À propos de la traduction médiévale portugaise de

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À propos de la traduction médiévale portugaise de
À propos de la traduction médiévale portugaise de
'Li Fet des Romains'
Maria Helena Mira Mateus
Faculdade de Letras de Lisboa
1. LE TEXTE
Travailler au cours de longues années sur un texte qui décrit la vie et la
personnalité de Jules Cesar m'a provoqué une espèce d'admiration
amoureuse envers cet homme qui était à la fois un froid dictateur et un
amant passionné, un écrivain critérieux et un manipulateur d'opinion, un
politicien rusé et un magnifique orateur. Je parle de Li Fet des Romains,
l'oeuvre française du XIIIe siècle qui a été traduite en portugais pendant la
première moitié du XVe sous le nom de Vida e Feitos de Júlio César.
L'histoire de ce manuscrit demeure encore mystérieuse et l'auteur de la
traduction est inconnu. On sait que le manuscrit appartennait à la
bibliothèque du petit fils de D. João I, le Connétable D. Pedro, qui fut roi
d'Aragon pendant de brièves années. Sa bibliothèque a été inventoriée à
l'époque de sa mort, en 1466, et la description d'une oeuvre nommée
Suetonyo de vida de Julio Cesar permet de l'identifier comme étant le
manuscript de Vida e Feitos de Júlio César qui se trouve aujourd'hui à
l'Escorial et dont j'ai publié une édition critique il y a plus de vingt ans.
Dans l'introduction de cette édition j'ai posé une hipothèse sur l'auteur
de la traduction: Vasco de Lucena, un des intellectuels qui a acompagné D.
Isabel, la tante du Connétable, à l'occasion de son mariage avec le Duc de
Bourgogne. Vasco de Lucena a étudié à l'Université de Paris où il est référé
parmi les magistrandi. Il était sans doute à la hauteur de faire (ou de
coordoner) la traduction d'une oeuvre bien connue à l'époque, d'autant plus
qu'il s'est servi de sa vaste culture pour faire des traductions en français de
textes latins. J'ai également proposé que le manuscript (qui est
inégablement une copie d'un original perdu) ait parcouru un chemin qui le
menait de la cours de Bourgogne à la bibliothèque du Connétable. Ce
"voyage" a été mis en doute récemment par Aires do Nascimento qui,
appuyé sur des arguments convaincants, nous fait admettre que l'oeuvre
était bien connue à Lisbonne et que l'initiative de la traduction serait partie
de la cour portugaise.
Quoique ce soit, le manuscript est le seul membre de sa famille, et il a
traversé plus de 500 ans pour nous faire connaître, non seulement les
intérêts culturels de l'époque, mais aussi des aspects moins divulgués de la
langue portugaise du XVe s. en conséquence des différents champs
sémantiques qu'il intègre et, donc, d'un vocabulaire très diversifié, distribué
par de nombreux domaines lexicographiques.
La richissime personnalité de Jules Cesar - à mon avis, un des
personnages historiques des plus remarquables de tous les temps -, l'a
induit à se procurer de nombreuses activités qui ont été bien décrites par ses
biographes et qui sont présentes dans cet ouvrage. Mais non seulement
Jules Cesar: d'autres personnages prennent part dans ce drame: Pompée et
sa femme Cornelia, Caton et sa femme Marcia, la belle Cléopatre, les
vaillants généraux romains, les intrépides guerriers gaulois, les conseillers
du dictateur Jules Cesar, les femmes qu'il a aimées.
Une analyse lexicographique même superficielle nous fait découvrir
des sous-ensembles de termes qui méritent une référence spéciale. Certains
sont directement empruntés du français (comme deessa, varlete, crido et
cridar - 'crier', adreito - 'adroit', lix du français 'lis', un engin de guerre,
tortua - 'tortue'); d'autres sont de vraies inventions issues d'une mauvaise
interprétation de ce qui était écrit dans le manuscript original (tirqui qui
traduit tousique, une espèce de venin, dipse au lieu de aspe, bulgues pour
busfles) et d'autres encore, bien plus intéréssants, ne sont pas attestés dans
les dictionnaires et peuvent être considérés des néologismes qui n'ont pas
survécu. Prenons comme exemple conhocente par conhecido, cortadura par
corte, emburilhar par embrulhar, descerdo par 'sans siège', antreconhecerse par 'se connaître réciproquement', duçor par doçura. Il faut ajouter que
certains mots qu'on trouve dans Vida e Feitos sont référés dans les
dictionnaires comme ayant été intégrés dans la langue portugaise à une
époque postérieure au XVe siècle. C'est le cas de artéria, entanguecer,
fumigar, desalojar, dureza, lagrimejar, liça, minar, moonstro,
multiplicador, nervudo, tous ayant le XVIe s. comme date de la première
attestation dans les dictionnaires ethymologiques.
L'étendue de la connaissance des deux langues que possédait le
traducteur lui a permis d'utiliser un vocabulaire spécifique (une
terminologie spécialisée comme on dit aujourd'hui) pour chaque domaine
sémantique. La guerre est omniprésente dans les deux tiers de l'oeuvre. Il
n'est pas étrange, donc, que seulement pour dénomer des engins de guerre
on trouve: agulhõões, andaimos, arcos, artificios, beestas, bisarmas,
brandõões d'enxufre, caramanchõões, cepos, dardos, engenhos, escalas,
escorpiom, espadas, estacas, fachas, fogo grego, fortelezas, fouces
roçadoiras, frechas, fundas, gatas, lanças, lix, maços, moos, palanque,
pedra, picõões d'aceiro, seetas, torre, vaivem, viga, viratõões et peut-être
d'autres encore. Et pour décrire une autre réalité intièrement différente, les
serpents qui ont terrorisé les soldats de Caton pendant leur traversée du
désert, voilà qu'on trouve des noms connus comme escorpiõões, basaliscos,
coobras, serpentes e dragõões, des moins connus comme jaculus, aspes et
sepes, et des noms simplement fantastiques comme chiluidres (chelydrus),
asibenes (amphisbènes) ou esmoris (haemorrhois).
Avant de me tourner vers un sujet un peu plus aride - quelques
remarques sur le vocalisme portugais du XVe siècle - je ne résiste pas à la
tentation de vous faire écouter la description d'une émouvante scène d'adieu
entre Pompée et sa femme Cornelia avant le départ du général pour la
bataille de Pharsalie. C'est un beau dialogue d'amour conjugal mais c'est,
surtout, la tristesse de la séparation, un mince espoir d'un futur rencontre
mêlé à la prémonition de la défaite et de la mort. Les sentiments sont
universels et ils sont aussi intemporels.
"E hu~ a noite jaziam na cama e Cornelia abraçou seu marido e
quise-o beijar. E quando ajuntou a sua face com a de seu marido, sentio
que as lagrimas lhe corriam dos olhos; empero nom lhe ousou perguntar
por quê. Empero bem cuidou que ele nom tiinha o coraçom aa sua
vontade.
- Boa irmãã - disse Pompeeo - o dia vem em que nos convem
departir e viver alongados ataa que a batalha seja feita. E eu hei tanto
tardado que Cesar me tem em pouco, e a mim parece muito quando me
hei a partir de ti. E eu cuido mais ligeiramente vencer Cesar, agora que
ele tem toda sua gente, que da primeira que nom tiinha mais que hu~ a
parte. Mais o teu amor me detiinha e agora te enviarei a Mitelena, onde
estês segura, e nom me rogues por ficar que assim convem que seja. Tu
serás longe de mim polas aventuiras que podem viinr. Fortuna torna
asinha hu~ u~ alto homem de alto a baixo, e nom convem que tu vejas meu
perigoo; e se o ouvires sem o veer, bem te podes sofrer.
Eu vejo que tu nom me amas se te nom afastas de meu nojo. E,
aalem desto, vergonha he que nós somos acerca da batalha e eu dormo
cada noite com minha molher. (...)
Quando ela ouvio estas novas ouve tam grande pesar que pasmou.
E des que tornou em seu acordo, disse:
- Oo Pompeo, eu vejo bem como esto he. Eu nom me devo queixar
dos deoses nem de fortuna, ca eles nom me partem de ti; mais tu
meesmo me departes e eu de ti me queixo! A morte nos devia departir;
tu nos departes na vida. Ora sou eu a mais desaventurada que nehu~ a
outra. Nom he custume que os pobres home~ e~ s levem suas molheres em
batalha; e tu me queres leixar, fazendo de ti pobre. E se nós nos partimos
assi, Cesar, nosso imiigo, será muito ledo.
Cuidas tu que eu poderei seer segura em quanto tu esteveres em
perigoo? Nom praz a Deus. Nom sabes tu que nossa morte e nossa vida
pende em hu~ u~ fio? Se tu has bem, eu averei bem, e assi polo contrairo.
Cuidas tu que, se tu morreres, que eu queira mais viver? Deus me
guarde. Eu te seguirei em quanto viveres e doutra guisa nom me convem
viver, que ja mais nom averei prazer depois que tu morreres. (...)
Hu~ a cousa te rogo, em fim: que, se fores vencido, que nom fugas
pera honde eu estever, ca hi te devem buscar com razom. Eu nom queria
seer cajam de teu perigoo.
E despois que disse esto, saio da cama como molher fora de siso e
disse que se hiria muito contra sua voontade; e nom quis sofrer que
Pompeeo a abraçasse nem beijasse. E começarom ambos a chorar tanto
que apenas podia dizer hu~ u~ ao outro "A Deus vos acomendo". Nunca
virom tam triste dia em toda sua vida como aquele. Todalas outras
tristezas passadas lhe esqueecerom por aquela.
A gente de Pompeeo a levou nos braços ataa naao, ca ela nom se
podia teer. E nom lhe pesou tanto quando leixou sua terra, com medo de
Cesar, por que levava consigo Pompeeo.
Aquela noite primeira dormio soo e sentio mui grande pena, como
quem o nom avia em custume. Sospirava e acordava ameude e lançava
os braços cuidando a abraçar sua senhor, e achava o leito vazio. Quando
lhe nembrava ficava muito triste e leixava-lhe sua parte, assi como se ela
ali jouvesse, com esperança de a recobrar".
Vida e Feitos de Júlio César, III, 10, § 18-20
2. LES VOYELLES
L'intérêt de Vida e Feitos de Júlio César comme une contribution à
l'établissement du systéme vocalique du XVe siècle est du à l'extension de
l'oeuvre et à l'alternance de la représentation graphique des voyelles dans le
même mot, alternance qui donne place à quelques remarques sur la
phonologie de la langue. Le but de mon analyse est simplement descriptif:
je ne me rapporterai à aucune théorie phonologique. Les données sont
prises dans le glossaire exhaustif qui a été réalisé à partir du texte édité et
dont les lettres A - S sont déjà publiées dans le Boletim de Filologia; les
autres lettres ont été travaillées et elles seront publiées jusqu'à la fin 1995, à
ce qu'on prévoit.
Il faut ajouter quelques remarques concernant les normes de
transcription adoptées dans l'édition du texte (je n'indique que les aspects
intéressant la présente analyse):
- j'ai conservé les doubles graphies de toutes les voyelles, soit
etymologiques soit non etymologiques;
- j'ai introduit quelques diacritiques pour marquer la syllabe accentuée
quant le mot pouvait se confondre avec un homographe, surtout dans les
cas de futur vs. plus-que-parfait;
- j'ai maintenu le tilde comme indication de nasalité sur deux voyelles
(romãão, hu~ a); dans les autres cas je l'ai substitué par m ou n selon les
règles de l'orthographe actuel et j'ai aussi normalisé, selon ces mêmes
régles, l'emploi de ces deux consonnes; la nasalité en fin de mot est
indiquée par m quand il y a un tilde sur une seule voyelle (toutes les
substitutions effectuées sont exemplifiées dans d'autres points du
manuscript).
2.1. Les voyelles atones
L'histoire des voyelles atones de la langue portugaise du XVe. siècle a
donné lieu à une large bibliographie, et on peut dire que la discussion n'est
pas encore finie notamment en ce qui concerne e et o tant médiales que
finales.
Thomas Hart et Herculano de Carvalho, appuyés sur des arguments qui
prennent en compte surtout les variétés dialectales et les créoles de base
portugaise, ont affirmé que, en fin de mot, les phonèmes /e/ et /o/ étaient
réalisés comme [i] et [u] "plus ou moins bien définis". Herculano de
Carvalho parle d'une certaine oscillation entre les voyelles [e, o] très
fermées, et les voyelles [i, u], et il ajoute que cette oscillation pourrait avoir
des causes dialectales ou idiolectales.
L'orthographe est un moyen, entre autres, qui permet l'étude de la
prononciation, même si on accepte l'affirmation consensuelle de Herculano
de Carvalho sur la préocupation de l'écrivain de suivre sa propre doctrine
(les règles de l'orthographe) qui le menait à considérer que les graphèmes e
et o "petits" représentaient les réalisations [i] et [u] atones finales de alface
et ensino, car i et u "grands" servaient à representer les accentuées [í] et [ú]
de tiro ou fujo (la dénomination de "petit" et "grand" est utilisée par le
grammairien Fernão de Oliveira).
Opinion différente est celle de Révah et Naro, comme le fait remarquer
Ana Maria Martins. Ces auteurs affirment que jusqu'au XVIe. siècle les
atones finales seraient prononcées comme [e] et [o]. Bien qu'ils s'appuyent
aussi sur des données de géographie linguistique et sur les descriptions des
grammairiens, les conclusions de Révah ont été contestées par Herculano
de Carvalho et celles de Naro par Ana Maria Martins.
L'alternance de graphies qu'on trouve dans des textes tels que Vida e
Feitos de Júlio César peuvent contribuer à renforcer les arguments
presentés d'une part et d'autre. Avec ce but j'ai relevé dans le glossaire du
texte les doubles orthographes qui concernent les voyelles atones
correspondant aux lettres e, i, o, u. Commençons par les voyelles finales.
Comme il arrive dans les textes contemporains, il n'y a pas d'alternance
entre les ggraphèmes -e /-i précédés de consonne: ou bien on utilise le e, ou
bien le i pour certaines formes verbales. Par contre, à côté de nombreux
mots terminés en -o, on trouve muitus qui alterne avec muito, spiritus,
regnus (pluriel) et terramotus. Il me semble difficile à concevoir une
graphie u pour représenter un [o] moyen, même très fermé, ce qui permet
d'attribuer à ce graphème vocalique exceptionnel une valeur phonétique,
étant donné que la graphie traditionnelle (maintenue encore aujourd'hui)
pour représenter le [u] atone est un o. On pourrait seulement se questionner,
comme le fait Ana Maria Martins, sur la cause de l'énorme prépondérance
des graphies o et e dans les textes portugais depuis le XIIIe. siècle jusque
maintenant.
En position médiale, entre consonnes, le texte présente aussi beaucoup
de doubles graphies pour o / u: emborilhar / emburilhar, dovidoso /
duvidoso, bolir / bulir, escorpiom / escurpiom, comprir / cumprir,
escoridade / escuridade, encoberto / encuberto, cobrir / cubrir (et cuberto,
cubertor, cubertura), costume / custume (et custumado, custumadamente),
descobrir / descubrir, fogir / fugir, floresta / fruesta, sopitaneamente /
supitaneamente, sobitamente / subitamente, sogeiçom / subjeiçom, sobir /
subir, sojugar / sujugar.
Pourrait-on déduire de cette oscillation qu'il y aurait déjà une
prononciation tellement fermée qu'on ne distinguait pas les [u]
étymologiques des non étymologiques - tel qu'il advient aujourd'hui en
portugais européen? Peut on expliquer ainsi la graphie o dans des mots
comme sospirar ou sosteer où le u est étymologique? En tout cas les
données des variétés géographiques du portugais (brésilien, africain) en ce
qui touche les voyelles atones non finales rendent difficile à croire la
réalisation, au XVe. siècle, d'un clair [u] comme dans le portugais
européen actuel.
L'oscillation entre e / i inter-consonnantique est très visible, bien
qu'elle ne se présente pas en fin de mot. Les exemples sont nombreux et la
Vida e Feitos ne fait qu'ajouter quelques données aux faits bien connus des
historiens de la langue. Voici ceux que j'ai inventorié dans une première
approche: adevinhador / adivinhador, estrebeira / estribeira, apaceficar /
apacificar, arteficio / artificio, carneceiro / carniceiro, celiarce / ciliarce
(magistrat), dezer / dizer, fegura / figura, degnidade / dignidade, deleitoso /
dileitoso, dereito / direito, derribado / dirribado, guarnecido / guarnicido,
devisado / divisado (montré), edeficios / hedificios, especial / espicial,
testemunho / testimunho, trencheira / trincheira, vestidura / vistidura,
vertude / virtude, vever / viver, retenir / retinir, segnificança / significança,
sesudo / sisudo, predestinar / predistinar, princepe / principe, preguiçoso /
priguiçoso, pretoraira / pritoraira (du préteur).
L'observation de l'occurrence de e / i dans le contexte d'une voyelle
mérite une autre remarque: tandis que pour u / o il n'y a pas de double
graphie, e / i, représentant la semivoyelle d'une diphtongue, alternent dans
adeante / adiante, geolho / giolho, deessa / diesa, preetesia / preitesia
(pact), queexume / queixume, feeticeiro / feiticeiro. Encore plus intéressante
est la graphie eei pour la diphtongue [ej] des formes verbales de deuxième
personne du pluriel, comme dans devieeis, deverieeis, poderieeis, querieeis,
fazieeis, terrieeis, fosseis, à côté d'autres formes où la diphtongue est
representée par deux ee - tinhees, trabalhees, trabalharees, vencerees,
veriees. La lettre i qui prend la place de la semivoyelle est en claire
contradiction avec la normalisation conseillée par Fernão de Oliveira.
Selon le grammairien, "em lugar de i pequeno serve e pequeno, como
memórea, hóstea, necessáreo, reverêncea, nas penúltimas das quaes partes
e outras semelhantes eu nunca escreveria com i senão e, porque eu tenho
que a penúltima pura ou última qualquer que se escreve com i sempre tem o
acento da dição". Bien que ce conseil se rapporte à la syllabe finale, on
comprend que Oliveira réservait le i pour les positions accentuées.
À propos de la 2e. personne du pluriel, il faut encore noter que, si
Williams a repéré une vingtaine de formes avec -d- intervocalique dans un
texte du début du XVe. siècle (malgré sa conviction de que la consonne ne
serait plus prononcée à cette époque), dans Vida e Feitos le -d- est
complétement disparu.
Mais si les diphtongues qui résultent de deux voyelles etymologiques
trouvent leur trace dans l'orthographe, la diphtongaison qui détruit le hiatus
provoqué par la chute d'une consonne entre deux voyelles n'est pas encore
marquée graphiquement. C'est ce qui arrive dans aldea, area, avea, cadea,
feamente, correa.
L'alternance entre e / o oú le o substitue le e étymologique dans des
mots tels que dozoito (au lieu de dezoito) est clairement une assimilation,
du le fait que la syllabe qui contient le e précède (ou suit) une autre avec un
o. C'est le cas de empeçoentado / empoçoentado, conhecer / conhocer,
conhecimento / conhocimento, sepultura / sopultura, preposito / proposito,
perfundo / profundo.
Une dernière remarque sur la régularisation des catégories
gramaticales qui est en cours pendant le XVe. siècle: certains mots
masculins terminés en -e ont une graphie alternante avec un -o ce qui est, à
mon avis, un cas très rare dans les textes contemporains: combate /
combato, debate / debato, ediles / edilos, talente / talento, patrice, /
patricio.
2.2. Les voyelles nasales
En ce qui concerne les nasales, l'alternance graphique entre -am et -om
en syllabe finale, accentuée ou atone, traverse tout le texte et incide soit sur
les formes nominales soit sur les formes verbales - exception faite pour les
troisièmes personnes du pluriel de l'indicatif présent et imparfait qui se
terminent toujours par -am. Voici quelques exemples: cajam / cajom,
caramancham / caramanchom, centuriam / centuriom, tendilham /
tendilhom, senam / senom, dom / dam, dragom / dragam, entom / entam, et
aussi salvaçom, solorgiam, padrom, procissom, pendom, pregom, perdom,
aguilhom, alçapam, coraçom, perderom (passé simple ou plus que parfait)
/ perderóm (futur), morrerám, partirám, poderám.
À côté de ces formes, il y a d'autres où la diphtongue nasale est
marquée par le tilde; cependant, il s'agit exclusivement de syllabes
accentuées dont la voyelle est representée par un double graphème suivi
d'un autre graphème vocalique qui peut être interpretée comme la
semivoyelle (d'autant plus qu'on considère que la formation de ces
diphtongues a du avoir lieu pendant le XIVe et début du XVe siècles).
L'alternance entre -ãão et -õõe est encore visible comme dans maintes
textes de l'époque: anciãão, degrãão, pagãão, vãão, verãão, vilãão, sãão,
serãão, sezãão, vermilhidõõe, servidõõe, regidõõe (raideur), veaçõões
(activités de chasse), torvõões, picõões, peõões.
3. CONCLUSION
À vrai dire, il n'y a pas, sur ces sujets, de conclusion définitive. Ce
qu'on peut faire, ce que j'ai fait, c'est d'ajouter quelques données issues de
l'écriture pour renforcer les arguments des auteurs qui se sont penchés sur
la façon comment on parlait, au temps où il n'y avait pas encore
d'enregistreur de parole et tout passait à travers le texte écrit. Et j'ai aussi
rendu hommage à ces lointains copistes qui nous ont transmis, à leur façon,
la constante dialectique entre oscilation et régularisation qui est au coeur
même de toute langue vivante.
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À propos de la traduction médiévale portugaise de
'Li Fet des Romains'
Maria Helena Mira Mateus
Université de Lisbonne
1. emborilhar / emburilhar, dovidoso / duvidoso, bolir / bulir,
escorpiom / escurpiom, comprir / cumprir, escoridade / escuridade,
encoberto / encuberto, cobrir / cubrir (et cuberto, cubertor, cubertura),
costume / custume (et custumado), descobrir / descubrir, fogir / fugir,
floresta / fruesta, sopitaneamente / supitaneamente, sobitamente /
subitamente, sogeiçom / subjeiçom, sobir / subir, sojugar / sujugar.
2. adevinhador / adivinhador, estrebeira / estribeira, apaceficar /
apacificar, arteficio / artificio, carneceiro / carniceiro, celiarce / ciliarce
(magistrat), dezer / dizer, fegura / figura, degnidade / dignidade, deleitoso /
dileitoso, dereito / direito, derribado / dirribado, guarnecido / guarnicido,
devisado / divisado (montré), edeficios / hedificios, especial / espicial,
testemunho / testimunho, trencheira / trincheira, vestidura / vistidura,
vertude / virtude, vever / viver, retenir / retinir, segnificança / significança,
sesudo / sisudo, predestinar / predistinar, princepe / principe, preguiçoso /
priguiçoso, pretoraira / pritoraira (du préteur).
3. adeante / adiante, geolho / giolho, deessa / diesa, preetesia / preitesia
(pact), queexume / queixume, feeticeiro / feiticeiro.
4. devieeis, deverieeis, poderieeis, querieeis, fazieeis, terrieeis, fosseis,
5. tinhees, trabalhees, trabalharees, vencerees, veriees.
6. aldea, area, avea, cadea, feamente, correa.
7. empeçoentado / empoçoentado, conhecer / conhocer, conhecimento /
conhocimento, sepultura / sopultura, preposito / proposito, perfundo /
profundo.
8. combate / combato, debate / debato, ediles / edilos, talente / talento,
patrice, / patricio.
9. cajam / cajom, caramancham / caramanchom, centuriam /
centuriom, tendilham / tendilhom, senam / senom, dom / dam, dragom /
dragam, entom / entam, et aussi salvaçom, solorgiam, padrom, procissom,
pendom, pregom, perdom, aguilhom, alçapam, coraçom, perderom (passé
simple ou plus que parfait) / perderóm (futur), morrerám, partirám.
10. anciãão, degrãão, pagãão, vãão, verãão, vilãão, sãão, serãão,
sezãão, vermilhidõõe, servidõõe, regidõõe (raideur), veaçõões (activités de
chasse), torvõões, picõões, peõões.

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