ».
C’est-à-dire : lorsqu’il y a similarité avec un médicament de référence et que l’on prétend y avoir entre les deux de
l’interchangeabilité (c’est-à-dire, de l’équivalence thérapeutique, telle l’identité ou l’effectivité), on a un médicament
générique.
77
Loi 9.787/99, article 3, XX, XXI, XXII.
78
Loi 9.787/99, article 3, XX.
79
Loi 9787/99, article 3, XXV. La biodisponibilité indique « la vitesse et l’extension d’absorption d’un principe actif », et
constitue une forme de dosage.
75
qui coûtent 35% moins que les médicaments de référence80. La production des génériques n’est pas
absolument libre, car la Loi 9.787/99 permet la production « en général, après l’expiration ou la renonce à
la protection du brevet et d’autres droits d’exclusivité »81. Cela veut dire que la règle est le respect au
brevet. Cependant, il y a une possibilité de rupture du brevet au bénéfice de l’intérêt publique, concrétisé
dans la protection du consommateur qui, comme l’on a vu, au Brésil, est prévue dans la constitution82.
On n’interdit pas non plus la recherche de nouvelles alternatives, lorsque la production résulte
d’un processus inverse, comme par exemple, avec la production de ce qu’on appelle « l’AZT brésilien »
par le laboratoire Microbiológico, et qui coûte presque la moitié du prix de l’AZT (zidovudine) produit
par le laboratoire Glaxo Wellcome (siégeant aujourd’hui aux États-Unis et en Angleterre ; depuis 2001,
fusionné avec l’entreprise SmithKline Beecham, composant l’une des cinq compagnies pharmaceutiques
les plus importantes du monde83) : dans ce cas-là, on a pu prouver que le produit fabriqué par le
laboratoire brésilien a résulté d’un processus différent, et l’on a expédié deux brevets différents, l’un pour
la drogue étrangère, l’autre pour la nationale.
IV) Les relations Nord-Sud
Les mêmes mobiles de la globalisation économique mondiale ont conduit au besoin d’un certain
degré d’uniformisation ou « d’harmonisation » des règles de protection à la propriété industrielle. Ce
besoin des producteurs de technologie et des propriétaires des brevets provoque le surgissement de
paradoxes et d’impasses, car le Droit est surtout une instance culturelle, et le législateur et le juge doivent
immerger de la réalité sociale conformée culturellement, car c’est là que les normes juridiques « reçoivent
valeur et signification »84. Si elles s’éloignent des besoins concrets de l’espace social où elles doivent
agir, les règles juridiques ne sont que des simulacres d’ordination.
Si c’en est le cas, l’adoption, dans la loi brésilienne, des directives de l’ADPIC, même si elle est
importante pour l’aggiornamento du thème et pour la juste rétribution aux détenteurs des brevets, a laissé
passer l’opportunité de prévoir une adéquation plus étroite aux réalités du pays. Cependant, il est vrai que
quelques mesures furent prises par la loi et dans la pratique. On doit signaler d’abord les « valves
d’échappement » du domaine de l’exclusivité des brevets proposées par l’adoption des licences (1), et
examiner, par la suite, l’existence d’autres limitations, surtout en ce qui concerne le biopiratage (2) ; les
tendances de la politique brésilienne pour le secteur (3) et ses intersections avec le Droit de la
concurrence (4).
80
Consultable sur le site: <http://www.abril.com.br/noticias/ciencia-saude/10-anos-genericos-respondem-17-mercado373553.shtml>. Accès : 5 mai 2009.
81
Loi 9.787/99, article 3°, XXI.
82
Dans la jurisprudence, parmi d’autres : TJSP, A.I. n, 508.019-4/5-00, du 18 septembre 2007 et AI n. 363.085-4, du 7 octobre
2004.
83
Consultable sur le site: <http://www.gsk.com/contactus.htm norte-americano>. Accès : 4 mai 2009.
1. Les hypothèses de licence compulsoire et le « cas du cocktail antisida »
Permises par l’ADPIC, de même que prévues dans la Déclaration de Doha pour la protection de la
santé publique, les licences compulsoires ont été inclues dans la Loi 9.279/96, dans les articles 68 à 74,
qui abritent cinq groupes d’hypothèses différentes85.
Le premier groupe, présenté dans la première partie de l’article 68, comprend les hypothèses de
l’exercice abusif des droits advenant du brevet et de l’abus du pouvoir économique.
L’hypothèse de l’exercice abusif configure une clause générale, similaire à celle prévue dans
l’article 187 du Code civil, sur l’exercice dysfonctionnel, c’est-à-dire : dépourvu de la fonction et de la
finalité pour laquelle le droit avait été conçu. L’hypothèse d’abus du pouvoir n’est pas nouvelle dans le
Droit brésilien, et avait déjà été prévue, par exemple, dans la Loi des sociétés anonymes (Loi 6.404, du 15
décembre 1976, article 117) et dans la Loi antitrust (Loi 8.884, du 11 juillet 1994, article 73). La Loi de la
propriété industrielle conditionne, cependant, la licence par abus du pouvoir économique à la preuve,
« dans les termes de la loi », par décision administrative ou judiciaire. Il faut signaler que la loi à laquelle
on fait référence est la Loi antitrust, dont les conduites typiques d’illicéité économique sont décrites dans
les articles 20 et 21.
Le second groupe de cas est aussi présenté dans l’article 68, qui prévoit la licence compulsoire
lorsque l’objet du brevet n’est plus exploité dans le territoire brésilien, par manque de fabrication ; si le
produit ne peut pas être intégralement fabriqué ; ou encore lorsqu’il n’y a pas d’usage intégral du
processus breveté, sauf pour les cas où l’impossibilité est économique (dans ces cas-ci, l’importation est
permise)86.
La troisième hypothèse se configure si la commercialisation « ne satisfait pas les besoins du
marché ». Il s’agit, dans ce cas, de la règle fondamentale pour la défense du consommateur et de la
concurrence. Son importance, en tant que voie de connexion entre les biens juridiques sous la tutelle de
l’article 5, XXIX de la Constitution est manifeste.
Le développement technologique et la recherche des acteurs dans le marché pour satisfaire les
besoins et les désirs du consommateur peuvent occasionner la formation d’un « pool de brevets » – c’està-dire, d’un consortium d’au moins deux entreprises qui établissent par moyen d’un contrat l’utilisation
partagée de leurs inventions, liées à une certaine technologie. L’objectif central de ces brevets est la
diminution considérable des coûts de la recherche, du licenciement et de l’investissement. De même, ce
84
REALE, Miguel. O Direito como Experiência: introdução à epistemologia jurídica. São Paulo, Saraiva, 1968.
De même, l’article 30 de l’ADPIC, lorsqu’il prévoit la licence comme exception, présuppose la présence d’une cause
justifiée pour sa concession.
86
Dans ces cas, dans les termes de l’article 69, cependant, la licence compulsoire ne sera pas concédée si, à la date de la
réquisition, le titulaire justifie le non usage par des raisons légitimes ; s’il prouve qu’il prépare son exploitation de façon
sérieuse et efficace ; ou s’il justifie le manque de fabrication ou de commercialisation par des obstacles d’ordre légal.
85
partage (cross-licence) peut promouvoir le développement technologique et l’innovation87.
Au Brésil, outre la possibilité de lier un contrat autonome pour le croisement de licences de
brevets entre leurs titulaires (« pool de brevets »), l’article 70 de la Loi de la propriété intellectuelle
prévoit la situation de licence compulsoire pour les « brevets dépendants », c’est-à-dire, ceux dont
l’exploitation dépend obligatoirement de l’utilisation de l’objet d’un brevet antérieur et que de cette
dépendance il y ait la possibilité de progrès technique substantiel vis-à-vis du brevet antérieur, si les
titulaires de ces brevets ne se sont pas mis (ou n’ont pas voulu se mettre) d’accord88.
Finalement, le cinquième groupe est composé par les hypothèses prévues dans l’article 71, qui
règle le licenciement compulsoire, dans les cas d’émergence nationale ou d’intérêt public, déclarés en
acte du Pouvoir exécutif fédéral, pourvu que le titulaire du brevet ou son licencié ne puissent pas
satisfaire ces nécessités. Cette licence compulsoire, temporaire et non exclusive, peut être concédée ex
officio, sans nuire aux droits du titulaire respectif. Voici la base légale qui a été invoquée pour l’emploi –
le seul, jusqu’à présent – d’une licence compulsoire au Brésil, dans le cas que l’on appela « le cas du
cocktail antisida ».
Le Programme brésilien de combat au SIDA a été lancé en 198689. Des points de repère
importants sont la décision, en 1993, de distribuer les médicaments gratuitement, et, en 1994, celle de
créer des politiques de promotion de la production des médicaments contre la maladie par des laboratoires
brésiliens, avec l’aide de la Banque Mondiale90. Après dix ans, ces médicaments étaient près pour être
distribués, ce qui eut lieu, sous la forme prévue dans la Loi 9.313, du 13 novembre 1996, gratuitement
pour les séropositifs, car la plus grande majorité d’entre eux n’en pourrait pas utiliser autrement91. En
1997, le Brésil garantissait déjà l’accès gratuit de la population aux médicaments du « cocktail antisida »
– une combinaison de quinze médicaments antirétroviraux (ARV), desquels huit sont développés et
produits par des laboratoires publics, dans la forme de médicaments génériques, ce qui réduit son coût
d’environ 70%92. Cette politique atteint aujourd’hui 180 mille bénéficiaires93.
À cause de cette politique, le pays fut objet de fortes pressions de l’industrie pharmaceutique
87
OMS. Commission on Intellectual Property Rights, Innovation and Public Heath. Geneva, 2006. Recommendation 2.8 Patent
pools.
Consultable
sur
le
site:
<http://www.who.int/intellectualproperty/
documents/thereport/ENPublicHeathReport.pdf>. Accès : 10 mai 2007. p. 176.
88
Loi 9.279, du 14 mai 1996.
89
Consultable sur le site: <http://www.aids.gov.br>. Accès : 4 mai 2009.
90
Consultable
sur
le
site:
<http://www.aids.gov.br/data/Pages/LUMISBD1B398DITEMIDCF21498585DB4D9F8F812B75B92305DAPTBRIE.htm>.
Accès: 2 mai 2009.
91
On estime que la trithérapie, un des traitements les plus communs contre le sida, coûterait de 10 à 15 mille dollars par an,
pour chaque patient. Consultable sur le site: <http://www.aids.gov.br>. Accès: 2 de maio de 2009.
92
Informations dans: MERCER, Henrique da Silva. Patentes de Medicamentos conforme o TRIPS: o caso da gripe aviária. In:
Propriedade Intelectual e Desenvolvimento. (org. BARRAL, Welber e PIMENTEL, Luiz Otávio). Florianópolis, Fundação
Boiteux, 2007. p. 365.
93
Consultable
sur
le
site:
<http://www.aids.gov.br/data/Pages/LUMISBD1B398DITEMIDCF21498585DB4D9F8F812B75B92305DAPTBRIE.htm>.
Accès: 4 mai 2009.
internationale. Pendant le cycle de négociations de 2001 de l’OMC, à Doha, le Brésil94 a proposé,
victorieusement, que les besoins d’urgence d’une population se superposent aux droits des brevets, ce qui
n’apaisa pas les résistances contre le Programme antisida. Ainsi commença-t-on une série de négociations
entre les industries pharmaceutiques et le Ministère de la Santé qui, pour forcer une baisse des prix,
menaçait depuis 2001 de déclarer la licence compulsoire d’intérêt public, surtout des médicaments
Nelfinavir (laboratoire Roche) et Kaletra (laboratoire Abbott). En 2005, le gouvernement menaça de
nouveau d’annoncer publiquement la licence compulsoire d’intérêt public de l’antirétroviral Kaletra95,
mais les négociations se prolongèrent.
Finalement, en mai 2007, toutes les négociations pour baisser les prix ayant échoué, la concession
de la licence compulsoire de brevet d’intérêt public fut finalement déterminée, pour l’usage public et non
commercial, selon la règle de l’article 71 de la Loi 9.279, du 14 mai 1996 et le Décret 3.201, du 6 octobre
199996.
Les consideranda de l’Arrêté ministériel citent les fondements internationaux, de même que ceux
contenus dans les Déclarations et dans les Traités97 internationaux, tout en invoquant l’indispensabilité du
médicament pour le traitement de personnes vivant avec le virus HIV, et les principes de l’universalité, de
l’intégralité et de la gratuité de l’accès, qui composent le noyau du Programme national antisida. Par la
suite, on commença en partie à importer d’Inde le médicament générique Efavirenz98, et l’institut
Farmanguinhos, de la Fondation brésilienne Oswaldo Cruz, s’occupa du reste de la production, destinée
exclusivement à la consommation du SUS (Système unifié de santé publique)99 brésilien, qui est
accessible pour la totalité de la population. Les résultats obtenus furent expressifs : le taux de mortalité
pour le SIDA eut une baisse de 60%, grâce à la réduction du prix des médicaments100.
94
Déclaration ministérielle de l’OMC sur l’ADPIC et la santé publique, adopté à Doha, le 14 novembre 2001. Elle prévoit
l’accès à des médicaments par des patients du sida comme un droit humain fondamental, et fait mention à la nécessité de
réduction du coût des médicaments et de la pratique différenciée des prix, selon le degré de développement de chaque pays, et
recommandant le soutien à la production de génériques dans les pays pauvres et la création d’un fonds international pour aider
au combat du sida. Malgré la résistance initiale de quelques pays, la résolution fut approuvée et présentée à l’ONU et à l’OMC.
95
Consultable sur le site: <http://www.sistemas.aids.gov.br/imprensa/Noticias.asp?NOTCod=65647>. Accès: 2 mai 2009.
96
Décret 6.108, du 4 mai 2007. Et aussi : Arrêté 886, du 24 avril 2007, publié le 25/04/2007. Celui-ci déclare d’intérêt public
les droits de brevet sur l’efavirenz, pour les buts de concession de licence compulsoire à l’usage public non-commercial.
Consultable sur le site: <http://www.aids.gov.br/data/documents/storedDocuments/%7BB8EF5DAF-23AE-4891-AD361903553A3174%7D/%7BA3A8EC89-2B25-4CC8-811D-97A1BA382620%7D/Portaria%20%20886_Efavirenz_24.04.pdf>.
Accès: 4 mai 2009.
97
Spécifiquement: la qualification de la santé comme un droit humain fondamental, dans les termes de l’article 25 de la
Déclaration universelle des droits de l’homme, du 10 décembre 1948 ; de l’article 10 du Protocole de San Salvador, du 17
novembre 1988 (incorporé dans l’ordonnément juridique brésilien par le Décret 3.321, du 30 décembre 1999) ; l’article 12 du
Pacte international des droits économiques, sociaux et culturels, du 16 décembre 1966 ; des articles 196 et 5, XXIII, XXIX de
la Constitution fédérale ; de la Loi 9.313, du 13 novembre 1996, de même que de l’article 71 de la Loi 9.279, du 14 mai 1996,
et du Décret 3.201, du 6 octobre 1999, et des articles 7, 8, 30 et 31 de l’ADPIC.
98
L’efavirenz, un des 15 médicaments du cocktail antisida, a été produit par Farmanguinhos et par le laboratoire Lafepe en
consortium
privé
après
le
licenciement
compulsoire.
Consultable
sur
le
site:
<http://www.abiaids.org.br/_img/media/EFAVIRENZ.pdf>.
99
Consultable sur le site: <http://www.sistemas.aids.gov.br/imprensa/Noticias.asp?NOTCod=65647>. Accès: premier mai
2009.
100
MERCER, Henrique da Silva. op. cit, p. 369. En 2009, on estime la production, par le laboratoire Farmanguinhos, de 15
millions de cachets, ce qui suffit pour approvisionner la moitié de la demande nationale, qui est supplémentée par le produit
Le Programme brésilien antisida a reçu autant d’éloges que de critiques. Ce qui est clair, c’est que
l’ADPIC même permet l’adoption des mesures nécessaires à la protection de la santé publique, et le
législateur national doit, lorsqu’il adopte ces directives, doit déterminer « combien » et « comment » ces
mesures sont nécessaires en vue du principe de la dignité humaine concrètement considéré101. C’est
pourquoi, même s’il y a la possibilité de la licence compulsoire dans les cas de commercialisation
inadéquate en ce qui concerne les nécessités, une partie de la doctrine considère comme « insuffisant » le
garant de l’accès à la santé et aux médicaments, et propose même son extension, pour éloigner le
monopole temporaire sur les médicaments, lorsque ceux-là sont destinés au traitement de maladies
infectieuses de haute perniciosité et lorsque celles-là constituent une menace collective102.
2. Le combat du biopiratage
À côté des maladies infectieuses, une autre préoccupation importante au Brésil est le
biopiratage103. Avec sa richesse en espèces biologiques, le Brésil présente des problèmes spécifiques en
ce qui concerne la recherche de ressources biogénétiques. Notre vaste territoire et l’existence, dans les
forêts isolées de l’Amazonie, de populations dépourvues d’assistance sociale et sans miscégénation
ethnique, stimulent la contrebande génétique104, de laquelle bénéficient les laboratoires pharmaceutiques
étrangers. À cause des particularités des populations qui partagent une histoire biologique commune, et
qui sont génériquement homogènes, il y a une prolifération de « chasseurs de gènes »105, pour qui les
indigènes seraient de vraies « mines de gènes »106. Situés dans les parties les plus isolées de l’Amazonie,
ils attirent les chasseurs modernes en quête du brevetage de leurs cellules, de leur sang, de leur ADN, etc.,
sans aucune sorte de bénéfice pour les sujets de la recherche – parfois, on n’obtient même pas leur
consentement informé pour le don de la matière génétique. On connaît le cas des Karitiana et des Suruí,
deux groupes indigènes établis dans le territoire de Rondônia, dans l’extrême nord du Brésil107. Le
importé de l’Inde, utilisé depuis 2007. Le médicament est utilisé par 70.000 patients subissant le traitement au Brésil, ce qui
représente 38% des patients en traitement, avec une prévision de croissance pour les années à venir. Disponible sur le site :
<http://www.fiocruz.br/cgi/cgilua.exe/sys/start.htm?sid=76>.
101
Dans cette même perspective : GRAU-KUNTZ, K. op. cit. p. 313.
102
BARBOSA,
Denis.
Inconstitucionalidade
das
patentes
pipeline.
Consultable
sur
le
site:
<http://denisbarbosa.addr.com/pipeline.pdf>. op. cit. Aussi : BENETTI, Daniela V. Nakalsi. op. cit.,p. 337.
103
Pour d’autres informations, voir : CARNEIRO, Ana Claudia Mamede. Acesso a Recursos Genéticos, Conhecimentos
Tradicionais Associados e Repartição de Benefícios. Revista da Associação Brasileira de Propriedade Intelectual. Síntese.
Consultable
sur
le
site:
<http://www.abpi.org.br/publicacoes.asp?idioma=Portugu%EAs&secao=Revista%20da%20ABPI&codigo=2&ano=2007&e
di%E7%E3o=88>.
104
LEAHY, Stephen. OSAVA, Mario. Venda de genes indígenas pela Internet. Consultable sur le site:
<http://www.tierramerica.net/2004/1113/particulo.shtml. Accès: 4 mai 2009.
105
L’expression est de RAGHAVAN, Chakravarthi. In: Privatizing human and human genes? (cit. par MACH DE
OLIVEIRA, Ubirajara. op. cit. p. 100.
106
Selon
LEAHY,
Stephen.
OSAVA,
Mario.
op.
cit.
Consultable
sur
le
site:
<http://www.tierramerica.net/2004/1113/particulo.shtml>. Accès: 4 mai 2009.
107
Rapporté sur le site : <http://www.casoteca.org>. Le procès judiciaire concernant les Karitiana peut être consulté sur le
site :
<http://processual-
biopiratage s’étend aussi aux plantes et aux animaux.
Ces cas-là, jonchés de questions d’ordre éthique, représentent des valeurs financières qui
dépassent les millions de dollars. Le Parlement brésilien a instauré une commission spéciale108 pour
surveiller les cas dénoncés d’exploitation et de commercialisation illégale de plantes et de la matière
génétique. Dans son rapport final, publié en février 1997109, les membres de cette commission affirmèrent
que « l’industrie de tissus humains mouvemente des valeurs dans l’ordre des 428 millions de dollars par
an, et le marché de la culture de ces produits a une prévision de croissance moyenne de 13,5% par an, ce
qui signifie un total d’environ un milliard de dollars pour l’année 2002. L’industrie du secteur de tissus
humains prévoit une croissance, dans une seule génération, dans l’ordre de 80 milliards de dollars par
an ».
Voilà pourquoi, malgré les bonnes intentions de la Convention de Rio, de juin 1992110, le
gouvernement brésilien considère qu’il faut adopter des mesures plus tranchantes, et défend dans le cadre
de l’OMC la révision de l’article 27.3 de l’ADPIC, en proposant que, pour faire la concession de brevets,
les pays membres de l’accord établissent davantage de conditions, telles l’identification de la source de la
matière génétique, la connaissance traditionnelle utilisée pour l’obtention de la matière, et les preuves du
consentement préalable et informé, de même que du partage juste et équitable des bénéfices dérivés de
l’exploitation du brevet. On sollicita aussi l’inclusion d’une note à l’article 27.3 de l’ADPIC, en
éclaircissant quelles découvertes ou matières d’occurrence naturelle ne sont pas brevetables111. Malgré la
législation protective advenue de la Convention de Rio, de 1992, l’absence de points d’appui plus solides
dans les règles légales incidentes crée des entraves à leur application.
3. Les voies de la recherche
En même temps, le pays essaye de fortifier la pratique de la recherche nationale, encore à ses
débuts. Même si le Brésil se trouve parmi les dix marchés pharmaceutiques les plus grands au monde, il
est le seul parmi ceux-ci112 qui n’a pas reçu l’ADPIC soutenant une politique solide de promotion de la
recherche scientifique113. Au Brésil, l’importation de matières premières pour l’industrie pharmaceutique
a atteint les 82%, ce qui signifie que la fabrication locale atteint seulement 18% des nécessités
ro.trf1.gov.br/Processos/ProcessosSecaoOra/ConsProcSecaopro.php?SECAO=RO&proc=200241000040370>.
108
Chambre des Députés – Commission parlementaire d’enquête (CPI), dite « CPI du biopiratage ».
109
Rapport final de la commission créée pour investiguer les accusations d’exploitation et de commercialisation illégale de
plantes et de matière génétique. In: <http://www.camara.gov.br/internet/comissao/index/cpi/Rel_Fin_CPI_Biopirataria. pdf>.
110
Convention sur la diversité biologique, signée à Rio, le 5 juin 1992, promulguée au Brésil, par le Décret 2.519, du 16 mars
1998.
111
Consultable sur le site: <http://www.wto.org/english/tratop_e/trips_e/trips_e.htm>. Voir spécifiquement :
<http://www.wto.org/english/tratop_e/trips_e/art27_3b_background_e.htm>.
112
Voici la liste : États-Unis, Japon, Allemagne, France, Angleterre, Italie, Canada, Espagne, Mexique et Brésil.
113
Consulter : <http://www.frebrafarma.org.br>. Accès: 30 avril 2009. Voir le commentaire de FALCONE, Bruno. op. cit. p.
210 et ss.
nationales114. L’importante présence brésilienne dans le marché international et la baisse densité de notre
industrie pharmaceutique justifient, donc, la grande dépendance brésilienne vis-à-vis des industries
internationales, dont les investissements dans le pays ont triplé depuis l’année d’adoption de la Loi de la
propriété intellectuelle, par rapport au début des années 2000115.
En outre, malheureusement, la Loi de propriété intellectuelle n’a pas prévu aucun mécanisme
« d’échange compensatoire » – par exemple, l’installation de laboratoires de recherche et de
développement dans le pays, financés par les bénéficiaires des brevets. Au Brésil, nous avons l’exemple
de l’industrie d’automobiles116 et, à l’étranger, il y a le cas du Canada, qui exigea, comme condition pour
la reconnaissance des brevets, que l’on installe des entreprises de recherche et développement dans son
territoire117. Les investissements dans ce domaine sont qualifiables comme « assez modestes », et la
contribution brésilienne comme « piètre »118 pour le répertoire technologique mondial, car elle représente
moins de 0,2% de tous les brevets internationaux. En général, le marché de médicaments n’exige pas –
pour son fonctionnement à profit – « l’internalisation » par moyen de voies de contrepartie.
Les politiques publiques adoptées le long des années les plus récentes ont montré, cependant, qu’il
y a une tentative de surmonter ces impasses – lorsque l’on crée, par exemple, de nouveaux mécanismes
de financement technologique, ou quand on essaie de trouver de nouvelles sources alternatives pour le
soutien de la recherche et du développement, par moyen de la création de fonds sectoriels articulés dans
l’interaction entre les secteurs public et privé119.
L’interaction entre l’intérêt de l’inventeur (intérêt privé) et l’intérêt du développement social finit
par créer une interface entre le Droit de la propriété intellectuelle et le Droit de la concurrence, la norme
constitutionnelle même établissant – comme l’on a vu – la connexion intersystématique entre le système
de protection à la propriété industrielle et le système de protection à la concurrence, ce qui se reflète
spécifiquement sur le concept du brevet, la protection du nom commercial et même la protection du
consommateur vis-à-vis de la similarité d’appellation de la marque120. Il est facile de comprendre que,
même si elle ne crée pas de monopole (dans le sens économique de cette expression), l’exclusivité
advenant du brevet peut induire à une structure de marché dans laquelle le niveau de la concurrence est
114
EMERICK, Maria Celeste. Propriedade Intelectual e Qualidade de Medicamentos. In: Pesquisa e Desenvolvimento de
Farmo-químicos. Anais do XXVI Seminário Nacional de Propriedade Intelectual. Brasília, APBI, 2006. p. 49.
115
En 1996, US$ 110 milliards ; en 1990, US$ 37 milliards (Consulter : FALCONE, Bruno. op. cit. p. 214).
116
CERRI, Giovanni Guido. Propriedade Intelectual e Inovação. In: Buscando uma Política de Medicamentos para o Brasil.
(org. KALIL, Jorge). São Paulo, FSB, 2006. p. 23.
117
Calixto, João Batista. Propriedade Intelectual e Inovação. In: Buscando uma Política de Medicamentos para o Brasil. Cit.,
p. 27
118
Les adjectifs sont proposés par FALCONE, Bruno. op. cit. p. 212. Les données, citées par l’auteur, sont de l’année 2004.
119
On peut signaler la politique industrielle, technologique et de commerce extérieur (PITCE), le fonds technologique
(FUNTEC), le programme de soutien du développement de la chaîne productive pharmaceutique (Profarma), outre le travail
développé par la FIOCRUZ, avec ses programmes spécifiques pour le secteur ; aussi, l’agence brésilienne de développement
industriel (ABDI), cités par EMERICK, Maria Celeste. op. cit. p. 50.
120
Par exemple: TJSP, AI 287.289-4/7, j. 22 octobre 2003.
réduit121.
De même, le caractère inélastique de la demande de médicaments explique la nécessité d’une
surveillance du Pouvoir public sur la détermination des prix, qui – justement à cause du caractère
d’essentialité des médicaments pour la population – ne peut pas être laissées au bon gré des industries. La
meilleure solution se trouve, donc, dans l’adoption d’une politique de prévention des pratiques
anticoncurrentielles, alliée à la promotion des investissements dans la recherche122.
Conclusion
Les règles spécifiques de la législation brésilienne en ce qui concerne les brevets des médicaments
et du corps humain cohabitent avec les règles générales, au caractère constitutionnel et civil, concernant
la fonction sociale de la propriété et la répression à l’abus – soit l’abus du pouvoir économique, soit l’us
dysfonctionnel des positions juridiques subjectives. Voilà pourquoi, si l’on qualifie le brevet comme un
titre propriétaire (duquel adviennent, donc, des droits de propriété), il y a l’éclosion des efficacités
typiques, liées à ce droit, c’est-à-dire : les droits à l’usage, à l’usufruit, à la possession, à la
commercialisation, au licenciement, à l’inclusion du brevet comme objet d’une affaire juridique, de même
que de prétentions, telle celle concernant la responsabilisation d’un tiers lorsqu’il contrarie le droit de
propriété du titulaire.
Cependant, là où il y a des droits, il y aussi, à cause du principe de la fonction sociale de la
propriété, des devoirs attribués au titulaire du brevet.
Dans la forme de l’article 187 du Code Civil, concernant l’exercice de droits subjectifs, on peut
trouver ce que l’on appelle « l’illicéité portant sur le mode d’exercice », lorsque celui-ci est considéré
comme dysfonctionnel vis-à-vis de sa fin économique ou sociale, ou lorsqu’il contrarie la bonne foi ou les
bonnes mœurs. Aussi l’illicéité du mode d’exercice a-t-elle un caractère fondamentalement instrumental –
elle n’est pas définissable a priori, car c’est la notion de « fin économique ou sociale de l’acte juridique»
qui jalonne cette mesure du licite. Ce caractère licite se configure (ou non) pour chaque cas au concret,
lorsque l’on évalue, selon sa fin économique ou sociale, si les agents ont exercé le droit de façon
appropriée à ces buts.
Voilà pourquoi il faut recourir au Droit pour éviter que « tout contamine tout », comme l’a prévu
le Prix Nobel de Littérature, José Saramago, lors de ses commentaires sur la nouvelle pandémie de
grippe123. À l’époque de la contamination globale, le Droit serait-il la dernière barrière ?
121
ROSENBERG, Barbara. Interface entre o regime de patentes e direito concorrencial no setor farmacêutico. In:
Propriedade Intelectual – estudos em homenagem à Professora Maristela Basso. (org: CARVALHO, Patrícia Luciane.
Curitiba, Juruá, 2005, p. 268).
122
ROSENBERG, Barbara. op. cit. p. 269.
123
SARAMAGO,
José.
“Caderno
de
Saramago”.
Consultable
sur
le
site:
<http://dn.sapo.pt/inicio/opiniao/cadernodesaramago.aspx>. Accès : 29 et 30 avril 2009.
Porto Alegre, mai 2009

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