La cathédrale enfouie - Francoise Schein`s Projects

Transcrição

La cathédrale enfouie - Francoise Schein`s Projects
STATION PARQUE
à LISBONNE
FRANCOISE SCHEIN
La cathédrale enfouie
José Gil, philosophe.
Comment bâtir une cathédrale ? Où trouver le peuple qui la remplira ? « Il nous manque
un peuple » , disait Paul Klee. Et, apparemment, il nous manque aussi tout le reste pour
qu’une cathédrale soit aujourd’hui possible : la foi, les mythes et les lieux, la ville pour
l’accueillir.
Cependant, il suffit peut-être d’un simple déplacement du regard pour tout bouleverser.
Rabattre la transcendance du ciel sur toute la surface de la planète ; voir dans les
concentrations souterraines des masses urbaines, non plus des exils mais des départs
vers de nouveaux voyages ; découvrir l’idée qui peut unir, qui unit déjà à leur insu tous ces
gens anonymes et dispersées en la simple humanité qui les fait tenir debout.
Le lieu, Françoise Schein, est allé le chercher sous terre ; le peuple, dans la foule
atomisée du métro ; l’idée dans ce droit aux droits qui fonde les droits de l’homme. La
cathédrale est devenue possible.
Une cathédrale enfouie, comme ces droits dont chacun « usagers » ignore qu’il les porte
dans son corps. C’est là au centre de l’obscurité qu’ils surgissent, comme pour éveiller en
chacun le désir de l’infini. Car la voûte du métro Parque s’ouvre, du sein de la terre sur
l’infini. L’espace est ainsi surdéterminé : c’est l’espace où tous se rencontrent, non plus
sous le monde baudelairien du « choc » , mais à travers l’inconscient des regards et des
corps. Inconscient de reconnaissance brute presque sauvage : entre l’usager et l’autre,
plus rien n’établit le contact sinon une sorte d’instinct ultime de l’espèce, le flair qui
cherche l’humanité une : car, dans cet espace souterrain, ailleurs de tous les espaces
codés, aucun signe ne distingue plus un statut social d’un autre, L’’usager’ est d’abord
n’importe qui. Françoise Schein transforme les ‘usagers’ dépouillés de leurs oripeaux,
fatigués, absents, en membres potentiels d’une communauté de vie; en singularités
éveillées qui filent sur des multiples lignes de fuite de la pensée – Thalès, Aristote,
Pessoa, Deleuze .
Espace collectif de rencontres d’inconscients ; espace intérieur proliférant ; voûte
souterraine qui rejoint le cosmos ; infini ouvert à travers les murs que chacun emporte
dans sa tête à chaque passage de train. Dedans des corps qui en en dehors de la pensée
et de la mémoire.
Tout converge et diverge en même temps : si cette station est à la fois verticale et
horizontale, enfouie et cosmique, intérieure et extérieure, c’est grâce au mouvement si
particuliers du métro. Françoise Schein l’a merveilleusement compris.
La cathédrale est là, enfouie et toujours en expansion. Elle a des marches qui emportent
le voyageur vers des niveaux de plus en plus profonds ; mais dès le début, dès les
premières descentes, tout se met en mouvement : ce sont des pensées qui montent, des
phrases qui vous parlent depuis les murs, et au-delà. Là, commencent les mouvements
des trains-pensées et la dilatation de l’espace. Puis arrivé en bas sur les quais, les
mouvements imbriquent et éclatent en toutes directions.
Les tracés infinis comme les phrases des philosophes et des poètes déclinent dans le
ciel ; épousent les routes maritimes des découvreurs portugais ; se confondent avec
l’expansion de l’espace mental que provoque la lecture hasardeuse et improbable des
droits de l ‘homme inscrits sur les parois d’en hauts ; ouvrent le chemin au train qui vient et
qui repartira sur ces tracés.
Le quai du métro est l’espace d’une attente. Mais pas de n’importe quelle attente : au fait
on n’y attend rien, aucune substance, aucun être, message ou émotion. On attend la fin
de l’attente. On attend le mouvement pur d’une machine qui change votre propre
mouvement. C’est un espace distributeur ou embrayeur de mouvements. Rien n’y est
inscrit , surtout pas votre lieu de destination. Tant que ça roule, on est nulle part ; partout
on est où votre désir vous emporte. La machine surgit d’un trou pour s’engouffrer ensuite
dans un autre trou noir ; entre les deux, on a le temps de tous les devenirs.
La Station Parque embraye et fait passer mille dynamismes les uns dans les autres. Car
c’est de mouvements qu’il s’agit toujours aux trois grands niveaux qui moulent l’espace :
mouvements de pensées, mouvements de l’histoire, mouvements des trains. On peut être
sûr qu’ils ouvrent des sentiers insoupçonnés dans l’espace des corps – des corps de ceux
qui déchiffrent des bouts des droits de l’homme, reçoivent les images du passé, coexistent
avec d’autres corps , et attendent : comme un métabolisateur de vitesse, le train arrive et
emporte le tout. Et chacun emporte en lui-même et le train et le tout : contenu-contenant
réversible se dédoublant à l’infini.
Ce mouvement n’est pourtant ni simple ni linéaire. Voici que la pensée, l’histoire, les
voyages se multiplient à leur tour en d’autres mouvements. Dans les découvertes
maritimes on célèbre autant le courage et la science que les désenfouissement premier
des droits de l’homme, a contrario, à travers leur écrasement anticipé ; si bien que
Tordesilhas trace une fracture horizontale entre le Nord et le Sud, comme si la verticalité
originelle annonçait le partage du monde entre nations riches et nations pauvres . La saga
des navigateurs apportera aussi le colonialisme et l’esclavage : l’histoire tord la
géographie, les droits de l’Homme y dessinent déjà une carte en négatif avant d’être
énoncé. Nouvelle carte du ciel, qui, fait écho aux cartes maritimes qui s’étendent à perte
de vue sur les parois latérales.
Le secret de cette station étonnante est la transformation de l’espace que réussit
Françoise Schein. Elle ne décore pas un lieu fixé d ’avance qu’il s’agirait de remplir, mais
bâtit réellement un nouvel espace architectural. Elle ne l’adapte pas à ses fonctions, ne
conçoit pas non plus ceux-ci, dans une cadre symbolique ou mythique, mais dans
l’immanence d’un étrange mouvement qui fait surgir des possibles partout – il faudrait
dire : étrange mouvement d’amour qui anime ce métro et éveille les gens à leur simple
humanité nue en les emportant vers des voyages illimités de la pensée. Tout s’y articule
selon une échelle mobile, non euclidienne, plastique et dynamique comme dans une
cathédrale qui s’étendrait à l’infini sur la surface de la terre.
Une cathédrale de l’immanence.
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DE LETRAS,
ARTES
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Direitosdohomem
nometrodoParque
Ihscobrir: O ternpo,o espaqo,o verbo.Foi mm basenestaidei4 dedescobert4 queseconcebeua nova
estagaoParquedo Metro,
reabertano dia 28 de Dezembro.Lisboa torna-se
Sssima quartacidadea faz*xpmtede um po
jecto artisticointitulado<Ilscreveros Direitos
do Homem>,daarquitectaFrangoise
Schein.
Paris (estageode metro Concorde,l9g9/90),
Bruxelas(St. Gilles, 192193) eHufa(fachada
do CentroCultural Judeu-Arabe,1994)foram
as tr6s primeiras cidadesa enhar nestarede
quesepretendeintemacional.
A convite do Metropolihno de Lisboa FrangoiseScheine a artistachilenaFedericaMatta
conceberam
um espagoquehomenageia
o acto
de descobrir,ondeDireitosHumanose Descobrimentosportugueses
seinterligam.
Concebidacomo<umaaventurado espirito>,a
estagEo
Parque6 antesde maisum sonhoazul.
FR INCOISESCHEtt{
compostopor 180mil azulejosque rcvestem
asparedesda estagdo(o <dardimAtlintico>), e lejos azuis,no tecto
da esta€io
estiloos direi_
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as salasque a antecedem.
ku fica o itiner6_ tos humanosfundamentais.
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rio: do-<Espagodo Universo>,ondeimagens umaletra.A leitura
neo6 f6cil. Mas ld es6o.a
cosmol6gicas,estrelase cometasdialogam <dignidadeda pessoa
humanu, <o direito de
com pequcnasfrasesfilos6ficas,passa-sei
opiniio e deexpressdo>,
etc.
<Salado Tempo>dedicadaAmrisici e ondese <Ndoevoluo,viajo.
Ndo viajo, sonho>- diz
l€ o seguintepensamento
platdnico:<pelam6- FrangoiseScheinao <dL>,fazendo
seuum dos
srcacomegoua indisciplina.> Montadosnas pensamentos
pessoanos.
A fazerius a esteleescadas
rolantescomoem monsfrosmarinhos. ma jd sonhacom o seu
novo projecto,<C?rfd
chegamosi <Salado Espago>.Finalmenteen- Cartognifico>,a construir
esteanb, l entada
tramosno dardim Atlantico>, espagocarto_ daestagdo
Parque.<<Sen{
um novolugarnuigigrdficopor excelOncia,
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pas,excertosde didriosde bordo,listasde es_ fung6escomplementares:
urbana,funcionale
peciarias,e outrasimagensdos Descobrimen- cultural> promete
Frangoise.
tos portugueses.
Inscritosem milharesde azu_
s. N.