gouvernance urbaine de l`habitat
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gouvernance urbaine de l`habitat
UNIVERSITÉ DU QUÉBEC À MONTRÉAL GOUVERNANCE URBAINE DE L’HABITAT : RÉALITÉ OU RHÉTORIQUE ? LE CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT À SÃO PAULO THÈSE PRÉSENTÉE AU PROGRAMME CONJOINT DE DOCTORAT EN ÉTUDES URBAINES INRS - UQAM PAR TOMÁS ANTONIO MOREIRA DIRECTEUR DE THÈSE RICHARD MORIN DÉCEMBRE 2006 À TOUS CEUX QUI LUTTENT POUR DE MEILLEURES CONDITIONS D’HABITABILITÉ ET DE CITOYENNETÉ REMERCIEMENTS Cet ouvrage est né des interrogations, réflexions, recherches et expériences de vie partagées avec plusieurs personnes. En reconnaissance de toutes les contributions qui y sont représentées, je souhaiterais remercier tous ceux et celles qui ont participé aux étapes d’élaboration de cette thèse. Tous mes remerciements aux personnes suivantes : À Richard Morin, mon directeur de thèse qui, dès le début, m’a beaucoup aidé dans la planification de cette recherche, en me conduisant toujours vers les questions principales et leurs fondements théoriques. Je lui suis très reconnaissant de la mise au point d’un dialogue prospectif et de son dévouement inégalable en tant que directeur. Aux membres du jury pour leurs commentaires constructifs : Madame Winni Frohn, Madame Charmain Levy, Madame Suzana Pasternak Taschner et Madame Anne-Marie Seguin. À Paul Bodson, qui m’a aidé dans la construction des points de repère et dans le démarrage du travail, et pour la confiance qu’il a mise en ma capacité à surmonter les difficultés qui ont surgi tout au long du travail. À tous les amis et amies du doctorat, qui m’ont accueilli à Montréal et ont partagé avec moi la formation en études urbaines de l’UQAM et de l’INRS. Un remerciement spécial à mes amis Anne Latendresse, Chiang Loo, Eric Champagne, Hadiza Mamadou, Michel Rochefort, Julie Gagnon, Pierre Valiquette et Serge Rousseau. À Montréal, d’autres grandes amitiés ont été très importantes pour mon soutien scientifique et moral, dans l’élaboration de ce travail. Je remercie Ana Beatriz Vila-Freyer, Consuelo Garcia de la Torre et Emmanuel Raufflet pour nos échanges iv de réflexions théoriques dans une atmosphère toujours conviviale et fraternelle. À mes amis Armelle Bayou, Marcelo Maina, Marcelo Salgado, Mariana Balboni, Patrick Dufour, Philippe Gazagne, Rosa Garcidueñas, Sálvio Jaramillo, Sylvie Lupien et Veronique Chatelain, tous mes remerciements pour avoir partagé avec moi des moments significatifs. Concernant l’élaboration de la recherche à São Paulo, je remercie les amis qui ont contribué à la discussion menant à ce travail : Angela Amaral, José Augusto Pessoa, Lizete Rubano, Luciana Royer et Renato Cymbalista. Je remercie aussi les amis et collègues professeurs Sidney Piochi et Francisco Comaru, qui ont participé intensément à la construction de cette thèse et qui l’ont partagée avec moi. Je remercie Evaniza Rodrigues et Rosangela Paz pour leur attention dévouée et leurs éclaircissements dans l’analyse des enquêtes sur le terrain et des entrevues. Je remercie tous les interviewés pour leur appui et leurs réflexions constructives. Mes remerciements à Joanne Trépanier et à Josette Meilleur pour leur appui dans les démarches administratives auprès de l’UQAM et de l’INRS. Je suis très reconnaissant à l’Organisation des États américains pour l’aide financière fournie pendant les premières années d’études à l’Université du Québec à Montréal. Dans la mise au point de cet ouvrage, je remercie Marina Ribeiro Leite et Maria Stella Machado pour leur travail de traduction, et Anne-Marie Trudel pour son travail de révision. Tous mes remerciements à ma famille qui, pendant tout ce temps, de près ou de loin, m’a fait sentir sa présence et ses encouragements. Je remercie mes parents, v Marília Ignez Gomes da Silva Moreira, qui a toujours appuyé vivement mes efforts, et Antônio Cláudio Moreira Lima e Moreira, compagnon de métier, qui m’a toujours encouragé, en ayant confiance en mes projets professionnels. Je remercie aussi mes frères, belles-sœurs et nièces. À Elza Helena Camargo do Canto e Castro, mes remerciements exceptionnels pour l’affection, le soutien et le partage dans la recherche de la réalisation de nos idéaux. TABLE DES MATIERES Liste des figures Liste des tableaux ...ix ...x Liste des abréviations, sigles et acronymes ...xii Résumé ...xxi INTRODUCTION ...01 PREMIÈRE PARTIE LOGEMENT ET GOUVERNANCE À SÃO PAULO : ÉLÉMENTS DE LA PROBLÉMATIQUE..06 CHAPITRE I LA SITUATION DU LOGEMENT À SÃO PAULO ...08 1.1 L’urbanisation au Brésil : indicateur de la problématique du logement ...08 1.2 Le logement au Brésil et à São Paulo ...18 1.3 L’absence ou la fausse politique du logement ...41 1.4 La politique du logement à São Paulo ...46 1.5 Les occupations en réaction à la politique du logement ...59 CHAPITRE II LA GOUVERNANCE EN MATIÈRE DE LOGEMENT À SÃO PAULO : LE CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT ...74 2.1 Le conseil et le fonds municipal du logement ...74 2.2 Le fonds et le conseil du logement au niveau national ...75 2.3 Des conseils et des fonds du logement au niveau municipal ...82 2.4 Le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo ...86 DEUXIÈME PARTIE LA GOUVERNANCE URBAINE ET L’HABITAT À SÃO PAULO : CADRE THÉORIQUE ET STRATÉGIE DE RECHERCHE ...99 vii CHAPITRE III L’APPROCHE THÉORIQUE ...101 3.1 Les repères conceptuels ...101 3.2 L’origine de la notion de gouvernance urbaine ...109 3.3 L’approche de la gouvernance urbaine ...117 3.4 La gouvernance urbaine dans le contexte de l’internationalisation de l’économie 3.5 ...128 La gouvernance du point de vue des institutions financières internationales au Brésil ...136 3.6 La gouvernance urbaine dans le contexte brésilien ...139 3.7 La gouvernance urbaine dans le contexte de la ville de São Paulo ...152 3.8 La gouvernance urbaine dans notre cadre d’analyse ...163 CHAPITRE IV LES QUESTIONS, OBJECTIFS, HYPOTHÈSES ET MÉTHODOLOGIE ...172 4.1 Les questions générales et spécifiques ...172 4.2 Les objectifs de recherche ...173 4.3 Les hypothèses de recherche ...174 4.4 L’approche méthodologique ...174 TROISIÈME PARTIE LE CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT À SÃO PAULO : ANALYSE D’UNE FORME PARTICULIÈRE DE GOUVERNANCE ...181 CHAPITRE V LE CONSEIL : QUELLE GOUVERNANCE ? ...183 5.1 La structure de fonctionnement ...183 5.2 La représentativité ...201 5.3 La participation ...211 5.4 Les échelles d’intervention ...219 5.5 Les ressources mobilisées ...221 viii 5.6 La question foncière ...223 5.7 Les quatres périodes du Conseil ...226 CHAPITRE VI LE CONSEIL : LIMITES ET POTENTIALITÉS ...228 6.1 Le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo ...228 6.2 La participation populaire ...230 6.3 La composition et les élections des conseillers ...235 6.4 Le caractère délibératif et consultatif ...240 6.5 L’arène de discussion des mouvements populaires ...241 6.6 L’information et la formation ...242 6.7 La dynamique de fonctionnement ...244 6.8 Le langage et la communication ...247 6.9 Éléments de synthèse ...249 CONCLUSION ...252 Annexe I : La Loi du Conseil du Fonds municipal du logement de 1994 ...264 Annexe II : La Loi du Conseil municipal du logement de 2002 ...277 Annexe III : Les procès verbaux des réunions du Conseil du Fonds municipal du logement BBLIOGRAPHIE ...284 ...310 LISTE DES FIGURES I São Paulo : Centro, Cidade Tiradentes, Morumbi et Mananciais II São Paulo : sans-logis de rue et sous les ponts, dans les favelas, cortiços et lotissements irréguliers III ...19 Division politique du Brésil, la localisation de l’État de São Paulo et de la ville de São Paulo IV ...09 ...29 Photo satelite de l’État de São Paulo et la visualisation de la région metropolitaine de la ville de São Paulo ...29 V La macrométropole de São Paulo ...30 VI La région metropolitaine de São Paulo ...30 VII La municipalité de São Paulo dans la région metropolitaine ...31 VIII Photo satelite du tissu urbaine de la région metropolitaine de la ville de São Paulo ...31 IX Favelas ...32 X Habitants de la rue ...33 XI Cortiços ...34 XII Habitants du dessous des ponts ...36 XIII São Paulo : occupation à São Bernardo do Campo ...61 XIV São Paulo : occupation au centre de la ville ...64 XV São Paulo : localisation des occupations en 1999 ...69 XVI São Paulo : localisation des occupations en 2001 ...72 LISTE DES TABLEAUX I Brésil : population logée par lieu de domicile, 1950-2000 II Brésil : population des favelas par rapport à celle de la commune, dans neuf régions métropolitaines III ...23 Brésil : besoins quantitatifs de logement urbain selon les grandes régions, 2000 IV ...21 ...25 Brésil : besoins qualitatifs de logement urbain selon les grandes régions, 2000 ...27 V São Paulo : accroissement de la population des favelas, 1973-2000 ...32 VI São Paulo : accroissement de la population des cortiços, 1975-2000 ...35 VII São Paulo : accroissement de la population habitant des cortiços, favelas, rues et sous les ponts, 1975-2000 VIII Brésil : domiciles inoccupés X besoins en logement pour huit régions métropolitaines, 2001 IX ...38 São Paulo : évolution de participation de la HABI et du SEHAB dans le budget du programme de la mairie, 1987-1992 X ...37 ...47 São Paulo : ressources versées par la COHAB et par le SEHAB pour la production de logements, 1990-2001 ...52 XI São Paulo : occupations en 1997 ...65 XII São Paulo : occupations en 1999 ...68 XIII São Paulo : occupations en 2001 ...70 XIV Les propositions sur le Conseil du Fonds municipal du logement et sur le Conseil municipal du logement à São Paulo ...91 XV Le Conseil municipal de la santé à São Paulo ...154 XVI Le Conseil municipal de l’enfance et de l’adolescence à São Paulo ...155 XVII Le Conseil municipal des personnes âgées à São Paulo ...156 XVIII Le Conseil municipal des handicapés à São Paulo ...157 XIX Le Conseil municipal de la culture à São Paulo ...158 XX Le Conseil municipal de l’éducation à São Paulo ...159 XXI Le Conseil municipal de l’assistance sociale à São Paulo ...159 xi XXII L’interviewé ...176 XXIII La représentativité ...176 XXIV Les ressources mobilisées ...176 XXV Les échelles d’intervention ...177 XXVI La participation ...177 XXVII La question foncière ...177 XXVIII Collette des données ...178 XXIX Les étapes du Conseil et les régimes politiques ...184 XXX Composition du Conseil du Fonds municipal du logement, 1997 ...193 XXXI Composition du Conseil du Fonds municipal du logement, 1999 ...194 XXXII Composition du Conseil du Fonds municipal du logement, 2001 ...196 XXXIII Composition de la Commission provisoire du logement, 2002 ...198 LISTE DES ABREVIATIONS, SIGLES ET ACRONYMES AABIC Associação dos Administradores de Bens Imóveis e Condomínios Association des gestionnaires de biens immeubles et immeubles en copropriété ABC Municípios de Santo André, São Bernardo do Campo e São Caetano do Sul - Communes de Santo André, São Bernardo et São Caetano do Sul ABDL Associação Brasileira de Desenvolvimento de Lideranças Association brésilienne de formation de leaders ABNT Associação Brasileira de Normas Técnicas - Association brésilienne de normes techniques AC Estado do Acre - État du Acre ACM Associação Cristã de Moços - Association chrétienne de jeunes AEB Associação Evangélica Beneficente - Association évangélique caritative AEIS Áreas Especiais de Interesse Social - Aires spéciales d’intérêt social ANSUR Associação Nacional do Solo Urbano - Association nationale du sol urbain APAE Associação de Pais e Amigos dos Excepcionais - Association des parents et amis des handicapés APAMAGIS Associação Paulista dos Magistrados - Association des magistrats de la ville de São Paulo APETESP Associação dos Profissionais de Espetáculos Teatrais do Estado de São Paulo - Association des professionnels des représentations théâtrales de l’État de São Paulo AR Administração Reginal - Administration régionale ART Anotação de Responsabilidade Técnica - Avis de responsabilité technique BA Estado da Bahia - État de Bahia xiii BID Banco Interamericano de Desenvolvimento Interaméricaine de Développement – Banque BNH Banco Nacional de Habitação - Banque nationale du logement CAMINHANDO Centro de Aprendizagem, Promoção e Integração do Excepcional Centre d’apprentissage, de promotion et d’intégration des handicapés CBIC Câmara Brasileira da Industria da Construção - Chambre brésilienne de l’industrie de la construction CBMM Companhia Brasileira de Metalurgia e Mineração - Compagnie brésilienne de métallurgie et minéralisation CDHU Companhia de Desenvolvimento Habitacional e Urbano do Estado de São Paulo - Compagnie du développement urbain et du logement de l’État de São Paulo CE Estado do Ceará - État du Ceará CEAF Centro de Estudos e Assistência Familiar - Centre d’études et d’assistance familiale CEBASP Comunidade Eclesial de base Sitio Pinheirinho - Communauté ecclésiastique de base Sítio Pinheirinho CEBs Comunidades Eclesiais de Base - Communautés ecclésiastiques de base CEF Caixa Econômica Federal - Caisse d‘épargne fédérale CEPAC Certificado de Potencial de Construção - Certificat du potentiel de construction CEPAL Comissão Econômica para America Latina e Caribe - Commision économique pour l’Amérique latine et les Caraïbes CFML Conselho du Fundo Municipal de Habitação - Conseil du Fonds municipal du logement CIBRASEC Companhia Brasileira de Securitização - Compagnie brésilienne de ‘Securitização’ CMH Conselho Municipal de Habitação - Conseil municipal du logement xiv CMP Central dos Movimentos Populares - Centrale des mouvements populaires CMSP Câmara Municipal de São Paulo - Chambre municipale de São Paulo CMTU Companhia Municipal de Transportes Urbanos - Compagnie municipale de transports urbains CMV Corpo Municipal de Voluntariado - Corps municipal de bénévoles CNAS Conselho Nacional de Assistência Social - Conseil national d’assistance sociale CNBB Conselho Nacional de Bispos do Brasil - Conseil national des évêques du Brésil CNM Coordenação Nacional dos Mutuários - Coordination nationale des bénéficiaires du système financier d’habitation COGEP Coordenação Geral de Planejamento - Coordination générale de planification COHAB Companhia de Habitação do Município de São Paulo - Compagnie municipale du logement de São Paulo COMATHAB Conselho Municipal de Acesso a Terra e à Habitação - Conseil municipal d’accès à la terre et au logement CONAM Confederação Nacional das Associações de Moradores Confédération nationale des associations d’habitants CONSEAS Conselho de Assistência Social do Estado - Conseil d’assistance sociale de l’État CPI Comissão Parlamentar de Inquérito - Commission parlementaire d’enquête CREA Conselho Regional de Engenharia e Arquitetura - Conseil régional de génie et d’archicteture CUMP Central Única dos Movimentos Populares - Centrale unique des mouvements populaires CUT Central Única travailleurs dos Trabalhadores - Centrale unique - des xv DERSA Departamento de Estrada de Rodagem - Division autoroutière DETER Departamento de Terras - Division des terres DIS Decreto de interesse social - Arrêtés d’intérêt social DOM Diário Oficial do Município de São Paulo – Journal officiel de la municipalité de São Paulo EIA/RIMA Estudo de Impacto Ambienta l Relatório de Impacto do Meio Ambiente - Études d’impact sur l'environnement / Rapport d’impact sur l’environnemet EMURB Empresa Municipal de Urbanização - Entreprise municipale d’urbanisation FAPESP Fundação de Amparo à Pesquisa do Estado de São Paulo Fondation de soutien à la recherche de l’État de São Paulo FAU Faculdade de Arquitetura e Urbanismo - Faculté d’architecture et urbanisme FGTS Fundo de Garantia por Tempo de Serviço - Fonds de protection aux travailleurs pour temps de travail FIPE Fundação Instituto de Pesquisas Econômicas - Fondation Institut de recherches économiques FJP Fundação João Pinheiro - Fondation João Pinheiro FUMCAD Fundo Municipal da Criança e do Adolecente - Fonds municipal pour l’enfance et l’adolescence FUMDES Fundo Municipal de Saúde - Fonds municipal de la santé FMH Fundo Municipal de Habitação - Fonds municipal du logement FUNAI Fundação Nacional do Índio - Fondation nationale chargée des affaires indigènes FUNAPS Fundo de Atendimento à População Moradora em Habitação Subnormal - Fonds d’assistance à la population habitant des logements précaires GO Estado de Goiás GURI Global Urban Research Initiative - État de Goiás xvi HABI Superintendência de Habitação Popular - Surintendance du logement social (populaire) HCP Habitação, Construção e Planejamento - Habitation, construction et planification HSPM Hospital dos funcionarios municipais - Hôpital des fonctionnaires municipaux IBGE Instituto Brasileiro de Geografia e Estatística - Institut brésilien de géographie et statistiques IC Instituto Cidadania - Institut Citoyenneté ICELPA Centro de Estudo Livre Proficiência e Arte - Centre d’études d’habileté et d’art ICMS Imposto Sobre a Circulação Sobre Mercadoria e Serviço - Impôt sur la circulation de marchandises et de services IDACON Instituto de Desenvolvimento e Apoio a Construção - Institut de développement et d’appui à la construction IEA Instituto de Economia Agrícola - Institut d’économie agricole INRS Institut National de la Recherche Scientifique INSS Instituto Nacional de Seguro Social - Institut national d’assurance sociale IPEA Instituto de pesquisa econômica aplicada - Institut de recherches économiques appliquées IPREM Instituto de previdência municipal de São Paulo - Institut de prévoyance municipale de São Paulo IPTU Imposto Predial Territorial Urbano - Impôt foncier sur la propriété urbaine ISS Imposto Sobre Serviço - Impôt sur services LABHAB Laboratório de Habitação e Assentamentos Humanos - Laboratoire d’habitation et d'établissements humains LEAD Leadership for Environment and Development LILP Lincoln Institute of Land Policy xvii MA Estado do Maranhão - État de Maranhão MAM Museu de Arte Moderna - Musée d’art moderne MARCO Múltipla Ação Regional communautaire multiple MG Estado de Minas Gerais MMC Movimento de Moradia do Centro – Mouvement de logement du Centre-Ville MMDC Miragaia, Martins, Marcondes et Camargo - Miragaia, Martins, Marcondes e Camargo MNLM Movimento Nacional de Luta pela Moradia - Mouvement national de lutte prologement MPE Ministério Público Estadual - Ministère public de l’État MS Estado do Mato Grosso do Sul - État de Mato Grosso do Sul MST Movimento dos Sem Terra - Mouvement des sans-terre NESUR Núcleo Interno de Economia Social Urbana e Regional - Division d’économie sociale urbaine et régionale OCDE Organisation de coopération et de développement économique ONG Organisation non gouvernementale ONU Organisation des Nations Unies OP Orçamento Participativo - Budget participatif PA Estado da Paraíba - État de Paraíba PATR Secretaria do Patrimônio Histórico do Município de São Paulo Secrétariat du patrimoine historique de la commune de São Paulo PE Estado do Pernambuco - État du Pernambuco PFL Partido da Frente Liberal - Parti du Front libéral PGE Procuradoria Geral do Estado - Parquet général de l’État PL Projeto de Lei - Projet de loi Comunitária - Action régionale - État de Minas Gerais xviii PMSP Prefeitura Municipal de São Paulo - Mairie de São Paulo PNAD Pesquisa Nacional de Amostra por Domicílio - Recherche nationale par échantillon de domicile PNUD Programme des Nations Unies pour le développement PR Estado do Paraná - État de Paraná PREZEIS Plano de Regularização de Zonas Especiais de Interesse Social Plan de régularisation des zones spéciales d’intérêt social PPB Partido Progressiste Brasileiro - Parti Progressiste Brésilien PRN Partido da Recosntrução Nacional - Parti de la reconstruction nationale PSDB Partido Social Democrata Brasileiro - Parti Social démocrate brésilien PT Partido dos Trabalhadores - Parti des Travailleurs PTB Partido Trabalhista Brasileiro - Parti Brésilien du Travail RIDE Região Integrada do Distrito Federal e Entornos - Région intégrée du District fédéral et environs RJ Estado do Rio de Janeiro - État de Rio de Janeiro RMSP Região Metropolitana de São Paulo - Région métropolitaine de São Paulo RO Estado de Rondônia - État de Rondônia RS Estado do Rio Grande do Sul - État du Rio Grande do Sul SAR Secretaria das Administrações Regionais - Secrétariat des administrations régionales SAS Secretaria de Assistência Social - Secrétariat d’assistance sociale SE Estado de Sergipe - État de Sergipe SEADE Fundação Sistema Estadual de Analise de Dados do Estado de São Paulo – Fondation de l’État d’analyse de données de l’État de São Paulo xix SECOV Sindicato das Empresas de Compra, Venda, Locação, Administração e Loteamentos de Imóveis e dos Edifícios em Condomínios Residenciais e Comerciais - Syndicat des Entreprises d’achat, vente, location, administration et lotissements d’immeubles et d’édifices en copropriété résidentiels et commerciaux SEDU Secretaria de Desenvolvimento Urbano da Presidência da República - Secrétariat du développement urbain de la présidence de la République SEHAB Secretaria de Habitação e Desenvolvimento do Município de São Paulo - Secrétariat du logement et du développement de la commune de São Paulo SEMPLA Secretaria Municipal de Planejamento do Município de São Paulo - Secrétariat municipal de la Planification de la commune de São Paulo SEPURB Secretaria de Planejamento Urbano de Belo Horizonte Secrétariat de la Planification urbaine de Belo Horizonte SFH Sistema Financeiro da Habitação - Système financier du logement SFI Secretaria de Finanças - Secrétariat des Finances SINDUSCON Sindicato da Indústria da Construção Civil - Syndicat de l’Industrie de la construction civile SIURB Secretaria de Infra-Estrutura l’Infrastructure urbaine SNH Sistema Nacional de Habitação - Système national d’habitation SNHIS Sistema nacional de habitação de interesse social - Système national du logement d’intérêt social SP Estado de São Paulo - État de São Paulo ST Secretaria do Trabalho – Secrérariat du Travail STJ Superior Tribunal de Justiça - Cour d’appel SUDENE Superientendência do Desenvolvimento do Surintendance pour le développement du Nord-Est SUS Sistema Único de Saúde - Système unique de santé Urbana - Secrétariat Nordeste de - xx SVP Secretaria de Vias Públicas - Secrétariat des Voies publiques TRF Tribunal Regional Federal - Tribunal régional fédéral UFRG Universidade Federal do Rio de Janeiro - Université fédérale de Rio de Janeiro ULC União das Lutas de Cortiço – Union des luttes de cortiços UMM União dos Movimentos de Moradia - Union des mouvements prologement UNICAMP Universidade Estadual de Campinas - Université de Campinas UNMM União Nacional dos Movimentos de Moradia - Union nationale des mouvements prologement UQAM Université du Québec à Montréal USP Universidade de São Paulo - Université de São Paulo ZEIS Zonas Especiais de Interesse Social - Zones spéciales d’intérêt social RÉSUMÉ Cette thèse est le résultat d'une recherche sur la gouvernance urbaine de l'habitat au Brésil. Elle se concentre sur la transformation des relations entre acteurs sociaux dans le domaine du logement. Elle reponse sur l’étude du Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo, de sa création, en 1992, jusqu'à son abolition, en 2001. Elle examine d’abord les conditions actuelles d'urbanisation et les besoins en logement au Brésil et, plus spécifiquement, dans la ville de São Paulo, de même que la politique du logement dans cette ville. Elle se penche ensuite sur la notion de gouvernance urbaine. Elle commence par prendre en compte les différents aspects de la gouvernance et les débats à propos de la gouvernance dans le champ des études urbaines. Puis, elle aborde l'introduction de la gouvernance urbaine au Brésil et ses applications dans la ville de São Paulo. Elle met enfin en lumière l'expérience du Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo. La question principale à laquelle cette thèse cherche à répondre est la suivante : cette expérience correspond-elle à une pratique réelle de gouvernance urbaine ? Pour y arrive, elle analyse les conditions de la formation du Conseil du Fonds municipal du logement, son organisation, les acteurs sociaux impliqués et ses principales transformations. Cette thèse se termine par un examen du degré d'efficacité du Conseil du Fonds municipal du logement comme processus de gouvernance urbaine de l'habitat dans la ville de São Paulo. xxii This thesis is the result of a sum of research reflections in the field of urban studies, focused in the transformation of the relationships between the urban actors in the field of housing. This thesis starts in the investigation regarding urban governance and its actual execution in the context of São Paulo city, through the City Fund Housing Council. Esta tese é o resultado de uma soma de reflexões na área de estudos urbanos, focada na transformação das relações entre os atores sociais urbanos na área da habitação. Ela toma corpo a partir da investigação sobre a governança urbana e sua real efetivação no contexto da cidade de São Paulo. Para tanto, ela se foca no Conselho do Fundo Municipal de Habitação. Introduction Le Brésil a vécu une période de plus de seize ans de prolifération de partenariats, période au cours de laquelle l’État brésilien a subi de profondes transformations institutionnelles, qui ne furent pas toujours accompagnées de transformations sociales. Ce fut aussi une époque où le transfert de responsabilités du gouvernement national aux gouvernements locaux s’est effectué par la décentralisation et la municipalisation des politiques publiques. Au cours de ces seize années, le pays s’est présenté comme redémocratisé, avec la Constitution fédérale de 1988, et par l’adoption de politiques radicales de libération économique, de privatisation massive d’entreprises de l’État et de réformes économiques structurales. Cette période n’a pas changé la structure de ce qui marque le pays. Elle a plutôt renforcé l’accroissement de la concentration de la richesse entre les mains de très peu de Brésiliens et favorisé l’augmentation de la pauvreté de la majorité de la population. Parmi les transformations survenues au cours de ces seize dernières années, de nouvelles formes de coopération entre acteurs ont vu le jour, entraînant un effet significatif tant national que local. Cela a contribué à remodeler les relations entre les acteurs publics et les acteurs sociaux, au fil de différentes étapes. Depuis quelques années, les formes de coopération en sont à une phase de remise en question profonde de leurs résultats et de leurs nouvelles configurations. Les partenariats ont fait l’objet de plusieurs critiques, par rapport à leur usage, à 2 leur propos ou à leur impact. Et cela, parce qu’ils se sont souvent présentés comme étant la seule forme de gestion en regard des questions économiques et politiques, au détriment de l’aspect social. Ces partenariats ont aussi été très critiqués parce qu’il y a eu le doute que la multiplication des formes de coopération puisse produire des structures réellement démocratiques en matière de gestion. Plusieurs formes de partenariats ont renforcé les modèles archaïques de pouvoir enracinés au Brésil de même que les disparités historiques dans la distribution des richesses. L’incertitude actuelle concernant les relations entre les acteurs dans la multiplication des partenariats laisse entrevoir une transition de modèles de coopération. La nouvelle dynamique des relations entre les acteurs dans les villes brésiliennes – malgré les changements dans les formes de coopération au cours de cette dernière décennie et la crise actuelle au sujet de la mise sur pied d’un nouveau modèle de partenariat – a été fortement ressentie dans le domaine du logement. São Paulo est l’une des villes marquées par ce dilemme. Réfléchir sur les partenariats dans le secteur du logement à São Paulo exige d’étudier le cas du Conseil du Fonds municipal du logement, en cherchant à expliquer: la dynamique et le processus qui ont cours entre les acteurs sociaux dans ce Conseil par leur représentativité, leur participation, leurs échelles d’intervention, la mobilisation de leurs ressources et la question de l’accès au sol dans le domaine du logement; les limites et les potentialités de ce Conseil à partir de l’établissement d’un nouvel arrangement structurel de partenariat entre les acteurs sociaux y intervenant; et s’il existe ou non une forme structurée de gouvernance dans ce Conseil à São Paulo. Se pencher sur ce Conseil permet d’analyser la gouvernance urbaine en matière de logement à São Paulo, l’idée pivot de la thèse. La gouvernance urbaine mérite 3 d’être analysée car elle permet de construire une lecture des interactions d’acteurs sociaux tout en faisant ressortir les conditions qui font écho à la coordination des différents acteurs sociaux et de mieux extraire leurs capacités stratégiques et leurs compromis institutionnels pour la réalisation de leurs objectifs communs. Afin de contribuer au débat actuel sur la transformation des modèles de partenariats et de la gouvernance urbaine la présente thèse est structurée en trois parties. La première partie traite des éléments de la problématique ; la seconde se rapporte au cadre théorique et à la stratégie de recherche ; enfin, la troisième partie examine une forme particulière de gouvernance à partir du Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo. La première partie de la thèse comporte deux chapitres. Le premier se propose de présenter la situation du logement au Brésil et, plus spécifiquement, celle de la ville de São Paulo. Pour y arriver, une première lecture sur la phase actuelle d’urbanisation au Brésil contribue à la compréhension du contexte de la formation des villes brésiliennes. Ensuite, ce chapitre examine les besoins en logement, en considérant les besoins historiques de la population et ceux qui se manifesteront en raison de l’augmentation estimée de la population dans les prochaines années. Ce chapitre met aussi en lumière l’absence de politique ou la fausse politique du logement, pour ensuite dévoiler la politique du logement et foncière de la ville de São Paulo et l’impact des occupations de logements relativement à cette politique. Le deuxième chapitre se propose de présenter la question de la gouvernance dans le contexte brésilien, à l’aide du Conseil du Fonds municipal du logement dans la ville de São Paulo. Dans ce chapitre seront exposés son origine, des expériences réalisées et l’établissement du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo en tant que voie institutionnelle de participation de la société à la gestion des politiques locales. 4 La deuxième partie de la thèse fait référence à la gouvernance urbaine et à l’habitat à São Paulo. Le premier chapitre présente, au début, une lecture des repères conceptuels, contribuant à la compréhension des approches théoriques qui traitent de l’interaction des acteurs. Plus loin, ce chapitre expose l’origine de la notion de la gouvernance urbaine et ses différentes interprétations, pour pouvoir situer cette notion dans la phase actuelle d’internationalisation de l’économie. Ensuite, ce premier chapitre essaie de montrer le rôle de la gouvernance dans le contexte brésilien et, plus spécifiquement, dans la ville de São Paulo. Le deuxième chapitre de cette partie présente les questions générales et spécifiques qui ont mené à la construction de cette thèse, les objectifs de recherche, les hypothèses et l’approche méthodologique adoptée. L’examen de l’écart entre les propositions, les lois, les résolutions, les droits et la réalité quotidienne du citoyen constitue l’objectif de la dernière partie de cette thèse. Nous chercherons à comprendre la notion de gouvernance à partir de l’analyse du développement réel du Conseil du Fonds municipal du logement. Le premier chapitre examine le Conseil en ce qui concerne la participation, le fonctionnement, la représentativité, les ressources, les échelles d’intervention et la question foncière. Le dernier chapitre cherche à montrer les limites et les potentialités du Conseil du Fonds municipal du logement dans la ville de São Paulo. Première partie LOGEMENT ET GOUVERNANCE A SÃO PAULO : ELEMENTS DE LA PROBLEMATIQUE Chapitre I LA SITUATION DU LOGEMENT A SÃO PAULO 1.1 L’urbanisation au Brésil : indicateur de la problématique du logement Réfléchir à la situation du logement et de la gouvernance, dans une période de transfert des responsabilités et des compétences du gouvernement national vers le secteur municipal, nécessite de reconnaître les transformations institutionnelles et celles en matière de logement. Les transformations institutionnelles actuelles intègrent un mouvement de mise en oeuvre des réformes structurelles, dans le cadre des modifications associées à la globalisation, comme c’est le cas des formes de gestion. Les transformations en matière de logement s’insèrent dans le processus de mutations des villes brésiliennes. En ce sens, il est important de discuter, au début, de l’environnement dans lequel ces transformations en matière de logement surviennent, c’est-à-dire de se pencher sur le scénario de ces changements. Le processus d’urbanisation brésilienne sera donc le point de départ de la réflexion. La compréhension de ce processus, comme le présentait Henri Lefebvre (1985), est importante pour bien saisir la complexité de la problématique urbaine au Brésil et plus spécifiquement celle du logement dans la ville de São Paulo. Il est clair qu’on ne peut généraliser les caractéristiques de l’évolution et des problématiques de la ville de São Paulo en matière de logement, à partir de la compréhension de l’urbanisation, à toutes les villes brésiliennes. Toutefois, cette ville constitue un espace pertinent pour l’analyse, car elle offre une vision éclairante et intégrée de la question du logement au niveau local et national et en ce qui concerne les formes de gestion. 9 Figure I SÃO PAULO : CENTRO, CIDADE TIRADENTES, MORUMBI ET MANANCIAIS Centro – au centre-ville Centro – au centre-ville Cidade Tiradentes – à l’est de la ville Jardim São Luis – au nord de la ville Morumbi – à ouest de la ville Mananciais – au sud de la ville Source : Viva o Centro, 2000. 10 La ville de São Paulo constitue une vive démonstration du processus d’urbanisation au Brésil, processus qui a eu lieu sans un degré élevé d’industrialisation (Kowarick, 1983; Maricato, 1986), un fait commun aux pays en développement (Bairoch, 1985). En outre, ce processus s’est déroulé sur la base d’une industrialisation qui ne prétendait pas donner naissance à un système économique national, mais surtout compléter le système économique international (Fernandes, 1979; Sampaio, 1999). Ce processus teinté de peu d’industrialisation (Lefebvre, 1985) s’est développé, au fil des années, sans engendrer les transformations économiques susceptibles d’absorber une offre croissante de maind’œuvre, entraînée par l’augmentation du flux migratoire et par la croissance naturelle des villes brésiliennes1. Il a aussi pris de l’ampleur en fonction de la croissance des disparités internes au pays, aussi bien dans les différentes régions que dans les aspects intra-urbains de la majorité des villes, comme celle de São Paulo (Serra, 1991; Villaça, 1998; Maricato, 2000; Singer, 2000 et 2002). De l’accentuation de cette croissance inégale est survenu le processus d’industrialisation brésilien allant de pair avec une grande concentration de revenu et creusant ainsi un fossé, de plus en plus grand, entre une minorité privilégiée et les grandes masses de la population (Furtado, 1966 et 1992). C’est sous cet éclairage que le phénomène inouï de l’urbanisation2 brésilienne a pu produire ses propres « anticorps ». La formation des favelas3 a ainsi été vue, au 1 Dans les trois dernières décennies, ces facteurs sont dus à l'attraction provoquée par le nouveau dessin industriel des métropoles et macrométropoles – de nouvelles localisations et de nouveaux plans industriels – (Polèse, 1996); par des services urbains (Santos, 1999), renforcés par les nouvelles technologies de l'information et de la communication, qui permettent la présence simultanée de ces espaces hégémoniques dans tout le territoire (Castells, 1999; Grazia et Queiroz, 2001); et par les transformations structurelles dans l'agriculture (Graziano, 2000). 2 L'urbanisation brésilienne a présenté et présente encore des aspects très négatifs, mais il faut signaler que ces aspects n'ont pas été tous négatifs. Parmi eux, notons la chute de la mortalité infantile, la baisse du taux de natalité et l'augmentation de l'espérance de vie à la naissance. 3 « Favela » (bidonville) est le nom générique donné aux agglomérations de baraques, 11 début de sa manifestation. Toutefois, on remarque qu’elle a toujours fait partie du processus d’urbanisation lui-même. En plus de la formation des favelas, la constitution des lotissements illégaux et des cortiços4 en a aussi fait partie. Ces formes illégales et irrégulières de constitution de logement caractérisent de plus en plus l’urbanisation brésilienne. Afin de comprendre les caractéristiques de l’urbanisation au Brésil, en plus de celles qui font référence à la chute de la mortalité infantile, à la baisse du taux de natalité et à l’augmentation de l’espérance de vie à la naissance5, plusieurs maisons sur pilotis, huttes et autres formes dégradantes de logis, entassés dans des aires publiques ou privées, densément peuplées, sans alignement en rues et dépourvus des services publics essentiels. Le nom « favela », selon Tascher, dérive d'un arbrisseau à graines oléagineuses de la brousse brésilienne (Tascher, 1981). 4 Cortiço (ruche) est une habitation collective de location, où il y a une superposition des fonctions de l'habitation, des installations sanitaires communes à plusieurs familles et une densité démographique élevée. Cette subhabitation existe au Brésil depuis 1886. Les cortiços ont été associés, selon la période historico-politique brésilienne, à différents termes : casa de cômodo, cabeça de porco, estância, zungu, pensão, hotel, hospedaria, vila, quintal, estalagem e fileiras de quartos. Cependant, le cortiço prend de grandes dimensions à partir des années 1980 (Carlos Lemos in Maria Ruth Amaral de Sampaio, 1999, p. 9-38; voir à ce sujet Kowarick et Ant, 1981, Bonduki, 1994 et Piccini, 2000). La définition plus actuelle des cortiços est présentée par Andréa Piccini dans son oeuvre Cortiços na Cidade. Conceito e Preconceito na Reestruturação do Centro-Urbano de São Paulo, São Paulo, Anna Blume, 1999, p. 25. Selon lui, il y a une altération du sens de cortiço tout au long de l'histoire brésilienne. Le terme concerné est utilisé par lui, et acquis dans le présent travail, dans le sens d'habitation collective précaire louée – HCPA : « être constituée par une ou plusieurs édifications construites en lotissement urbain, avec occupation de trop, subdivisées en plusieurs pièces louées, sous-louées ou cédées à n'importe quel titre, à l'insu de la législation qui établit les relations entre propriétaires et locataires (Loi de la Location), exercer plusieurs fonctions dans la même pièce, usage commun des espaces non édifiés et des installations électriques et sanitaires (salles de bain, cuisines et lavoirs) et y avoir accès, [et encore] avoir circulation et infrastructure précaires ». 5 Dans les 70 dernières années, ces changements ont été extrêmement importants. En 1940, selon l'IBGE, l’âge moyen considéré comme une espérance de vie à la naissance était de 42,7. Dans les années subséquentes, cette valeur augmente considérablement. En 1960, l'espérance de vie à la naissance est de 52,4. En 1980, il grimpe à 60,1 pour atteindre, en 2000, environ 70 (IBGE, 2000, Góis et Petry, 2001). Cependant, il ne faut pas oublier que cette nouvelle valeur souffrira d’autres phénomènes, car la violence urbaine et les homicides se présentent comme des facteurs de plus en plus permanents dans la société brésilienne. Les grands centres urbains, spécialement ceux de la région sud-ouest, sont 12 auteurs brésiliens se sont penchés sur ce sujet. Csaba Déak indique que, jusqu’au milieu des années 1970, l’urbanisation brésilienne s’est développée sous l’élan du processus de production et de reproduction sociale des conditions de domination d’une élite antérieurement coloniale (Déak, 1999). À son tour, Rosa Maria Puchala décrit le type d’urbanisation qu’elle a appelé « urbanisation du miracle » (Puchala, 1984). Selon elle, l’une des caractéristiques essentielles est la centralisation du pouvoir étatique, considérée comme l’un des éléments structuraux du développement. Dans le même ordre d’idées, Geraldo Serra (1990) établit un lien entre l’urbanisation brésilienne et le centralisme autoritaire existant au Brésil, particulièrement dans les années 1970, époque de la dictature. D’après lui, la caractéristique principale du centralisme autoritaire est la proposition de rationalité dans les décisions administratives, un des éléments structuraux du développement, conduisant le modèle de l’urbanisation brésilienne. Luis Cesar de Queiros Robeiro affirme qu’il est possible de reconnaître la marginalisation comme une autre face du processus d’urbanisation, en conséquence du dynamisme de l’économie et des limites du marché de travail (Ribeiro, 1996). Une marginalisation qui peut être notée tant sur le plan économique que social. ceux qui présentent déjà une « détérioration » par rapport à l'augmentation de l’espérance de vie à la naissance. Durant ces 70 ans, on peut suivre le déclin de la mortalité infantile et des taux de natalité. Selon l'IBGE, dans la période de 1940 à 1996, la moyenne brésilienne de la mortalité infantile passe de 149 à 50 par 100 000 habitants. Cette chute est cependant beaucoup plus grande dans les régions du sud du pays que dans les régions du nord et du nord-est (IBGE, 1996). La chute du nombre d'enfants, par femme d’âge fertile, entre 1940 et 1996, est aussi l'un des aspects positifs du processus d'urbanisation brésilien. Le grand changement dans les taux de mortalité a vraiment lieu à partir des années 1960/1970, lorsqu'on voit une chute de 43,2 à 26,2. Par contre, ces valeurs ne sont pas les mêmes pour tout le Brésil, les différences entre les régions restant énormes. Ce fait confirme les immenses inégalités brésiliennes. 13 Lucio Kowarick présente l’urbanisation brésilienne comme une urbanisation «sociopathique », caractérisée par les migrations désordonnées et par le gonflement des villes, où les niveaux de solidarité et de sociabilité ont disparu progressivement (Kowarick 1983). Sa vision est complétée par celle de Ermínia Maricato, qui voit ce gonflement des villes, caractérisé par la formation de favelas et de cortiços, comme une marque de l’urbanisation brésilienne (Maricato, 1979). Plus qu’une marque, Andréa Piccini et Suzana Tascher affirment que les cortiços (Piccini, 1999) et les favelas (Tascher, 1998) la délimitent définitivement. Maricato souligne encore que « l’invasion ou l’occupation de terrains urbains au Brésil est une partie intrinsèque du processus d’urbanisation » (Maricato, 2000 : 152), car l’invasion (terme juridique) ou l’occupation (terme employé par les mouvements populaires) de terrains sont pratiquement la règle, plutôt que l’exception, dans les grandes villes brésiliennes. Ces auteurs présentent un point commun : l’urbanisation ne peut être analysée uniquement à partir des aspects écologiques et démographiques, tenant en compte que le Brésil est un pays presque complètement urbanisé, avec plus de 80 % de la population habitant en région urbaine. Elle doit aussi être analysée par le biais des transformations structurales socioéconomiques, politiques et culturelles (Moreira, 2002). Dans la même optique, Paul Singer et Milton Santos présentent également leurs réflexions sur l’urbanisation. Singer, particulièrement, cherche à penser l’urbanisation brésilienne à partir de la division du travail6. Cela s’explique, car les aspects écologiques et démographiques, selon lui, ne sont plus qu’une première apparence d’un processus plus approfondi de transformation de la structure des classes et des modes de production. 6 José Graziano Junior ajoute à ce modèle d'analyse que la division du travail entre la campagne et la ville s'est modifiée considérablement, ce qui a entraîné une remise en question de la distinction entre la campagne et la ville (Graziano, 2000). 14 Comme Singer le signale, on ne peut penser à l’urbanisation dans une société qui s’industrialise sans chercher à comprendre le rôle que les classes sociales jouent dans la division du travail (Singer, 1973). Tandis que Singer met en lumière l’urbanisation à partir d’une optique plutôt socioéconomique, Milton Santos essaie d’aborder la question de l’urbanisation à partir de l’ensemble des perspectives économique, sociologique et historique. Santos commence sa critique par l’insertion du phénomène de l’urbanisation brésilienne dans un contexte de sous-développement, caractéristique des pays latino-américains, cela parce que l’urbanisation dans ces pays s’est déroulée différemment de celle qui a eu lieu dans les pays africains et asiatiques sousdéveloppés. Une autre caractéristique spécifique de l’urbanisation brésilienne et, d’une certaine façon aussi latino-américaine, peut être examinée sous l’angle que nombre de villes sont nées en étant au service des relations internationales avec les pays centraux, comme l’a déjà dit Furtado (1992). Cependant, il ajoute encore qu’il existe des différenciations entre les pays latino-américains et les régions de chacun des pays. L’analyse de Milton Santos sur l’urbanisation a mis prioritairement en évidence la variable dépendante, comme l’ont fait aussi Déak et Furtado, résultante de son incorporation au marché mondial. Cela a été fait à partir des analyses des forces économiques internationales et de la reformulation du rôle de l’État dans le but de rendre plus faciles la déconcentration et la décentralisation administrative (Santos, 1982). S’opposant aux nombreux auteurs qui soutiennent que le Brésil est aujourd’hui un pays presque entièrement urbanisé, José Elias da Veiga conteste cette affirmation. Selon lui, il est faux de dire que plus de 80 % de la population habite en région urbaine (Veiga, 2000). Cette donnée serait une simple fiction statistique. 15 En fait, un peu plus de la moitié de la population brésilienne habiterait en milieu urbain, soit 60 %. Veiga affirme que le Brésil n’est ni aussi urbanisé ni aussi urbain. Ces affirmations partent de l’analyse du périmètre urbain, défini par les municipalités, car l’IBGE (Institut brésilien de géographie et statistique) considère comme urbain tout domicile appartenant à un périmètre ainsi défini par la législation municipale. Cette donnée suffit pour faire apparaître deux types de problèmes inévitables. Le premier se rapporte au fait que de nombreux habitants ruraux peuvent devenir urbains sans avoir à se déplacer, en conséquence d’une redéfinition des périmètres urbains qui a été faite par les Chambres municipales; ou alors, pour des raisons fiscales, plusieurs de ces Chambres ont préféré déclarer urbaine la totalité de la région municipale. Ces données peuvent changer considérablement l’analyse sur la proportion de la population urbaine actuelle. Le second problème se rapporte à l’adoption des périmètres municipaux comme des lignes limitrophes entre les espaces urbain et rural, sans subtilité dans l’interprétation des zones rurales et des espaces urbains. Les conclusions de Veiga sont pertinentes dans la mesure où la plupart des communes brésiliennes présentent des caractéristiques douteuses en ce qui concerne leur caractère urbain et rural. Il suffit de dire que 70 % des densités démographiques au Brésil sont inférieures à 40 habitants/km2, tenant en compte que le paramètre de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique) pour qu’une localité soit considérée comme urbaine est de 150 habitants/km2. En suivant ce critère, seulement 411 communes brésiliennes des 5 565 existantes en 2005 seraient considérées comme urbaines (Veiga, 2000). Deux raisons empêchent la simple adoption de ce schéma présenté par Veiga pour la compréhension de l’urbanisation brésilienne. La première est l’impossibilité de se restreindre uniquement à une analyse démographique pour comprendre l’urbanisation contemporaine. La deuxième est que pour mener une analyse complète, il faudrait justement introduire des questions socioéconomiques, polítiques et historiques comme le font Milton Santos, Paul 16 Singer, Celso Furtado, Lúcio Kowarick, Erminia Maricato, Andréa Piccini, Suzana Tascher, Csaba Déak, Rosa Maria Puchala, Geraldo Serra et Luis Cesar de Queiroz Ribeiro. Des auteurs comme Hildefonso Cerda (1992), Davis Kingsley (1996), Louis Bergeron (1992), Max Weber (1921), Ernest Burgess (1996), Henry Lefebvre (1985), Manuel Castells (1988, 1995 et 1998), Robert Park (1992), Daved Harvey (1989), Pierre Filion (1993), François Ascher (1995), Jean Remy (1992 et 1993), Saskia Sassen (1996 et 1998) et Barbara Ferman (1996) ont aussi fait référence à ce genre de questions à différentes périodes : Antiquité, ère moderne, postmoderne ou post-fordiste (Moreira, 2002). Les courants scientifiques ont qualifié le phénomène de l'urbanisation sur la base des éléments constitutifs du milieu urbain. Les auteurs classiques ont consacré leurs analyses à l'implication des forces sociales et de leurs transformations. Les auteurs culturalistes ont considéré dans leurs recherches les variations des organisations sociales. Les chercheurs de l'École de Chicago ont valorisé la relation sociale. Les auteurs de l'École Française de la Sociologie Urbaine ont déterminé l'espace comme support et composante des transformations sociales. Les auteurs régulationnistes ont pris en considération, dans leurs analyses, les transformations du mode de régulation. Dans les analyses sur le phénomène de l'urbanisation, ces différents courants de la pensée ont considéré l'influence des dimensions sociale, économique, culturelle et politique. Les trois premiers courants se sont attardés spécifiquement sur les dimensions sociale et économique, alors que les autres se sont appuyés sur les différentes dimensions dans leur ensemble. Tous ces courants ont démontré la valeur de l'union de ces différentes dimensions pour l'analyse de l'urbanisation. À partir des études de ces auteurs, l’urbanisation ne comprend pas uniquement un transfert démographique s’inscrivant dans l’espace et dans le temps, mais aussi l’apparition de nouvelles conditions, valeurs et besoins sociétaux. La croissance 17 démographique, le développement de l’économie de marché, l’accroissement de la concurrence internationale des firmes, des pays et des capitaux, ainsi que les transformations sociales, entre autres, transforment la perception de la définition actuelle à propos de l’urbanisation. Le développement du concept d’urbanisation permet de bien comprendre les différents facteurs nécessaires pour analyser le phénomène de l’urbanisation, spécifiquement au Brésil. Ce développement sert aussi à comprendre le fait que les nouveaux concepts s’appuient sur l’évolution des interprétations à propos du phénomène de l’urbanisation. Il est clair qu’il ne faut pas croire, uniquement, que les nouveaux concepts d’urbanisation peuvent offrir des panoramas homogènes aux processus de l’urbanisation, comme le suggère Sassen (1996), en faisant référence à une structuration mondiale régie par les services. Il est possible de voir l’impact sur cette structuration dans divers milieux, non seulement pour les grandes villes d’affaires et de finances, mais aussi pour les moyennes et petites villes, dans différents pays et régions. Tout cela parce que les services, aussi bien que les moyens de communication créés par les innovations technologiques, ne sont pas équitablement accessibles entre les habitants d’une ville, d’une région et d’un pays. Il ne s’agit pas non plus de remettre tout simplement les interactions sociales et leurs relations au centre de l’analyse de l’urbanisation, mais il faut aussi les associer aux conjonctures politiques et culturelles. Dans ce contexte d’association de conjonctures et de dimensions, il est intéressant à percevoir que le processus d’urbanisation actuel se présente de façon conflictuelle. De nos jours, il existe une coexistence entre les forces structurantes du mode d'urbanisation fordiste et celles des forces structurales adaptées aux transformations de l'économie et des valeurs de l'après fordisme (Ferreira, 2004). Ces dernières engendrent un nouveau mode d'urbanisation. 18 Il est important de distinguer villes, régions, pays et leurs propres dynamiques à l’intérieur même des formations urbaines régies par les transformations actuelles du nouveau processus d’urbanisation. Ces observations mènent à considérer le dualisme croissant entre le développement des villes et les processus d’urbanisation pour faire apparaître la valeur des analyses de ces phénomènes à partir de contextes spécifiques, comme c’est le cas du Brésil. Pour consolider davantage les études brésiliennes, on précise que l’actuelle phase d’urbanisation au Brésil est engendrée par l’irrégularité et l’illégalité des processus de concrétisation spatiale de l’ensemble des relations dans la société : relations sociales, économiques, culturelles et politiques. Parmi les conditions les plus fortes, les questions relatives à l’irrégularité et à l’illégalité du logement et de l’occupation du sol urbain sont sans aucun doute des facteurs parmi les plus importants de l’urbanisation contemporaine brésilienne, auxquels São Paulo n’échappe pas. En prenant en compte ce cadre de l’urbanisation brésilienne comme toile de fond d’analyse, nous cherchons à examiner les problèmes et les défis qui en découlent, dans la perspective de la consolidation de notre scénario, par le biais de la problématique du logement. 1.2 Le logement au Brésil et à São Paulo L’accroissement du nombre des favelas, des cortiços, des sans-logis habitant des rues et sous les ponts, ainsi que des lotissements illégaux et irréguliers a caractérisé les villes brésiliennes, à la fin du XXe siècle (Silva, 1996; Tascher, 1998; Lemos, 1998; Piccini, 1999; Bueno, 2000; Maricato, 2001). Aujourd’hui, il est 19 difficile de trouver une ville7 qui ne présente pas l’une de ces caractéristiques majeures représentatives de la « construction de villes » au Brésil. Figure II SÃO PAULO : SANS-LOGIS DE RUE ET SOUS LES PONTS, DANS LES FAVELAS, CORTIÇOS ET LOTISSEMENTS IRRÉGULIERS 7 Cortiço Prestes Maia – au centre-ville Cortiço – Jardim São Francisco à l’est de la ville Favela – Jardim Maria au nord de la ville Favela - Pinheiros au sud-ouest de la ville Selon le Recensement démographique de 2000, 28 % environ des mairies (1,519) ont déclaré l'existence de favelas dans leurs communes, bien que le concept de favela soit celui utilisé par chaque mairie, non pas celui adopté par l'IBGE. Il y a 930 000 domiciles dans des favelas inscrites aux registres par les mairies. Environ 10 % des mairies (540) ont déclaré l'existence de cortiços dans leurs communes, pour un total de 29 582 cortiços inscrits aux registres dans le pays. Environ 46 % des mairies ont déclaré l'existence dans leurs communes de 63 000 lotissements irréguliers inscrits aux registres (Recensement démographique de 2000 – www.ibge.gov.br/ibge/presidencia/noticias/1704munic.shtm). 20 Lotissement irrégulier – Jardim Helena à l’est de la ville (a) Lotissement irrégulier – Jardim Mabel au sud-est de la ville (a) Sans-logis de rue – au centre-ville Sans-logis de rue – au centre-ville Source : Tomás Moreira et (a) Elza Castro, 2001 et 2002. C’est en raison de ces caractéristiques que la population urbaine a augmenté de plus de 100 millions d’habitants dans les 50 dernières années8 (tableau I). Des 81 %9 8 En 1950, le pourcentage de la population brésilienne vivant en zone rurale était plus grand que le pourcentage de la population vivant en zone urbaine. Dans cette période, la population rurale était de 64 %. En 1970, le pourcentage diminue. Pour la première fois, la population urbaine est plus nombreuse que la population rurale. Celle-ci passe à 44 % tandis que la population urbaine est de 54 %. Après cette période, la population rurale tend à diminuer. Aujourd'hui, 19 % de la population habite en zone rurale. Malgré cette variation du pourcentage de la population rurale, le tableau de la représentation du cadre rural a changé. À partir du milieu des années 1980, une nouvelle conformation du milieu rural brésilien surgit, à l'exemple de ce qui se passe depuis longtemps dans les pays développés, comme l'affirme José Graziano da Silva. La population rurale n'est plus uniquement agricole, elle se met à exercer des activités non agricoles liées au logement, au loisir et à plusieurs activités industrielles et de prestation de services, en plus de nouvelles activités agropastorales (Silva et Del Grossi, 2000). 21 de la population brésilienne habitant les zones urbaines, en 2000, une grosse partie vit sous les conditions des caractéristiques représentatives de la « construction de villes » au Brésil. Parmi les différentes caractéristiques de la « construction de villes » brésiliennes, la croissance des favelas est l’un des grands indicateurs de la gravité de la situation du logement dans la majorité des villes. Tandis que la population brésilienne a augmenté, dans la dernière décennie, de 1,63 %10 par année, la population habitant les favelas a augmenté de plus de 7 %. La différence entre ces valeurs illustre le visage du pays. Tableau I BRÉSIL : POPULATION LOGÉE PAR LIEU DE DOMICILE, 1950-2000 Années Total Urbaine Rurale Quantité % Quantité % Quantité % 1950 51 944 397 100 18 782 891 36 33 161 506 64 1960 70 070 457 100 31 303 034 45 38 767 423 55 9 L'accroissement de 22,7 millions d'habitants urbains, dans la dernière décennie, a provoqué une augmentation du niveau d’urbanisation. La moyenne brésilienne du taux d’urbanisation est de 81 % (FJP, 2001). Malgré l'indice élevé d'urbanisation, les différences internes au pays sont évidentes. Le Sud-Est brésilien, où se trouvent les principales capitales économiques, présente un niveau d’urbanisation assez supérieur à la moyenne, avec 90 %. Le Centre-Ouest affiche aussi une valeur élevée, soit 87 %. Le Sud présente un niveau d'urbanisation équivalant à celui du pays : 81 %. Les autres régions, Nord et NordEst, possèdent respectivement des niveaux d'urbanisation de l'ordre de 70 % et de 69 %. Ces variations contribuent à la compréhension des différenciations intérieures du pays. Parmi les différences internes, une très importante concerne les régions métropolitaines, où le niveau d'urbanisation dépasse 90 % (FJP, 2001). Le haut niveau d'urbanisation de la région Sud-Est est dû à la concentration des régions métropolitaines de São Paulo, Rio de Janeiro et Belo Horizonte. Celles-ci possèdent respectivement des taux d’urbanisation de l'ordre de 95,7 %, 99,1 % et 97,5 %. Ces villes accueillent environ 46,50 % de la population des capitales brésiliennes. 10 Le taux moyen annuel de croissance durant la période 1991-2000 a été de 1,63 %. Cette moyenne est l’une des plus basses observées jusqu’à nos jours au Brésil. Pendant cette période, la chute du taux de croissance a atteint des valeurs négatives, mais la tendance de réduction observée aux recensements antérieurs a persisté. En 1950, le taux moyen de croissance annuelle dans le pays était de 2,39 %. Postérieurement, ce taux a monté à 2,99 % au cours de la décennie 1960, pour commencer à baisser, en 1970, à 2,89 %, en 1980 à 2,48 %, atteignant moins de 2 % dans les décennies subséquentes. En 1991, le taux était de 1, 93 % et, en 2000, il atteint 1,63 %. 22 1970 93 139 037 100 52 084 984 56 41 054 053 44 1980 119 002 706 100 80 436 409 68 38 566 297 32 1991 146 825 475 100 110 990 990 76 35 834 485 24 2000 169 509 693 100 137 755 550 81 31 754 143 19 Source : www.ibge.gov.br; Statistiques historiques du Brésil, volume 3, Rio de Janeiro, IBGE, 1987; Annuaire Statistique du Brésil, volume 56, Rio de Janeiro, IBGE, 1996; Recensement de la population 1996, volume 1, Rio de Janeiro, IBGE, 1997; Fondation João Pinneiro – IBGE et PNAD – 1995; PNAD, 1999. Le Brésil a fini le XXe siècle avec 3 905 favelas répandues dans tout le pays. On a noté une augmentation de 22,5 % depuis le recensement de 1991, qui en dénombrait alors 3 124. Cette augmentation en pourcentage était déjà hautement alarmante. Toutefois, il faut signaler que ce nombre devient encore plus effarant si l’on considère que plusieurs de ces favelas, déjà existantes, se sont ensuite vues confrontées à une croissance démographique intérieure, en raison de l’expansion familiale ou de la transformation des favelas en cortiços. Outre la situation des favelas, la dimension inadéquate des unités et des lotissements illégaux et irréguliers permet de mesurer l’ampleur de la problématique du logement dans les villes. Pour avoir une idée de l’importance de l’occupation non officielle et illégale au Brésil, il faut signaler que, de 1995 à 1999, 4,4 millions de logements y ont été bâtis, dont 700 000 ont vraiment été construits par des entreprises de construction, c’est-à-dire financées par le marché légal privé ou public11 (PNAD/IBGE, 1999; CIBRASEC, 2000). Le solde, soit 3 700 000, a été produit par la population elle-même, par des exclus du marché formel, dans des territoires 11 L'État a été, depuis l'après-guerre, le supposé créateur du secteur moderne de la construction. La dynamique constructive compte désormais sur un système de crédit réglé par l'État. De l'ensemble des unités bâties entre 1964 et 1968, 26 % environ, soit 4,5 millions d'unités, ont pu compter sur le financement de la BNH. Néanmoins, un million seulement (33,3 %) a été affecté aux secteurs populaires, ayant été destiné aux bénéficiaires des programmes alternatifs (entre 1 et 3 salaires minimums [voir note 14]), 250 000 unités à peine, ce qui revient à 5,9 % du total (Ribeiro et Azevedo, 1996). 23 illégaux et irréguliers. Ces données expliquent l’augmentation de ces territoires, qui ne présentent pas de perspective de changement à court terme. C’est l’État de São Paulo qui affiche le plus grand pourcentage des favelas, soit près de 40 % de cette forme de logement. De 1991 à 2000, la croissance des favelas dans l’État de São Paulo a pratiquement suivi celle des favelas dans tout le Brésil12, avec 22 %. Dans l’État de São Paulo, il est possible de voir des variations par rapport à l’accroissement des favelas. En 1990, 6 683 personnes habitaient des favelas dans la ville de Ribeirão Preto, par exemple. En 2000, elle a fini par loger un peu plus de 16 000 habitants de favelas et, en 2004, cette ville en compte 23 015. Cela représente une hausse de 244 %, selon les données de la mairie (www.uol.combr/fsp/ribeirao). Cette « tragédie » permanente, au lieu de diminuer, s’amplifie de façon exponentielle. Les plus grandes villes brésiliennes, surtout les métropoles, se sont mises à abriter de 20 à 50 % de leur population dans des favelas. En 1970, 1 % seulement de la population de la ville de São Paulo vivait dans des favelas. En 2000, cette proportion a grimpé à 20 %. Tableau II BRÉSIL : POPULATION DE FAVELAS PAR RAPPORT À CELLE DE LA COMMUNE, DANS NEUF RÉGIONS MÉTROPOLITAINES Région métropolitaine et RIDE (1) Population métropolitaine Total de communes Population de la commune centrale Belém (PA) 1 794 981 05 1 279 861 12 % de population des favelas de la commune centrale 50 % Population des favelas de la commune centrale (2) 639 930 Les États les plus atteints ont été celui du Pará, qui a présenté un accroissement de 418 % et celui de Paraíba, qui a augmenté de 224 %, en neuf ans. Tous deux sont situés dans le nord du pays. 24 Belo Horizonte (MG) Fortaleza (CE) Goiânia (GO) Porto Alegre (RS) 4 811 760 48 2 232 747 20 % 446 549 2 975 703 13 2 138 234 28 % 598 705 1 636 465 11 1 090 737 13 % 141 795 3 655 834 28 1 360 033 20 % 272 006 Recife (PE) 3 335 704 14 1 421 993 40 % 568 797 Rio de Janeiro (RJ) 10 872 768 19 5 851 914 20 % 1 170 382 3 018 285 10 2 440 828 33 % 805 473 17 834 664 39 10 405 867 20 % 2 081 173 Salvador (BA) São Paulo (SP) Source : IBGE, Recensement démographique de 2000; LabHab, 1999; Ângela Gordinho Souza, 2000; Laura Machado Bueno, 2001. Dans les autres capitales nationales, le portrait est à peu près identique à celui de São Paulo : 20 % de la population de Belo Horizonte et de Rio de Janeiro loge dans des favelas (LabHab – Laboratoire d’habitation et d'établissements humains, 1999); 33 % de la population de Salvador (Souza, 1990) et 28 % de la population de la ville de Fortaleza demeurent dans des habitations précaires du type favela (LabHab, 1999); 13 % de la population de Goiânia habite dans des favelas (Bueno, 2001); 50 % de celle de la ville de Belém (Rencontre Démocratie, Égalité et Qualité de Vie. Le Défi pour les Villes au XXIe siècle, 2001) et 40 % de celle de la ville du Recife (IBGE) vit aussi dans des favelas (tableau II). En outre, il faut signaler les huttes sur pilotis de la ville de Manaus, la plus grande favela flottante du Brésil, dans la région de l’État d’Amapá. Cette favela flottante compte approximativement 25 000 habitants. Ces différents statistiques font encore objet de débat par des multiples chercheurs. Les données sur la population logeant dans les favelas dans les deux plus grandes villes brésiliennes, São Paulo et Rio de Janeiro, démontrent que le nombre de leurs 25 habitants vivant dans des favelas correspond à celui des populations des grandes régions métropolitaines du Brésil. São Paulo, par exemple, abrite des habitants de favelas dont le nombre équivaut au total de la population de la région métropolitaine de Belém ou de Goiânia. Rio de Janeiro abrite des habitants de favelas dont le nombre équivaut à la population de régions métropolitaines comme la Grande São Luís et la Grande Vitória. En comparant les données démographiques des habitants de favelas des villes avec des données d’autres pays, il est possible d’observer que la ville de São Paulo abrite un nombre d’habitants de favelas équivalant à la population de villes telles que Montréal ou Ottawa, au Canada, ou Berlin, en Allemagne. Rio de Janeiro affiche un nombre d’habitants de favelas équivalant à la population de Bruxelles, en Belgique, ou de Boston, aux États-Unis. À partir de ce rapide accroissement du nombre de favelas, il est possible d’imaginer ce qui arrivera dans les prochaines années si ce processus de croissance n’est pas interrompu et, surtout, renversé. Ces indices pourraient être supérieurs à 60 % ou 70 %, comme cela arrive déjà dans plusieurs autres villes du monde, comme Karachi, au Pakistan et Lagos, au Nigeria (Première et Seconde rencontre internationale du LEAD, 2001 et 2002). Tableau III BRÉSIL : BESOINS QUANTITATIFS DE LOGEMENT SELON LES GRANDES RÉGIONS, 2000 Total Rurale Urbaine Quantité Quantité Quantité Total d’unité urbaine (%) Nord - - 411 625 8,0 84,0 7,2 6,9 1,6 NordEst 2 631 790 902 733 1 729 057 32,0 91,3 5,2 2,1 0,7 Sud-Est 2 412 460 154 964 2 257 496 41,0 77,6 1,0 7,1 3,0 Région 0à3 SM (%) 3à5 SM (%) 5 à 10 SM (%) + 10 SM (%) 26 Sud 690 312 101 168 589 144 11,0 80,9 9,4 6,7 2,5 CentreOuest 488 482 60 860 427 622 8,0 82,9 7,8 6,5 2,0 Brésil 6 656 526 1 241 582 5 414 944 100,0 83,2 8,4 5,4 2,0 Source : FJP, 2001. La situation du logement au Brésil et à São Paulo doit être aussi envisagée sous l’angle des besoins quantitatifs et qualitatifs. Selon les nouvelles données du recensement de 2000 et le calcul développé par la FJP (Fondation João Pinheiro), les besoins quantitatifs correspondent à 6,6 millions d’unités. De ce nombre, 5,4 millions d’unités sont situées dans la zone urbaine et 1,2 dans la zone rurale (tableau III). En termes absolus, la majorité des besoins quantitatifs urbains se concentre dans les États du Sud-Est (41 %) et du Nord-Est (32 %), où la plus grande part de la population gagne de zéro à trois salaires minimums (SM)13, respectivement pour ces régions, 77,6 % et 91,3 %. D’après les nouvelles données du Ministère des Villes, les plus grands besoins quantitatifs se trouvaient dans la région du Sud-Est du pays, soit 2,38 millions d’unités. Ces besoins sont de 1,93 million au Nord-Est; 2,38 millions au Sud-Est; 654 000 au Sud; 496 000 au Nord et 486 000 au Centre-Ouest, pour un total de 5,95 millions (Ministério das Cidades, 2003). L’autre indicateur de la problématique du logement fait référence aux données qualitatives. D’après les données du recensement de 2000, et selon le modèle de la nouvelle méthodologie14 de calcul développé par la FJP, les besoins qualitatifs L’expression « salaires minimums » est une forme de calcul du revenu mensuel de la population. Par exemple, un salaire minimum vaut 300 reais par mois, soit environ 108 US$. Au Brésil, 80 % de la population vit avec deux salaires minimums. 13 14 La nouvelle analyse des besoins qualitatifs pour 2000 est différente de l’analyse antérieure par la nature des critères adoptés dans la méthodologie. Les nouveaux critères sont la densité d'occupation excessive, l’inadéquation foncière urbaine, la nécessité de soins particuliers en fonction de l’âge de l’édification, la carence de services 27 répondraient au minimum à l’aspect le plus déficitaire : la carence de services et d’infrastructure de base15, correspondant à 10,2 millions d’unités (tableau IV). Tableau IV BRÉSIL : BESOINS QUALITATIFS DE LOGEMENT URBAIN SELON LES GRANDES RÉGIONS, 2000 Carence de services et d’infrastructure Inexistence d’unités sanitaires à l'intérieur des domiciles Grandes régions Densité excessive Inadéquation foncière urbaine Inadéquation en fonction de la dépréciation Nord-Est 385 916 432 270 195 798 4 010 073 714 738 Sud-Est 1 133 647 650 406 505 510 2 155 271 315 379 Sud 198 062 325 923 100 735 1 469 648 179 154 Centre-Ouest 122 492 43 799 14 502 1 460 462 95 565 Nord 184 822 56 346 20 124 1 165 622 162 865 Brésil 2 024 939 1 508 744 836 669 10 261 076 1 466 701 Source : FJP, 2001. d’infrastructure de base et l’inexistence d’unité sanitaire à l'intérieur du domicile. Avant, pour définir ces besoins, des critères comme la carence d’infrastructure et l’inadéquation et la densité d'occupation excessive étaient utilisés. L’analyse antérieure permettait d'en déduire un chiffre absolu. L’analyse actuelle ne le permet pas, car les domiciles peuvent présenter une déficience dans l’un ou dans plusieurs aspects indiqués. En résumé, les valeurs des critères ne peuvent être additionnées. 15 En plus du problème d’infrastructure, il y a tous les autres. Le problème de la densité d'occupation excessive est très concentré dans la région du Sud-Est, avec 56 % des domiciles présentant ce type d’inadéquation, soit une grande partie dans l’État de São Paulo et sa région métropolitaine, 701 847 et 480 784 respectivement. L’inadéquation foncière urbaine est un autre critère utilisé pour évaluer les besoins qualitatifs. Selon les données du tableau IV, près de 1,5 million d’unités présentent des problèmes concernant la question foncière. Entre les grandes régions, il est remarquable que le problème soit plus évident dans le Sud-Est, le Nord-Est et le Sud du Brésil. Sur la base de ces critères, grosso modo, les régions du Sud-Est et du Nord-Est concentrent la plupart des besoins qualitatifs, quel que soit le critère considéré. 28 Selon ces données quantitatives et qualitatives, et sur la base du calcul de la moyenne d’habitants par domicile (3,5 personnes), il y a, au Brésil, près 23 millions de personnes qui n’ont pas de logement et 35,7 millions qui ont des logements inadéquats. Ces données sont désolantes pour un pays de 169 millions d’habitants. La moitié de la population brésilienne ne dispose pratiquement pas de logement adéquat pour vivre. Ces chiffres représentent, par exemple, un peu plus que la somme de la population des régions métropolitaines de la macrométropole de São Paulo – les communes de São Paulo, de Campinas et de Santos – quant aux besoins quantitatifs; ou encore, plus du double de la population de la ville de São Paulo. Quant aux besoins qualitatifs, la valeur estimée représenterait un peu moins que la somme de la population des États de São Paulo et Rio de Janeiro. Une étude menée par la Fondation SEADE (Fondation de l’État d’analyse de données) et présentée au Projeto Moradia montre que, dans le cas où il n’y aurait pas de changement dans cette situation au cours des quinze prochaines années, les besoins en logement au Brésil seront encore plus criants. Il faudra non seulement satisfaire aux besoins accumulés de logement, mais aussi à ceux que représente la future croissance démographique. Les besoins de nouvelles unités de logement, fondés sur la croissance de la demande, sont de 600 000 par année (IBGE, 2000). À partir de cette croissance16, il est possible d’estimer que les besoins futurs de logements, quantitatifs et qualitatifs, atteignent des valeurs de l’ordre de 3,9 millions et 2,7 millions respectivement jusqu’en 2015 (Projeto Moradia, 2000). Dans notre scénario, la gravité de la situation du logement à São Paulo peut être illustrée par le nombre de personnes qui vivent dans les favelas et aussi par celles qui vivent dans les rues, dans les cortiços et sous les ponts. Malgré les lacunes du recensement démographique de données et d’études sur ces contingents de la population, des travaux spécifiques ont montré ce que cela représente réellement. 16 Il faut encore penser à inclure à ce supplément les besoins croissants de reconstruction des édifications obsolètes; au Brésil, les parcs résidentiels commencent à présenter des signes de détériorisation et d’obsolescence (Prado et Pelin, 1993). 29 Figure III DIVISION POLITIQUE DU BRÉSIL, LA LOCALISATION DE L’ÉTAT DE SÃO PAULO ET LA VILLE DE SÃO PAULO Source : IBGE et INFURB, 1991 et 2000. Figure IV PHOTO SATELITE DE L’ÉTAT DE SÃO PAULO ET LA VISUALISATION DE LA RÉGION METROPOLITAINE DE LA VILLE DE SÃO PAULO Source : IBGE et INFURB, 1991 et 2000. 30 Figure V LA MACROMÉTROPOLE DE SÃO PAULO Source : IBGE et INFURB, 1991 et 2000. Figure VI LA RÉGION MÉTROPOLITAINE DE SÃO PAULO Source : IBGE et INFURB, 1991 et 2000. 31 Figure VII LA MUNICIPALITÉ DE SÃO PAULO DANS LA RÉGION MÉTROPOLITAINE Source : IBGE et INFURB, 1991 et 2000. Figure VIII PHOTO SATELITE DU TISSU URBAIN DE LA RÉGION MÉTROPOLITAINE DE LA VILLE DE SÃO PAULO, 2000 Source : IBGE et INFURB, 1991 et 2000. 32 L’accroissement accéléré de la population qui habite des favelas dans la ville de São Paulo s’est intensifié à partir des années 80. Durant cette décennie, le pourcentage d’habitants des favelas de la ville correspondait à environ 5 % de la population totale. Dans les décennies subséquentes, le pourcentage de ces habitants correspondait à 6 % en 1985, à 9 % en 1991 et, actuellement, à plus de 20 % (tableau V). Tableau V SÃO PAULO : ACCROISSEMENT DE LA POPULATION DES FAVELAS, 1973-2000 Année Population totale Population habitant des favelas 1973 1975 1980 1985 1987 1991 2000 6 560 547 7 327 313 8 493 226 10 036 957 1 554 107 11 554 176 10 405 867 71 840 117 237 321 259 439 721 812 764 1 050 000 2 081 173 Pourcentage des habitants des favelas par rapport à la population totale 1,09 1,60 5,18 6,27 7,70 9,10 20,0 Source : Suzana Pasternack Tascher, 1998; LabHab, 1999; IBGE, recensement démographique de 2000. Figure IX FAVELAS Água Espraiada au sud-ouest de la ville Source : Tomás Moreira, 2002. Morumbi au sud-ouest de la ville 33 La problématique des habitants de rues est un autre reflet de la situation du logement à São Paulo. Selon Suzana Tascher (1997), en 1991, il y avait 3 392 habitants de la rue. En 1993, ce nombre était passé à 4 500 et, en 1997, à près de 5 400. Figure X HABITANTS DE LA RUE Centre-ville - Anhangabaú Centre-ville – Anhangabaú Source : Tomás Moreira, 2002. Le premier recensement des habitants de la rue de la ville de São Paulo, établi par la FIPE (Fondation Institut des recherches économiques) et SAS (Secrétariat d’assistance sociale) démontre que les habitants de la rue17 de la ville de São Paulo représentent un total de 8 706 personnes. Ce nombre équivaut à 0,08 % de la population de la ville de São Paulo, la majorité de cette population se trouvant dans la région centrale (Recensement des habitants de la rue de la ville de São Paulo, 2000). 17 Les habitants de la rue sont ceux qui n'ont pas de domicile fixe et qui passent la nuit dans des endroits publics de la ville : places, trottoirs, marquises, jardins, sous les viaducs, grandes maisons abandonnées, tanières, cimetières, carcasses d'automobiles, terrains en friche, dépôts de carton et de ferraille ainsi qu'asiles de nuit ou abris entretenus par le pouvoir public ou par l’initiative privée (Recensement des habitants de la rue de la ville de São Paulo, 2000). Voir à ce sujet le Recensement des habitants de la rue de la ville de Belo Horizonte, 1998. 34 La question des cortiços, décrite par Andréa Piccini et Maura Veras, montre le cadre chaotique dans lequel une grande partie de la population de la ville de São Paulo vit actuellement. Selon ces auteurs, le cortiço a été, pendant tout le XXe siècle, le symbole de spoliation de la reproduction de la force de travail, de la spéculation foncière en milieu urbain et de l’absence de politiques de logement tournées vers les segments sociaux à revenus les plus faibles. Figure XI CORTIÇOS Cortiço 9 de Julho - Centre-ville Cortiço 9 de Julho - Centre-ville Source : Tomás Moreira, 2002. Andréa Piccini affirme que, dans les dernières décennies, il y a eu une prolifération de cortiços non seulement dans les régions traditionnellement utilisées, spécifiquement le centre-ville et l’anneau intermédiaire, mais aussi dans la périphérie de la ville et dans les favelas déjà existantes (Piccini 1999; Tascher et Mautner, 1992). Entre 1975 et 2000, la croissance des cortiços dans la ville de São Paulo a été importante (tableau VI). En 1975, la population vivant dans des cortiços représentait presque 10 % de celle de la ville en entier. En 1980, cette population atteint pratiquement 18 %. En dix ans, il y a eu un accroissement de 8 %, presque doublant ainsi le nombre des habitants des cortiços. Cela se répète 35 dans la décennie suivante, avec une augmentation d’à peu près 10 %, atteignant entre 28 % et 30 % en 1990 (Piccini, 1999 : 57). La qualité de la vie et la condition du logement de la ville de São Paulo peuvent également être reflétées par le nombre actuel de ceux qui vivent sous les ponts. On compte 1 164 familles demeurant dans ces conditions (SEHAB, 2001), ce qui équivaut à environ 5 646 personnes. Ces personnes occupent 44 des 143 viaducs de la ville. Ce sont 44 occupations irrégulières spécifiques dans toute la ville. Tableau VI SÃO PAULO : ACCROISSEMENT DE LA POPULATION DES CORTIÇOS, 1975-2000 Année Population de la commune Population des cortiços 1975 1980 1991 7 327 313 8 493 226 9 646 485 681 440 1 503 301 3 466 252 Pourcentage de la population de cortiços par rapport à la population totale de la commune 9,3 17,7 28,0 – 30,0 Source : SEMPLA, 1990; IFF, 2000. Il s’agit d’une population logée dans des cortiço-ponts, dans des trous de dalles des ponts ou sans abri spécifique. Le dessous de deux ponts de São Paulo loge 1000 familles, chacun d’eux en abritant 500. Le reste est distribué entre les divers autres ponts de la ville (SEHAB, 2000; présentation du Secrétaire du logement et du développement urbain de la mairie de São Paulo dans le budget du logement de la Chambre municipale de la ville de São Paulo, 2001). 36 Figure XII HABITANTS DU DESSOUS DES PONTS Ipiranga - au sud-est de la ville Ipiranga - au sud-est de la ville Source : Tomás Moreira, 2002. En regroupant les habitants des favelas, des cortiços, de la rue et des ponts, on peut noter que cet ensemble représente presque plus de la moitié de la population de la commune de São Paulo. Toutefois ces différents statistiques font encore objet de débat, une fois qu’il y a d’autres estimations. Le portrait des diverses villes brésiliennes, en particulier celui des grandes métropoles18, n’est pas tellement différent. Ce portrait est devenu « normal », comme le soulignent Helena Menna Barreto da Silva et Maria Carolina Pozzi de Castro (1997), car au cours de ces quinze dernières années, l’offre de lotissements illégaux a dépassé la somme de tous les types d’unités de logement offertes par le marché privé légal. Comme le constate la CIBRASEC (Compagnie brésilienne de ‘Securitização’), 84 % des habitations sont à présent construites par les habitants eux-mêmes dans des conditions déplorables et dans des territoires illégaux et irréguliers de la ville (PNAD/IBGE, 2001). 18 Selon l'BGE, les 5 506 communes brésiliennes ont enregistré presque un million de domiciles en conditions précaires et 63 000 lotissements irréguliers. Il démontre que, des communes brésiliennes, 28 % ont des favelas, 10 % se trouvant dans des cortiços et 4,9 % possédant des lotissements illégaux. JANSEN Roberta, « Selon l'IBGE, 28 % des villes ont des favelas », Folha de São Paulo, 18 avril 2001. 37 Tableau VII SÃO PAULO : ACCROISSEMENT DE LA POPULATION HABITANT DES CORTIÇOS, FAVELAS, RUES ET SOUS LES PONTS, 1975-2000 Année Population des favelas sur la population totale Population de rue sur la population totale Population de cortiços sur la population totale 1975 1980 1991 2000 0,74 (1) 4,2 (1) 11,3 (1) 20 (6) 0,08 (3) 9,3 (1) 17,7 (1) 28 – 30 (1) - Population habitant sous les ponts sur la population totale 0,07 (4) Source : SEMPLA, 1990; Andréa Piccini. 1999 (1); IFF, 2000 (2); Schor, 2000 (3); SEHAB, 2001 (4), FIPE/SEHAB (5); LabHab (6). La problématique du besoin de logement ne peut être analysée séparément des problématiques concernant les immeubles vacants et l’accès au sol. Ce sont des conditions sine qua non pour comprendre le cadre du logement à São Paulo. La demande de logement urbain est, parmi les diverses carences de la population liées à l'habitat – transport, assainissement, approvisionnement d’eau et d’énergie électrique, entre autres –, celle qui apparaît avec une plus grande évidence. Ce problème demeure au centre des préoccupations de la population elle-même. Pendant la première séance de discussion du budget participatif à São Paulo, en mars 2001, cette carence a été définie comme l’une des principales nécessités à régler. Cela n’a pas été observé uniquement à São Paulo, mais aussi dans d'autres villes brésiliennes, Porto Alegre (Souza, 1997), Santo André (Gatti, 1999), Mauá et Ribeirão Pires, (Polis, 2000), entre autres. Plusieurs études sur le budget participatif signalent que la demande pour le logement urbain est au centre des préoccupations de la population, surtout celle qui possède un revenu familial entre zéro et cinq salaires minimums (Navarro,1997; Brunet, 1999; Polis, 2000). 38 Le budget participatif prévoit la participation de la population à la définition des priorités d’investissement, au suivi et à la surveillance de l'exécution budgétaire de la municipalité. Il se multiplie dans toutes les régions du pays et montre comment les pratiques démocratiques de gestion introduisent de profondes transformations dans la dynamique de l'administration municipale en construisant une nouvelle culture démocratique fondée sur la coresponsabilité sociale, l'affermissement de la citoyenneté et la solidarité. Il a déjà été appliqué à 120 communes brésiliennes et mis en valeur partout où il est pratiqué. Cependant, ce nombre est encore dérisoire en regard des 5 500 municipalités du pays (Polis, 1999). La grande quantité d’immeubles vacants qui, dans plusieurs villes brésiliennes, dépasse leurs besoins de logement, intrigue tous ceux qui observent les données de la situation du logement au Brésil. Nombreux sont les exemples de villes comme São Paulo, où le nombre de domiciles inoccupés est important, autour de 5 % (Moretti et Fernandes, 1999), et souvent équivalant ou supérieur aux besoins de logement. Tableau VIII BRÉSIL : DOMICILES INOCCUPÉS X BESOINS EN LOGEMENT, POUR HUIT RÉGIONS MÉTROPOLITAINES, 2001 Régions métropolitaines et RIDE (1) Domiciles inoccupés Valeurs de 2000 Besoins en logement Valeurs de 1991 Belém (PA) Belo Horizonte (MG) Fortaleza (CE) Porto Alegre (RS) Recife (PE) Rio de Janeiro (RJ) Salvador (BA) São Paulo (SP) 39 916 178 934 102 966 98 343 97 829 419 653 114 295 674 847 57 690 93 387 113 912 83 567 141 912 274 855 99 918 403 194 Source : IBGE, 2000; Prado et Pelin, 1993. Différence entre domiciles inoccupés et besoins en logement 17 774 -85 547 10 946 -14 776 44 083 -144 798 -14 377 -271 653 39 Le recensement de 2000 a dénombré 10,3 % des domiciles19 privés urbains du pays comme inoccupés, totalisant 4 579 000 (Fondation João Pinheiro, 1995; Bogus et Tascher, 1999). Parmi eux, 2 372 000 immeubles se trouvent dans la région SudEst. Le Nord-Est compte 176 000 immeubles vacants, tandis que le Sud en compte 561 000, le Centre-Ouest, 336 000 et le Nord, 233 000 (Ministério das Cidades, 2003). Dans les régions métropolitaines se trouvent des pourcentages élevés de domiciles inoccupés20. Des presque six millions de domiciles recensés dans la région métropolitaine de São Paulo, pratiquement 674 000 sont inoccupés. Cela correspond à 11,43 % des domiciles existants. De ceux-ci, 651 107 correspondent aux domiciles inoccupés urbains et 23 140, aux ruraux (IBGE, 2000). En observant les pourcentages de domiciles inoccupés, il est possible de constater que les besoins en logement de la ville de São Paulo correspondent aux domiciles inoccupés de la ville (Rolnik, 2001 : débat dans la Commission d’études de la région centrale – Conseil municipal de São Paulo). La commune de São Paulo, dans la région métropolitaine, est celle qui présente le plus grand nombre de 19 C’est le local structurellement séparé et indépendant qui doit servir de logement à une ou plusieurs personnes, ou utilisé comme tel. Les critères essentiels de cette définition sont ceux de séparation et d’indépendance. La séparation peut être comprise en tant qu’un local de logement limité par parois, murs ou haies, couvert par un toit, permettant à une ou plusieurs personnes qui y habiteront de s’isoler des autres pour dormir, préparer et/ou prendre ses repas et se protéger contre l’environnement, supportant ses frais d’alimentation ou de logement. L’indépendance peut être comprise en tant qu’un local de logement pouvant avoir un accès direct, permettant à ses habitants d’entrer et de sortir sans franchir le seuil des autres personnes. Le domicile n’est caractérisé correctement que si les critères de séparation et d’indépendance sont présents simultanément et appliqués à des unités résidentielles situées dans une même propriété ou sur un même terrain. 20 Les domiciles sont classés dans trois catégories : les domiciles fermés – dont les habitants étaient temporairement absents pendant toute la période de collecte des données; les domiciles d’usage occasionnel – qui, en date de la référence, servaient occasionnellement d’habitation, soit utilisés pendant les congés de fins de semaine ou pendant les vacances, ou encore à d’autres fins, même si en date de la référence leurs occupants occasionnels étaient présents; et les domiciles inoccupés – sans occupants en date de la référence, même si, postérieurement, pendant la période de la collecte des données, ils avaient été occupés (IBGE, 2000). 40 domiciles inoccupés, pour un total de 420 327. Seulement dans la ville de São Paulo, les immeubles « oisifs » pourraient abriter plus d’un million de personnes (IBGE, 2000). Dans ce processus de la « construction des villes », la capacité de subvenir à la demande de logements urbains a été très faible et, par conséquent, la « production croissante » d’habitants urbains exclus des processus réguliers d’accès au sol, au logement et à la ville a été assez forte. Presque personne n’échappe aux préjudices découlant de cette réalité. La société entière, et non seulement les classes sociales directement atteintes, paie cher la négligence des besoins en logement et l’absence d’une politique du logement. Les conséquences et l’impact de la production irrégulière et illégale de logement sont visibles. Les mauvaises qualités d’implantations des lotissements clandestins ont un impact direct sur toute la ville. Elles peuvent être déterminées par rapport à la question d’absorption d’eau et du drainage, par exemple. Le manque de qualité génère l’écoulement du sol en direction des fleuves de la ville, tout en engendrant la réduction de leur capacité de rétention dans des périodes de pluie. L’impact dans ces périodes est le nombre d’inondations dans diverses parties de la ville. Le manque de production de logements privés pour la classe sociale de 8 à 12 salaires minimums est aussi un autre élément de la conséquence de la production irrégulière et illégale de logements. Cette classe sociale n’ayant que peu de choix tend à acheter les bâtiments construits pour les couches de plus bas revenu qui, à leur tour, retournent dans des lieux de plus basses conditions d’habitabilité ou produisent de nouveaux espaces irréguliers et illégaux de logement. Pour bien comprendre cette situation, il faut simplement analyser la question de la politique du logement. 41 1.3 L’absence ou la fausse politique du logement Y a-t-il ou non une politique du logement consistante et en vigueur au Brésil? Répondre à cette question n’est pas une tâche facile. Toutefois, une discussion sur ce sujet est cruciale pour comprendre la situation du logement à São Paulo et d’où viennent les besoins en logement. Il existe différents avis sur ce sujet, mais la plupart mènent à une même constatation : l’absence d’une politique du logement aux échelons fédéral, provincial et communal. Cette lacune ne signifie pas qu’il n’y ait pas eu d’actions visant à corriger le problème, ni même de politiques spécifiques de logement au Brésil; ou encore qu’il n’y ait pas actuellement de politiques de logement aux différents échelons de gouvernement. Ce qu’on note plutôt, c’est l’absence généralisée de politique consistante, durable et articulée entre les ordres de gouvernement, engageant les différents acteurs sociaux. Dépourvues ou dégradées21 : ces qualificatifs sont pertinents pour 21 Ces qualificatifs peuvent être facilement compris par les contrastes de la société brésilienne. Le Brésil se caractérise par un contraste brutal entre ses indicateurs économiques qui font de lui la huitième économie industrielle du monde occidental (Sachs, 1999), un des pays émergents en développement. Toutefois, cette croissance n’a pas été suivie de réformes sociales et politiques, continues ou durables, comme la politique du logement. Elle a été suivie d’une forte concentration de revenus, de pouvoir et de connaissances (Arantes, Maricato et Vainer, 2000), pour ne pas dire d’une « exaspération » des conditions jusqu’alors existantes. Les indicateurs socioéconomiques font également le tour de l’autre face du pays, qui occupe la 79e place dans les Indices du développement humain de l’ONU, étant le cinquième pays en risques d’investissement. Ce contraste constitue le trait essentiel de son modèle de développement fondé sur la croissance des inégalités. À propos de cette définition, Otilia Arantes (2000) souligne que le pays représente un retour au piège classique du sous-développement, soit un retour à la modernisation sans développement et, donc, sans aucune homogénéisation sociale. Plutôt que d’un retour, il est possible de parler d’un processus continu de modernisation sans développement ou d’un accroissement appauvrisseur (Sachs, 1999). La conjonction de l’accroissement appauvrisseur montre un puissant mécanisme d’exclusion sociale et de ségrégation spatiale dans les villes brésiliennes – comme il est possible de le voir dans la ville de São Paulo – qui reflète les caractéristiques d’une société radicalement inégale. Les villes non seulement reflètent passivement cette marque, mais encore constituent des processus actifs de reproduction des inégalités (Maricato, 2000). La modernisation du pays a été conservatrice et fortement exclusive. Les problèmes qui affectent une grande partie 42 comprendre la situation brésilienne des politiques du logement et pour la représenter. Il n’y a pas, de façon générale, de politique du logement qui puisse conduire à une amélioration substantielle des conditions de logement. Cette situation n’est pas nouvelle. Jusque dans les années 198022, il y avait la BNH (Banque nationale d’habitation) qui était loin de satisfaire les besoins de logement de la population, mais qui présentait une proposition de politique nationale de logement (Maricato, 1983, 1987 et 1999; Guglielmo, 1988; Ribeiro et Azevedo, 1996; Sachs, 1999; Bonduki, 2000; Bueno, 2000; Souza, 2000; Amaral, 2001). À l’époque, la BNH était l’unique responsable des politiques de logement aux échelles nationale, étatique et municipale. Cependant, la politique du logement de la période du gouvernement militaire a été un outil très important et puissant de la politique économique, tourné surtout vers la création d’emplois dans l’industrie et dans la construction civile, aussi bien que vers l’affermissement et la modernisation de ce secteur (Maricato, 1999). La BNH a plutôt financé les classes moyennes et aisées, les soutiens du régime dictatorial. Comme le disent bien Luiz César de Queiroz Ribeiro et Sérgio de Azevedo, cette politique du logement a présenté un caractère « redistributif à l’envers » (Ribeiro et Azevedo, 1996). Cette politique, fonctionnant comme un mécanisme supplémentaire de concentration de revenus, a contribué à aggraver la ségrégation et l’exclusion sociale. de la population brésilienne sont structuraux et ont des racines historiques profondes. Ils découlent de l’action d’une élite puissante et des politiques prédatrices. 22 Entre 1930 et 1980, le Brésil a vécu plus de la moitié du temps sous le régime de l’exception ou de la démocratie restreinte, où les deux traits essentiels de son modèle de développement étaient très forts : l’exclusion sociale et la ségrégation spatiale. Le résultat fortement marquant a été l’analphabétisme et l’ignorance où étaient plongés d’amples secteurs de la société. Actuellement, la violence urbaine et les conditions d’habitabilité sont les plus grandes lacunes brésiliennes. 43 La politique établie a été très critiquée par différents auteurs, mais en même temps, elle fut citée comme étant, d’une certaine façon, la seule politique vraiment structurée au Brésil (Bonduki, 2000). Aujourd’hui, il n’y a plus rien; seul un vide dans ce secteur (Bonduki, 2000). Depuis la fermeture de la BNH, l’adoption de programmes de logements ne réussit pas à générer des impacts quantitatifs et qualitatifs significatifs, bien qu’il n’y ait pas eu non plus une position différenciée par rapport à la problématique du logement. Sans l’adoption de politiques du logement et de programmes consistants et durables d’offres de nouveaux logements, la population continuera à chercher, elle-même, des solutions dans des territoires irréguliers et illégaux et de façon précaire. En 1964, lorsque la BNH fut créée, elle avait pour objectif apparent la construction de logements pour la population à faibles revenus. Cette banque a compté sur des ressources du FGTS (Fonds de protection aux travailleurs pour temps de travail), ainsi que sur des ressources volontaires provenant des dépôts à la caisse d’épargne. Cependant, ces ressources ont plutôt été destinées aux classes les plus riches et aux travaux d’infrastructure et d’assainissement. Pendant la période d’activités de la BNH et du SFH (Système financier du logement), s’est réalisé le financement de 4,5 millions de logements, de 1964 à 1985, une quantité assez importante et significative dans l’histoire brésilienne. Néanmoins, il faut préciser que le SFH n’a financé qu’un tiers du total de la production des logements bâtis, que ce soit des logements produits par le marché privé ou par le marché non privé, illégal. En plus de cette pénible constatation, il faut ajouter que moins de 13 % des ressources du système ont été affectées aux ménages dont le revenu mensuel ne dépassait pas cinq salaires minimums. À partir de la compréhension de la production de la BNH ayant en vue les tranches de la population plus aisée, il est possible de percevoir sa faible capacité d’agir auprès des populations aux plus maigres revenus. Selon Tascher (2000), 44 entre 1964 et 1985, la BNH a financé 3,2 millions d’unités pour des familles de revenus supérieurs à cinq salaires minimums, contre 1,2 million d’unités à des familles gagnant jusqu’à cinq salaires minimums. Comme cette politique avait pour principe la propriété privée du logement, les tranches de la population aux plus faibles revenus pouvaient difficilement bénéficier d’un financement du SFH. Au milieu des années 1970, le modèle de développement de la période militaire montrait les premiers symptômes de débâcle. Les conditions de vie urbaines sont devenues de plus en plus problématiques. La pauvreté de la population et le coût des services d’infrastructure ont rendu précaires les conditions de logement. Ce phénomène se reflète dans l’augmentation des favelas dans les principales villes brésiliennes. La crise économique des années 1980 a fini par faire éclater le système de la BNH. Il a pris fin en 1986, et ses contrats et ses fonds ont été transférés à la CEF (Caisse d’épargne fédérale). La récession économique a presque paralysé le secteur, et toutes les possibilités de nouveaux financements aux couches populaires ont été fermées, par résolution de la Banque Centrale. En établissant le bilan des activités de la BNH, il est possible d’affirmer que son action sociale a été assez faible; 33,6 % des unités de logement ont été destinées aux secteurs populaires. La population ayant de un à trois salaires minimums de revenu mensuel a été bénéficieé de moins de 6 % du total des unités de logements. Après la fermeture de la BNH, et en raison du transfert de la gestion du FGTS à la Caisse d’épargne fédérale, dont le recouvrement est entré en déclin tout au long des années 1980 à cause de la crise économique, aucun nouveau projet consistant et durable de politique du logement n’a vu le jour dans le pays. Outre la Caisse d’épargne fédérale, la Banque Centrale et le Conseil monétaire national sont aussi devenus responsables de certaines branches de l’ancienne politique du logement (Amaral, 2001). Cela indique qu’il y a eu une dispersion des politiques de logement (Bonduki, 2000). 45 Pendant la période qui a suivi le régime militaire, de 1986 à 1998, le SFH a construit environ deux millions de logements. Ce chiffre est important, mais bien faible par rapport aux millions de logements urbains bâtis dans la même période (SEDU, 1999). Dès lors, le pays reste plongé dans un processus de désarticulation institutionnelle pour gérer la politique du logement. En outre, selon Maricato, ce qui s’est passé au cours des années subséquentes au régime militaire, c’est en vérité une politique du logement régie par une alliance d’intérêts clientélistes des secteurs du capital de promotion immobilière comme celui de la construction (Azevedo, 1996; Maricato, 1999). En effet, il y a eu, dans les périodes subséquentes, une politique du logement complètement détériorée. Dans les décennies 1980 et 1990, en fonction de la demande croissante de logements, les provinces et les communes commencent à participer de plus en plus à la formulation de la politique du logement. Ils essaient de mettre au point des programmes stratégiques à court terme, car il est très important de fournir des réponses immédiates aux besoins existants. Malgré l’absence d’une politique nationale consistante et durable, il y a eu quelques expériences de politique de logement à l’échelon municipal, comme il est possible de le noter à São Paulo. La politique de São Paulo a eu lieu dans le contexte d’expansion23 et d’occupation de la périphérie de la ville. C’est un modèle qui a été l’empreinte principale de la formation de la ville de São Paulo, dont témoignent les ensembles de logements sociaux municipaux et de l’État : COHAB (Compagnie municipale du logement de São Paulo), SEHAB (Secrétariat du logement et du développement de la commune de São Paulo) et CDHU (Compagnie du développement urbain et du logement), ainsi que les lotissements populaires illégaux et les favelas dans tous les coins de la ville. 23 En raison de cette forme d’expansion, la zone urbaine de la commune de São Paulo est passée de 180 km2 en 1930 à 700 km2 en 1965, pour en arriver à 900 km2 en 1988 et à 1 200 km2 en 2002. 46 1.4 La politique du logement à São Paulo À la fin des années 1980 et début des années 1990, l’Administration de Luiza Erundina a mis en place, pour la première fois, une politique du logement dans la ville de São Paulo, après la fin des activités de la BNH. Cette politique du logement a été orientée vers le droit à la terre, à la ville et à la citoyenneté, ainsi que vers le droit à la participation de la population dans les formulations, les mises en œuvre et les décisions des programmes de logement. Ce gouvernement s’est démarqué par le compromis d’inversion des priorités d’investissement et d’interventions dans la ville qu’il a mis de l’avant. Les interventions publiques municipales, à la fin des années 1980, révèlent une tendance à la mise en œuvre d’ensembles de logements sociaux dans des zones plus centrales et dans le nœud intermédiaire de la ville, où l’infrastructure et la suprastructure ont été plus consolidées. Cette action publique modifie le processus établi jusqu’à présent : celui de la mise en œuvre des ensembles dans la périphérie de la ville et à grande échelle. Cette caractéristique du gouvernement a été accompagnée d’une autre tout aussi importante, soit le compromis d’attendre les grandes demandes sociales de logement : une politique de participation populaire. Ce compromis a répondu à la demande des mouvements sociaux qui, tout au long des années 1980, se sont fortifiés24 en revendiquant de meilleures conditions urbaines et, parmi elles, celles liées au logement. Au début du mandat de ce gouvernement, le Surintendance du logement social (HABI) a été responsable de la conception et de l’application de la politique du logement. Les principales actions de la HABI étaient l’administration du FUNAPS communautaire (Fonds d’assistance à la population habitant des logements 24 Luiza Erundina, représentante le Parti des Travailleurs, a été élue dans ce cadre de fortification des mouvements sociaux. 47 précaires) et la diversification des programmes pour la population à faible revenu, avec la participation populaire, bien qu’il existait des partenariats avec les agents privés. Dans l’élaboration de la politique du logement, le gouvernement a donné priorité à l’utilisation des ressources municipales pour la production de logements d’intérêt social à la population de faible revenu, de zéro à cinq salaires minimums. Ce choix a été établi alors que les ressources fédérales et étatiques étaient presque inexistantes. Une grande quantité des ressources est venue des Operações Interligadas25 (Opérations interliées), qui ont visé 6 800 unités de logement pour la population habitant des zones de risques reconnues. Le tableau d’évolution du budget de la HABI et du SEHAB démontre l’inversion des priorités réalisées par ce gouvernement, en permettant des projets et actions pour favoriser le logement d’intérêt social (tableau IX). L’augmentation des ressources destinées au logement a été très importante pour l’implantation de la politique du logement établie par l’Administration Luiza Erundina (Parti de Travailleurs), 1989-1992. Tableau IX SÃO PAULO : ÉVOLUTION DE LA PART DE LA HABI ET DU SEHAB DANS LE BUDGET DU PROGRAMME DE LA MAIRIE, 1987-1992 Gouvernement Année Jânio Quadros 1987 1988 25 Participation de HABI (%) 0,51 0,78 Participation du SEHAB (%) 4,52 1,77 Les Operações Interligadas correspondent à des opérations du marché immobilier, où un entrepreneur, propriétaire d’un immeuble, peut obtenir un permis de construction plus élevé que celui défini par la législation. Il existe une législation spécifique qui règle cette façon de faire en permettant l’augmentation de la construction en mètres carrés. Pour que cette procédure soit valable, il doit y avoir un accord avec la mairie. La permission de construction en mètres carrés, supérieure à la législation générale, est compensée par un paiement, à être défini en fonction des mètres carrés, ou par la construction de logements d’intérêt social, qui doivent être remis à la mairie. 48 Luiza Erundina 1989 1990 1991 1992 0,33 4,19 5,15 2,14 1,29 4,95 7,77 4,54 Source : Le Budget participatif de 1987 et 1992; PMSP, 1992. Les nouveaux programmes développés et mis en application avaient comme objectif de favoriser des conditions adéquates de logement, d’améliorer la qualité des logements et de l’ensemble des constructions, tout en cherchant à valoriser le projet architectural et urbanistique. Dans ce but, des solutions originales de projets architecturaux et urbanistiques ont été développées, à des coûts relativement peu élevés et différenciés quant à l’implantation urbanistique, jumelées à des processus de construction, des typologies et des choix de matériaux spécifiques pour la construction. La priorité fut accordée aux interventions dans les espaces urbains vacants, par l’expropriation de terrains, favorisant la production de logements insérés dans le tissu urbain consolidé. Ce processus a été renforcé au cours du mandat de ce gouvernement, contrairement à ce qu’il a été coutume de faire pendant les années précédentes, résultat de la politique de la BNH, où la majorité de la production de logements a eu lieu en dehors de la ville et dans de grands ensembles de logements. En ce qui concerne la consolidation de la participation populaire et du contrôle social dans la politique du logement de São Paulo, ce gouvernement l’a assurée par le droit à la justice sociale et à la défense du droit à l’utilisation du sol. Pour cela, il a créé des conventions avec des institutions d’assistance juridique, qui rejoignaient des individus et des associations d’habitants dans toute la ville. Il a garanti la participation par le biais du FUNAPS communautaire, qui envisageait de stimuler l’autogestion de la production de logements financée par la commune. Pour cela, le FUNAPS communautaire proposait l’établissement de 49 partenariats entre des associations d’habitants, des organisations non gouvernementales et l’administration publique dans le processus de production de logements. La création d’un Conseil municipal du logement (CMH) populaire à São Paulo a été amplement discutée comme forme d’institutionnalisation de la participation populaire. Ce débat a engendré une proposition d’articulation entre les conseils régionaux et thématiques, définis en fonction des caractéristiques du logement de la ville : favelas, cortiços, habitants de rues, entre autres. Ces conseils devaient être composés par des représentants de différents groupes sociaux et des institutions. Ils avaient comme mandat de formuler la politique du logement de la ville et d’en discuter. Ces conseils ont proposé la création du Conseil municipal du logement populaire. Cependant, celui-ci n’a pas été approuvé par la Chambre municipale de la ville de São Paulo; il n’a donc pas pu être implanté sous l’Administration de Luiza Erundina (Parti de Travailleurs). L’Administration de Luiza Erundina, 1989-1992, a engendré de nouveaux paradigmes pour la politique du logement (Bueno, 2000; Amaral, 2001), qui n’ont pas eu de suite. Au cours des années suivantes, sous les Administrations de Paulo Maluf (Parti Progressiste Brésilien), 1993-1996, et de Celso Pitta (Parti Progressiste Brésilien), 1997-2000, « la priorité [de ces gouvernements] a été le démantèlement de la politique municipale du logement » établie par le gouvernement de Luiza Erundina (Amaral, 2001 : 22). Ces Administrations n’ont pas donné suite à la politique du logement et n’en ont pas établi une. Un des problèmes principaux de la fin de cette politique et de l’absence d’une nouvelle, si c’était le cas, a été l’interruption de tout le processus de participation sociale établi par l’Administration précédente. En effet, les dialogues avec les mouvements populaires ont été complètement rompus. Les autres « ruptures » faisaient référence à l’élimination des divisions régionales de services, au 50 démantèlement des travaux de construction entrepris et au fait de paralyser plusieurs entreprises responsables de la construction de logements. Les programmes en place ont aussi été interrompus, comme celui de l’approvisionnement des cortiços, c’est-à-dire de l’amélioration des conditions d’habitabilité, et celui de l’assistance juridique. Les conséquences de l’interruption de la politique et du manque de quelque indice d’une nouvelle ont entraîné la multiplication des favelas sur une courte période, bien que les habitants des logements provisoires y soient restés, en situation extrêmement précaire. L’absence d’une politique du logement a contribué à la détérioration des conditions de vie d’un nombre important de personnes. La seule initiative des Administrations Maluf (1993-1996) et Pitta (1997-2000), dans le domaine du logement, a été celle du Projet Cingapura. Celui-ci consistait en l’établissement d’un programme spécifique de production de logements, mais il n’a pas répondu aux besoins de la population à faible revenu. Le Projet Cingapura a présenté de graves problèmes de coûts unitaires, malgré des dénonciations d’irrégularités dans les contrats et dans la relation avec la demande. Un exemple du mauvais fonctionnement et du résultat de ce programme a été, après occupation des logements, un gros transfert des unités de logements vers les classes sociales au pouvoir d’acquisition plus élevé; 32 % des unités ont été transférées, et leurs habitants originaux sont retournés vers les favelas. Cette population s’est peut-être déplacée vers d’autres favelas, mais une grande partie y est restée, occupant ce qui restait d’espaces vides ou alors bâtissant sur des taudis déjà existants. De plus, le nombre d’unités produites était dérisoire devant l’ampleur de la demande. Ce Projet ne s’est pas présenté comme un programme à caractère populaire pour la population à plus faible revenu. La raison de la mise en place de ce programme 51 était davantage marquée par le marketing politique. Pour cela, ce programme a été enveloppé d’un discours idéologique. L’intérêt idéologique a été de construire une image de production de logements qui accordait une visibilité au gouvernement26 et à ses différentes actions. Une autre raison très importante de la mise sur pied du Projet a été le lien direct avec la création du Fonds municipal du logement (FMH) et du Conseil du Fonds municipal du logement (CFMH) dans la ville de São Paulo. La création et la mise en place du Fonds municipal du logement et du Conseil du Fonds municipal du logement dans la ville de São Paulo n’ont pas été le résultat d’un processus de construction d’une politique de logement participative, comme ce fut le cas avec l’Administration précédente. L’apparition de ceux-ci est due non pas aux suites de la politique de participation du gouvernement précédent, mais plutôt au fait qu’ils devaient être mis en place, et pas nécessairement en activité, pour que la ressource financière internationale soit destinée au Projet Cingapura (Arantes, 2004). Il est ainsi possible d’entrevoir l’absence d’acuité dans la formulation d’une politique du logement pour la commune de São Paulo, pendant cette période de l’Administration Malut et Pitta, de 1993 à 2000. Et il est pertinent de dire que ce Projet Cingapura, dans son « but idéologique » de remédier aux besoins des classes les plus défavorisées de la population et de consolider un supposé gouvernement démocratique, tourné vers la ville réelle et l’intérêt social, a fini par construire une « façade sociale ». 26 Cela fut fait en concentrant l’ensemble des logements (produits par le marché privé) dans des favelas – situées dans des zones de flux intense, d’une grande circulation de véhicules et utilisées par les classes les plus riches de la population de la ville de São Paulo – et en les localisant dans les parties les plus visibles de chaque favela. 52 Tableau X SÃO PAULO : RESSOURCES VERSÉES PAR LA COHAB ET PAR LE SEHAB POUR LA PRODUCTION DE LOGEMENTS, 1990-2001 En reais (mille) URP 30/04/01 = R$ 16,93 50000 45000 40000 35000 30000 25000 20000 15000 10000 5000 0 9 19 0 19 92 19 94 19 96 98 19 0 20 0 Source : Élaboré au cabinet du conseiller municipal José Eduardo Martins Cardoso, 2000. Mis au point par le cabinet du conseiller municipal Nabil Bonduki, 2001. Ce projet s’est soldé par un échec et, en même temps, en un exemple de l’absence d’une politique du logement. Nous pouvons observer la conséquence de la conduite de ces Administrations, tout en notant la libération de ressources dans le domaine du logement, par le biais des ressources versées par le SEHAB et la COHAB, de 1990 à 2001 (tableau X). Les logements construits pendant le mandat du gouvernement d’Erundina, de 1989 à 1992, jouissaient de niveaux de financement très élevés; mais dans les années suivantes, avec Paulo Maluf (1993-1996) et Celso Pitta (1997-2000) l’octroi de montants voués à cette fin est devenu très restreint. Ce qui s’est passé, c’est un changement de point de vue concernant les priorités d’investissements dans le logement et, en conséquence, en matière de politique du logement. 53 La politique fondée sur la décentralisation, la participation populaire, le partenariat avec des organisations non gouvernementales, le respect de l’environnement et la recherche du droit au sol, à la ville et à la citoyenneté a été détruite pendant la décennie 1990 à São Paulo27. Dans ce processus, il est nécessaire de remettre en question la politique foncière urbaine par rapport à la politique du logement au cours des mandats de ces gouvernements. L’insuffisance de l’offre de terrains urbanisés à un prix accessible pour la population à faible revenu est l’une des questions les plus importantes en ce qui concerne la politique foncière (Smolka et Cenecorta, 2000), l’accès limité au sol étant le principal mécanisme d’exclusion sociale des populations à faible revenu. Les terrains – pourvus de services, d’équipements et d’infrastructures – sont devenus de plus en plus chers, obligeant ceux qui n’ont pas de ressources à chercher des lieux de plus en plus éloignés et précaires. Assurer l’accès au sol pour celui qui en a besoin constitue le point de départ de toute politique du logement. Il est impossible d’affirmer qu’une politique foncière a réellement existé à São Paulo pendant les activités de la BNH. Et, au cours de la décennie 1990, il y a eu des variations considérables à propos de cette politique. Pendant la politique régie par la BNH, les actions pour résoudre le problème foncier étaient surtout définies par les intérêts économiques, sans prendre en considération les intérêts sociaux, comme celui du besoin d’insertion de la population dans la ville (Silva, 2000). Comme l’indique Helena Menna Barreto da Silva, du total des zones acquises pour construire des logements d’intérêt social par la COHAB, 30 % n’étaient pas appropriées à cette fin; elles sont donc restées inutilisables. Cela est dû au fait 27 Contrairement à cette ville, d’autres ont établi des politiques du logement plus consistantes et durables, comme Diadema, Santo André (Amaral, 2001), Belo Horizonte et Porto Alegre (Tarso, 1999). 54 que la supposée politique en vigueur était en vérité rattachée aux intérêts économiques et de développement de l’industrie de la construction. Les bas prix des terrains ont permis que la plus grande partie des financements soit tournée vers la construction et, par conséquent, canalisée dans les entreprises de construction. C’est ainsi que la politique foncière est restée liée à la politique économique et non pas à une politique de logement, pendant toute la période de fonctionnement de la BNH. Ce processus contribue à la compréhension de l’absence permanente de politique foncière, liée aux politiques urbaines et du logement, aux différents ordres de gouvernement. En effet, cette politique a toujours été reléguée et mal considérée en tant qu’élément essentiel pour le début des interventions en logement social. La construction de grands ensembles résidentiels, particulièrement dans la périphérie de la ville de São Paulo, avec l’étalement horizontal de son réseau urbain, a été très répandue. Nombre de terrains acquis étaient de très mauvaise qualité et parfois inutilisables28. Ils étaient situés dans des zones à risques, des zones de protection de l’environnement, de haute déclivité, de sols impropres et dans des zones rurales. Ce processus a ainsi favorisé la constitution de stocks de terrains vacants pour valorisation. C’est en vertu de ce processus de construction massive dans la périphérie qu’il y a eu des gains immobiliers élevés dans les tranches de moyen et de haut revenus. Dès que ces grands ensembles étaient construits et que les services d’infrastructure et de superstructure étaient implantés, les terrains 28 Les terrains sélectionnés à São Paulo, d’une bonne qualité pour y implanter des ensembles résidentiels, n’étaient pas toujours analysés avec pertinence. Cela veut dire que l’étude consacrée aux terrains était superficielle soit concernant leur capacité d’utilisation, leur localisation, leur insertion dans le réseau urbain, leur qualité du sol, leur capacité d’implantation, le nombre de familles, soit concernant le projet, le terrassement ou la relation entre les coûts. Dès lors, la population à faible revenu a été généralement renvoyée vers la périphérie des villes, en raison du prix excessif de l’appropriation de la terre. De grandes régions de zones occupées par les couches les plus pauvres de la population se sont ainsi formées. 55 vacants prenaient de la valeur, et les gains du marché immobilier étaient évidents. Ce processus périphérique de construction a été hautement stimulé par les spéculateurs fonciers (Castro, 2001). La marque de la spéculation immobilière qui subite jusqu’à aujourd’hui et qui modèle la structure de l’espace urbain laisse croire de façon évidente qu’il y a toujours eu une forte soumission du foncier au capital29. Les modèles qui se sont consolidés dans cette période ont laissé des marques profondes dans les villes brésiliennes. La spéculation immobilière reste encore aujourd’hui le « nœud » qui empêche le flux du développement juste et social de la ville. À partir des années 1980 et avec la fin des activités de la BNH, quelques expériences ont lieu relativement à la structuration d’une politique foncière (Alfonsin, 1999; Castro, 2001; Silva, 2001). Des gouvernements municipaux et des États plus progressistes et soucieux de la question du logement essaient d’orienter leurs réflexions vers des actions spécifiques et des instruments urbanistiques capables de créer des conditions favorables à la résolution du problème foncier. Comme exemple de gouvernement s’efforçant d’agir sur les questions foncières de la municipalité, citons le gouvernement30 de Luiza Erundina, à São Paulo, de 1989 à 1992 (Silva, 2000). Pendant le mandat de l’Administration Luiza Erundina, les actions envisageant la construction et l’institution du droit à l’occupation du sol sont multiples. Pour en arriver là, différents moyens ont été proposés. Bien qu’aujourd’hui l’expropriation ne soit plus un moyen d’action vigoureux, il s’agissait, à ce moment, d’un 29 C’est un thème qui a été traité par plusieurs chercheurs, sous différents aspects. Parmi ces auteurs, on relève : Ana Fani Alessandri Carlos, Betânia de Moraes Alfonsin, Ermínia Maricato, Flavio Villaça, Luiz César de Queiroz Ribeiro, Odette Seabra, Pedro Abramo et Nelson Baltrusis, entre autres. 30 Il est possible de citer aussi les gouvernements de Celso Daniel, à Santo André, 1989-1992 et 1997-2004 (Denaldi et Spertini, 2001), de De Felippi, à Diadema, 1993-1996 et 2001-2004 (Laila, 2000), de Tarso Genro et Raul Ponte, à Porto Alegre, 1989-2004 et de Célio de Castro, à Belo Horizonte, 1997-2004. 56 instrument important (Moreira, 2000). Outre cela, il y a eu d’autres expériences très importantes lors de l’établissement d’une politique foncière sous le gouvernement de Luiza Erundina. Il s’agit de la régularisation foncière31 des favelas et de l’appui aux organisations d’assistance juridique pour la population à faible revenu. Ces actions ont essayé d’assurer juridiquement le droit au logement à la population qui a originalement occupé les terrains publics ou privés. Ces actions ont été les plus efficaces pour aider les habitants dans la transition de l’irrégularité vers la régularité (Alfonsin, 1999; Lomar, 2001). Une autre explication de ces actions se trouve dans la difficulté d’obtenir des terrains pour la construction de nouveaux ensembles résidentiels d’intérêt social. Toutefois, il faut remarquer que ces actions, aussi efficaces qu’elles aient été, portent en elles une contradiction et des effets pervers pour la mise au point d’une politique du logement et foncière d’inclusion. Comme le souligne Helena Menna Barreto da Silva, elles consolident la logique de l’exclusion : « Consolider la population la plus pauvre où le marché a permis qu’elle s’installe » (Silva, 2001: 1521). Dans le but de répondre aux demandes d’amélioration de logements, de « provision » de logements et d’accès aux terrains urbanisés, sans compter la qualité de vie de la population, il n’est plus possible de nier le besoin d’apporter des améliorations dans les occupations elles-mêmes. De nos jours, traiter de l’inclusion sociale, c’est accepter la production non officielle, même dans des espaces non officiels, tout en favorisant l’aménagement de ces espaces. 31 Le terme régularisation foncière est ici entendu comme étant le processus d’intervention publique (sous les aspects juridique, physique et social) visant à légaliser la permanence des habitants des zones urbaines occupées, en désaccord avec la loi, et visant à améliorer le milieu urbain de l’établissement, dans la récupération de la citoyenneté et de la qualité de vie de la population bénéficiaire (Alfonsin, 1999, p. 16). 57 Quelques instruments urbanistiques ont aussi été proposés pour cela32 par le gouvernement de Luiza Erundina, 1989-1992 : la ZEIS – Zones spéciales d’intérêt social33. Cet instrument34 visait à reconnaître la forme d’occupation du sol illégale (Rolnik, 1997; Alfonsin, 1999; Mourad, 2000). À São Paulo, l’Administration de Luiza Erundina (1989-1992) a essayé d’implanter les ZEIS35. Cependant, cet instrument n’a pu être institué et mis en place, puisque la Chambre municipale de la ville de São Paulo ne l’a pas approuvé. La ZEIS est instituée uniquement en 2004, pendant l’Administration Marta Supplicy (Parti de Travailleurs), 2001-2004. Les principales actions entreprises par l gouvernement de Luiza Erundina, qui a essayé d’instaurer une politique foncière, ont été l’établissement de critères de sélection et de stratégies dans l’acquisition de terrains privés, de critères urbanistiques et d’études de faisabilité économique pour l’occupation des terrains. En outre, il faut citer la mise en œuvre de projets résidentiels qui satisfaisaient aux normes légales et aux critères urbanistiques, ce qui a entraîné de meilleures conditions pour établir le processus de régularisation juridique. Il faut aussi citer 32 La première proposition de création de zones spéciales pour logements d’intérêt social destinées à la population à faible revenu a eu lieu à Recife, avec la PREZEIS – Plan de régularisation des zones spéciales d’intérêt social, en 1983 (Morais, 2000; Rolnik, 2001). 33 Cet instrument propose de donner un traitement et un régime urbain spécial sur le territoire, dispensant d’observer les règles du Code des Travaux ou de la Division en zones d’usage du Plan directeur de la ville. Les ZEIS deviennent une espèce de région libérée des règles formelles d’usage et d’occupation du sol, sauf de cette super-directive qui la marque comme étant d’intérêt social (Alfonsin, 1999 :19). 34 Cet instrument est devenu une référence importante pour les diverses villes brésiliennes, car il est conçu en tant qu'instrument innovateur, dans le contexte de la planification urbaine, dans la mesure où il rompt avec la dynamique ségrégationniste des zones d’usage traditionnel (Laila, 2000). 35 De façon générale, les ZEIS ou AEIS (Aires spéciales d’intérêt social) font toutes référence à la définition de zones, sur le territoire, qui doivent être affectées aux logements d’intérêt social. Différents types de zones peuvent être définís : des zones concernant les vides urbains dans la ville, des zones pour l’urbanisation de favelas, des zones pour les cortiços et, plus récemment, des zones pour réaménagement. Toutefois, malgré tous les efforts et leurs effets, ces instruments, d’après Rosana Denaldi et Solange Salerno Spertini (2001), n’ont pas été suffisants pour promouvoir la régularisation des établissements populaires. Peu de résultats ont été atteints en vertu du processus de régularisation foncière et de l’adoption des ZEIS ou AEIS dans plusieurs villes. 58 l’importance accordée à la coordination de la politique d’acquisition et du processus d’expropriation. Les Administrations de Maluf et Pitta, contrairement à la précédente, n’ont présenté aucun respect pour la problématique foncière. Elles ont surtout contourné cette problématique, quelles que soient les actions établies à propos d’une politique foncière pour la ville. Essentiellement, il n’y a pas eu de compréhension de la gestion du sol urbain et de l’expropriation36, qui a été rare pendant ces Administrations, mais qui est devenue la pièce maîtresse possible de l’établissement de la politique foncière. Les perspectives de politiques mises en place par ces Administrations incitent à admettre que les politiques sociales développées jusqu’alors ont fait preuve de fragilité dans leur effort de faire revenir en arrière des mécanismes d’exclusion sociale et de ségrégation spatiale. En effet, en même temps que ces Administrations développaient une politique du logement pour légitimer leurs gouvernements, l’État a contribué à aggraver différents problèmes : l’affermissement des mécanismes d’exclusion par sa politique économique, cause d’une structure de revenu inégale à l’extrême; la priorité à l’encouragement de l’industrie de la construction civile, par le financement de logement des classes moyennes et supérieures au détriment du logement social; enfin, la tolérance de la spéculation foncière, entre autres. 36 Cela a causé de gros problèmes, au point que la plupart des communes ne se servent plus si souvent de cet instrument. Néanmoins, peu nombreux sont ceux qui savent exactement ce qui s’est passé avec les expropriations et quelles sont leurs implications pour les politiques publiques. La vision de l’expropriation est reconnue pour engager le processus de construction de logements d’intérêt social. Après le permis d’usage du terrain, qui accompagne rarement le règlement définitif et complet de la zone, peu de valeur est donnée à son déroulement. Le suivi est relégué au second plan, et on ignore comment cela se passe et quelles sont les conséquences qui peuvent en découler. C’est ainsi que le pouvoir public brésilien finit par violer systématiquement la Constitution, en ne réglant pas à l’échéance leurs dettes aux créanciers découlant de procédures judiciaires. L’escroquerie officielle est permanente. 59 La conséquence immédiate de cette situation s’est manifestée par les fréquentes occupations des sans-terre de la ville, qui ont rendu publique l’inexistence de politiques foncières et de logement. L’absence d’une politique du logement et d’une politique foncière a contribué à définir les occupations illégales de terrains, spontanées ou organisées, comme étant un nouvel élément du modèle de développement urbain à São Paulo37 et un élément fondamental pour la compréhension de l’urbanisation à São Paulo. Cela parce qu’elles représentent plutôt la règle que l’exception des formes de provision de logements (Maricato, 1999). Il est ironique de constater que l’accroissement urbain a eu ce biais, mais il s’agit d’une réalité visible pour tous. Les occupations de terres urbaines sont des marques typiques jusqu’à la fin du XXe siècle et continuent de représenter la structure en ce début de siècle. Il suffit de vérifier les actuelles occupations qui ont lieu au centre de la ville. 1.5 Les occupations en réaction à la politique du logement à São Paulo Contraints par l’absence de politiques de logement et foncière, par l’augmentation des loyers ainsi que par les difficultés d’accès aux logements, financés par les pouvoirs publics, des dizaines voire des centaines d’individus, par le biais de plusieurs actions – rapides, collectives et organisées – ont occupé des terrains vacants ou des immeubles vacants ou sous-utilisés38, fréquemment au centre-ville ou dans la périphérie de la ville39. Il s’agit d’une stratégie et d’une 37 Les indicateurs de logements urbains, construits à partir de l’invasion de terres, montrent que l’invasion, spontanée ou organisée, est une solution de rechange pour le logement qui fait partie de la structure de provision de logements au Brésil. Dans ce sens, bien que non officielle et illégale, elle est institutionnalisée (traduit de Maricato, 1999 : 36). 38 Des immeubles vacants, qui sont en vérité de vrais vides urbains verticaux et sousutilisés, sont devenus de plus en plus le centre des occupations. Il s’agit des hangars, entrepôts, bâtiments, terrains, hôtels particuliers, grandes maisons et édifices publics ou privés. Il y a de nombreux immeubles vacants dans la ville de São Paulo, sans aucune fonction sociale, à peine entretenus pour la spéculation. 39 L’occupation d’immeubles publics et privés a lieu depuis les années 1950 (O MST, 60 spontanéité qui ont donné cours aux aspirations des mouvements populaires à la conquête du droit à la ville et au droit aux terrains urbains et urbanisés. Cette situation découle aussi du manque d’occasions de s’insérer dans le marché formel du travail, du chômage important, des salaires figés et de l’inflation « cachée », entre autres. Les occupations des terrains ont été toujours la réaction d’une bonne partie de la population de la ville de São Paulo devant les problèmes de logement. Durant les deux dernières décennies, la majorité des occupations a eu lieu en zones périphériques à risques ambiants et surtout publiques ou dans les municipalités voisines de la ville de São Paulo, comme c’est le cas de São Bernardo do Campo (figure XIII). Cela parce que la population à faible revenu était toujours dirigée vers les pires secteurs des villes. Elle envahissait les zones publiques, car elle savait qu’elle ne serait pas évacuée. Quand cela arrivait, la population était déplacée vers les zones périphériques. Les occupations de terrain ont été nombreuses et importantes tout au long de la dernière décennie40. Les terrains à bâtir sont devenus plus rares. Apparemment, cela est dû au fait qu’il n’y avait plus d’espace qui comporterait de nouvelles favelas, sous deux nouvelles tendances : d’un côté, la densité ainsi que ocupações e democracia, www.ajuri.org.br/fmundialj/preview/artigo21.html). 40 Précisément dans ces dernières années, la société brésilienne assiste à une « vague » d’occupations – influencée par le Mouvement des sans-terre (MST) – d’immeubles vacants publics et privés, qui a lieu dans les capitales brésiliennes, pas seulement à São Paulo, mais aussi à Belo Horizonte, Rio de Janeiro, Recife, Belém, Goiânia et Londrina, mises en place par les sans-logis urbains (Souza, 2000). « [Comme le définit Gutemberg Souza] en reconnaissant la poussée des conquêtes dans les luttes des travailleurs sans-terre dans la campagne, qui ont adopté les occupations comme actions de pression auprès des gouvernements, les mouvements urbains qui organisent les familles pour lutter pour un logement digne au centre-ville trouvent, dans la pratique des occupations d’immeubles inoccupés, publics et privés, le moyen d’attirer l’attention des gouvernements et de la société sur le besoin de politiques urbaines. Et cela, tout en favorisant les travailleurs à faibles revenus et pas seulement les spéculateurs immobiliers. » (traduit du portugais, Souza, 2000: 1) 61 l’accroissement vertical des anciennes favelas et, d’un autre côté, l'arrangement périphérique de nouvelles favelas dans la périphérie des villes voisines à celle de São Paulo. Cela se passe aussi par le renforcement de formes de logement dans des terrains insolites : l’occupation se fait dans des portions étroites de terrain non aedificanti, situées tout au long des voies publiques, des fleuves et canaux, sous et à l’intérieur de viaducs, ponts ou voies suspendues, ainsi que des zones naturelles au nord et au sud de la commune de São Paulo (Abramo, 2001). Figure XIII SÃO PAULO : OCCUPATION À SÃO BERNARDO DO CAMPO Occupations à São Bernardo do Campo Occupations à São Bernardo do Campo Occupations à São Bernardo do Campo Occupations à São Bernardo do Campo Source : Mídia Independente, 2003. 62 Aujourd’hui et de plus en plus, il y a en complément à cette tendance des occupations des immeubles vacants de la ville41, parce que le déplacement de la population des classes ayant le plus grand pouvoir d’achat ainsi que le déplacement des entreprises (Nobre, 2000) sont à l’origine de l’apparition de ces immeubles et de leur augmentation dans les dernières décennies. Ces déplacements sont liés à l’accroissement de la région centrale étalée et à la recherche de nouvelles zones d’étalement. L’effet pervers de ces déplacements pour la ville est l’abandon complet de divers immeubles et terrains « oisifs » dans les zones consolidées. Il s’agit d’espaces construits aujourd’hui détériorés, mais pourvus d’infrastructures, d’équipements et de services publics, localisés près de zones offrant plus de possibilités de travail. Un autre effet pervers constaté dans ce processus est le dépeuplement du centre42, au détriment d’une augmentation intensive dans les quartiers les plus périphériques de la commune. La réduction de la population dans la région centrale et l’accroissement de la population dans les périphéries illustrent le désastre social de la ville de São Paulo. La conséquence de cette décroissance lente et significative de la population dans la région centrale43 ainsi que de l’accroissement continu de la municipalité de São Paulo44 s’est manifestée dans l’augmentation de la population des quartiers périphériques, tels que Anhanguera, Parelheiros et Cidade Tiradentes. Ceux-ci ont 41 À ce sujet, Gêge (Luiz Gonzaga da Silva, représentant du MMC – Movimento de Moradia do Centro) fait voir que « plus de 300 immeubles qui sont à l’abandon, oisifs, détériorés, seulement (remarque de l’auteur) dans le centre-ville peuvent être transformés en logements sociaux » (www.zaz.com.br/istoe/politica/156329.htm). 42 Le centre-ville de São Paulo a perdu à peu près 230 000 habitants dans les 20 dernières années. En 1980, il comptait 591 769 habitants. En raison de la décroisssance de la population, ce nombre a baissé, en 2000, à 359 464 habitants, une réduction de 232 305 personnes (Rolnik, Kowarick & Somekh, 1990). 43 Décroissance qui a été de l’ordre de 78 257 habitants entre 1980 et 1991, de 76 957 habitants entre 1991 et 1996 et de 77 091 entre 1996 et 2000, totalisant 232 305 habitants, entre 1980 et 2000. 44 L’accroissement continu entre 1980 et 1991 a augmenté de 1 135 527, entre 1991 et 1996, de 225 470 habitants, et entre 1980 et 2000, de 570 037, totalisant 1 930 786, entre 1980 et 2000. 63 obtenu, respectivement, un accroissement de population, de 1980 à 2000, de l’ordre de 619,66 % hab/ha (habitants par hectare), 223,21 % hab/ha et 2 114,98 % hab/ha. Anhanguera comptait, en 1980, une population de 5 350 personnes, passant à 38 502 habitants en 2000. Parelheiros, à son tour, dénombrait, en 1980, une population de 31 711 habitants, qui a atteint, en 2000, 102 493 habitants. Pareillement, la ville de Tiradentes qui, en 2000, comptait 190 555 habitants, n’avait, en 1980, que 8 603 habitants (Chambre municipale de São Paulo, 2001). Cet effet de développement périphérique de la ville de São Paulo, qui ne date pas d’aujourd'hui, ne vient que renforcer la croissance périphérique et l’exclusion par laquelle sont passés la ville et ses habitants, créant ainsi et intensifiant d’énormes inégalités sociales. Au sujet de cette situation, le rapport de Maria das Dores45 est éloquent. Selon son témoignage, l’espoir de trouver un logement s’affaiblissait de jour en jour, il n’y avait plus d’endroit où se loger. Elle ne pouvait même pas payer le loyer d’un cortiço dans une favela de la périphérie. C’est à ce moment-là qu’elle a essayé de se loger au bord d’une rivière. La solidarité des voisins et sa persévérance lui ont donné la chance d’y établir son « foyer », en l’agrandissant vers la rivière. Bâtir sa maison n’a pas été plus difficile que de la reconstruire; cela survient quatre fois l’an, car sa maison est inondée par la rivière. De temps en temps, elle voit ses forces et ses économies emportées par les eaux, chaque fois que sa baraque se perd dans le courant. Rebâtir, c’est la seule solution, c’est un besoin pour défendre sa vie. Cette attitude révèle que Maria das Dores ainsi que d’autres sanslogis sont, sans aucun doute, la concrétisation d’un des aspects les plus criants de la crise et de la pauvreté urbaine à São Paulo. Les récentes occupations massives d’immeubles urbains par des ménages qui ne peuvent pas payer le loyer, qui ont été délogés des cortiços, des pensions de famille, des immeubles du gouvernement et des favelas, ne surprennent plus 45 Rapport présenté par Maria das Dores, pendant le cours Recomeçar de Novo (On répart à zéro) de la mairie de São Paulo, dans la zone est de São Paulo, en août 2001. 64 (figure XIV). Elles font partie, d’un côté, de la capacité d’organisation et de mobilisation des familles pauvres, mouvements qui ont débuté par les occupations de terrain dans la périphérie, à la fin des années 1980, et qui ont augmenté et étendu leurs stratégies de lutte à partir de la crise économique aggravée. D’un autre côté, elles font partie de l’échec total des gouvernements dans la mise en place des politiques publiques du logement et foncière destinées à la population à faible revenu. Figure XIV SÃO PAULO : OCCUPATION AU CENTRE DE LA VILLE Occupation au centre de São Paulo Occupation au centre de São Paulo Occupation au centre de São Paulo Occupation au centre de São Paulo Source : MSTC – Movimento Sem-teto do centro, photos Vera Jursys, 2002. 65 À la fin des années 1990, les mouvements populaires établissent des slogans pour faire pression sur les autorités gouvernementales – des États et municipales – et visant à transformer les immeubles vacants en logements sociaux. Dans ce processus, deux grands moments retiennent l’attention à São Paulo, avec les slogans Chega de blá, blá, blá, mutirão já, mutirão (On en a assez du blablabla, d’ores et déjà), en 1999, ainsi qu’Ocupar, resistir e construir (Occuper, résister et bâtir), en 200146. Tableau XI SÃO PAULO : OCCUPATIONS EN 1997 Local d’occupation Propriété Nom du mouvement Nombre de personnes Rua da Abolição, 415 Bela Vista/Centro Gouvernement de l’État de São Paulo Fórum dos Cortiços (Forum des cortiços) 2 300 02 Avenida Marquês de São Vicente Barra Funda/Centro Gouvernement de l’État – Tribunal régional du travail 03 Rua do Gasômetro, 660 Privée Brás/Centro 04 Rua São Nicácio Mooca/Centro Gouvernement de l’État de São Paulo 05 Avenida Friederich Von Voigt Jaraguá/Zona Noroeste Gouvernement de l’État de São Paulo 01 46 Movimento dos Trabalhadores Sem terra da Zona Oeste 600 (Mouvement des travailleurs sans terre de la zone Ouest) União das Lutas de Cortiço 800 (Union des luttes des cortiços) Movimento Sem Terra Leste 1 (Mouvement 1 200 des sans-terre Est 1) Movimento dos Trabalhadores Sem terra da Zona Oeste 600 L’occupation de 1999, pendant la gestion Celso Pitta (PPS), et celle qui a eu lieu en 2001, pendant la gestion Marta Suplicy (PT), découlent de l’inefficacité du gouvernement municipal et d’État (Administration Geraldo Alkmin et Mario Covas, tous les deux du Parti Social démocrate brésilien – PSDB) dans la conduite pour résoudre le problème du logement à São Paulo et de la faible capacité d’intervention des mouvements populaires dans les décisions des politiques de logement par les voies institutionnalisées. 66 06 Rua Brigadeiro Tobias 308 Luz/Centro Gouvernement de l’État de São Paulo Movimento dos Trabalhadores Sem terra da Zona Oeste Total 600 6 100 Source : UMM, 1997. Ces occupations sont mises en marche par des mouvements populaires, aussi bien pour trouver une solution de logement aux familles squatters que pour dénoncer le problème de logement et l’abandon d’édifices publics et privés inoccupés au centre-ville. Quelques occupations réussissent à durer, d’autres sont vite réprimées, mais elles contribuent toutes à attirer l’attention sur le problème de logement à São Paulo (figure XIV). La quête de logement, longtemps menée dans la lutte pour les occupations, prend une tout autre dimension à partir de 1997, au moment des occupations organisées et massives des bâtiments publics et privés, clos et inutilisés. Il s’agit alors d’une action politique, dans le but de protester contre l’absence de politique du logement, en même temps que de pourvoir aux besoins d’un toit pour les personnes délogées et sans abri. Les premières occupations ont eu lieu, en 1997, dans les locaux du Sécretariat des finances, sis rue do Carmo, suivie de près de celle dans les locaux de l’Institut national d’assurance sociale (INSS), sur l’avenue 9 de Julho et d’une autre encore sur la rue do Ouvidor, dans les locaux du Sécretariat de la culture (tableau XI). Néanmoins, c’est en 1999 qu’a lieu une des occupations les plus importantes : Chega de blá, blá, blá, mutirão já (On en a assez du blablabla, d’ores et déjà). Six bâtiments ont été occupés par environ 6 100 personnes, le soir du 26 octobre (tableau XII et figure XV), une action qui a demandé moins d’une demi-heure. La plupart des occupants s’identifiaient en tant que sans-logis47, associés à l’Union 47 Organisés, les sans-logis sont partis de sept endroits divers de la ville, en autocars payés par leurs propres moyens, vers les six locaux « d’invasion ». Le groupe est parti d’un local 67 des mouvements prologement (UMM48). Ce processus d’occupation intègre la campagne neste milênio, nenhuma família sem teto (dans ce millénaire, pas une famille sans logis), qui lance le défi à la société de commencer l’an 2001 avec aucune famille sans abri. Une telle proposition peut paraître utopique et sans viabilité, mais c’est le portrait même des mouvements : « Si la politique de logement échoue, le peuple saura ce qu’il faut faire » (Rodrigues, 1999). Ces occupations ont engendré plusieurs conflits, qui révèlent le manque de négociation entre le pouvoir public municipal et les habitants (même s’il y en a eu un peu49). De plus, ces occupations montrent la férocité de la police et le pouvoir de réaction violente de la population qui, ne voulant pas perdre l’espoir d’avoir où se loger, résiste à coups de pierres à l’ordre judiciaire de délogement et de réintégration de possession accompli par la police militaire. Parmi les 27 occupations accomplies jusqu’à décembre 1999, par les mouvements qui rassemblent les habitants des cortiços, 15 ont résisté jusqu’à proche de la station Bresser du métro, dans 19 autocars qui sont arrivés déjà complets des autres endroits de la ville. Seuls les coordonnateurs du mouvement connaissaient les adresses. Pour participer à une réunion, il fallait dire le mot de passe vim para a festa (me voilà arrivé pour la fête) et indiquer le nom du groupe des sans-logis auquel l’« invité » appartenait. Sauf un, qui était privé, les locaux occupés étaient tous publics, appartenant à l’État et au pouvoir judiciaire. Pour protester, ils ont occupé le bâtiment inachevé du Tribunal régional du travail, dont les travaux ont été soupçonnés de corruption de la part d’un juge. Les autres occupations ont eu lieu dans un bâtiment de l’État qui était à l’abandon, dans le quartier de Bela Vista, au centre de São Paulo, dans un terrain de la CPTM, dans le quartier de Luz, centre de São Paulo, l’ensemble de logements de la CDHU – Companhia de Desenvolvimento Habitacional do Estado de São Paulo, dans le quartier Jaraguá, zone nord de São Paulo – le seul vide –, ainsi qu’à un terrain de la Febem, dans le quartier de Mooca, au centre de São Paulo, où fonctionne un centre de rééducation des internes en régime de semi-liberté. Il y a aussi eu l’occupation d’un hôtel, le seul immeuble privé, dans le quartier de Brás, zone centrale de São Paulo. 48 Les mouvements coordonnés de ces occupations cherchent, auprès de la Caisse d’épargne fédérale ou d’autres organes de financement, des solutions de rechange pour obtenir des ressources ayant en vue la réparation des immeubles et l’assurance de leurs droits d’occupants. Jusqu’en 1999, il y avait 15 bâtiments occupés dans le centre, qui abritaient plus de 1 500 personnes. 49 Dans la plupart des cas, au lieu de négocier avec les mouvements qui représentent les familles occupantes, le gouvernement durcit sa position, en faisant appel au pouvoir judiciaire, moyennant des actions de réintégration de possession, en réplique aux actions de délogement de nouvelles occupations par les mouvements. 68 2004, engageant plus de 5 000 personnes. Aujourd’hui, quelques occupations ont réussi à résister, d’autres ont été promptement refoulées, mais toutes ont contribué à attirer l’attention sur le problème du manque d’une politique du logement et foncière durable, ainsi qu’à dénoncer l’abandon des bâtiments publics et privés au centre-ville. Tableau XII SÃO PAULO : OCCUPATIONS EN 1999 01 02 03 04 05 06 Local d’occupation Propriété R. da Abolição 431 Gouvernement de l’État R. Brigadeiro Tobias 290/298/300 Ana Cintra, 123 Banespa da Celso Garcia da Al. Cliveland 601 Rua do Ouvidor R. Paulino Guimarães Fondation ferroviaire de Sécurité sociale Surface Construite 5400 m2 Gouvernement de l’État Gouvernement de l’État Gouvernement de l’État 07 R. Pirineus 08 Av. Presidente Wilson 3652 Gouvernement de l’État 09 Av. Presidente Wilson 3674 Gouvernement de l’État 10 1680 m2 1032 m 2 Nom du mouvement Nomb re de famill es Fórum de Cortiços (Forum des cortiços) 86 MST Oeste (MST Ouest) 110 U.L.C. 70 Fórum de Cortiços M.M.C. 80 MST Oeste 50 Fórum de Cortiços ATST do Centro (ATST du centre-ville) 80 50 140 M.M.C 90 V. Matilde U.L.C. 180 11 V. Manchester U.L.C. 120 12 Av. 9 de Julho Fórum de Cortiços 230 69 13 Av. São João 14 Rua 21 de Abril 569 15 R. São Francisco Hôpital NotreDame de Conception Source : Gutemberg Souza, 2000. Figure XV SÃO PAULO : LOCALISATION DES OCCUPATIONS EN 1999 Source : Folha de São Paulo, 1999. Fórum de Cortiços 110 U.L.C. 180 M.M.C. 120 Total 1 696 70 Le début du XXIe siècle est marqué par la suite des problématiques liées au logement dans la ville de São Paulo. Ce n’est pas pour rien que des membres de divers groupes du mouvement sans-logis de la capitale de São Paulo, pendant la nuit du 10 au 11 mai 2001, ont occupé huit locaux vacants en des endroits divers de la ville: Ocupar, resistir e construir (Occuper, résister et bâtir). Parmi les huit locaux occupés, figurent deux terrains vagues, un hangar et cinq bâtiments, dont quatre appartenant au gouvernement fédéral, et les autres à des particuliers (tableau XIII et figure XI). Plusieurs parmi eux sont vacants depuis plus de dix-sept ans, sans remplir aucune finalité sociale. Cette occupation organisée a eu lieu deux ans et sept mois après la première « vague » d’occupation simultanée de 1999. Tableau XIII SÃO PAULO : OCCUPATIONS EN 2001 Local d’occupation 01 Propriété Privée Gouvernement fédéral Gouvernement fédéral 02 03 04 Privée 05 Gouvernement fédéral 06 Rua Bráulio Gomes, 139 Gouvernement fédéral 07 Rua Conselheiro Crispiniano 379 Privée Nom du mouvement Movimento SemTeto Oeste (Mouvement des sans-logis Ouest) Movimento SemTeto Oeste Movimento SemTeto Oeste Movimento SemTeto Oeste Movimento SemTeto Leste-1 (Mouvement des sans-logis Est-1) União da Luta de Cortiços (Union de lutte pour cortiços) Movimento SemTeto do Centro (Mouvement des sans-logis du Nombre de familles ou de personnes 500 familles 300 personnes 400 personnes 400 personnes 700 familles 500 familles 600 familles 71 centre) 08 Privé Total 1100 personnes et 2300 famillies Source : Gutemberg Souza, 2000 e Folha de São Paulo, 2001. « Occuper, résister et bâtir » a été la devise des mouvements de São Paulo, sous l’ordre de l’UMM, qui ont réussi à rassembler à peu près 5 000 personnes – hommes, femmes, enfants et personnes âgées – dans un processus d’occupation organisée et pacifique, processus dont la préparation a débuté en octobre 2001. Outre l’UMM, les occupations ont été organisées par les mouvements suivants : Fórum de Cortiço, Movimento Sem-Teto Oeste, União de Luta por Cortiço – ULC e Movimento Sem-Teto do Centro – MSTC50 (Forum des cortiços, Mouvement des sans-logis Ouest, Union de lutte pour cortiços – ULC et Mouvement des sans-logis du centre-ville – MDTC). Ces divers mouvements s’arrogent politiquement la mobilisation de « Occuper, résister et bâtir », dans un grand mouvement de dénonciation du manque total d’une politique gouvernementale du logement. Ce processus massif et organisé d’occupations a été déclenché dans l’intention de revendiquer des investissements en logement dans les trois ordres du gouvernement jusqu’à la mise en place des 50 Le Mouvement des sans-logis Ouest a été une des organisations responsables du plus grand nombre d’actions. Ce mouvement a organisé quatre occupations, dont une a rassemblé à peu près 500 familles – ayant chacune de trois à cinq membres –, qui ont occupé un immeuble privé qui était à l’abandon, sur l’Avenue Santa Inês. Une autre occupation organisée par ce mouvement a rassemblé environ 300 familles, ayant en vue l’occupation d’un immeuble du gouvernement fédéral, appartenant à la Caisse d’épargne fédérale, sis Praça Roosevelt, au centre de São Paulo. Les autres occupations ont rassemblé chacune 400 personnes pour occuper un terrain vague appartenant au gouvernement fédéral, dans le quartier Jaraguá, ainsi qu’un immeuble privé de l’Encol, à Barra Funda. Le Mouvement des sans-logis Est-1 a rassemblé plus de 700 familles dans l’occupation d’un bâtiment du gouvernement fédéral, dans le quartier Mooca, dans la région centrale de la commune. Le mouvement Union de la lutte pour cortiços a rassemblé 500 familles pendant l’occupation d’un hangar à l’abandon, appartenant à l’INSS, du gouvernement fédéral, dans le quartier Brás, rue Bráulio Gomes, dans la région centrale de São Paulo. Ainsi, comme les autres, le Mouvement des sans-logis du Centre, avec 600 familles, s’est emparé d’un bâtiment privé au centre-ville, rue Conselheiro Crispiniano (voir annexe III). 72 programmes de logement qui tiennent en compte des niveaux de revenus jusqu’à trois salaires minimums, et qui s’accomplissent par le biais de la participation populaire. Figure XVI SÃO PAULO : LOCALISATION DES OCCUPATIONS EN 2001 Source : Folha de São Paulo, 2001. 73 Selon ces mouvements, l’intention des « occupants » n’a jamais été de rester définitivement dans les locaux, puisque plusieurs endroits occupés ne sont pas en condition d’abriter autant de gens et n’offrent même pas les conditions pour cela. Le but de l’action était de sensibiliser la société et les gouvernements aux besoins urgents de logement et à une politique consistante et durable. Par ces actions, il est évident que les mouvements populaires revendiquent une nouvelle forme de production et de politique du logement en définissant de nouvelles stratégies d’action. Le rôle des mouvements de logement à São Paulo a été fondamental pour affronter la problématique du logement : soit par l’accroissement des propositions et des revendications auprès du pouvoir public, soit par des actions directes, par l’occupation aussi bien dans des régions périphériques qu’au centre-ville, soit par la résistance aux actions de délogement et aux actions de réintégration de possession, ou encore en tant qu’agents participant aux programmes de logement dans des sphères de participation comme le Conseil du Fonds municipal du logement. Dans les années 1990, le rôle des mouvements populaires, esquissé par des actions spontanées ou stratégiques, représente une nouvelle direction dans la façon d’agir et dans les propositions de solutions aux besoins de la population en matière de logement. Les mouvements assimilent les changements en provenance des sphères économique, sociale et politique. De ce fait, ils en viennent à exercer une plus grande pression sur les gouvernements municipaux et à agir en tant que partenaires dans les programmes de logement. Un événement plus récent qui a marqué profondément les mouvements populaires a été la proposition et la création du Conseil du Fonds municipal du logement et du Fonds municipal du logement à São Paulo comme amorce de changement de la conjoncture du logement à São Paulo. Chapitre II LA GOUVERNANCE EN MATIERE DE LOGEMENT À SÃO PAULO : LE CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT 2.1 Le conseil et le fonds municipal du logement Un conseil51 municipal du logement est une voie institutionnalisée de participation de la population dans la gestion du logement de sa ville. Il a pour but la discussion et les délibérations concernant la politique du logement, les programmes à mettre en œuvre ainsi que les ressources qui leur sont destinées. Ce conseil est composé des différents acteurs sociaux et du pouvoir public chargés de définir, de suivre et de surveiller les actions de la mairie dans le domaine du logement en ville. Le conseil compte des représentants des mouvements populaires de lutte pour le logement, des représentants d’organisations non gouvernementales, des consultants techniques, des représentants des entreprises de construction civile, des syndicats et des représentants de l’Université, en plus des représentants des pouvoirs publiques. Le conseil, en tant que siège de négociation entre les différents acteurs de la société, est un des lieux de rencontre d’intérêts divers, de positions et de tensions. Il est aussi l’endroit privilégié pour mesurer le degré de maturité politique du pouvoir public, le secteur privé et de la société civile – laquelle est composé par des organisations communautaires, des ossociations de quartiers, de classes, sindicales et les universités entre autres - car c’est grâce : à la participation, à la representativité, aux ressources moblisables, aux débats, aux conflits d’intérêts et aux négociations (dans les diverses échelles d’intervention et du domaine foncier, par exemple), à l’intérieur du conseil, que se révèlent les gains politiques et techniques consolidés dans les pactes possibles et souhaitables dans chaque situation. 51 Voir, sur les formes historiques des conseils, Maria da Glória Gohn, Conselhos gestores e a participação sociopolítica, São Paulo, Cortez, 2001, 120 p. 76 Un fonds municipal du logement est un mécanisme destiné au soutien financier de la politique municipale du logement, ayant en vue la mise en place des programmes et des projets de logement pour la population à faible revenu. Son objectif est de concentrer les ressources destinées aux programmes qui seront mis en œuvre par la mairie, qu’elles proviennent des recettes budgétaires de la commune, de la province ou du gouvernement fédéral, de contributions ou de sommes d’autre origine, ou encore des opérations financières dans la ville. Par le biais du fonds, les ressources du secteur du logement seront rassemblées, et il sera possible de les affecter directement aux programmes de logement, en fonction des résolutions prises par les membres du conseil. La mise en place du conseil et du fonds est liée à la décentralisation et à la transparence des procédés et des processus de décision municipaux, en tant que moyen de contrôle de leurs actions par la société civile et de gestion démocratique de la ville (Gohn, 2001; Santos, 2001). Examiner « l’intérieur » de l’un et l’autre, c’est observer l’un des aspects les plus délicats du jeu politique du point de vue de la lutte pour le logement et de la mise en place de la gouvernance en matière de logement dans la ville de São Paulo. 2.2 Le fonds et le conseil du logement au niveau national Les conseils sont apparus au niveau national grâce à la pression de la société civile, dans le contexte de la Constitution de 1988. Devant l’absence généralisée d’une politique du logement au Brésil, les mouvements populaires pro-logement, organisés à l’échelle nationale, ont présenté, au début des années 1990, une proposition d’un Système national d’habitation (SNH). Cette proposition avait pour but de mettre sur pied un système d’accès au logement, en accordant la priorité à la population à faible revenu (Santos, 2001). Il y avait aussi un autre but : réunir, rendre compatibles, contrôler et soutenir 77 l’action des organisations et celle des organismes qui travaillent dans le secteur du logement. Ce projet établissait que la politique de subsides serait orientée exclusivement vers les familles avec revenu jusqu’à cinq salaires minimums. De l’approbation du projet dépendait la création du fonds national du logement populaire, destiné à mettre en place des programmes de financement du logement populaire pour la population à faible revenu, de même que la création du conseil national du logement d’intérêt social, destiné à établir les normes et les directives pour ces programmes. Le débat entre ou avec les mouvements pro-logement, par son ampleur, donna naissance au projet de loi 2 710/92, dont l’objectif était justement la création du fonds et du conseil national du logement d’intérêt social. Il est approuvé, en mai 2005 à la Comission de Constitution, Justice et Citoyenneté du Sénat National qui a retiré son inconstitutionnalité et de par la Chambre des sénateurs. En juin 2005, il a finalement été sanctionné en tant que loi. C’était le premier projet d’initiative populaire à être acheminé au Congrès National, depuis la Constitution de 1988 (Paz, 1996; CONAM, 2001). La proposition de la création du fonds et du conseil au niveau national s’est inspirée de l’expérience des mouvements de santé52, qui avaient consolidé, dans le processus post-Constitution de 1988, la réglementation d’un système de santé au niveau national (Carvalho et Teixeira, 2000). Cette proposition est aussi née des expériences récentes de gestion partagée des politiques du logement dans diverses communes brésiliennes, dont les résultats ont été probants. La commune de São Paulo était parmi celles qui, entre 1989 et 1992, ont fourni un grand effort pour répondre à la demande de logement. L’initiative de la création du fonds et du conseil national du logement a été prise 52 Voir à ce sujet : Maria do Carmo A. A. Carvalho et Ana Claudia C. Teixeira, Conselhos gestores de políticas públicas, São Paulo, Polis, 2000, 141 p. 78 par l’Union des mouvements prologement de São Paulo (UMM), ayant comme point de repère son expérience dans la ville de São Paulo. Cette proposition a aussi été adoptée par d’autres mouvements prologement du pays : Mouvement national de lutte prologement (MNLM), Confédération nationale des associations d’habitants (CONAM), Centrale des mouvements populaires (CMP) et Coordination nationale des mutuários (CNM) (bénéficiaires du SFH). La création du Fonds national de logement d’intérêt social, du point de vue d’une politique publique d’intérêt social est, sans aucun doute, l’effort le plus important initié par les mouvements prologement, en tant que solution de rechange à la politique officielle (Paz, 1996). En 1991, dans le processus de consolidation de cette création, il y a eu une Caravane des mouvements prologement vers Brasília, pour faire pression sur les parlementaires et visant l’approbation de ce projet de loi. Environ 7 000 personnes y ont pris part. Pendant deux jours, ces mouvements ont organisé des marches et des manifestations devant le Secrétariat du développement urbain du gouvernement fédéral, devant le Palais présidentiel et le Parlement. Seulement depuis plus de treize ans en procédure au Parlement, ce projet de loi a été sanctionné. Depuis la Caravane, le projet a été largement débattu et a fini par engager d’autres secteurs de la société. Quelques acteurs, comme la Chambre brésilienne de l’industrie de la construction (CBIC) et la Caisse fédérale d’épargne, se sont mis à contre-pied de la proposition des mouvements populaires et ont fini par modifier la proposition initiale. Une des modifications principales tient à la composition du conseil national du logement, axée, dans la proposition originale, sur la représentation effective des secteurs populaires et s’orientant vers une proposition de conseil tripartite – un tiers du gouvernement, un tiers des entrepreneurs et des financiers du logement et un tiers des bénéficiaires des programmes (mouvements populaires 79 et syndicats). Grâce aux concessions faites, il a été possible de poursuivre le dialogue avec ces différents secteurs et de consolider la proposition. Trois amendements ont été déjà présentés au projet originel ainsi que soixante-sept projets sur le même sujet (CONAM, 2001). Le projet de loi original a été largement modifié. Le projet qui en résulta, envoyé à la Chambre de députés fédéraux en mai 1992, prévoyait la construction de nouveaux logements ainsi que l’établissement d’un éventail de programmes de logement qui concerne la réurbanisation des favelas, les interventions dans les cortiços, le renouvellement de la zone destinée aux logements et la réglementation des questions foncières. Il fait référence aussi à l’offre de logements qui doit être – quantitativement et qualitativement – proportionnelle au déficit de chaque région et au besoin de prendre en considération les différences de coûts d’acquisition des terrains et de construction dans chaque localité. Selon la proposition, l’instance responsable de la gestion du Système national du logement d’intérêt social (SNHIS) doit être le Conseil national du logement, dont les fonctions proposées sont, parmi d’autres: approuver les directives, les priorités, les stratégies et les instruments de la politique nationale du logement; délibérer sur les normes d’allocation et d’application des ressources et approuver les programmes d’investissement du fonds national du logement d’intérêt social; approuver les conditions de fonctionnement et de concession de prêts, de financement et des applications respectives, les assurances obligatoires et toute autre condition requise pour l’engagement des opérations avec les ressources du fonds national du logement d’intérêt social, en application de la loi des directives budgétaires; délibérer sur les directives et les mesures pour la concession de subsides; délibérer sur les critères pour agréer des agents financiers engagés dans le système du logement; contrôler et, si nécessaire, réviser les directives concernant la mise en place de la politique nationale du logement; délibérer sur les normes pour l’enregistrement et le contrôle des opérations avec les ressources du fonds, ainsi que pour l’organisation du cadastre national de la demande et des 80 bénéficiaires des politiques de subsides pour le logement, qui reçoivent de l’aide financière de l’Union; délibérer sur les mécanismes de contrôle des agents du SNHIS, ayant pour but d’assurer l’application de la législation, des normes et des directives en vigueur; dissiper les doutes quant à l’application des normes réglementaires au sujet du SNHIS, dans la sphère de ses compétences (Projet de Loi 2 710/92). Malgré l’absence d’une proposition alternative systématisée, ce projet a fait face à de nombreuses résistances au cours de sa procédure au Parlement et, comme pour d’autres projets d’initiative populaire qui interviennent dans des pratiques politiques très enracinées, il a cheminé à pas de tortue au Parlement. L’approbation d’un tel projet, d’envergure nationale, est nécessaire pour accorder priorité à des programmes et des projets de logement dont l’accent est mis sur l’amélioration de la qualité de vie de la population à faible revenu. En fait, ce projet ne se restreint pas à la création d’un système national de logement, il représente aussi un projet à dimension urbaine. Pour cela, il prévoit l’intégration des projets de logement aux investissements dans l’assainissement, l’infrastructure et les équipements urbains en rapport avec le logement. Il prévoit aussi la mise au point de politiques d’accès nécessaires aux programmes de logement, compte tenu du développement des fonctions sociales de la ville et de la propriété; l’encouragement, davantage, à l’utilisation des terrains non encore urbanisés ou sous-utilisés dans le réseau urbain, comme une solution prioritaire pour les régions périphériques; la décentralisation des opérations et l’encouragement à l’autogestion des projets de logement, ainsi que des formes alternatives de production et d’accès au sol et au logement. Ce processus d’essais d’implantation d’un conseil et d’un fonds, au niveau national, a encouragé la mise en place des conseils et des fonds du logement à l’échelle des États et des municipalités, selon des modèles assez semblables à celui proposé dans la sphère nationale. Une donnée importante dans la structuration et dans les discussions à propos des conseils et des fonds aux différents niveaux est que le gouvernement fédéral – 81 d’une manière contradictoire, car lui-même ne dispose pas encore d’un conseil et d’un fonds – a incorporé en partie le modèle proposé dans sa politique générale. Pour cela, il exigeait que les provinces et les communes mettent au point des conseils et des fonds du logement pour se qualifier en vue de l’obtention des ressources financières aux programmes de logement53 comme celui de l’Habitar Brasil Bid54 (Ministério das Cidades, 2003). La perspective d’obtenir des ressources par le biais de ces programmes a engendré, dans la deuxième moitié des années 1990, l’apparition de nombreux conseils du logement aux différents ordres de gouvernement. Aujourd’hui, il est possible de noter que, pour la majorité, les conseils du logement sont apparus justement et uniquement en fonction de cette exigence du gouvernement fédéral, au détriment de la valeur et de l’importance réelle d’un conseil, ou de la demande de la société civile, ou encore d’un processus de gestion démocratique, municipal ou étatique. Dans ce processus de formation des conseils et des fonds dans les différents ordres de gouvernement, il devient de plus en plus nécessaire d’avoir une politique nationale du logement, façonnée à partir de l’approbation et de la mise en œuvre des conseils et des fonds intégrés aux échelons fédéral, étatique et municipal (Via Pública, 2004). 53 À ce sujet, il est important de comprendre que la législation en vigueur au Brésil prône, depuis 1996, que les communes doivent mettre au point leurs propres conseils, pour avoir accès aux ressources destinées aux domaines sociaux. C'est ce qui explique non seulement la mise au point des conseils de logement après cette date, mais aussi celle des autres conseils comme ceux de la santé, de l'éducation et de la culture (Gohn, 2001). 54 Le Programme Habitat Brasil Bid a comme objectif de contribuer à élever la qualité de vie de la population à faible revenu. L’origine de ce programme vient de l’Habitat Brasil, créé pendant l’Administration du président Itamar Franco, de 1992 à 1995. L’actuel programme compte deux axes. Le premier a comme objectif de fortifier la modernisation administrative et institutionnelle des municipalités. Le deuxième a comme but de fortifier les actions intégrées orientées vers de meilleures conditions de logement, d’infrastructure et d’assainissement. 82 En 2005, cette politique pourra voir le jour dans la perspective d’adoption d’un conseil et d’un fonds national du logement. Pour la majorité des mouvements prologement et pour d’autres secteurs de la société, la création du Conseil et du Fonds national du logement est imminente. 2.3 Des conseils et des fonds du logement au niveau municipal Les expériences des conseils et des fonds du logement à l’échelle municipale au Brésil ne constituent pas toujours des processus définis et durables. Au contraire, plusieurs initiatives se sont soldées par l’interruption du processus ou de sa courte trajectoire. Cela est dû, entre autres facteurs, à l’inexistence d’un système soutenu de financement du logement au Brésil (Bonduki, 2001); à la méconnaissance par les pouvoirs publics municipaux de la représentativité des conseils dans la gestion du logement, laissant la place libre à l’utilisation de ces conseils comme un mécanisme de plus de la politique des vieilles élites et non comme une voie d’intégration des secteurs organisés de la société civile (Gohn, 2001); et au manque de tradition participative de la société civile dans la gestion des affaires publiques (Santos, 1996). Dans les communautés sans tradition d'organisation associative, les conseils ne furent qu’une réalité juridique formelle, et maintes fois un instrument de plus à la merci des maires et des élites. Ceux-ci, en parlant au nom de la communauté, comme leurs représentants officiels, ne répondent pas du tout aux objectifs de faire des conseils des mécanismes de contrôle et de surveillance des affaires politiques (traduit du portugais, Gohn, 2001 : 89). En l’absence de garanties permanentes pour leur mise en œuvre, il faut une conjonction de facteurs pour que les conseils puissent résister au temps et accomplir effectivement leur fonction de donner la place à la démocratisation de la gestion de la politique du logement. Malgré cela, l’histoire récente des politiques municipales du logement apporte des exemples importants de politiques qui ont été mises au point avec la participation et comptant sur des conseils et des 83 fonds actifs (Cymbalista et Moreira, 2001). Pour combler le vide laissé par l’absence de ressources fédérales ou des États concernant les besoins en logement, quelques communes55 brésiliennes sont en train d’accomplir des initiatives importantes ayant pour but la mise en place effective de systèmes municipaux de financement du logement, comptant sur des ressources et des conseils spécifiques. Celles des communes de Belo Horizonte, Diadema et Porto Alegre, ainsi que celle de São Paulo sont remarquables. Dans ces communes, les conseils révèlent, d’une part, les potentialités qui se manifestent en conséquence d’une démocratisation de la politique du logement. D’autre part, les conseils révèlent la fragilité de ce genre d’organisme, la vulnérabilité de son fonctionnement soit par rapport à la participation, la représentativité et les ressources mobilisables, leurs échelles d’intervention et la question foncière ainsi que les menaces permanentes qui planent sur les conseils du logement. La ville de Belo Horizonte compte sur un Conseil municipal du logement depuis 1995, dont la mise au point est attribuable à la gestion du maire Patrus Ananias (1993-96). Ce Conseil est délibératif, c’est-à-dire qu’il doit approuver toute politique municipale de logement, et sa composition est tripartite – un tiers de 55 Non seulement les communes, mais aussi plusieurs États ont mis en place les conseils de logement; parmi eux, les États de Rio de Janeiro, Mato Grosso et Santa Catarina (Loi 21.485, du 9 juin 1995; Loi 7.263, du 27 mars 2000; Loi 140, du 19 juillet 1995). Dans l'État de São Paulo, la proposition de la mise en place d'un conseil de logement de l'État est en cours à l'Assemblée législative de l'État. Le premier projet de loi sur le Conseil et le Fonds de logement de l'État a été proposé en 1994, par les mouvements populaires : Projeto de Lei de Iniciativa Popular. Toutefois, on n'a pas donné suite à ce projet, et il a été classé à l'Assemblée législative de São Paulo, sous l'argument d'inconstitutionnalité. Malgré l'inexistence d'une loi propre sur la création du fonds et du conseil de logement de la province, il y a un fonds et un conseil pour la forme, mis au point pour permettre le transfert de ressources du gouvernement fédéral. La députée de l'État, Maria Lúcia Prandi, est en train de développer le nouveau projet de loi du Conseil du logement et du Fonds de logement de l'État. Le processus de la mise au point de cette proposition a compté sur la participation des principales organisations et des mouvements populaires de logement, moyennant quelques séminaires, où ont été présentées des contributions enrichissantes au projet. La discussion la plus intense a été celle portant sur la composition du Conseil et du Fonds et sur la priorité à l'accueil de la population avec revenu jusqu’à trois salaires minimums (entrevue avec la députée de l'État Maria Lúcia Prandi). 84 représentants de la mairie, un tiers de mouvements populaires et un tiers d’organisations non gouvernementales et d’entreprises. En 1998, à cause de la reformulation de la composition du conseil, il en résulta la sortie des mouvements populaires de la formation du Conseil et, en conséquence, sa paralysie totale, durant presque deux ans. C’est seulement à la fin de 1999 que les mouvements prologement de Belo Horizonte sont revenus au Conseil, grâce à un accord avec la mairie concernant la composition du Conseil : tantôt les secteurs populaires, tantôt les secteurs techniques ont augmenté leur représentation (Cymbalista, 2001). Toutefois, il s’agit d’un accord non formel, du fait qu’il a été impossible d’approuver la loi qui modifiait officiellement la représentation du Conseil. Un accord qui ne consolide pas la formation, la constitution et la valeur du Conseil, même s’il est en route. Le Conseil municipal du logement et le Fonds municipal de soutien au logement d’intérêt social de Diadema ont été mis en place en 1990, sous la gestion du maire José de Filippe (1989-1993), et le Conseil a été revu en 1993, en gagnant plus de pouvoir. Le renforcement du Conseil n’a pas toujours été pacifique, vu la réaction du pouvoir public lui-même qui a répugné à renoncer au contrôle direct de l’utilisation des ressources. Le Conseil est délibératif, et sa composition est bipartite – la moitié de représentants de la mairie et la moitié de représentants des mouvements populaires. Pendant les années 1989 et 1996, on note une valorisation du Conseil. Néanmoins, à partir de 1997, le Conseil municipal du logement de Diadema est tombé dans l’inaction. La mairie a alors établi dans le Conseil une base de représentants populaires, en complicité, qui votait toujours dans le même sens que lui. À plusieurs reprises, quand les mouvements populaires réussissaient à se mobiliser plus puissamment à quelques réunions du Conseil, la mairie mettait fin 85 aux réunions ou les annulait dès qu’elle se voyait en désavantage. Pendant ces quatre ans, le Conseil n’a pas fonctionné. C’est seulement en 2001, quand José de Filippi a été réélu, que le Conseil est redevenu opérationnel. Au début du mandat du gouvernement municipal de Porto Alegre de Tarso Genro (1993-1996), le Conseil municipal d’accès au sol et au logement (COMATHAB) a été mis en place. La formation de ce conseil est la conséquence du processus de gestion populaire de Porto Alegre, débuté en 1989, et d’une très forte pression des mouvements populaires. Ce Conseil, constitué par trois chambres – Planification, Gestion et Régulation foncière –, a fini par être de composition tripartite – un tiers de représentants de la mairie, un tiers de mouvements populaires et un tiers d’organisations non gouvernementales et d’entreprises, entre autres (Baierle, 1999). Il ne délibère pas seulement sur les ressources du Fonds municipal de développement, mais aussi sur l’ensemble du financement et de la politique du logement. Bien que le dernier mot en matière budgétaire revienne au Conseil du budget participatif, les propositions sont toujours débattues au préalable et approuvées par le Conseil. Néanmoins, son rôle est devenu très limité, du fait justement de l’obligation de l’approbation de ses recommandations par le Conseil du budget participatif en ce qui concerne l’utilisation des ressources. Sa fonction est demeurée limitée aux discussions des formes d’implantation de la politique du logement. De ce fait, la proposition budgétaire annuelle, étant toujours formulée par le COMATHAB, est soumise ensuite à l’examen du Conseil du budget participatif, qui peut modifier ou soutenir les valeurs proposées. Les conflits existants au sujet des fonctions et du pouvoir de décision entre le COMATHAB et le Conseil du budget participatif ont limité le rôle du premier et contribué à définir des genres de participation, l’une plus faible et l’autre plus forte. La participation était plus 86 faible au COMATHAB et plus forte au Conseil du budget participatif. Cela est dû, justement, au fait du rôle de chacun des Conseils, de leurs forces et leurs spécifications (Cardoso et Valle, 1999). L’un des défis qui se posaient à ces communes et à d’autres tenait à la participation, à la représentativité et à la formation des conseillers des mouvements populaires qui, malgré leur organisation et leur action, ne maîtrisaient pas les détails techniques de la politique du logement et moins encore de la politique foncière. Dans quelques communes, comme celle de Diadema, il y a eu un effort de la part de la mairie pour la formation technique des conseillers et de la compréhension à propos de l’échelle d’intervention des conseillers. En partant, ainsi, d’une situation défavorable, les conseillers sont devenus progressivement qualifiés pour pouvoir agir en tant qu’interlocuteurs dans le processus d’élaboration de la politique municipale du logement. Un autre défi fait référence à la gouvernance en matière de logement. À partir des expériences de ces trois communes, il en ressort la présence d’entraves au processus de consolidation des conseils, à leur existence et à la considération de leur importance dans la politique du logement. Les conseils ne sont pas toujours un facteur d’assurance du maintien des politiques et des programmes de logement. En outre, le fonctionnement « oscillant » des conseils n’aide pas à la consolidation de politiques du logement plus structurées et durables. 2.4 Le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo La revendication pour un conseil et un fonds municipal du logement dans la commune de São Paulo est née de l’initiative populaire. Les mouvements ont établi un projet de loi sur le Conseil et le Fonds municipal du logement à São 87 Paulo56. Dans leur proposition, il est possible de trouver les mêmes bases que celles du projet de loi d’initiative populaire de création du Fonds national du logement d’intérêt social, en ce qui concerne les principes de la décentralisation des ressources et de l’autonomie financière et administrative proposés par les mouvements prologement et qui comptent sur le soutien de diverses organisations de la société civile. Néanmoins, alors que les secteurs populaires élaboraient un projet de loi sur le conseil et le fonds, le pouvoir public, pendant le mandat du maire Paulo Maluf (Parti Progressiste Brésilien), 1993-1996, a présenté son propre projet de loi et a réussi à le faire approuver à la Chambre des députés municipaux. Il en résulte une faible représentativité de ces mouvements et une limitation du champ de décision sur les ressources pour le logement. Le projet de loi 11 632 du 23 juin 199457, de l’Administration Paulo Maluf (Parti Progressiste Brésilien), 1993-1996, a établi le Fonds municipal du logement ainsi que son Conseil gestionnaire. Ce projet de loi fixait les dispositions de l’établissement de la politique du logement, destinées à la population à faible revenu. Une fois cette loi approuvée, s’est éteint le FUNAPS (Fonds d’assistance à la population habitant des logements précaires58), dont l’actif et le passif ont été 56 Voir, sur l’idée de la mise en place de conseils dans la commune de São Paulo, Maria da Glória Gohn, Conselhos gestores e a participação sociopolítica, São Paulo, Cortez, 2001, 120 p. Gohn, en soutenant que l’idée de la mise en place des conseils n’est pas nouvelle, donne comme exemple les expériences de la ville de São Paulo, moyennant la mise en place des conseils communautaires, populaires et de représentants au cours des années 60, 70 et 80. 57 Quelques modification ont été apportées à ce projet de loi, moyennant le décret 36 471 de 1996 – Administration Paulo Maluf et par la résolution 01, de 17.12.1997 – Administration Celso Pitta. 58 En 1979, pendant le mandat du maire Reynaldo de Barros, a été établi le Fundo de Atendimento à População Moradora em Habitação Subnormal (Fonds d’assistance à la population habitant des logements précaires, FUNAPS) auprès du Secrétariat d’assistance sociale – Loi nº 8 906, du 27 avril 1979. Il s’agissait d’un fonds de logement destiné à répondre aux demandes émergentes et ponctuelles. C’est pourquoi il n’était pas inséré dans une politique du logement. En 1989, quand Luiza Erundina assume la mairie de São Paulo, elle doit faire face à une structure de financement du logement restrictive à la 88 transférés au Fonds municipal du logement. La mise au point de ce projet n’a pas répondu aux principes de décentralisation et de transparence des procédures et des processus de décision à l’échelle municipale comme l’envisageaient les mouvements populaires et d’autres acteurs de la société civile. Au cours de la mise en place de ce Conseil, la représentativité des mouvements populaires a toujours été très limitée, et les décisions ont été assez circonstancielles, étant donné qu’elles se rapportaient directement aux 59 programmes de mutirão , déjà existants depuis l’Administration précédente, et non à tous les programmes élaborés par le Secrétariat du logement. Compte tenu de la faible participation et représentativité des mouvements populaires dans le Conseil municipal du logement, quelques suggestions ont été participation populaire ainsi qu’à une faible structure de politique de logement. Une des directives de son gouvernement a été celle de renforcer le FUNAPS, en lui apportant une voie de ressources élargie et en le transférant au Secrétariat du logement, pour qu’il bénéficie de son inclusion dans la politique du logement. Dans cette gestion, le FUNAPS est modifié aussi du point de vue juridique, en se transformant en FUNAPS communautaire ou FUNACON, ce qui a permis d’établir des accords avec des groupes organisés de familles en associations d’habitants ayant pour but la construction par mutirão ou autogestion (Paz, 1996). Durant cette gestion, les ressources du FUNAPS communautaire ont été utilisées en grande partie dans la construction de logements par l’autogestion ou la cogestion. Cette définition d’action présupposait l’organisation des secteurs populaires en associations qui se portaient garantes de la gestion des ressources et qui embauchaient des consultants techniques. Les ressources du FUNAPS communautaire ont permis un grand éventail d’aide : urbanisation des favelas, secours d’émergence, mutirão, construction d’unités par des entrepreneurs, entre autres. Il a aussi rendu possible la participation des communautés aux projets avec leur force de travail et leur capacité de gestion. Ces facteurs ont produit des résultats très évidents, en consolidant ce modèle. Dans la mesure où il gagnait en clarté et en légitimité dans la mairie et aussi auprès de la société, il concentrait plus de pouvoir et de ressources. Il est même devenu l‘investissement majeur du SEHAB (Secrétariat du logement et du développement de la commune de São Paulo) en rassemblant à peu près 80 % des investissements. Le FUNAPS communautaire comptait aussi sur un conseil, qui suivait tous les processus et délibérait au sujet de chaque accord établi. Les conseillers étaient nommés, pas élus. Il y avait des conseillers nommés par les mouvements prologement, par l’Université et par la mairie elle-même. Avec l’élection de Paulo Maluf, en 1992, le projet politique de cette équipe a été interrompu, provoquant aussi l'interruption du processus de mise en place de la politique du logement et l'affaiblissement du FUNAPS communautaire. 59 Le Programme Mutirão est un programme de logement dont les habitants sont à la fois l’entrepreneur et le constructeur. 89 apportées pour modifier le projet de loi (ANSUR, 1997). La proposition des mouvements populaires était axée sur l’idée d’un conseil dont l’existence ne serait possible que s’il était soutenu directement par les mouvements sociaux, en particulier ceux du logement de São Paulo. Pour l’UMM, l’un des plus gros problèmes du projet de loi approuvé sous l’Administration Paulo Maluf concernait la composition du Conseil, du fait qu’elle était non représentative des intérêts de la société civile et qu’elle n’était pas non plus délibérative. Pour ce mouvement, il y a un déséquilibre dans la composition du Conseil, par rapport à la participation des mouvements prologement, des représentants du pouvoir public, du secteur privé et des universités. Les mouvements prologement ont proposé un nombre plus élevé de membres. Il y a aussi eu une proposition de modification de la composition des membres du secteur public, en remplaçant le représentant du Secrétariat des voies publiques par un représentant de l’Université publique de São Paulo. Dans cette proposition, le Conseil ainsi que le Fonds sont considérés comme des lieux privilégiés de participation des mouvements populaires dans la planification municipale, et pour cela il faut respecter leur participation dans tout le processus, depuis l’élaboration de la proposition jusqu’à la mise en place et le maintien de la politique du logement de la commune. Une autre suggestion présentée par les mouvements populaires dans le projet tient à la concession de financement pour la population de plus faible revenu. Selon cette proposition, le gouvernement doit concentrer ses efforts pour aider la population ayant un revenu jusqu’à cinq salaires minimums. En favorisant les couches sociales les plus démunies, le gouvernement pourra attribuer 20 % du financement à la population ayant jusqu’à dix salaires minimums. Obligatoirement, 80 % des ressources devraient être attribuées aux familles ayant jusqu’à cinq salaires minimums. 90 Ces revendications des mouvements populaires ne se présentent que dans la proposition d’un nouveau projet de loi, en 1999. Le conseiller municipal responsable de cela proposait la modification du Conseil du Fonds municipal du logement en le remplaçant par un Conseil municipal du logement. Ainsi, en 1999, fut proposé un amendement à ce projet de loi, dont le but était d’assurer la participation de la société civile dans l’élaboration, la gestion des ressources et la mise en œuvre de la politique municipale du logement de la ville de São Paulo. L’élaboration de l’amendement a compté, en particulier, sur la participation des mouvements populaires, assurée par le biais de la première Conférence municipale du logement à São Paulo60, en 2000. Cette nouvelle proposition avait comme principe fondamental que la composition du Conseil municipal du logement, différemment de celle proposée par le Conseil du Fonds municipal du logement, devrait préserver la parité entre la représentation du pouvoir public, celle du secteur privé et celle des mouvements populaires, en assurant la participation des différents groupes qui représentent les associations, les organisations et les mouvements populaires prologement. À la Conférence, a eu lieu l’élection d’un comité pour suivre l’application de la politique en matière de logement et l’accomplissement des voies de participation 60 Le premier pas vers la réalisation de cette conférence a été l’établissement d’un secteur de participation populaire dans le SEHAB, avec quatre membres, dont le rôle était de coordonner et d’encourager la participation populaire, ainsi que d’essayer d’attirer d’autres acteurs de la société engagés dans le domaine du logement. La réalisation d’une conférence municipale du logement pour une ville telle que São Paulo, avec à peu près 11 millions d’habitants, exigeait une préparation reposant sur des conférences préliminaires dans la ville tout entière. Il y a eu 15 conférences préliminaires régionales dont le but était le diagnostic des problèmes de chaque région et l’inventaire des priorités de chacune. Les conférences préliminaires ont réuni 22 000 personnes, nombre considéré comme un succès par les organisateurs en comparaison à celui atteint à l’occasion de la mise au point du budget participatif de 2001 concernant la santé et l’éducation, qui a rassemblé 35 000 personnes par le biais de réunions dans 96 arrondissements de la ville. Seulement après ces rencontres a eu lieu la première Conférence municipale du logement de l’histoire de la ville de São Paulo, les 3, 4 et 5 août. La première Conférence du logement a rassemblé 1 600 participants. Organisée en 12 groupes de travail, cette Conférence avait pour but de délibérer sur les aspects généraux de la politique du logement; sur les programmes prioritaires; sur les mécanismes de participation populaire; et sur les priorités budgétaires. 91 populaire en prévoyant la création du Conseil municipal du logement à la place du Conseil du Fonds municipal du logement. Pour cela, il y a eu la constitution d’une Commission provisoire du logement61, avec soixante-cinq membres. L’amendement au projet de loi de 1999 fut approuvé seulement en septembre 2002, ayant en vue le besoin d’améliorer le fonctionnement du système municipal du logement, avec la mise en place d’un organe délibératif capable d’établir les priorités des projets de logement pour la commune de São Paulo, en accord avec la politique fédérale et celle de l’État de São Paulo. Les aspects les plus importants des différents projets de loi portant sur le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo et sur celui du Conseil municipal du logement62 pendant l’Administration Marta Suplicy font référence aux buts et aux attributions du projet, à la composition, au processus de choix et d’élection des conseillers, aussi bien que sur son fonctionnement (tableau XIV). Tableau XIV LES PROPOSITIONS SUR LE CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT ET SUR LE CONSEIL MUNICIPAL DE LOGEMENT À SÃO PAULO63 Buts PL 11 632/94 L’établissement du CMH et les mesures pour qu’il y ait un caractère permanent et délibératif. Ce projet est réglementé par la Résolution et le Décret, qui prennent encore d’autres mesures concernant le besoin de : mettre au point les programmes du FMH; établir les conditions du 61 La Commission provisoire du logement est composée exclusivement par des représentants des mouvements populaires. Il était prévu qu’elle durerait jusqu’à l’approbation du projet de loi à propos du nouveau conseil du logement. Les membres de la Commission provisoire du logement se sont réunis tous les quinze jours et ont discuté des questions relatives au budget municipal du logement, programmes de logement, demande, affectation des ressources et plan directeur, entre autres. Étant donné la composition assez imposante de la commission, il a été convenu que ses représentants pouvaient travailler en sous-commissions : discussion et contrôle du budget et de son exécution, favelas, lotissements clandestins, centre-ville, démarches pour l’approbation du projet de loi. 62 Le projet de loi 11 632/94, élaboré par l’Administration Paulo Maluf, ainsi que le Décret et la Résolution qui réglementent la loi62, élaborés respectivement sous l’Administration Paulo Maluf (1993-1996) et l’Administration Celso Pitta (1997-2000), sur le nouveau projet de loi 352/99 et sur le projet amendé et récemment approuvé par la Chambre municipale de São Paulo, en 2001. 63 Voir l’annexe III. 92 PL 352/99 PL en vigueur transfert des ressources et de l’administration des contrats; définir les conditions de financement aux bénéficiaires des programmes; établir les conditions d’accès aux immeubles; et régler l’allocation de ressources qui ne seront pas transférées aux bénéficiaires. Définition du caractère délibératif, contrôleur et consultatif du CMH et établissement comme principal objectif du contrôle et de l’évaluation de la politique municipale de logement. Addition au PL antérieur des directives pour les nouvelles conférences tous les deux ans. Attributions PL 11 632/94 PL 352/99 PL en vigueur Ce PL a comme prérogatives : établir les directives et les programmes d’allocation des ressources du Fonds; suivre et évaluer les bénéfices sociaux et l’accomplissement des programmes et projets approuvés; approuver le budget du Fonds et mémoires respectifs; dissiper les doutes quant à l’application des directives et des normes concernant le Fonds; et définir des normes, des procédures ainsi que des conditions opérationnelles. C’est du ressort de ce projet : de participer à la mise au point de la stratégie et au contrôle de l’exécution de la politique du logement; d’analyser le plan d’application des ressources budgétaires transférées par les gouvernements fédéral, étatique et de la commune et les transferts moyennant des accords internationaux; de contrôler et auditer les ressources destinées au Fonds ainsi que la comptabilité des ressources budgétaires consignées au SEHAB; d’établir les directives et les programmes d’allocation des ressources du Fonds; d’encourager la participation et le contrôle populaire moyennant la société civile organisée; de permettre l’accès à une plus ample information au sujet du logement à la population, aux institutions publiques et aux organisations privées; d’approuver les comptes du Fonds. Il lui incombe de : contrôler la mise en place des plans et des programmes de la politique de logement d’intérêt social; suivre et évaluer la gestion économique, sociale et budgétaire des ressources ainsi que l’accomplissement des programmes et projets approuvés; contrôler l’élaboration du plan d’application des ressources financières issues des gouvernements fédéral, étatique et municipal ou transférées par le biais des accords internationaux et consignées dans le SEHAB; organiser des groupes techniques, commissions spéciales, permanentes ou temporaires, au besoin, pour l’accomplissement de ses fonctions; former une commission spéciale pour l’organisation des Conseils régionaux du logement; encourager la participation et le contrôle populaire sur la mise en place des politiques publiques de logement et de développement urbain; permettre l’accès à une plus ample information à la population et aux institutions publiques et privées sur les thèmes ou questions relatifs à la politique du logement; convoquer la Conférence municipale du logement; établir des rapports avec des organes, conseils et forums municipaux affectés à l’élaboration du budget municipal et à la définition de la politique urbaine; mettre au point, approuver et amender son règlement interne; superviser le FMH, en ce qui concerne l’établissement des directives et des programmes d’allocation des ressources; acheminer 93 et approuver la proposition budgétaire; et définir des normes, des procédures et des conditions opérationnelles. Composition du conseil64 PL 11 632/94 PL 352/99 PL en vigueur Bipartite entre représentants de la société civile et des institutions gouvernementales, avec dix membres : 50 % du pouvoir public et 50 % de la société civile et du marché. Les 50 % du pouvoir public correspondent à : cinq représentants de la mairie : SEHAB, SEMPLA, SVP, SFI et COHAB. L’autre 50 % correspond à : un représentant de la CBIC, un représentant des organisations religieuses, un des universités qui comptent sur un secteur lié à la construction de logement et deux représentants des organisations communautaires prologement, inscrites au cadastre de la SEHAB. Bipartite entre les représentants de la société civile et des institutions gouvernementales, totalisant vingt membres. Des représentants des institutions gouvernementales, quatre appartiennent à la PMSP, trois aux universités et trois à la CEF, tandis que pour la société civile, six représentants appartiennent au mouvement populaire prologement, deux appartiennent aux organisations syndicales du patronat de la construction civile et deux appartiennent aux organisations syndicales des travailleurs de la construction civile. Tripartite, totalisants quarante-huit membres : un tiers est composé par le secteur public, un tiers par les mouvements prologement et un tiers par les agents du marché. Des représentants des organisations publiques, treize appartiennent à la PMSP, un au Secrétariat du logement de l’État de São Paulo, un à la CDHU et un à la CEF. Les treize représentants municipaux sont, respectivement, le secrétaire de la SEHAB, le surintendant de HABI, trois représentants de la SEHAB, le président de la COHAB, un représentant de la SEMPLA, un de l’EMURB, un de SIURB, un du SF, un du ST et un de la Commission Procentre. À eux se joignent les seize représentants des organisations communautaires et des organisations populaires prologement. Les autres représentants sont originaires d’organisations diverses : deux représentants des universités, deux des organisations de professionnels du domaine de logement, un représentant des organisations syndicales des travailleurs de la construction civile, trois des associations ou syndicats patronaux de l’industrie de la construction civile, deux des organisations de consultation technique sur le logement, deux des centrales syndicales, deux des ONGs du domaine du logement, un du conseil des professionnels du domaine du logement et un représentant du conseil des professionnels du droit. Processus de choix et élection des conseillers PL 11 632/94 64 Les membres sont nommés par arrêté du Secrétaire du logement et Dans les trois cas, le mandat est de trois ans, ayant comme président et vice-président, respectivement, le Secrétaire du logement et du développement urbain et le Surintendant du logement. 94 PL 352/99 PL en vigueur développement urbain. Les représentants des différentes organisations de la communauté, enregistrées préalablement dans le cadastre de la SEHAB, sont nommés par tirage au sort public, étant interdit l’exercice de mandats consécutifs par une même organisation ou association. Les fonctions des membres du Conseil du Fonds municipal du logement ne sont pas rémunérées, leur accomplissement étant considéré comme un service public important. Les représentants du mouvement populaire de logement seront choisis et indiqués en assemblées plénières dans chaque région de la ville. Les représentants des associations syndicales patronales et des travailleurs seront choisis en réunions plénières de ces associations réalisées dans ce but. Les représentants des entrepreneurs seront choisis et nommés par l’ensemble des institutions et associations de chaque catégorie, en plénières réalisées dans ce but. Les représentants du gouvernement municipal et de la CEF seront nommés par le gouvernement municipal et par la CEF. Les représentants des universités seront nommés par l’ensemble des institutions publiques et privées de grade supérieur dans le domaine de la construction civile. Les membres du Conseil et de sa Commission exécutive seront nommés par le maire, au moyen de la nomination des représentants du pouvoir public et après l’élection des représentants de la société civile. Fonctionnement PL 11 632/94 PL 352/99 PL en vigueur Le Conseil doit tenir des réunions bimestrielles, par convocation de son président et, à n’importe quel temps, par convocation de son président ou de quatre de ses membres au minimum. Les décisions du Conseil du Fonds municipal du logement doivent être prises en présence de cinq de ses membres au minimum, en revenant au président la voix de qualité (droit de veto, renforcement, décision collective). Le Conseil comptera sur l’assistance technique et administrative d’un secrétariat exécutif, exercée par HABI. Les décisions du Conseil municipal du logement doivent être prises avec l’approbation de la plupart de ses membres. Le Conseil doit avoir un coordinateur et un adjoint remplaçant, choisi parmi les membres pour un mandat d’un an, avec les attributions suivantes : coordonner les réunions, représenter légalement les décisions du Conseil en vue de l’homologation du secrétaire municipal du logement, acheminer et mettre au point des mesures et des décisions spécifiées par le Conseil. Les décisions du Conseil municipal du logement doivent être prises avec l’approbation de la majorité relative de ses membres. Les réunions extraordinaires peuvent être convoquées avec l’accord de la majorité absolue des conseillers. Source : PL. 11.632/94; PL 352/99 et PL en vigueur. 95 Au début du mandat du maire Marta Suplicy, en 2001, les fortes revendications à propos du Fonds municipal du logement et de son Conseil en vigueur et des différentes initiatives pour le modifier laissaient clairement entrevoir le problème de gouvernance qu’a subi ce Conseil, tout au long des années 1990. La structure de fonctionnement du Conseil pendant ces années-là (tableau XIV, partie : fonctionnement) a montré qu’il n’y avait presque pas de voies représentatives, délibératives ou consultatives de la part de la société civile. Sa capacité d’action était faible, compte tenu de limitations considérables. Le seul instrument de participation populaire était celui du Conseil du Fonds municipal du logement, qui s’est toujours limité à la discussion sur les ressources et à leur destination (tableau XIV, partie : buts et attributions). Il semble qu’il n’y ait jamais eu réellement un rapport direct entre la discussion sur le budget, les directives des programmes de logement et de politique développée par le SEHAB de São Paulo. Dans le système en vigueur, la participation populaire, au sein du Conseil, a été très limitée et établie par tirage au sort (tableau XIV, partie : composition). Comme les organisations populaires avaient la chance d’occuper deux sièges, le choix des organisations représentantes se faisait par tirage au sort. Ce genre de sélection n’a jamais plu aux mouvements prologement. Elle n’a peut-être pas non plus contribué à la démocratisation du processus. En résumé, dans ce chapitre, nous avons observé les conditions d’urbanisation brésiliennes et les principaux éléments de caractérisation de la nouvelle phase d’urbanisation pour les villes du pays, comme c’est le cas de la ville de São Paulo, pour bien encadrer la problématique du logement et pour comprendre la mise en place du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo. Aujourd’hui, un des éléments les plus importants du processus d’urbanisation est l’irrégularité et l’illégalité des conditions de logement. Des conditions qui se 96 consolident au fil du temps dans les villes brésiliennes et qui peuvent être comprises par la lecture des principales questions liées au logement, comme : l’accroissement des lotissements illégaux et irréguliers selon différents visages, le manque d’une politique du logement structurée à moyen et long terme avec l’objectif de répondre aux besoins réels des demandeurs, qui d’une certaine manière, revendiquent de nouvelles formes de production et de politique du logement. Partant de ce scénario, nous avons reconnu le Conseil du Fonds municipal du logement comme structure institutionnelle participative qui se présentait comme un des moyens de repenser la problématique du logement à São Paulo et de rediriger les actions sur une base de consensus établis par les différents acteurs sociaux. Cette direction fut prise comme référence d’analyse de la dynamique de la politique du logement à São Paulo, afin de voir quelle contribution elle apporterait. C’est en analysant cet instrument de participation, le Conseil du Fonds municipal du logement, dans la politique du logement, que les questions pourront être mieux développées et que nous pourrons faire émerger les objectifs de construction d’une politique du logement participative. Dans cette optique, deux propositions pourraient être envisagées : l’une allant vers la compréhension des mouvements sociaux et son insertion dans la question du logement; et l’autre, plus institutionnalisée, de la gouvernance dans le domaine du logement de la ville de São Paulo. Notre choix de mettre en évidence la gouvernance est dû au fait que, d’une part, plusieurs études brésiliennes furent déjà élaborées sur les mouvements sociaux. Et que, d’autre part, le thème de la gouvernance s’insère dans les recherches sur les nouvelles formes de gestion, depuis les années 1980, mais qu’il est, au Brésil, encore très peu développé dans une approche urbaine. Cette notion apporte aussi une contribution importante aux réflexions sur le logement. 97 La discussion à propos de la gouvernance s’est donc imposée et elle a été construit par l’analyse des dimensions retenues dans plusieurs études sur la gouvernance urbaine : le fonctionnement, des études de Patrick Le Gales, 1995, Barbara Ferman 1996, Christian Lefévre, 1997 et Bernard Jouve, 2003 ; la représentativité, des études de Patrick Le Gales, 1995 et Christian Lefévre, 1997; la participation, des études de Pierre Hamel, 1991, Luis Klein, 1992, Gianfranco Bottazzi, 1996 et Bernard Jouve, 2003; les ressources mobilisables, des études de Pierre Hamel, 1995, David Harvey, 1996 et Patrick Le Gales, 1998; les échelles d’interventions, des études de Caroline Andrew et Michael Goldsmith, 1998, et celui d’Adauto Luis Cardoso et Cleber Lago do Valle, 2000; et la question foncière, en particulier dans le domaine du logement, des études d’Adauto Luis Cardoso et Cleber Lago do Valle, 2000. Deuxième partie LA GOUVERNANCE URBAINE ET L’HABITAT A SÃO PAULO : CADRE THEORIQUE ET STRATEGIE DE RECHERCHE Chapitre III L’APPROCHE THEORIQUE 3.1 Les repères conceptuels Le débat sur les formes que prennent les relations entre les acteurs sociaux dans la gestion urbaine fait partie d’une série d'études en sociologie, en sciences politiques, en études urbaines et en géographie économique. Dans ces études, certaines approches microsociologiques et macroéconomiques présentent des perspectives complémentaires pour mieux comprendre les transformations de ces relations dans la gestion urbaine contemporaine. Ces approches sont, plus particulièrement, celles de la sociologie de la vie quotidienne, de l’institutionnalisme américain et des sciences politiques. Chacune d’entre elles aborde un concept spécifique afin de comprendre les modifications des relations entre les acteurs sociaux dans la gestion urbaine. Les concepts traités par ces approches sont, respectivement, la transaction sociale, la transaction et la gouvernance (Remy, Voyé et Servais; 1991; Crozier et Friedberg, 1977; Blanc, 1992; Le Galès, 1995; Villeval, 1995; Benko et Lipietz, 1995). Certains auteurs font référence à la complémentarité de ces concepts. Gilly et Pecquer (1997) soutiennent qu’il est possible de concevoir les formes locales de régulation en regardant les acteurs sous trois angles complémentaires : un type de gouvernance, un contexte institutionnel et des compromis sociaux, notamment transactionnels. Ainsi, comme eux, Coomaert (1992) et Lauria (1997) font aussi référence à la relation entre ces approches et leurs concepts, en envisageant une analyse selon différentes dimensions : sociale, politique et économique. La théorie sociologique de la vie quotidienne ainsi que la théorie sociologique des organisations s’intéressent aux diverses manières dont se conjuguent les configurations du lien social et des relations d’intérêt dans la vie quotidienne. Et cela, en considérant la liberté des acteurs avec les contraintes du système, qui 102 sont à l’origine d’actions intégrées (Blanc, 1992). Les principales différences entre ces théories sont leur concept central et le lieu des compromis entre les acteurs sociaux. La sociologie des organisations a comme concept central la négociation dans les relations contractuelles. Selon cette théorie, la négociation entre acteurs se déroule dans un espace-temps déterminé de façon explicite et présuppose la prédominance d’un agir stratégique, où le calcul d’intérêt est explicité. Le concept de négociation de Crozier et Friedberg (1977) présuppose qu’il existe un juste milieu pour des compromis entre les prétentions opposées des acteurs. Le conflit se résout lorsque ce point d’équilibre est atteint. Ainsi, cette théorie postule que la négociation s’effectue dans un cadre donné et selon des règles du jeu établies entre les acteurs. Un peu différemment de la théorie précédente, la sociologie de la vie quotidienne adopte comme concept central la transaction sociale. Celle-ci se caractérise par la manière d’établir la coopération dans la vie quotidienne à partir de la recherche d’un double équilibre : des intérêts et de la volonté de vivre ensemble (Bourdin, 1992), c’est-à-dire des efforts en vue de gérer la séparation et de construire une unité sur la maîtrise des ressources de la vie quotidienne. La transaction sociale peut être comprise comme étant une modalité du rapport social par laquelle des acteurs concernés par un enjeu médiatisé et par un objet commun développent des intérêts qui sont partiellement complémentaires, mais aussi opposés, chacun s’efforçant de faire valoir son point de vue et d’atteindre ses objectifs (Remy, Voyé et Servais, 1991). La transaction sociale se penche ainsi sur le lien et sur les principes postulés sur les conflits entre acteurs et selon les enjeux, en présupposant qu’il y a des lieux pour des compromis transactionnels entre les parties en conflit. Les conflits de valeurs et d’intérêts peuvent aboutir à des compromis pratiques résultant de la nécessité de trouver des modes de coexistence. Ces compromis de coexistence entre acteurs donnent lieu à des règles du jeu et à des projets 103 politiques opposés, par des intérêts partiellement complémentaires, mais aussi partiellement opposés. Ainsi, cette théorie postule que la transaction sociale s’opère aussi là où il y a désaccord sur les règles du jeu entre acteurs, contrairement à ce qu’énonce la théorie des organisations. Elle s’organise autour de compromis pratiques entre des acteurs qui sont contraints de cohabiter puisqu’ils restent en conflit. Ces compromis consistent en la capacité de combiner différents registres ou actions ainsi qu’à les gérer, de manière à permettre à chaque acteur d’être apte à en maîtriser les contraintes. Pour cela, il faut que les acteurs établissent les règles du jeu, définissent leurs positions, affichent leurs ressources, tout en construisant une attitude transactionnelle (Freynet, Blanc et Pineau, 1998). La transaction fait ainsi référence à l’idée régulatrice du fonctionnement social. L’analyse d’une attitude transactionnelle se traduit dans un langage sous le rapport d’un jeu dans lequel des acteurs en situation d’interaction disposent, pour la poursuite de leurs intérêts, d’un certain nombre de ressources tout en définissant des positions d’interactions précises. Toute transaction offre à chaque acteur une possibilité de changement de ses points de vue, de ses perceptions et de ses comportements au long des processus interactifs. Dans une logique de changement du cadre de compromis des acteurs, le point fondamental n’est pas l’espace physique en soi; ce sont les acteurs qui l’utilisent et les types de réseaux de relations qu’ils peuvent établir dans un espace donné ou dans une pluralité d’espaces. De cette manière, il est impossible de considérer séparément les espaces, leur représentation, les individualités sociales et les réseaux de relations. Ainsi, les acteurs qui sont engagés dans un processus transactionnel ne sont pas interchangeables et équivalents, ils occupent des positions inégalitaires tant territorialement que socialement (Voyé, 1992). 104 Les ressources sont certainement les repères les plus importants dans l’effort de construction des compromis de coexistence. Elles constituent les moyens d’investissement des capitaux (économique, social, technique et symbolique) dont dispose ou peut disposer chacun des acteurs ou des groupes d’acteurs, avec les possibilités d’actions qui en découlent. Cependant, toutes les ressources à la disposition d’un acteur ne sont en fait ni également pertinentes ni également mobilisables au sein d’un processus transactionnel. Associer la notion de ressources à celle de transaction sociale sous-entend que les ressources dont disposent les acteurs pour mener leurs actions peuvent être modifiées tout au long du processus transactionnel. Il s’agit avant tout d’une dynamique selon laquelle les ressources utilisées peuvent être non seulement renouvelables, mais, en grande partie, créées par les acteurs eux-mêmes. Et cela, de façon à pouvoir changer les logiques instituées et modifier les conditions de la transaction. De cette façon, le nombre d’acteurs peut se modifier selon les circonstances ou les étapes d’un processus d’interaction. La notion de transaction sociale est centrée sur les effets du compromis de coexistence, la mobilisation des ressources, les étapes d’évolution du rapport social, la transformation des modalités d’échanges et la modification des priorités, en permettant ainsi d’analyser les rapports sociaux dans leur exercice quotidien (Remy, 1992). Le concept de transaction sociale permet de clarifier les formes de coopération conflictuelles entre les différents acteurs, en insistant sur la constitution des positions des acteurs, avec leurs limites et leurs possibilités (Blanc, 1992). Le champ de la transaction sociale est plus vaste que celui de la négociation. En effet, la sociologie de la vie quotidienne s’appuie sur les acquis de celle des organisations en allant plus loin (Bourdin, 1992). Parallèlement à cette proposition microsociologique, les théories de la régulation et de l’institutionnalisme américain s’intéressent aux diverses manières dont se conjuguent les configurations macros des relations entre acteurs, rattachées aux 105 systèmes de règles institutionnelles qui organisent les rapports entre acteurs sociaux. Ces deux théories se caractérisent par une intégration des institutions65 comme variables endogènes aux transformations socioéconomiques. La théorie de la régulation met en relief les rapports sociaux codifiés dans la nouvelle dynamique des formes institutionnelles, c’est-à-dire « toute codification d’un ou de plusieurs rapports sociaux fondamentaux [les configurations du rapport salarial, les formes de la contrainte monétaire, les formes de la concurrence, les modalités d’adhésion au régime international et les formes de l’État] » (Boyer et Saillard, 1995 : 543) et cela, dans la dynamique économique et sociale. La convergence des formes institutionnelles représente un arrangement permettant de caractériser un régime d’accumulation particulier. Ce régime d’accumulation exprime « l’ensemble des régularités assurant une progression générale et relativement cohérente de l’accumulation du capital, c’est-à-dire, permettant de résorber ou d’étaler dans le temps les distorsions et les déséquilibres qui naissent en permanence du processus lui-même » (Boyer, 1986 : 46). La théorie de la régulation propose une approche macroéconomique où les institutions jouent un rôle de premier plan. En effet, il n’est pas convenable de considérer la reproduction du système économique et social sans faire intervenir l’articulation des formes institutionnelles. C’est toutefois dans la notion de compromis institutionnalisés – la mise en place d’une forme d’organisation créant des règles de droits et d’obligations pour les parties prenantes – que se découvre l’analyse la plus pertinente de la conception régulatrice de la logique des institutions (Boismenu et Jalbert, 1991; Boyer, 1995). L’approche de l’institutionnalisme américain cherche à donner à l’action collective une véritable place dans la théorie économique, en faisant des 65 L'institution représente un organisme adaptatif aux contextes historiques et un produit social des pressions et besoins de l'environnement (Selznick, 1984 : 5), qui coordonne « des “règles du jeu” sociales ou d'une communauté particulière, allant des coutumes au droit ou à la constitution d'une nation » (Corei, 1995 : 9). 106 institutions l’expression de cette action collective. En insérant, au cœur de la théorie économique, l’étude de la production de règles de comportement par l’action collective, l’institutionnalisme américain se propose de repenser les activités économiques. L'institutionnalisme considère que les comportements ont une dimension sociale a priori, sont interdépendants, sont collectifs. Ainsi, ce ne sont pas les individus, mais les institutions qui constituent les unités élémentaires des systèmes économiques et sociaux. En effet, c'est la connaissance des principes institutionnels – règles, coutumes, modes de coordination – qui permet de comprendre les préférences des agents et leurs comportements (Corei, 1995 : 13). Cette théorie, centrée sur les institutions, prend en considération les questions de rapports de forces et de conflits d’intérêts dans le système capitaliste. Les tenants de cette théorie se proposent de repenser le processus de création d’un ordre et d’une stabilité. La question centrale est celle de la création d’un ordre social dans un contexte conflictuel, l’ordre résultant d’un compromis régulant les conflits de l’action collective. Les institutionnalistes utilisent le concept de transaction, défini par Commons comme « l’activité d’aliénation et d’acquisition [entre individus] de droits de propriété intervenant avant que l’échange, la production ou la consommation ne s’effectuent comme l’unité d’analyse » (Corei, 1995 : 31 et 32), qui comporte les trois dimensions caractéristiques des relations interindividuelles : le conflit d’intérêts, la dépendance et l’ordre. Par ce concept, ils soulignent les conflits d’intérêts entre les personnes ou groupes, intègrent les notions de négociation, persuasion, coercition, contrainte et de dépendance dans l’analyse, et dirigent l’attention sur l’ordre du contexte institutionnel dans lequel ces transactions s’effectuent. La notion de transaction apparaît dans l’institutionnalisme américain comme l’élément majeur pour comprendre le processus de création démocratique des règles de comportement et de régulation des relations sociales. La transaction devient ainsi le point stratégique pour comprendre où et comment se négocient 107 ces règles (Corei, 1995; Bazzoli, 1999 et 2000 Bazzoli et Dutraive, 2004). Analyser de façon approfondie les règles d’interactions sociales par la transaction et par un processus de négociation présuppose de mettre en relief les conflits d’intérêts entre les institutions et les contraintes du système. Ceux-ci sont certainement mis en évidence selon les caractéristiques culturelles et collectives des institutions. Vues sous un premier angle, les formes et les configurations institutionnelles de régulation correspondent à la mise en œuvre des relations sociales. À l’intérieur même de cette structure, les producteurs de normes et de règles de comportement représentent le point principal du rapport entre les stratégies et les structures, entre actions microsociales et systèmes macrosociaux. La théorie institutionnaliste américaine prend en considération les liens entre les niveaux micro et macro par le biais de l’action collective à partir du concept de transaction, une notion qui permet d’analyser de nouvelles configurations institutionnelles. La thématique des institutions contribue à mieux comprendre le contexte où se développent les modèles de partenariats, en s’appuyant spécifiquement sur la notion de transaction. Cette notion permet ainsi de se pencher sur les dynamiques du construit social et de réfléchir sur les liens entre les niveaux micro et macro par le moyen de l’action collective et des institutions. Les théories de la régulation et de l’institutionnalisme américain présentent certaines similitudes. Elles partagent l’idée qu’il existe une hiérarchie des institutions et que celles-ci fonctionnent selon des règles, des compromis et par un système de représentation, en cherchant la construction d’un ordre social dans un contexte conflictuel. La théorie de la régulation, en adoptant une perspective de préférence macroéconomique, où les institutions assurent et soutiennent la reproduction du système et la cohérence du mode de régulation, n’insiste pas sur des considérations théoriques plus micro et « tient relativement peu compte des formes organisationnelles mixtes, en sous-estimant la dimension non institutionnelle et informelle » (Boismenu et Jalbert, 1991 : 203). Cette approche semble avoir été mieux adaptée aux sociétés hautement codifiées, en raison de la 108 place qu’y occupe la tradition institutionnelle. Toutefois, la notion de forme institutionnelle, fondement de l’approche régulatrice, est un outil approprié aux analyses des expériences et des réalités là où la codification prend une autre envergure et où la composition entre le formel et l’informel et entre l’institutionnel et le non institutionnel est plus remarquable; tel est le cas brésilien. Parallèlement à ces concepts de la théorie de la sociologie de la vie quotidienne et des organisations, aussi bien que de la théorie de la régulation et de l’institutionnalisme américain, il est possible de tenir davantage compte d’un autre concept dans la réflexion théorique. Il s’agit du concept de gouvernance urbaine66, dérivé du terme gouvernance, développé tout d’abord en économie, en sociologie et en sciences politiques. 66 D'autres théories américaines auraient pu contribuer au débat : Urban Growth Coalition, Urban Regime et Growth Machines. Néanmoins, nous avons opté pour ne pas les inclure dans la discussion théorique en profondeur, en supposant qu'elles sont plutôt restreintes au contexte américain, fondées sur l'expérience des pays anglophones, et ont un biais considérable par rapport au développement économique au détriment du politique et du social. Plusieurs auteurs ont fait des études comparées de ces théories (DiGaetano et Klemanski, 1993; Harding, 1994; Le Galès, 1995; Lauria, 1997; Stoker, 1998) et dont on relève l'accent normatif sur le développement économique et sur les acteurs privés, au détriment de l'analyse sur les rapports des différents acteurs sociaux, malgré les études sur le Urban Regime, axées sur différents régimes. La Urban Growth Coalition se rapporte à la coalition urbaine pour le développement économique, tandis que la Urban Regime se structure sur l'ensemble des compromis et des relations formelles et informelles entre acteurs publics et privés mettant en relief, en particulier, le régime politique résultant des compromis institutionnels. Selon cette théorie, la capacité d'agir est l'un des critères fondamentaux pour structurer les relations et les compromis entre acteurs sociaux. La théorie de la sociologie de la vie quotidienne met aussi en relief cet aspect, moyennant le concept de transaction sociale. Comme Stocker l’a bien remarqué, « l'importance des intérêts ne s'explique pas seulement en termes d'organisation des intérêts, mais aussi de disposition de ressources [information, finances, réputation et connaissance] de la part d'acteurs privés, qui donneront à une coalition les moyens d'agir et d'être ou de paraître efficace » (Stocker, 1998). Selon Le Galès, ces théories ne mettent presque pas en relief l'acteur public, et elles se sont beaucoup plus intéressées au compromis institutionnel, dans leur perception de développement économique, de telle sorte que « l’on peut reconnaître l'importance des acteurs privés dans la gouvernance urbaine sans en déduire l'existence d'un régime politique urbain » (Le Galès, 1995 : 82). Sous un autre angle, Harding note que the notion of urban governance, within which various types of urban regimes or coalitions can be situated, is clearly appropriate to contemporary analyses of the politics of urban development (1994 : 375). 109 Le concept inhérent à ces approches, dans une vision territoriale, reflète une proposition de redéfinir l’exercice de gérer et de gouverner. Il fait référence au processus interactif et dynamique d’un tissu d’institutions et d’individus qui assurent la prise de décisions collectives et de leurs pratiques d’ensemble (Le Galès, 1995; McCarney, 1998; Peters et Savoie, 1995; Le Galès, 1998; Jouve, 2003). Ce concept renvoie aux valeurs politiques et culturelles des acteurs intervenant dans un processus d’interaction et, consécutivement, aux valeurs sociales et économiques. Poser des questions à partir du concept de gouvernance – conjointement aux concepts de transaction et de transaction sociale, qui permettent une lecture complémentaire et plus achevée des interactions d’acteurs sociaux dans la gestion urbaine – revient justement à mettre de l’avant les conditions qui renvoient à la coordination de différents acteurs et de mieux prendre en compte leurs capacités stratégiques, leurs compromis institutionnels, leurs compromis de coexistence à partir de la transaction sociale établis par eux-mêmes, leur utilisation des ressources nécessaires à la réalisation de leurs objectifs, ainsi que la diversité des processus de légitimité. 3.2 L’origine de la notion de gouvernance urbaine La notion de gouvernance, fréquemment employée de nos jours, n’est pas strictement contemporaine (Jessop, 1995). Ce terme était déjà employé au Moyen Âge sur la clause gobernatia carries, concernant les idées de mener, sterning et diriger (leading, sterning et directing) (Le Galès, 1998 : 492; Casteigts, 2003). À la fin du XIXe siècle, ce terme était aussi utilisé pour représenter l’opposition aux limitations du concept de gouvernement67 avec la séparation classique de 67 Les termes gouvernance et gouvernement ne sont pas toujours nettement distingués (Lefèvre, 1995; McCarney, 1997). À partir d'études sur ces termes dans la littérature 110 l’État, de la société et du marché. C’est à partir du milieu du XXe siècle que ce terme s’est largement répandu selon différents usages. Il est impossible de savoir exactement quel usage prévaut sur tel autre. Il est supposé que les économistes et les sociologues ont pris les devants concernant l’usage du terme, à partir des études sur la coordination des activités et sur l’organisation des entreprises de Coase et Wiliamson, tous les deux économistes institutionnalistes. En 1937, l’article The Nature of the Firm, de l’économiste américain Ronald Coase, a présenté à nouveau le terme gouvernance pour expliquer que l’entreprise émerge en fonction des modes de coordination internes qui permettent la réduction des coûts de transaction créés par le marché. Cette étude a mis en cause le changement des relations de coordination au sein d’une entreprise devant les exigences du marché, en passant d’un angle de relations verticales à celui de relations horizontales (Holec et Brunet-Jolivald, 1998; Lorrain, 1998; Casteigts, 2003). Malgré l’accent donné par Coase aux modes de coordination internes d’une entreprise, cette étude, selon Milani, Arturi et Solinis (2002), n’a pas engendré de grands débats pendant à peu près trente ans. En fait, l’importance du terme « gouvernance » de Coase, dans l’étude des entreprises, n’a été mise en évidence que dans les années 1970, par Olivier Williamson. Celui-ci reprend les études de Coase et présente le terme gouvernance pour désigner les dispositifs mis en activité par une entreprise afin de conduire des coordinations efficaces en référence à deux niveaux : les protocoles internes, quand l’entreprise étend ses réseaux et met en cause les hiérarchies internes; et les contrats et les applications des normes, quand elle s’ouvre aux sous-traitants (Holec et Brunet-Jolivald, 1998). américaine, Lefèvre (1995) témoigne que les deux termes sont fréquemment employés comme équivalents (Le Galès, 1995 : 495). Par contre, Le Galès, à partir d'études françaises et anglaises sur ces termes, soutient que, dans ces pays, il y a une différence très nette entre les deux. Selon Le Galès, la différence entre ces deux termes se rapporte au fait qu'en Europe, et surtout en France et en Angleterre, il y a une ferme tradition d'État centralisé. 111 Pour Wiliamson, la gouvernance ne tient pas uniquement aux modes de coordination internes, mais aussi aux modes externes, dans les relations avec d’autres acteurs directement en rapport avec l’entreprise. Ces études sur l’entreprise et sur le concept de gouvernance se centraient sur la question de l’institution, sa structure et les procédures adoptées. C’est à partir des années 1980 que le terme gouvernance a pris de l’importance chez les économistes, qui s’intéressaient à la compréhension d’une plus grande efficacité des entreprises, et qui devient une référence pour d’autres champs d’études (McCarney, 1997b). L’emploi de ce terme a été largement intégré dans d’autres domaines et sous des formes diverses, toujours à la recherche de descriptions de types de relations et de coordinations entre les acteurs et les divers champs d’action. En ce qui concerne la transposition du terme, Le Galès soutient que : The concept of governance has been increasingly used to describe types of relations and coordination (most often non-market ones), and hybrid forms of regulation. In their reference volume, Campbell (a sociologist), Hollingsworth (a historian) and Lindberg (a political scientist) take a great deal of care to operate within the scope of a sociological approach : unlike economists, they are tackling not only the improved economic efficiency of firms, but also “struggles over strategic control and power within economic exchange that provide the principal dynamic for governance transformations”. In a “new political economy” perspective, they attempt to highlight the ideal types of mechanisms of governance of the economy and its different sectors in capitalist societies, combining these with a particular interest in the state and its models of actions (Le Galès, 1996 : 2). Au cours des années 1980, les études sur la gouvernance s’intensifient. Différents auteurs se penchent sur ce thème, entre autres : Anthony Pagden, Gerry Stoker, Bob Jessop, Jean-Pierre Gaudin, François-Xavier Merrien, Ali Kazancigil, MarieClaude Smouts, Bernard Jouve et Cynthia Hewitt Alcantara. La gouvernance est devenue l’objet de nombreux travaux dont la caractéristique est l’hétérogénéité (Adshead et Quinn, 1998). Cela révèle des disciplines et racines 112 théoriques diverses, allant de l’économie institutionnaliste aux rapports internationaux, en passant par l’économie ou la sociologie des organisations, l’économie du développement, les sciences politiques, l’administration publique et les études urbaines, entre autres. L’appropriation de cette notion par différents courants de pensée aboutit à donner à ce terme des sens et usages multiples, par exemple la définition et l’étude des notions de gouvernance de l’emploi; la gouvernance des politiques monétaires; la gouvernance des entreprises (Milani, Arturi et Solinis, 2002); la gouvernance corporative (Lameira, 2001); la gouvernance locale (Andrew et Goldsmith, 1998); la gouvernance globale (Holec et Brunet-Jolivald, 1998); la gouvernance métropolitaine (Leresche et Poche, 1995; Christian Lefèvre, 1997; Le Galès, 1997); ainsi que la gouvernance urbaine (Le Galès, 1996, 1997 et 1998; Jouve, 2003). La littérature portant sur la gouvernance la définit, grosso modo, comme un processus complexe de prise de décisions entre différents acteurs sociaux qui dépassent le niveau du gouvernement. Les aspects fréquemment relevés dans la littérature sur la gouvernance se rapportent à la légitimité de l’espace public en formation; à la division du pouvoir entre ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés; aux processus de négociation entre acteurs sociaux (les procédures et les pratiques, la gestion des interactions et des interdépendances qui aboutissent ou non à des systèmes alternatifs de régulation68, l’établissement de réseaux et de mécanismes de coordination); et à la décentralisation de l’autorité et des fonctions associées à l’acte de gouverner. Malgré quelques points communs, ce ne sont pas toutes les interprétations de la notion de gouvernance qui adoptent le même angle et qui définissent des 68 Ensemble de règles explicites et implicites qui orientent le comportement des acteurs présents sur la scène politique et qui maintiennent un minimum d’ordre et d’interprétation (définition originaire de l’école de régulation). 113 comportements et des convictions idéologiques semblables. Six angles d’analyse et d’interprétation du mot gouvernance ont été déjà explicités, par exemple par Rhodes (Rhodes, 1996; Adshead et Quinn, 1998; Milani, Arturi et Solinis, 2002). La première explication se rapporte à la gouvernance comme État minimum, fondé sur le besoin de réduction de l’intervention publique (Stocker, 1994 et 1998). La deuxième interprétation de la notion de gouvernance renvoie à la coorporate governance, originaire des théories de management. Pour la gouvernance corporative, le point central est l’accroissement de l’influence du secteur privé dans l’administration publique et dans la production des services publics (Lameira, 2001). La vision corporative cherche à mettre l’accent sur le besoin d’efficacité et sur l’accountability dans la gestion des biens publics. La troisième définition du terme aborde la gouvernance comme New Public Management. Cette approche préconise la gestion et les nouveaux mécanismes institutionnels en économie, moyennant l’introduction de méthodes de gestion du secteur privé et l’établissement de mesures d’encouragement par le secteur public. La quatrième acception fait référence à la good governance69, employée pour la première fois par la Banque mondiale et ensuite par nombre d’institutions 69 Quelques notions de « bonne gouvernance » ont été données par différentes institutions internationales : Commission mondiale de la gouvernance, Policy Affairs Centre, Commission de la gouvernance du International Institute of Administrative Sciences, Public Private Interface in Urban Environmental Management et Novartis Foundation for Sustainable Development. Pour la Commission mondiale de la gouvernance, la gouvernance a été définie comme « la somme des différentes façons dont les individus et les institutions, publics et privés, gèrent leurs affaires communes. C’est un processus continu de coopération et d’accommodement entre des intérêts divers et conflictuels. Elle inclut les institutions officielles et les régimes dotés de pouvoirs exécutifs tout aussi bien que les arrangements informels sur lesquels les peuples et les institutions sont tombés d’accord ou qu’ils aperçoivent être de leur intérêt (Banque mondiale, 2000) ». 114 internationales en rapport avec leurs politiques de prêts. La « bonne gouvernance » est une norme qui présuppose l’efficacité des services publics, la privatisation des entreprises de l’État, la rigueur budgétaire et la décentralisation administrative. Dans la cinquième acception du terme, la gouvernance est présentée comme un système sociocybernétique, vue as the pattern or structure that emerges in a social-political system as common result or outcome of the interacting intervention efforts of all involved actors (Kooiman, 1993 : 34). Les mots clés de cette définition sont la complexité, la dynamique des réseaux et la diversité d’acteurs. Le monde politique serait ainsi distingué par des costratégies : cogestion, corégulation et partenariats public-privé. Enfin, dans la sixième approche, la gouvernance est définie en tant qu’ensemble de réseaux organisés. La gouvernance, dans ce cas-là, traite de managing networks that are self-organizing. Compte tenu que l’État est l’un des acteurs – non plus le seul et exclusif acteur – dans le système mondial, des réseaux intégrés et horizontaux (ONGs, réseaux professionnels et scientifiques) développent leurs politiques et façonnent l’ambiance de ce système (Rhodes, 1996). Les nombreuses interprétations de ce terme conduisent à des convictions idéologiques différentes et même opposées. Malgré cela, ces modes de pensée présentent une unité commune, sur laquelle s’appuient les différentes perspectives de travail : les formes et les types de relations et de coordination entre acteurs sociaux, à l’intérieur ou à l’extérieur de leur champ d’action. Le point de convergence principal du terme, généré de la théorie du management employé pour les entreprises et adopté à partir des années 1980, révèle nettement le biais que ce mot transmet du point de vue de l’idéologie. Il est rattaché directement au contexte dans lequel s’insère le débat sur la mondialisation (Petrella, 1995; Santos, Souza et Silveira, 1996; Sassen, 1995 et 115 1996; Chossudovsky, 1998; Nonjon, 1999; Jouve, 2003) et sur son impact sur le renouvellement des modèles de développement national et le renforcement des marchés mondiaux présentés par les courants néolibéraux. Il faut être attentif à l’emploi de ce terme, du fait de son apparence néolibérale, et malgré ses multiples interprétations. Cela est important en raison de l’imposition de « concept de gouvernance » comme d’une formule magique dans les différents domaines de recherche ou en tant que solution aux problèmes de gestion. Il est vrai que la ratification de ce mot dans les différentes branches d’étude est symptomatique du « prêt » opportuniste fait à la « seule idéologie » supposée disponible, l’idéologie néolibérale. Il y a le risque de la mystification et, par conséquent, de manipulation concernant l’usage d’une recette de gouvernance, comme il est nettement possible de le voir dans les pays dits en développement – c’est le cas du Brésil – en ce qui concerne la good governance, promue notamment par la Banque mondiale. La notion de gouvernance se fait ainsi remarquer, à la fin des années 1980, dans une autre branche d’études, celle des relations internationales. C’est à ce moment-là que le terme good governance commence à être employé par les institutions financières internationales, en vue de la définition des critères d’administration publique dans les pays soumis aux programmes d’ajustement structurel, comme cela fut le cas pour le Brésil. Les organismes de prêt internationaux, surtout la Banque mondiale, ont prôné, par le biais de cette notion de gouvernance, les réformes institutionnelles « nécessaires » portées garantes de la réussite de leurs programmes économiques, selon une conception nettement néolibérale du développement, sévèrement critiquée (Harpham et Boateng, 1997). Il s’agissait de rendre responsable des échecs vérifiés, dans la mise en œuvre des programmes d’ajustement structurel, l’incompétence institutionnelle des États en développement pour justifier un ensemble de réformes macroéconomiques et sectorielles jugées indispensables 116 pour l’ouverture généralisée des marchés, en privilégiant les pays qui structurent et coordonnent les marchés mondiaux. La gouvernance prônée par la Banque mondiale serait-elle la seule capable d’assurer l’efficacité de la mise en œuvre des réformes et des accords structurels pour l’ouverture de la macroéconomie, contre laquelle il serait impossible de lutter? C’est selon ce point de vue que la notion de gouvernance a été introduite au Brésil. Le mot gouvernance prend corps dans le contexte des études urbaines quand il est analysé, tout d’abord sous l’angle de la coordination et de l’interaction dans les différents niveaux de régulation publique des acteurs qui interviennent dans la gestion locale. Cette perspective a été adoptée et réinterprétée par des géographes et des économistes qui ont transposé les principales réflexions sur le concept de gouvernance centré sur les entreprises et celles d’autres courants de pensée dans le concept de gouvernance dirigé vers les questions de territoire. La notion de gouvernance urbaine proprement dite est née au milieu des années 1980. Le premier indice à propos de l’apparition de cette notion tient aux études de chercheurs anglais qui essayaient d’étudier la recomposition du pouvoir local à l’égard des réformes du gouvernement de Margareth Thatcher, dont le but était de limiter le pouvoir des autorités locales, jugées inefficaces et trop coûteuses, en mettant l’accent sur la centralisation et la privatisation de quelques services publics. Ces chercheurs ont opté pour le terme gouvernance urbaine pour qualifier leurs recherches. Ils l’ont choisi pour délimiter la notion de gouvernement local associé au régime décentralisé précédent. Pour eux, le terme gouvernement n’était plus satisfaisant, du fait qu’il était associé principalement à l’État ou parce que tout ce qui concerne la question publique était associé à l’État. L’emploi du terme gouvernance est utilisé pour délimiter surtout cette différence de compréhension 117 de l’acteur public, mais aussi de celle d’autres acteurs coresponsables des politiques et des actions publiques. Depuis, cette notion a été utilisée par d’autres pays européens et nord-américains et s’est répandue dans les études urbaines. 3.3 L’approche de la gouvernance urbaine La discussion sur la gouvernance urbaine est née de questions soulevées au début des années 1980, particulièrement en Amérique du Nord et en Europe (Kooiman, 1993; Di Gaetano, 1994; Le Galès, 1996 et 1998; Milani, Arturi et Solinís, 2002; Jouve, 2003; Pierre, 2005). Des questions sont posées au sujet du rôle régulateur de l’État et de ses « interfaces » avec la société civile, donnant lieu à des formes politiques différentes de celles qui étaient présentes auparavant, en particulier celles qui se rapportent à la gestion locale et régionale : structures et formes de gestion souples et participatives aussi bien que réglementations collectives (Andrew et Goldsmith, 1992 et 1998; Casteigts, 2003). Plusieurs disciplines et branches d’études des sciences sociales se sont intéressées à l’analyse de la gestion locale et régionale. Elles ont restauré la pertinence de l’espace local en dégageant les mécanismes de fonctionnement qui restent spécifiques à chaque lieu ou région et qui combinent les formes que lui imposent le développement et les changements politiques (Mormont et Mougenot, 1985; Carlos, 1996; Bottazzi, 1996; Carvalho, 1997; McCarney, 1997; Borra et Le Galès, 2001; Divay et Polèse, 2002; Jouve, 2003; Guéranger, 2004). Ces analyses ont mis en valeur l’existence d’un dynamisme local avec sa propre logique, ses propres effets et son propre mode de développement, lesquels peuvent à la fois s’opposer aux logiques globales dominantes et promouvoir des innovations sociales et économiques; mais aussi du manque ou de l’échec de dynamismes en envisageant un changement dans le développement local (Bélanger et Lévesque, 1991; Boyer, 1992 et 1995; Filion, 1993; Thomas, 2003). 118 Le développement local peut être interprété à partir de différentes dimensions (Klein, 1989; Benko et Lipietz, 1992; Thomas, 2003). Il peut être défini, d’une part, comme lieu d’analyse et d’intervention dont l’impact est limité, et, d’autre part, comme lieu d’analyse et d’intervention dont l’impact est plus grand, en embrassant le niveau régional et même le niveau national. Une analyse du développement local doit considérer la façon dont les différentes interventions locales ont lieu ainsi que leurs impacts et leurs dimensions à différents niveaux. L’approche de la gestion locale résulte des actions gouvernementales ayant pour objectif de poursuivre les efforts de décentralisation, de désengagement et de délégation : privatisation, déréglementation, réduction des dépenses, incitation de partenariats et mesures diverses destinées à alléger la taille et les fonctions de l’appareil public (Nunes, 1996; Dowbor, 1996 et 1998; Santos, 1997; Siddiquee, 1997). Cette approche résulte aussi des actions d’acteurs de la société civile, destinées à poursuivre leurs engagements dans la gestion locale. Le développement du niveau local a fréquemment été le contrepoint pour la création d’une dynamique solide sous l’angle culturel, social et politique, qui peut garantir aux localités leur participation dans la nouvelle territorialité, engendrée par la mondialisation (Friedman, 1999). Néanmoins, une analyse centrée sur le développement du niveau local limite70 la compréhension du renforcement des 70 Dans ce processus de polarisation entre le global et le local, l’analyse de la dynamique du développement régional a été reléguée au plan secondaire, cela en comparaison au niveau local, du fait que l’axe principal de l’impact de la mondialisation s’est centré dans des territoires ponctuels. De même, les limites régionales ont été modifiées et leur rôle de participation, dans le nouveau territoire, a été relégué, surtout, au rôle de la localité plus résistante. Cependant, la participation des niveaux locaux est en soi associée au développement des niveaux régionaux, en leur donnant de nouvelles limites et de nouvelles dimensions. Si l’on part du principe que seules les localités peuvent jouer le rôle d’ingérence dans le processus de recherche de l’autonomie devant le nouveau territoire créé par la mondialisation, on réduit considérablement la valeur de l’apport des régions limitrophes des localités plus fortes dans ce processus de participation. Il y a actuellement des niveaux régionaux inter-nations ou des niveaux régionaux inter-régions métropolitaines. C’est le cas de la macrométropole de l’État de São Paulo, qui correspond aux métropoles de São Paulo, de Campinas et de la région métropolitaine côtière de Santos, plus les régions de Sorocaba et São José dos Campos, un territoire qui peut aussi être conçu comme 119 dynamiques résistantes et de leur capacité de répercussion et de reproduction, si elle est considérée hors du développement du niveau régional et même national. Un bon exemple de ce processus au Brésil a eu lieu par le biais de l’organisation de différentes factions des mouvements populaires locaux et régionaux, dans la lutte pour l’approbation de la Loi nationale du statut de la Ville et, encore aujourd’hui, dans la lutte pour l’approbation du Fonds national de logement populaire. Plusieurs études universitaires et pratiques ont fait mention d’une gamme d’expériences réalisées par des gouvernements locaux de différentes tendances politiques (Bassett, 1996; Klein, 1989; Hamel, 1991; Ferman, 1996; Putman, 1996; Morin, 1998; Castells, 1998; Cardoso et Valle, 2000). Bassett (1996), dans l’analyse des transformations qui ont eu lieu en Angleterre, met en relief les conditions politiques et économiques locales dans les villes anglaises qui ont permis la prolifération des partenariats entre le pouvoir public et la société civile, ainsi que l’émergence d’une nouvelle élite de managers ayant un intérêt dans les politiques urbaines. Des auteurs tels que Klein (1989), Hamel (1991) et Morin (1998) se sont penchés sur l’analyse de partenariats. Ils ont employé dans leurs analyses une interprétation des dimensions et des structures sociales et politiques, des orientations idéologiques et des ressources disponibles. Andrew et Goldsmith (1992) centrent leurs analyses sur la compréhension de la gestion locale flexible selon trois aspects : représentation des régions, consommation comme dynamique économique et niveaux de contrôle appliqués aux dimensions sociales et politiques, à partir d’une réflexion canadienne sur le métapolis, selon la définition de Ascher (1995). 120 développement de la région d’Ottawa-Hull. Comme Andrew et Goldsmith, des auteurs tels que Castells (1998), Cardoso et Valle (2000) se sont aussi penchés sur l’analyse de la gestion flexible. Jorgensen, Hansen, Antonsen et Melander (1998), intéressés par la compréhension du système des organisations publiques au Danemark, ont essayé de comprendre, dans le contexte des transformations locales, les modifications des obligations et des actions de ces organisations, ainsi que leurs objectifs et responsabilités. Comme ces auteurs, Ferman (1996) a analysé les institutions publiques. Ces analyses se sont concentrées sur la compréhension de la gouvernance urbaine, dont deux thèmes se dégagent plus particulièrement : la conception et le rôle de l’État et la dimension locale, avec des nuances politiques diverses. Ces visions révèlent, sans aucun doute, des concepts divers sur la gouvernance urbaine, signalés par Patrick Le Galès, Christian Lefèvre, David Harvey, Gianfranco Bottazzi et Bernard Jouve. Le Galès a présenté une définition du terme de gouvernance urbaine, en rapportant les problèmes d’organisation à la régulation des intérêts dans le contexte européen. Il l’a définie comme la capacité d’intégrer et de façonner les intérêts locaux, les organisations et les groupes sociaux. Et pour cela, il le fait en les représentant soit à l'intérieur, soit à l’extérieur, et dans des domaines d’action de développement de stratégies d’intégration ayant en vue le marché, l’État, les villes et les différents niveaux de gouvernement (Le Galès, 1999 : 90). À partir de cette définition, il met en relief la capacité d’organisation des actions collectives, la construction de coalitions et d’associations visant des objectifs spécifiques mesurés par des types d’acteurs et leurs ressources; des relations entre les régulations dans l’espace urbain; la différence analytique des 121 dimensions de gouvernance et leurs régimes; et des facteurs qui expliquent les différents types de gouvernance urbaine. Pour Le Galès, le noyau de la notion de gouvernance urbaine est le processus d’interactions entre acteurs sociaux – institutions publiques et privées – moyennant lesquelles les acteurs sociaux peuvent articuler leurs intérêts, mesurer leurs différences et exercer leurs droits et leurs obligations pour atteindre des objectifs communs. Ces objectifs visent des débats et des définitions collectives, du fait qu’il y a des intérêts divers et en conflit entre les acteurs sociaux engagés dans un même processus. Dans ce sens, ils sont beaucoup plus que de simples résultats, ils sont des espaces de compromis franchis tout au long d’un processus. Pour Le Galès, la gouvernance urbaine ne met pas seulement en cause la restructuration des pouvoirs publics, mais aussi le savoir-faire des acteurs de la société civile pour participer intégralement aux processus de décision politique, ainsi que des actions avec d’autres ordres de gouvernement et d’autres acteurs privés. Le terme de gouvernance urbaine renvoie ainsi aux fonctions et actions de gouvernement mais sans l’idée d’uniformisation, rationalité, standardisation. Il suppose une plus grande diversité dans la manière d’organiser les services, une plus grande flexibilité, une variété d’acteurs, voire une transformation des formes que peut prendre la démocratie locale. L’autorité locale devient un acteur important, certes, mais un acteur parmi les autres, tout comme l’État. Ce concept permet de reconnaître la fragmentation, l’incohérence et met l’accent sur les formes de coordination verticale et horizontale de l’action publique et sur la capacité stratégique des acteurs, la diversité des processus de coopération (Le Galès, 1996 : 3). Pour Christian Lefèvre (1997), la gouvernance urbaine est centrée sur l’association des actions collectives là où les différentes institutions engagées ne sont plus considérées comme un être constitué et uni, mais, au contraire, se sont constituées ou sont considérées comme le résultat d’un processus. La gouvernance urbaine comprend le rapport entre les acteurs sociaux engagés dans la construction des espaces de compromis et dans les rôles divers accomplis 122 par eux dans un processus de coopération. La construction de la gouvernance urbaine est un processus où les acteurs sociaux mettent en jeu leurs stratégies individuelles et collectives, sont capables d’intégrer leurs différences, en structurant des coalitions à l’intérieur de processus spécifiques par le biais des actions collectives, mais aussi en dessinant leur capacité de représentation et de participation hors de ces processus. La gouvernance urbaine désignée par David Harvey (1989) représente l’outil d’organisation et de gestion des espaces dérivés d’un complexe de forces mobilisées par des acteurs sociaux divers, forces dans lesquelles l’initiative traditionnelle locale est intégrée aux capacités de gestionnaire du gouvernement local, afin d’attirer des ressources externes, de nouveaux investissements ainsi que de nouveaux emplois. David Harvey, en reconnaissant le rôle de la ville dans le processus de développement local, établit un rapport entre le comportement de gestionnaire et la notion de gouvernance urbaine. Pour Gianfranco Bottazzi (1996), la gouvernance tient à la conjonction dans l’espace local de la dimension socioculturelle et politique. Pour lui, la gouvernance introduit la sphère politique dans le débat sur les relations entre acteurs sociaux. Toutes ces interprétations mènent à comprendre que le rôle de l’autorité centrée dans l’institution publique est remis en question. En fait, elles élargissent cette conception vers une perspective pluraliste et interactive du pouvoir, ayant rapport tantôt à la multiplicité et à la diversité des acteurs concernés, tantôt à ceux qui pourront intervenir dans la gestion des intérêts publics. L’émergence de la gouvernance urbaine signifie la prise en compte du déplacement des barrières entre acteur public et acteur privé et le brouillage des repères traditionnels. Cette notion souligne les phénomènes de transfert, d’imitation, de « bricolage » de l’action publique, d’impuissance publique, de privatisation de l’action publique et d’importance des mécanismes de coordination et de contrôle (Le Galès, 1996 : 3). 123 Les diverses interprétations montrent que le développement du processus de gouvernance urbaine peut être évalué au moyen du savoir-faire des acteurs sociaux de participer intégralement aux processus de décision et d’action avec les différents ordres de gouvernement. Ce qu’il y a de nouveau dans la gouvernance, c’est l’idée de légitimité et de responsabilité que prennent la gestion des structures publiques et les rôles d’action de l’État. La légitimité dépend de l’existence des processus de participation collective entrepris par l’État et par la société civile, tandis que la responsabilité appelle la transparence dans les processus de décision ainsi que les mécanismes pour convoquer les acteurs, ayant en vue l’exercice du contrat social et la mise en œuvre de ses objectifs (Halfani, McCarney et Rodrigues, 1995; Ferreira et Moreira, 2000). Dans cette optique de compréhension à propos des définitions de la gouvernance, Bernard Jouve (2003) souligne qu’il n’est pas convenable de croire qu’elles sont toutes identiques. En cherchant à spéculer sur la gouvernance urbaine, il remarque surtout, par ses références spécifiques, la généralisation abusive et trop approximative de cette notion, aussi bien que des définitions imprécises. Une grande part de la littérature insiste sur le caractère effectif de la gouvernance urbaine par le biais de la recherche du consensus et met en relief son organisation interne comme condition de réussite. Cependant, cette conception oublie ou laisse souvent en second plan les dimensions politiques et sociales, ainsi que les barrières probables que la gouvernance urbaine ne peut résoudre ou éliminer et même ses conceptions « a-conflictuelle » et normative (Lefèvre, 1997). De ce point de vue, Annick Osmont (1999) montre qu’il n’est pas possible de répandre un même mot d’ordre dans tous les pays du monde. Comme elle le fait très bien ressortir, la gouvernance urbaine peut devenir un risque, surtout pour les pays en développement. Ainsi, elle remarque le besoin d’être attentif aux différentes interprétations de cette notion et surtout de son usage idéologique. De la même façon, Bernard Jouve (2003), à partir de ses études, montre les 124 incohérences des définitions et l’importance de manifester de la rigueur dans la compréhension et la définition de la notion de gouvernance urbaine. Une réflexion attentive sur cette notion mène non seulement aux moyens plus efficaces de l’administration et de la gestion, mais aussi à l’exercice du pouvoir et de la domination (Hamel, 1999; Remy, Voyé et Servais, 1996). C’est à la recherche de la compréhension des dimensions politiques et sociales que Hamel (1999) dit que « la notion de gouvernance suggère que la capacité de gouverner n’est pas seulement attachée à l’apparat institutionnel formel, mais suppose la construction de coalitions idéologiques entre acteurs sociaux, construites en fonction de facteurs divers, des orientations idéologiques et des ressources disponibles ». Ce sont des éléments à partir desquels Liliane Voyé et Jean Remy (1993) ont développé la notion de transaction sociale pour la construction du compromis de coexistence, conçue comme concept intrinsèque à celui de la gouvernance, ainsi que la notion de compromis institutionnalisé, développée par les chercheurs de la théorie de l’institutionnalisme américain. La gouvernance urbaine est considérée comme un concept qui dépasse les aspects purement instrumentaux, car derrière les transformations dans la façon de faire et de prendre des décisions se cachent les luttes de pouvoir et de classes, de légitimité de ceux qui se sont associés aux processus de décision, le va-et-vient d’acteurs politiques. Cela veut dire qu’il existe de nouvelles significations de l’organisation sociale et politique. C'est à partir de cette approche que plusieurs auteurs considèrent la gouvernance urbaine. Comme les structures et les objectifs des processus de gouvernance reflètent les normes et les valeurs, les idées et les pratiques dérivées des cultures politiques spécifiques de chaque espace local, de chaque culture et de chaque période historique, il n'y a donc pas un seul, mais plusieurs modèles de gouvernance (Kooiman, 1993; Pierre, 1995; Bassett, 1996; Jouve, 2003). 125 Il est impossible de ne pas remarquer l’existence non pas d’un, mais de plusieurs modèles de gouvernance (Pierre, 1995; Ferman, 1996; Le Galès, 1996). Ces modèles peuvent varier selon : le rôle du gouvernement dans le développement local; la conception du rôle du gouvernement par rapport à la société civile; les styles de politiques; la conception du rôle de la société civile par rapport aux politiques publiques; la culture politique des acteurs gouvernementaux et civils; les objectifs et les rôles qui caractérisent les interactions entre les gouvernements locaux et les institutions de la société civile; les compromis externes des acteurs sociaux engagés. Plusieurs études tentent de relever différents modèles de gouvernance urbaine (Pierre, 1999; Jouve, 2003). Les études développées par Harpham et Boateng (1997) analysent les différentes composantes de la gouvernance : les dimensions technique, culturelle, politique et institutionnelle, à partir de la littérature sur ce sujet. Ces auteurs présentent aussi une réévaluation de deux aspects importants de la gouvernance qui ressortent nettement de la littérature actuelle sur cette question. Le premier se rapporte à l’aspect de la performance de la gouvernance, laquelle tient au développement de l’administration du secteur public, du libéralisme économique et des compétences pour la définition des politiques. Le second aspect a trait à la question de la représentation, laquelle tient à la transparence, à la justice sociale et à l’imputabilité, aux droits de l’homme et à la démocratie. Pour ces auteurs, l’éclaircissement des définitions et des dimensions de la gouvernance urbaine est vital pour son analyse et sa mise en œuvre. Il semble que de multiples modèles de gouvernance urbaine aient vu le jour en Europe, comme le signale Le Galès (1996), en conciliant le développement économique et le maintien de la cohésion sociale. Cela est perceptible à Lille, Strasbourg et Rennes, en France, à Helsinki et Copenhagen, en Scandinavie, à Hambourg, en Allemagne, à Barcelone, en Espagne, à Turin, Venise, Naples et Rome, en Italie, ainsi qu’à Birmingham, Leed et Manchester, en Angleterre (Harvey, 1989; Le Galès, 1996). 126 Jon Pierre (1997), à partir de l’analyse des dimensions de la gouvernance urbaine et du sens des différentes valeurs et dimensions des politiques urbaines, propose quatre types de gouvernance : managerial, corporatist, pro-growth et welfare models. En fonction des modèles de gouvernance, Jon Pierre suggère que les théories sur la gouvernance urbaine apportent de nouveaux regards sur la nature des politiques urbaines et sur la démocratie locale (Pierre, 1997). Il démontre la viabilité de chaque type de gouvernance par la construction d’un tableau de modèles de gouvernance avec différentes composantes : objectifs politiques, styles politiques, fonction des échanges politiques, fonction des associations, rapport entre l’État local et le citoyen, instruments et critères d’évaluation. Par cette lecture, Jon Pierre définit les niveaux d’efficacité, les niveaux de participation des institutions non gouvernementales, les types de coalition ainsi que la capacité de reproduction de chacun de ces modèles de gouvernance (Pierre, 1997 : 15). Dans cette analyse, Pierre met en lumière la compréhension des processus de gouvernance urbaine à partir des initiatives et des capacités des organisations gouvernementales locales. Toutefois, comme le souligne Orlando Alves do Santos Junior : Au regard de la typologie proposée [par Jon Pierre], il faut voir les quatre modèles comme des « idéaux-types », qui considèrent différentes valeurs, directives, normes, organisations et pratiques, qui se matérialisent dans la mise en œuvre des politiques urbaines spécifiques. Dans une localité, il est difficile de trouver un de ces modèles tel qu'il a été caractérisé; le plus probable c'est de trouver mélangés des aspects de chaque modèle, et il serait difficile de prévoir quel modèle en particulier l'emporterait. En outre, il faut prendre en considération que, dans une même localité, il peut y avoir des politiques sectorielles spécifiques, dans lesquelles peuvent coexister des modèles différents. Le rapport de forces entre les acteurs sociaux semble être plus significatif que le contexte institutionnel proprement dit pour expliquer qu'un modèle de gouvernance l'emporte sur un autre. En d'autres termes, il semble que ce soient les conflits d'intérêts au regard des valeurs fondamentales et des objectifs que l'Administration doit adopter qui déterminent les choix faits par les dirigeants municipaux en matière de gouvernance (traduit du portugais, Santos Junior, 2001 : 61). 127 La mise en œuvre d’un projet de gouvernance renvoie de plus en plus à la capacité d’intégration des institutions non gouvernementales, syndicats et groupes communautaires. Pour reconnaître les modèles de gouvernance, il faut aussi considérer les composantes analytiques des institutions. Dans cette perspective, il est fondamental de prendre en considération les composantes internes (Harpham et Boateng, 1997) de l’interaction et les composantes externes de toutes les institutions engagées : les niveaux des compromis de coexistence71 et les moyens de mobilisation internes et externes (Pierre, 1995; Voyé et Remy, 1996; Hamel, 1999). Il importe aussi de mettre en lumière ce qui dépasse les objectifs des interactions afin de comprendre les effets d’un processus de coopération sur d’autres processus ainsi que sur les politiques publiques. Différents acteurs non publics intervenant dans des systèmes d’interactions peuvent contribuer non seulement au développement de leurs propres processus d’interaction, mais aussi d’une manière plus large aux processus de gouvernance, en contribuant à une gamme de processus d’interactions. La diversité des modalités de gouvernance offre une compréhension de la nature des politiques et de la démocratie locale (Bottazzi, 1996; Ferman, 1996; Pierre, 1997 et 2005; Jouve, 2003). La gouvernance n’est pas neutre, elle reflète les valeurs politiques des acteurs intervenant dans un processus et, par conséquent, les valeurs sociales et économiques. Les modèles de gouvernance produisent des politiques et des champs idéologiques divers. En vérité, il n’y a pas un point de vue commun sur les finalités de la gouvernance urbaine. 71 Jean Remy et Liliane Voyé se réfèrent fréquemment à ce terme en tant que compromis interne des interactions sociales et résultat des processus de transactions sociales. Cependant, le terme évoque aussi une dimension du compromis de coexistence entre espèces d'institutions, lesquelles ont une influence directe sur les différentes pratiques de transaction sociale et, donc, sur les compromis de coexistence inhérents aux processus d'interaction. 128 Pour certains, elle peut être établie comme un instrument au service de la continuité de la libération des sociétés, lorsqu’elle consiste à limiter le rôle des gouvernements, en faisant valoir les processus de décisions des acteurs non gouvernementaux, en privatisant des entreprises et quelques services publics. Pour d’autres, qui défendent plutôt le courant économique, la gouvernance est le moyen d’élargissement du marché capitaliste et de faire valoir son hégémonie. Il y a aussi ceux qui adoptent la gouvernance en tant que dimension du pouvoir, ainsi que la voie pour la recherche de la démocratisation des fonctions publiques, de la mobilisation et des initiatives locales et citadines. Dans ce contexte, il importe de comprendre l’initiative et la capacité des gouvernements locaux ainsi que des institutions civiles pour la compréhension de la gouvernance urbaine dans chaque localité, région ou pays. Il faut aussi savoir que la notion de gouvernance offre un cadre d’interprétations de la politique ainsi que des relations entre acteurs sociaux et institutions et qu’elle présente des limites et des potentialités. 3.4 La gouvernance urbaine dans le contexte de l’internationalisation de l’économie L’internationalisation de l’économie n’est pas un processus nouveau (Arrighi, 1981; Braudel, 1981). Au contraire, elle a déjà désigné des processus différents de ceux qui existent aujourd’hui. L’internationalisation récente de l’économie se distingue des autres par l’intégration croissante du commerce et des finances internationales, en établissant des rapports entre les marchés nationaux dans un nouveau système supranational (Sanchez, 1999). Fernand Braudel (1981) a signalé cette approche quand il a essayé de distinguer l’économie-monde de l’économie mondiale. Pour lui, le premier terme représente un fragment de la planète économiquement autonome, capable de se suffire à lui- 129 même. Le second représente plutôt le marché de la planète tout entière. L’économie-monde existe depuis longtemps, plus particulièrement du IXe au XVIIIe siècle. Sa caractéristique principale est la délimitation dans l’espace, en s’accordant avec d’autres économies-monde. Une économie-monde se situe là où une autre commence. Pendant cette période, surtout au XVIe siècle, cette internationalisation était désignée par des processus d’ouverture de nouveaux marchés commerciaux d’outre-mer. Ces marchés étaient définis par chaque économie-monde. Les processus d’internationalisation de l’économie précédant la phase actuelle étaient donc représentés par l’économie-monde, tandis que le processus moderne est représenté en tant qu'économie mondiale, globalisation ou mondialisation72. Dans les années 1930, l’internationalisation de l’économie désignait des processus d’ouverture de nouveaux marchés financiers par rapport à l’écroulement du modèle classique de libre commerce. Dans les années 1950, elle en vient à désigner les processus d’ouverture de nouveaux marchés financiers au regard de l’expansion des multinationales (Sanchez, 1999). La transformation du début des années 1970, dont les répercussions se font sentir jusqu’à aujourd’hui, a débuté avec l’intégration croissante du commerce et des finances internationales, responsable du raccordement des marchés nationaux dans un nouveau système supranational. Le terme internationalisation de l’économie renvoie actuellement au processus plus récent de l’ouverture de nouveaux marchés, caractérisé par l’expansion des marchés financiers mondiaux. Les caractéristiques principales de cette notion sont : la transformation du processus productif à partir des années 1970; la transition 72 Le processus actuel d'internationalisation de l'économie est défini par les pays francophones comme mondialisation (Nonjon, 1999). Pour eux, ce terme définit mieux la phase actuelle des sociétés modernes, du fait que le terme mondialisation représente un progrès de l'humanité, tandis que le terme globalisation est un essai d'accoupler l'idée de développement de l'humanité à celle de l'hégémonie du capital, avec la libération du marché et son hégémonie. 130 entre le « fordisme73 » ou « post-fordisme74 » et le « toyotisme75 » (Sanchez, 1999); les nouveaux systèmes de production qui entrent en jeu : just in time, où les sites industriels n’ont plus besoin de la même concentration d’espace qu’auparavant (Harvey, 1989; Macluan et Ianni, 2000); le recours aux sous-traitants dans 73 Le fordisme est un mode de développement de l'entreprise ou d'organisation du travail, associé à la création de la Ford Motor Compagny à Detroit, en 1913, sous la direction d’Henry Ford; il est largement inspiré d'une autre organisation du travail : le taylorisme. Le mode de production fordiste présente l’accroissement de la mécanisation à l’intérieur de grandes sociétés, divisées en de nombreux services, produisant sur des chaînes d’assemblage mobiles des composants standards et des produits finis, et cela grâce à plusieurs principes : la division du travail en une division verticale (séparation entre conception et réalisation) et en division horizontale (parcellisation des tâches) et l’apparition de la chaîne de montage, du travail à la chaîne. Son principe est de rationaliser le travail et de le mécaniser autant que possible. D’abord, concevoir, puis produire et organiser le travail (Druck, 1999). Le fordisme a envisagé la production, mais aussi ses liens avec la consommation, c’est-à-dire, qu’il est essentiel d'accroître le nombre de ses clients. Pour cela, il a utilisé deux moyens : d'une part, il a diminué le prix de vente de ses voitures et, d'autre part, il a augmenté le revenu de ses ouvriers. Le fordisme a été une phase de développement du capitalisme qui se caractérise par la logique de la production de masse ou production en grande série qui a appellé une consommation de masse dans les entreprises; il est aussi connu comme le mode de croissance caractéristique de l’après Seconde Guerre mondiale, au niveau macroéconomique. 74 Le post-fordisme est apparu avec la crise de l'État-providence qui n’était qu’une dimension essentielle de la crise du fordisme, apparue à la fin des années 1960 et au début des années 1970. Une crise liée à l’épuisement du réservoir des gains de productivité, à la rigidité technique de la chaîne de montage et à la hausse du coefficient de capital, mais aussi à la saturation des marchés domestiques des biens de consommation durables et à la différentiation de la demande. C’est une crise du modèle d’organisation et de production fordistes. Devant cette crise, des éléments d’organisation et de production apparaissent, reconnus comme étant le post-fordisme. Celui-ci est apparu justement comme le nouveau modèle d’organisation productive axé sur : (i) le système de production « juste à temps », dans lequel les quantités et la variété des biens et des services à produire sont déterminées à partir de la demande; (ii) le dépassement de la séparation entre exécution et programmation, pour mieux établir le flux productif; (iii) la flexibilisation du travail (polyvalence de l’ouvrier); (iv) l’ouverture des marchés nationaux (libéralisation) et l’instauration de réseaux productifs transnationaux (globalisation); et (v) l’externalisation de toutes les fonctions productives qui ne concernent pas directement le noyau central de l’entreprise (Lipetz, 1996; Druck, 1999; Jouve, 2003). 75 Le toyotisme représente un mode d’organisation du travail post-fordiste, qui découle de la marque automobile Toyota et qui a d'abord été mis en place dans cette entreprise, puis au Japon en général, à partir du début des années 1960. Il ressemble beaucoup au postfordisme, mais il se différencie sur quelques aspects. Le toyotisme est établi sur les axes du post-fordisme en envisageant surtout de produire pour la demande, ce qui fait que c’était elle qui déclenchait le processus de production. Il produit donc pour répondre à la demande. Une des différences est le mode de flexibilisation du travail, concentré sur la parcellisation des fonctions typiques du toyotisme (Lipetz, 1996). 131 l’industrie ou l’industrialisation du secteur tertiaire (Polesi, 1994); la révolution de l’informatique avec l’introduction de nouvelles technologies et de la robotique; le remplacement du travail humain par le travail des robots; de nouveaux systèmes d’information et de communication et l’informatisation des communications associés au processus d’expansion des marchés financiers. La globalisation, comme est plus habituellement désignée au Brésil cette nouvelle phase de l’internationalisation de l'économie, ne représente pas une référence de modernisation pour toutes les sociétés modernes, bien qu’elles aient vécu des processus semblables de crise de gouvernement et des difficultés pour trouver des solutions concrètes pour la gestion des villes (Le Galès, 1995; Juillet et Paquet, 2001). À vrai dire, la globalisation a entraîné l’approfondissement des différences sociales entre pauvres et riches, soit à l’échelon local, soit à l’échelon national ou international (Santos, 2000). Elle a favorisé la désintégration sociale et l’accroissement de l’exclusion et de la ségrégation socioterritoriales. L’impossibilité de gouverner des États est aussi amplifiée par les processus de fragmentation créés par la globalisation, qui touchent à l’espace, aux groupes sociaux et aux activités, aux différentes échelles spatiales. Il y a eu et il y aura toujours des différences internes au sein d’un même processus d’internationalisation de l’économie, en particulier dans les pays développés et en développement. Dans les pays en voie de développement, par exemple, plusieurs formes de régulation de l’État sont encore structurées sur le modèle keynésien, indépendamment de l’impact mondial du processus de globalisation. Au Brésil, il y a certainement des entreprises qui ont suivi la fragmentation des processus productifs par les technologies de pointe, comme ce fut le cas dans la majorité des pays développés. Cependant, en même temps, plusieurs entreprises, 132 voire la majorité, se maintiennent encore dans un cadre de modèle keynésien. Dans ce contexte, le Brésil présente une structure de globalisation périphérique où plusieurs fonctions et structures doivent être régies par des formes de la globalisation des pays développés. La globalisation révèle, sur le plan spatial, des déséquilibres territoriaux comme ceux de la concentration de la population des classes sociales moins favorisées dans les zones urbaines (Santos, 2000). Sur le plan social, la globalisation se traduit par une multitude d’organisations, de réseaux, d’agents et d’institutions qui interviennent sur le territoire. Sur le plan politique, les États se voient confrontés à une impossibilité de gouverner et, en même temps, la population prend connaissance des limites des institutions publiques et de l’impuissance de leurs responsables. Devant cette situation, les pouvoirs publics cherchent à adapter leur mode d’action publique pour répondre aux défis modernes : chômage, violence, fracture sociale et désespérance sociale. Les États semblent n’avoir ni les conditions de maîtriser les nouvelles tendances ni celles de freiner l’évolution du chômage et de la croissance de la pauvreté. Ils ne réussissent guère à assurer une redistribution des richesses et à réduire les inégalités ainsi qu’à assurer la cohésion sociale. Peutêtre sont-ils devant « l’ingouvernabilité », une conduite ou un comportement qui se matérialise par l’individualisme ou le monopole de la gestion, voire par l’imposition de nouvelles structures institutionnelles, qui ont peut-être été mises en œuvre de façon autoritaire, sur les acteurs locaux, et qui reproduisent encore des échelles de pouvoir jadis en vigueur. La phase actuelle de l’internationalisation de l’économie a rendu instables les relations entre les acteurs sociaux : différents niveaux de gouvernement – municipal, provincial et fédéral – et de pouvoir – exécutif, législatif et judiciaire – ou de strates de la société civile, organisées ou pas (Harvey, 1989; Le Galès, 1996; MacCarney, 1993). 133 Elle a aussi engendré de nouvelles références pour la recomposition de ces acteurs sociaux, en les menant à une nouvelle demande d’organisation sociale, politique et administrative, ainsi qu’à des formes inédites de régulation et de gestion. La recomposition des acteurs, qui se présente dans ce processus d’internationalisation de l’économie comme l’une des transformations principales des sociétés modernes, a eu lieu en regard de la transformation des organisations et des relations de travail (Druck, 1999). Elle s’est aussi manifestée dans les nouvelles pratiques de gestion (Le Galès, 1999; Hamel, 1999), ainsi que dans la multiplication des réseaux de relations non localisées (Denet, 1991; Remy et Voyé, 1992; Touraine, 1995). Ces facteurs ont été engendrés, d’une part, par le développement de nouvelles techniques de communication, par les nouvelles formes de déplacement de biens, de personnes et d’informations et, en conséquence, par leur impact sur la localisation des activités (Ascher, 1995); d’autre part, ils sont nés des réseaux économiques mondiaux et de leur impact sur les organisations territoriales (Castells et Hall, 1994; Sassen, 1995 et 1996). La concentration et la centralisation des capitaux financiers, industriels et commerciaux ont représenté aussi des transformations fondamentales du processus actuel d’internationalisation de l’économie. Par ailleurs, il faut aussi remarquer la réorganisation de la division du travail. Le contexte d’une nouvelle organisation du travail représente une rupture de l’équilibre de l’ensemble des relations de travail, c’est-à-dire des dimensions techniques, organisationnelles, institutionnelles, sociales et culturelles (Coriat, 1995). Cette organisation représente aussi une rupture des relations de travail et de l’articulation des structures de travail avec l’ensemble des structures sociales. Les changements dans la division du travail peuvent être compris en même temps comme la rupture d’une cohérence interne et d’une autre externe. L’émergence de cette 134 restructuration, développée au sein des industries, prend forme dans la société par le biais de la division sociale du travail. Le corps de la représentation de la structuration s’établit par la désintégration verticale des relations intra et inter-entreprises ainsi que par la relation de la division sociale du travail, des articulations des syndicats, des organisations collectives, des associations patronales et professionnelles. La relation verticale est de plus en plus remplacée par le modèle des relations horizontales, menant à une restructuration des relations parmi les individus et la collectivité, identifiée par la transition du modèle « fordiste » vers le modèle « toyotiste » (Druck, 1999). Plusieurs auteurs ont cherché à comprendre le besoin de réorganisation des acteurs sociaux et à évaluer la modernisation de l’organisation institutionnelle, laquelle doit prendre en considération la fragmentation de la collectivité locale et du pouvoir politique institutionnel. Des auteurs tels que Christian Lefèvre (1998) et Patrick le Galès (1995, 1996, 1997 et 2001) tentent d’analyser cette phase à partir des questions du développement local et de l’acteur collectif « ville », menant leurs recherches vers les formes d’organisations des acteurs et des groupes sociaux permettant de résister aux pressions du marché et de préserver la cohésion sociale. Jean Remy (1994 et 1997) et Liliane Voyé (1995), à leur tour, cherchent à actualiser ces questions du point de vue des acteurs sociaux et de leur capacité d’influence pour s’insérer dans le processus actuel d’internationalisation de l’économie. Par ailleurs, Ilse Scherer-Warren analyse le moment actuel à partir des actions collectives (1999), et Maria da Graça Druck (2000) analyse la redéfinition des sujets sociaux et le besoin de bâtir de nouvelles formes d’organisation sociale et politique, ainsi que de nouvelles formes de gestion à partir de la compréhension de l’avenir de la société du travail; et cela, à partir du fait que les formes de travail deviennent précaires presque partout dans le monde et dans les pays en 135 développement, comme le Brésil, et que ces formes prennent des dimensions incontrôlables76. La société moderne vit une période de travail à temps partiel, contrats de travail temporaires, travail à domicile, sous-traitance, service saisonnier et, de plus en plus, de travail non formel, base de la convivialité sociale qui soutient la société dans ce nouveau contexte de l’internationalisation de l’économie. Ce caractère du travail non formel s’étend à plusieurs secteurs, comme c’est le cas de celui du logement au Brésil ou du transport et du travail. Cette situation transforme quantitativement et qualitativement l’exclusion sociale, en l’augmentant terriblement77 (Druck, 1999; Pochmann, 2001). La déstabilisation des acteurs sociaux et le nouveau contexte de la division sociale du travail, jumelés à la faiblesse de l’État, se sont révélés comme l’une des transformations actuelles les plus importantes de la transition du régime d’accumulation et de son moyen de régulation politique et socioéconomique (Boyer, 1995; Filion, 1993; Harvey, 1989). La capacité d’action de l’État, étant réduite et maintes fois inefficace, ainsi que le passage de la maîtrise du marché sur l’État, ont provoqué une crise de légitimité de l’État et de sa réorganisation, à l’échelle nationale, régionale et locale (Carnoy, 1988; André, 1995). Dans la redéfinition du rôle de l’État, le rapport de forces entre les différents ordres de gouvernement ainsi que les stratégies et les programmes se sont restructurés devant le besoin de maintenir l’équilibre économique et social. La 76 Voir à ce sujet : Marcio Pochmann, O emprego na globalização, São Paulo, Boitempo, 2001, 151p. 77 Ce sujet est, de nos jours, au centre d'un débat qui présente un contenu global, à partir des discussions sur la « globalisation de l'exclusion » et « globalisation du chômage », mis en lumière par Marcio Pochamann (Marcio Pochamann, O emprego da globalização, Sâo Paulo, Boitempo, 2001, 151 p.), ainsi que la « globalisation de la misère », mise en relief par Michel Chossudovsky (Michel Chossudovsky, La Mondialisation de la pauvreté. La conséquence des réformes du FMI et de la Banque mondiale, Montréal, Les ecosociétés, 1997, 248 p.). 136 reconstitution des structures dans les échelons du gouvernement a favorisé les compétences des politiques locales, qui ont aussi été valorisées par le résultat des processus de réorganisation des politiques publiques (Pickvance, 1990; Genro, 1997). Plusieurs réformes ont été conçues dans la sphère de l’État. La décentralisation, la privatisation, la déconcentration administrative ainsi que les politiques participatives, entre autres, ont constitué quelques-unes de ces réformes (Andrew et Goldsmith, 1992). Elles ont cherché à établir de nouveaux modèles d’administration des villes, en présentant des vicissitudes possibles à propos de la crise de l’État et des formes de gestion. Celles-ci se sont manifestées, dans la plupart des pays occidentaux, par le trait particulier de systèmes d’acteurs sociaux (Gaudin, 1993), à cause, entre autres, de la disparition de l’État central en tant que détenteur de la légitimité suprême et de la capacité d’imposer une conception particulière d’action et de gestion publique. C’est à l’intérieur de cette réforme qu’est apparue la notion de gouvernance urbaine en tant que paradigme de gestion urbaine, en s’orientant sur la recomposition des relations entre les différents acteurs sociaux (Remy, Voyé et Servais, 1996; Morin, 1999; Hamel, 1999; Ivo, 2000; Milani, Arturi et Solinis, 2002; Jouve, 2003). Les nouvelles formes d’action publique s’élaborent dans un régime de partenariats entre les acteurs de la collectivité territoriale : l’État, le secteur privé, les organisations non gouvernementales, les mouvements sociaux et populaires. 3.5 La gouvernance du point de vue des institutions financières internationales au Brésil Le terme gouvernance a été introduit au Brésil à la fin des années 1980, par la Banque mondiale, à l’occasion de la mise en œuvre de la politique d’ajustement 137 structurel promue par la Banque dans les pays en voie de développement78 (Harpham et Boateng, 1997; Osmont, 1999; Milani, Arturi et Solinis, 2002; Casteigts, 2003). C’est dans un rapport de la Banque mondiale consacré en 1989 à l’Afrique subsaharienne, appelé De la crise à une croissance durable, que se trouve une des premières définitions de la gouvernance comme « exercice du pouvoir politique dans la gestion des affaires d’une nation ». En 1992, la Banque mondiale systématise sa doctrine, en précisant notamment les caractéristiques de la « bonne gouvernance » dans son rapport sur Gouvernance et développement (Casteigts, 2003 : 5). La Banque mondiale définit la gouvernance comme une façon par laquelle le pouvoir est exercé dans la gestion des ressources économiques et sociales d’un pays en faveur du développement (Banque mondiale, 1992). À la fin des années 1980, comme la Banque mondiale, d’autres institutions financières internationales ont été confrontées à la déconvenue des programmes économiques d’inspiration néolibérale qui ont été mis en œuvre. Pour se sortir de cet échec, quelques-unes de ces institutions, spécialement la Banque mondiale, finissaient par mettre en cause le cadre politique institutionnel du pays. Leur analyse démontrait que ce cadre était mal structuré et, surtout, en démantèlement. Devant cela, ces institutions ont pris la décision d’agir plus particulièrement sur le gouvernement en soi, c’est-à-dire sur les formes d’interaction et de gestion des programmes développés au Brésil. Pour arriver à cette conduite, elles ont analysé leurs actions, impacts et insuccès. Cette façon d’introduire la gouvernance révèle que, pour ces institutions, les distorsions d’ordre politique au Brésil ont été à l’origine de la plupart des problèmes économiques (Smouts, 1998). L’introduction du terme gouvernance par les institutions financières internationales s’est faite quand elles ont pris conscience de l’impossibilité de 78 C'est dans ce contexte que maints pays d'Amérique latine, d’Afrique et d’Asie sont confrontés à la notion de gouvernance. 138 résoudre les problèmes existants uniquement par des réformes économiques et en persistant à reléguer au second plan les questions politiques et sociales dans le débat sur le développement. L’introduction de la gouvernance, en tant que façon de remodeler les structures politiques institutionnelles, du point de vue économique et de plus en plus social, a eu lieu beaucoup plus comme une exigence de l’aide financière que comme une nécessité propre de chaque pays, concernant des ajustements politico- institutionnels. De ce fait, il est évident qu’aucun plan économique n’aurait pu réussir sans une légitimité politique et une efficacité minimale des institutions politiques. L’absence d’ordre politique a été présentée comme un obstacle au fonctionnement du marché et de la progression de la libéralisation. Dans le but d’introduire des questions d’ordre politique, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international ainsi que les banques régionales de développement ont dû contourner leurs propres statuts qui, jusqu’alors, ne permettaient pas d’intervenir dans la sphère politique du Brésil. Pour cela, ayant toujours pour but la recherche de la réussite des programmes de prêts, les institutions financières internationales ont avancé la notion de gouvernance (Harpham et Boateng, 1997). Elles évitaient ainsi d’être en désaccord avec leurs statuts et contraintes à suggérer une réforme de l’État. Malgré le fait que les institutions financières internationales voulaient éviter d’intervenir sur les propositions politiques du pays, c’était exactement ce qu’elles étaient en train de faire (Arantes, 2004). Par le biais de l’introduction de la gouvernance, ces organismes ont réussi à échapper aux critiques qu’il était possible de formuler à propos de leur compétence d’intervention dans la politique locale du pays. Avec la gouvernance, il n’était pas facile de les accuser de dépasser leurs compétences, voire de se mêler de l’ordre politique administratif. Pour cela, elles ont agi au nom d’une logique de développement exogène comme le présente bien Osmont (1997). 139 La gouvernance a fait son apparition au Brésil avec les programmes des organismes internationaux de financement pour aplanir ses difficultés (Santos Junior, 2001). Ces organismes prônaient des réformes institutionnelles en même temps que les programmes néolibéraux, considérés comme une réponse au développement économique souhaité. Devant les objectifs des institutions financières internationales, la gouvernance, introduite au Brésil, n’a jamais réellement fait l’objet d’une définition précise, vu le contexte de développement des programmes des organisations internationales. Indépendamment du mauvais usage prêté à ce terme79, comme Jouve le présente bien, sont apparues au Brésil des formes endogènes pour désigner les processus de gestion, en consolidant un modèle de gestion urbaine spécifique (Sachs, 1990; Guillén, 1994; Duhau et Schteingart, 1997; Fischer, 1997). Celui-ci n’a toujours pas eu de rapport direct avec la définition de gouvernance apportée par les institutions financières internationales au Brésil et à São Paulo. 3.6 La gouvernance urbaine dans le contexte brésilien Au cours des seize dernières années, au Brésil, une dimension nouvelle du gouvernement local a été mise en place, désignée par « gestion démocratique de la ville ». Cette dernière a fait l’objet d’études de différents auteurs brésiliens, tels que Tarso Genro (1999), Cristovan Buarque (2000), Santos Junior (2001) et Evelyn Levy (1997), à peu près dans la même perspective que celles des études internationales portant sur la gouvernance urbaine (Ivo, 2000). Ces deux types d’études présentent quelques similitudes, mais aussi quelques divergences. Comme la notion de gouvernance urbaine, celle de la « gestion démocratique de la ville » est apparue au Brésil à la fin des années 1980. 79 Le mauvais usage du terme gouvernance a eu cours non seulement au Brésil, mais aussi dans d’autres pays en voie de développement. 140 L’introduction de ces notions a eu lieu, d’une part, devant les interrogations sur le rôle régulateur de l’État et de ses relations avec la société civile au Brésil, dans une approche de gestion locale. D’autre part, ces notions ont occupé une place importante dans les recherches, compte tenu des transformations des relations entre l’État et la société civile. C’est seulement dans les années 1980, décennie considérée comme celle de la diminution de l’intervention de l’État dans les processus de développement et de la fin des pouvoirs militaires au Brésil, qu’ont été mises en évidence les plus importantes transformations structurales économiques, sociales et politiques au Brésil. De la même façon, c’est à cette époque qu’ont émergé de nouvelles formes de gestion (Bógus, 1999; Queiroz,1999 et 2000), comme les esquisses de partenariats entre le secteur public et la société civile (Bonduki, 1988; Van Del Winckle, 1999). Les transformations, par exemple, des nouvelles localisations des industries, du chômage, de l’austérité fiscale, de l’émergence d’un système conservateur qui remettait en question l’État keynésien, de la rationalisation et de la privatisation, entre autres, ont obligé le gouvernement central à valoriser la sphère locale (Dowbor, 1996). Dans un contexte de crise gouvernementale, et dans la perspective de l’établissement de la nouvelle Constitution fédérale, le gouvernement brésilien a renforcé les actions locales, en responsabilisant les gouvernements locaux et la société civile (Santos Junior, 2001). C’est dans ce contexte que les compromis sociaux ont été renégociés. Les années 1990 se sont distinguées par des formes locales de gestion urbaine (Bonduki, 1996; Martins, 1998), fortement influencées par la Constitution fédérale de 1988. Toutefois, il est important de se rappeler que l’effort des gouvernements locaux en matière de décentralisation du pouvoir a débuté à la fin des années 1970, compte tenu de la crise économique, dont les effets sur ce processus ont été contradictoires. D’une part, ce processus est né de la crise, qui a concouru à la 141 désintégration du pouvoir, fondé sur le régime militaire. D’autre part, ce processus est issu de la crise qui a freiné les tendances à la décentralisation, dans la mesure où elle comportait de grands risques liés à une stratégie de transition ou d’ouverture graduelle du régime militaire. Malgré tout, cet effort de décentralisation a renforcé une contradiction entre plus de liberté politique et de dépendance financière des États et communes, ce qui a progressivement entretenu les revendications municipales pour la décentralisation. De ce fait, celle-ci a commencé effectivement avant même la Constitution de 1988, par le biais d’amendements constitutionnels successifs concernant l’augmentation des ressources financières pour les États et les communes, ainsi que d’une plus grande participation de la société civile, qui a révélé les 122 amendements populaires envoyés au Congrès. La Constitution de 1988 a ratifié et intensifié ce processus. Actuellement, nombre d’obstacles posés aux gouvernements municipaux et à ceux des États découlent de la façon non combinée du processus de décentralisation, c’est-à-dire du manque de coordination et d’un projet articulé entre les différents ordres de gouvernement (Guerra, 1998). Cela a entraîné l’intensification des problèmes structuraux d’une fédération constituée par de gigantesques inégalités socioéconomiques, tant locales que régionales. L’approche de la gestion locale brésilienne a considérablement changé depuis la Constitution fédérale de 198880. Elle a été un reflet des transformations 80 Pendant les années 1980, les municipalités ont joué un rôle fondamental dans la fédération brésilienne. L’effort des gouvernements locaux pour la décentralisation du pouvoir a commencé à la fin des années 1970, avec l’émergence de la crise économique. Cette crise a eu un double effet sur le processus de décentralisation. D’une part, elle est à l’origine de ce processus, parce qu’elle a contribué à la désagrégation du pouvoir sur lequel reposait le régime militaire instauré en 1964. D’autre part, elle a constitué un frein aux tendances décentralisatrices, dans la mesure où elle engendrait des risques majeurs d’une stratégie de transition ou d’ouverture graduelle du régime militaire. Ces effets ont établi une contradiction entre une plus grande liberté politique et la dépendance financière des États et municipalités à l’égard du gouvernement central. Cette contradiction a alimenté progressivement la revendication municipale, de tendances politiques diverses, à la décentralisation. Celle-ci a commencé, principalement, par de 142 engendrées au sein des rapports socioéconomiques, politiques et culturels pendant ces seize ans de la Constitution. La gestion locale n’est plus exclusivement prise en charge de façon hiérarchique par les acteurs publics, fédéraux, provinciaux et municipaux. Au contraire, elle est de plus en plus menée de façon conjointe et autonome par des acteurs locaux publics et par la société civile81 (Smith et Oliveira, 1995; Abrucio et Couto, 1996), laquelle concerne l’ensemble des rapports sociaux entre les individus, les groupes et les classes dont l’existence est indépendante du pouvoir de l’État. Les transformations, au cours de ces dix-sept dernières années, ont restauré la pertinence de l’espace local, en révélant les mécanismes de fonctionnement particuliers de chaque localité ou région (Carlos, 1996; Bottazzi, 1996). La gestion démocratique de la ville est apparue sur la scène brésilienne en tant que concept né des gouvernements de gauche (Palocci, Cristovan, Pont et al., 1997). Ensuite, elle a été de plus en plus récupérée par d’autres gouvernements (Soares et Caccia-Bava, 1998; Cardoso et Valle, 2000; Ivo, 2000; Souza, 2000). L’ensemble des expériences passait par les ressources publiques, la direction de l’appareil administratif, les politiques publiques et par les différents mécanismes de participation populaire. successifs amendements constitutionnels pour l’augmentation des ressources financières aux États et aux municipalités. Certains de ces amendements ont constitué des avancements de la décentralisation, antérieurement à la Constitution de 1988. Cette dernière a ratifié et approfondi ce processus. Selon Afonso (1996), la caractéristique principale du processus de décentralisation du Brésil est son absence de coordination et de projet articulé entre les ordres gouvernementaux. Au contraire d’autres pays de l’Amérique latine, la décentralisation brésilienne n’a pas été l’œuvre du gouvernement fédéral, mais des États et surtout des municipalités. Une grande partie des défis affrontés aujourd’hui au Brésil par les gouvernements municipaux et des États découle de la forme non coordonnée, à travers laquelle s’est réalisée la décentralisation brésilienne (Afonso, 1996). 81 La société civile comprend, d’une part, les acteurs privés marchands (les entreprises ou organisations de production) et, d’autre part, les acteurs privés non-marchands (les organisations communautaires, les organisations non gouvernementales nationales, les associations professionnelles, les syndicats ainsi que l’église) (Vilas, 1998; Gallardo, 1998). 143 Cette notion de gestion a pris corps dans une conception selon laquelle les autorités municipales et provinciales, aussi bien que la société civile locale, avaient misé sur le développement local, et cela, à partir d’un processus participatif. Dans ce déclenchement, l’appropriation de cette notion de gestion, par divers gouvernements, ne représentait pas toujours ni ne conditionnait des processus de gestion participatifs, pas plus qu’un changement dans les rapports sociaux entre les divers secteurs de la société civile. Il est vrai que les expériences [brésiliennes de participation populaire] construisent maintes fois de nouveaux espaces publics et de nouvelles expériences de citoyenneté; il est vrai aussi qu’elles ne sont pas toujours honnêtes et vouées au renforcement de la démocratie. Aujourd'hui, on s’aperçoit que plusieurs, en tant que mécanismes de cooptation et de contrôle politique de la part des secteurs conservateurs, ont glorifié l’image des gouverneurs qui les adoptent, mais démantelé la capacité de pression d’importants secteurs de la société, en maintenant sous un contrôle rigoureux les manifestations et les demandes populaires (traduit du portugais, Caccia-Bava, 2001 : 20). En fait, plusieurs administrations s’affirment populaires en favorisant la participation de la population, alors qu’elles n’utilisent que des formes de consultation (sans le compromis d’adoption des opinions et des décisions) qui fonctionnent seulement en tant qu’instrument de légitimation de décisions irrévocables. Bien au contraire, la gestion participative présuppose la reconnaissance de la pluralité d’acteurs présents dans la ville et le compromis effectif avec la mise au point des processus de décision capables d’inclure les conceptions divergentes, de façon à établir de vraies arènes publiques de transaction et de décision. La diffusion de la « gestion démocratique de la ville » dans le pays a été relative, du fait que plusieurs administrations n’ont pas « légitimé » la démocratie82 82 Selon Touraine (1994 : 43-45), la démocratie comporte trois dimensions : la participation politique, la limitation du pouvoir des gouvernants et la représentativité des gouvernants. Selon Thuot, ces dimensions apparaissent dans un cadre nouveau de la démocratie. Thuot démontre que la nouvelle configuration entre le pouvoir politique et l’action sociale invalide les conditions de déploiement de la démocratie représentative et pousse à la 144 (Sartori, 1994; Genro, 1997; Thuot, 1998; Bobbio, 2000). Cela est attribuable au fait que, d’une part, les administrations, qui ont cherché à mettre au point un système de gestion démocratique de la ville, ne visaient pas toujours les mêmes compromis ou objectifs; d’autre part, parce que l’univers de participation sociale dans la gestion urbaine locale s’est révélé assez hétérogène dans les villes brésiliennes (Cardoso et Valle, 2000). Les études comparatives récentes sur les expériences de participation sociale révèlent cette hétérogénéité. Ces études ont très bien signalé les degrés de participation sociale tout au long de l’histoire récente du Brésil. C’est à la recherche d’une typologie du processus de participation que plusieurs études ont essayé de présenter des modèles de gestion, une tendance très récente au Brésil qui aiderait dans la compréhension des résultats de la mise au point des modèles de gestion. Des gouvernements tels que celui de la ville de Porto Alegre, pendant la période 1989-2002, et de l’État de Rio Grande do Sul, pendant la période de 1992-2002, restructuration du mode d’organisation du pouvoir politique. Thuot (1998 : 168) présente « que le politique et les pratiques sociales sont désormais sur le même pied, résultant pour celui-ci [le politique] de leur émancipation de la tutelle exercée par les pratiques politicoinstitutionnelles de la démocratie représentative, et pour celui-là [les pratiques sociales] du déclin du pouvoir politique en tant que pouvoir situé symboliquement “au-dessus” de la société ». Cette dépolarisation, selon Thuot, confère à l’espace politique un aspect horizontal plutôt que vertical. La complexité sociale se caractérisait verticalement et hiérarchiquement pendant la démocratie représentative, tandis qu’actuellement cette complexité se caractérise horizontalement et de façon excentrique. Thuot fait ainsi référence à une nouvelle démocratie qui naît au sein de la démocratie représentative : la démocratie fonctionnelle, « un mode spécifique de relation entre le politique et la société, dans laquelle les pratiques sociales particulières sont à la fois subordonnées aux pratiques politico-institutionnelles et autonomes par rapport à celle-ci. [...] [Ainsi, cette démocratie traduit l’idée] que la qualité d’un régime démocratique peut être évaluée à partir de l’intensité de son inscription sociale, de ses liens avec la société » (Thuot, 1998 : 50). Et cela, en favorisant la démocratie dans la sphère locale, qui « s’évalue selon l’intensité de son inscription sociale, c’est-à-dire, selon sa capacité à représenter [...] la société dans l’intimité de ses contours, dans la multiplicité conflictuelle des intérêts qui la constituent, dans la diversité des acteurs qui l’animent, dans ses divisions et ses tensions » (Thuot, 1998 : 1). Thuot repense donc la démocratie sur les nouvelles bases de relations entre le politique et la société. 145 sont le symbole le plus important de ce processus de consolidation de la gestion démocratique. Comme dans le cas de la ville de Porto Alegre, les gouvernements municipaux de Santos (1989-1996), Fortaleza (1993-1996) et Recife (1993-1996) ont aussi été des exemples importants du processus de consolidation de la gestion démocratique au Brésil. Les formes de gestion apparues au Brésil n’étaient toujours pas représentatives d’une gestion démocratique. Souvent, des formes de gestion démocratiques brésiliennes étaient empreintes d’intérêts privés et clientélistes. En analysant les exemples de ces villes, les différences de position sur la gestion démocratique sont évidentes, comme le démontrent Soares et Caccia-bava (1998 : 39). Selon eux, le pouvoir municipal établi tantôt à Porto Alegre, tantôt à Santos, a dû agir comme gestionnaire de l’économie de la ville, et les actions vouées à ce but ont été appuyées par la participation des différents acteurs sociaux locaux. Au contraire de ces villes, Fortaleza et Recife ont présenté des objectifs mettant en valeur, respectivement, la capacité d’entrepreneur, avec l’accent sur la transparence des actions, et le modèle compétitif d’insertion dans les nouvelles exigences du circuit économique international. Ces objectifs n’ont pas été modelés sous la même optique de participation populaire, telle que vue dans les villes de Porto Alegre et Santos. Dans les villes de Fortaleza et Recife, comme dans d’autres villes, l’articulation entre le gouvernement et la société civile peut être comprise comme un processus de « démocratisation octroyée », dans la mesure où cette articulation a été contrôlée par les anciens dirigeants autoritaires, qui ont essayé de garantir non seulement leur survie politique, mais aussi le maintien dans le pouvoir de nombre de leurs leaders civils. Une étude semblable a été menée par Adauto Lúcio Cardoso et Cleber Lago do Valle (2000). En dévoilant l’importance de la participation populaire dans la formation des pratiques participatives des années 1990, au moyen de l’analyse des 146 expériences dans quarante-cinq villes, ces auteurs font ressortir les différents modèles de gestion urbaine, en décelant les types de participation suivants : la participation élargie83 et la participation restreinte84. Dans la première, citons l’exemple des budgets participatifs ou du processus de conférences municipales; ou encore, dans un caractère plus spécifique, les exemples des conseils ou forums dédiés aux questions concernant le logement; enfin, l’exemple plus global et non spécifique des conseils municipaux de développement urbain, d’action sociale, d’urbanisme et de l’environnement. Dans le deuxième type de participation, notons les pratiques où la participation est exercée dans la mise au point ou dans le monitorat de programmes et projets; ou les dimensions participatives établies par les consultations, assemblées ou réunions locales avec des associations d’habitants ou des groupes représentatifs des communautés locales (Cardoso et Valle, 2000 : 212). En analysant le cadre de participation, il est possible de vérifier que, parmi les quarante-cinq villes étudiées par ces auteurs, 55 % présentaient des pratiques participatives avec un certain degré d’institutionnalisation. De ce sous-groupe, 68 % des villes avaient comme formes participatives des conseils ou forums spécifiques, en rapport avec l’action publique municipale dans le domaine du logement, ce qui représente un indice élevé. L’autre aspect important de la recherche tient à l’adoption, par 35 % du total des villes, d’une combinaison de modèles de participation. Bien que les cas étudiés révèlent une dissémination des pratiques et compromis avec la participation populaire, les auteurs indiquent qu’il y a encore une forte concentration dans les 83 La participation élargie ou néocorporative fait référence à la capacité des groupes d’influence, directement ou indirectement, aux macropriorités, à la direction, à la restructuration ou à l’implantation de programmes et politiques publiques. 84 La participation restreinte ou instrumentale est caractérisée par l’engagement de la communauté directement bénéficiaire dans un projet particulier ou dans un programme par le biais de l’offre de main-d’œuvre, par la définition de micropriorités, par les allocations de ressources et d’équipements de consommation collective. 147 types de participation restreinte. Les types de participation mentionnés sont des repères concrets pour la définition de modèles de gestion85. Il existe aussi des études spécifiques de conjoncture des villes, comme celle présentée sur le cas de Salvador (Ivo, 2000), où il y a des arènes favorables à la gouvernance urbaine. Quelques efforts et initiatives ont été engagés en vue de mettre sur pied des structures participatives et des solutions négociées dans le domaine de la planification de la ville. Les exemples concernant le budget participatif, le conseil du carnaval et le programme ville-mère donnent une idée de types particuliers de gestion urbaine, dont le but est de rendre formelle la participation civile dans l’administration municipale de Salvador. Bien que l’expérience de la mise en œuvre du budget participatif dans cette ville soit considérée comme une initiative nouvelle, elle ne s’est pas convertie en une expérience bien réussie de gestion, pour des raisons particulières de degrés d’association et de participation populaires. Selon ces études, bien que la tendance vers la mise au point de la participation dans les processus de gestion urbaine au Brésil se confirme, la participation ne présente pas toujours la même ampleur (Ribeiro et Santos Junior, 1996). Les différentes études à Salvador s’efforcent d’établir le point de convergence de la gouvernance urbaine dans le contexte brésilien, mais elles ne sont pas assez approfondies et risquent de poser des problèmes à propos de ce concept, parce qu’une grande partie des travaux présentés emploie le terme gouvernance urbaine selon le biais établi par la Banque mondiale. Le terme gouvernance urbaine, dans ce cas, a été utilisé sans qu’il soit soumis à la critique pertinente à sa transposition dans le contexte brésilien. En effet, les études à Salvador ne font jamais le contrepoint de ce terme à ceux qui sont déjà enracinés au Brésil. 85 Voir à ce sujet le tableau des pages 214 et 243 de ladite œuvre (Cardoso et Valle, 2000), qui présente la distribution des types de participation selon les partis politiques. 148 De ces différentes études sur les expériences brésiliennes, il ressort que les politiques publiques établies illustrent des déterminations et des facteurs locaux qui conditionnent ou rendent possible la discussion des expériences sous l’angle de la gouvernance urbaine. Cela est envisageable non seulement à partir du concept lui-même, mais aussi en référence à la mise au point des modèles de gouvernance (Santos Junior, 2001), modèles qui sont compris au Brésil selon la « gestion démocratique de la ville ». Ce n’est pas uniquement dans les études sur la ville de Salvador que le terme gouvernance urbaine est employé de manière équivoque ou floue. D’autres aussi ne se préoccupent pas trop de son utilisation précise ou délaissent une analyse plus approfondie du terme présenté par la Banque mondiale dans le contexte des villes brésiliennes. L’étude de Cardoso et Valle (2000), en plus d’analyser les modes de participation populaire dans les programmes de logement, incorpore aussi une analyse de la gouvernance. Cependant, les auteurs utilisent le terme de manière assez impropre. Cela est dû au fait qu’ils partent uniquement de la vision de gouvernance en tant que modèle de coordination et d’articulation entre acteurs sociaux en processus de régulation, ainsi que de la capacité de rendre effective la gouvernance. C’est un fait qui a été développé par le biais, d’une part, de la mise au point de moyens de mobilisation et d’engagement de la communauté et, d’autre part, de l’action opérationnelle de la bureaucratie gouvernementale. Les limites de cette étude tiennent au fait qu’elle ne présente pas la discussion de la notion de gouvernance selon d’autres dimensions, comme c’est le cas de Pierre Hamel, Bernard Jouve, Jean Remy et Liliane Voyé : les dimensions sociopolitiques et idéologiques des rapports entre les acteurs sociaux et la capacité de mobilisation des ressources. Cette étude ne considère pas non plus le contexte politique et les objectifs d’établissement des canaux de mobilisation des acteurs sociaux. 149 Sous un autre angle, mais aussi de façon prématurée, Santos Junior (2001) considère directement la gouvernance en tant qu’entité démocratique. En effet, cette vision de la gouvernance liée automatiquement à la démocratie doit être évitée soigneusement, surtout en considérant la forme selon laquelle ce terme a été introduit au Brésil. Cette vision pourrait empêcher la lecture de la réelle légitimité de la démocratie (Santos, 2002). Des études européennes et américaines se distinguent déjà par rapport à l’acuité de cette notion, compte tenu des spécificités et conjonctures locales propres à chaque région, dans son temps et son espace. C’est ce qu’il faut faire aussi pour le Brésil : tenir compte des conjonctures locales. Il faut donc faire très attention à l’emploi de la notion de gouvernance urbaine au Brésil, pour qu’elle ne soit pas une simple transposition du terme utilisé dans d’autres contextes et réalités. Il est important de prendre soin, dans l’emploi de ce terme, de considérer le contexte brésilien et le fait que cette notion n’est pas commune au Brésil et encore moins dans les analyses sur les expériences des gouvernements locaux (Coelho in McCarnet, 1993 : 40). Une première approche sur la gouvernance urbaine dans le contexte brésilien a été développée par Coelho (2001). Elle parvient à esquisser quelques recommandations pour approfondir la recherche sur la gouvernance urbaine. Toutefois, elle fait la liaison automatique de la gouvernance à la démocratie. Selon elle, il faut considérer la gouvernance en tant que governing process characterized by: (a) popular participation in public sphere based on the rights of citizenship; (b) a modern and democratic relationship between governement and civil society; and (c) bureacratic-administrative efficiency capable of postitively associating the technical with the political (Coelho, 2001 : 42). Currently, the multiple aspects of urban government, local power and political participation, social, politics and decentralization, and the role of NGOs, are some of the most prominent issues in Brazilian urban research. Discussion of these questions has drawn attention to the concepts of democratic city management, the rights of 150 citizenship, the relationship between the public and the private, and social solidarity. These ideas representing some dimensions of urban governance as understood here [in Brazil], and their discussion can certainly be helpful to its evolution. The following recommendations should be taken into account in order to develop urban governance as a research theme in Brazil (traduit du portugais, Coelho, 2001: 51). L’emploi de cette notion devient plus courant à partir de 1999 (Bogus et Ribeiro, 1999; Ivo, 2000; Santos Junior, 2001; Milani, Arturi et Solinis, 2002). Et cela, tout en sachant que plusieurs aspects de la gouvernance urbaine ont été analysés depuis les années 1980, sous l’angle de la « gestion démocratique de la ville » (Valladares et Coelho, 1995; Santos Junior, 1996; Genro et Souza, 1997) et par les partenariats entre le secteur public et la société civile aux différents ordres gouvernementaux. Les partenariats qui se constituent sur les processus de division de responsabilité entre acteurs sociaux à l’intérieur d’un univers conflictuel (Klein, 1992; Pecqueur, 1994; Hamel, 1995) prennent place dans la pratique de la gestion locale brésilienne86 (Pacheco, 1995; Utzig et Guimarães, 1996; Bonduki, 1994 et 1996). Le partenariat [constitue] une nouvelle forme d’organisation susceptible de dégager un nouvel espace de pouvoir qui permettrait aux forces vives des communautés d’être parties prenantes aux décisions concernant non seulement l’aménagement du territoire mais aussi tout ce qui affecte le cadre de vie. Dans cette perspective, les règles présidant au développement [...] ne seraient pas définies d’en haut ou sous le poids de la seule contrainte externe, mais par la négociation et le compromis entre des partenaires ayant des points de vue et des intérêts différents. Dès lors, les liens entre les dynamiques locale, nationale et internationale ne seraient pas le résultat de la contrainte mais de la négociation et du compromis (Bélanger et Lévesque, 1992 : 738). 86 Pacheco présente les consortiums intermunicipaux des municipalités de Santo André, São Bernardo et São Caetano ainsi que ceux entre les municipalités et la société civile dans différentes périodes politiques. Utzig et Guimarães présentent la participation directe de la citoyenneté à partir du programme du budget participatif à Porto Alegre. Bonduki présente le programme d’autoconstruction par mutirão, de réhabilitation de favelas et de la récupération des cortiços à São Paulo, qui a réuni les actions des divers acteurs sociaux. 151 La plupart des expériences récentes des gouvernements locaux brésiliens se sont concentrées sur les processus de partenariats, à partir de l’interaction du réseau des institutions qui assurent la prise collective de décisions (Ferreira et Moreira, 2000). Quelques expériences de partenariat ont lieu dans diverses villes brésiliennes. Ces expériences sont de plus en plus présentes et montrent différentes facettes de la démocratie locale (Touraine, 1994; Bertho et Sistomer, 1996; Vincent, 1996; Thuot, 1998). De telles expériences changent d’une ville à l’autre en fonction de leur propre processus politique et socioéconomique. Des villes comme Porto Alegre, Curitiba et Fortaleza ont présenté des changements significatifs. La ville de Porto Alegre est devenue célèbre par les processus de partenariat dans les domaines du budget participatif, depuis 1987 (Laranjeira, 1996; Utzig et Guimarães, 1996), une expérience qui existe aujourd’hui dans plus de cent vingt villes brésiliennes. Le budget participatif engage la population dans un système de représentation afin de discuter des investissements qui doivent être faits dans la ville. Toutefois, il n’englobe pas encore dans le même niveau tous les habitants à faible revenu (Abers,1999). Cependant, il permet aux classes sociales plus aisées de comprendre les besoins fondamentaux des classes populaires et d’accepter que le gouvernement leur donne priorité. Curitiba, différemment de Porto Alegre, s’est fait connaître par les actions urbaines dans les domaines de l’environnement et de l’emploi depuis les années 1990 (Urban, 1996), tandis que la ville de Fortaleza s’est fait connaître par les programmes de logement HCP – Habitation, construction et planification (Habitação, Capacitação e Produção) – pour les classes sociales plus défavorisées. Les programmes mis en œuvre dans cette municipalité n’ont pas seulement prévu la construction de logements, mais aussi une formation professionnelle. Ils ont contribué à l’offre d’emploi, moyennant le programme HCP (Cabannes, 1996). 152 Les expériences des villes de São Paulo (Maricato, 1994; Rolnik, 1994; Singer, 1995; Bonduki, 1996) sont aussi intégrées dans le nouveau contexte de développement local, des transformations des actions gouvernementales et des expériences de partenariat. 3.7 La gouvernance urbaine dans le contexte de la ville de São Paulo Les expériences de partenariat dans la ville de São Paulo sont intégrées dans le nouveau contexte de développement local et des transformations des actions gouvernementales, accomplies par les gouvernements locaux de différentes tendances politiques. Depuis les années 1980, des expériences de partenariat ont été établies à São Paulo, du fait de la réduction des initiatives gouvernementales en matière de gestion urbaine et de l’augmentation de la participation87 des groupes organisés de la société civile dans la gestion urbaine. Dans la plupart des cas, les expériences de partenariat à São Paulo n’ont pas inclus tous les acteurs sociaux. Elles s’établissaient plutôt avec les acteurs marchands qu’avec les acteurs non marchands de la société civile. Les Operações Interligadas et les Operações Urbanas88 sont des exemples de ces partenariats. 87 [La participation] désigne la contribution à des décisions de ceux qui sont là à titre de personnes touchées par les décisions. [...] [Selon Godbout,] la participation, [plus précisément,] c’est le processus d’échange volontaire entre une organisation qui accorde un certain degré de pouvoir aux personnes touchées par elle et ces personnes, qui acceptent en retour un certain degré de mobilisation en faveur de l’organisation. [...] [La participation] implique souvent une certaine adhésion, une certaine fidélité à l’égard de l’organisation. Ce que l’organisation obtient en échange de certains degrés de pouvoir, c’est une certaine mobilisation des individus en sa faveur. La dynamique du phénomène de participation réside dans cet échange de la mobilisation contre un certain pouvoir. [...] La participation est [donc] un échange entre des partenaires concernant la prise de décisions, des partenaires qui ne sont pas nécessairement égaux (Godbout, 1983 : 31-35). 88 L’Operação Urbana est un instrument légal, moyennant lequel le pouvoir exécutif peut autoriser le changement des paramètres urbanistiques établis dans la législation d’utilisation et d’occupation du sol, pour les îlots à l’intérieur de la Loi spécifique d’Operação Urbana. Le droit de construire au-delà des limites fixées par le zonage (taxe d’occupation et coefficient d’utilisation) est permis, cas par cas, dans les conditions établies pour la Loi, comme 153 Elles ont constitué l’un des partenariats les plus importants dans la ville, établi entre le gouvernement local et le secteur marchand (Martins, 1998). Dans ces partenariats, les groupes organisés de la société civile n’ont pas encore été incorporés directement dans ce processus, et leur participation était limitée. C’est seulement à partir de la fin des années 1980 et du début des années 1990 que les processus de partenariat ont présenté une plus grande inclusion des différents acteurs de la société, en particulier des mouvements populaires organisés, acteurs non marchands de la société civile (Bonduki, 1996; Duarte, Silva et Brasileiro, 1996). Bien que les Operações Interligadas et les Operações Urbanas se soient transformées tout au long des années 1990, en fonction de l’alternance des partis politiques au pouvoir et des modifications propres à la dynamique des relations établies entre les acteurs, les formes de partenariat privilégiant les relations des acteurs publics et acteurs privés, marchands de la société civile, se sont maintenues. Parmi les diverses expériences de partenariat, celles des conseils ont été fortement développées à São Paulo dans de multiples domaines (tableaux XV, XVI, XVII, XVIII, XIX, XX et XXI) : Conseil municipal de la santé (Observatório dos Direitos do Cidadão : Sacardo et Castro, 2002); Conseil municipal de l’enfant et de l’adolescence; Conseil municipal des personnes âgées; Conseil municipal des handicapés; Conseil municipal de la culture; Conseil municipal de l’éducation; et Conseil municipal de l’assistance sociale (Observatório dos Direitos do Cidadão : Silva, 2002). forme d’obtention de ressources destinées au programme d’œuvre, en incluant l’infrastructure, le système routier et le logement d’intérêt social. En effet, elle est un type d’intervention urbanistique, destinée aux transformations structurelles de l’ambiance urbaine existante et qui exige, simultanément (1) la combinaison du capital d’investissement public et privé, (2) le design de la structure foncière, (3) l’appropriation et la transaction des droits d’utilisation et d’édification du sol aussi bien que des obligations privées d’urbanisation et (4) l’appropriation des éléments externes d’intervention. 154 Tableau XV LE CONSEIL MUNICIPAL DE LA SANTÉ À SÃO PAULO Formulation des stratégies et contrôle de la mise en œuvre de la politique de la santé, incluant les aspects économiques et financiers. Délibérer sur les stratégies de la mise en œuvre de la politique municipale de la santé, ainsi que le contrôle; analyser, évaluer le fonctionnement du SUS (Système unique de santé) et du plan municipal de santé; estimer le jeu de ressources financières transférées par les gouvernements, fédéral et de l’État, et du budget municipal consigné dans le SUS et donner son opinion conclusive sur les rapports de gestion du SUS; accompagner et surveiller les procédures du FUMDES (Fonds municipal de la santé); proposer des critères pour l’établissement des commissions nécessaires au fonctionnement effectif du Conseil municipal de la santé; promouvoir l’articulation interinstitutionnelle et intersectorielle afin de garantir l’attention à la santé établie dans la constitution; estimer l’allocation de ressources économiques, financières, opérationnelles et humaines des organismes institutionnels qui intègrent le SUS; établir les consignes et les directives générales Compétences et pour la formation des Conseils gestionnaires à l’échelon local, régional attributions et municipal, dans les services publics et privés, accordés et engagés; encourager la participation et le contrôle populaire dans les instances des directoires gestionnaires des actions de santé à l’échelon régional et des unités; approuver les directives et les critères d’incorporation ou d’exclusion au SUS des services privés et/ou de personnes physiques, ainsi que contrôler et évaluer leur action, avec la collaboration des Conseils gestionnaires des administrations régionales de santé et/ou Districts de santé; rendre possible toute information sur les questions de santé et toute connaissance du SUS à la population et aux institutions publiques et privées; approuver le statut, l’organisation et les normes de fonctionnement de la Conférence municipale de santé, réunie en session ordinaire chaque année, ainsi que la convoquer conformément à la loi; élaborer, approuver et modifier son règlement intérieur, ainsi que n’importe quel sujet soumis à sa considération, dans les limites de ses compétences. Représentation de la société civile, travailleurs de la santé, institutions gouvernementales, prestataires de services et fournisseurs ou producteurs d’équipements de santé. Pour chaque membre, il y aura un suppléant, appartenant à la même branche que le titulaire. Le Secrétaire municipal de santé doit intégrer le Conseil comme membre Composition fondateur et le doit présider, ayant droit de voix et seulement de vote de qualité, qui sera exercé dans le cas de ballottage. Il revient au maire la nomination des membres et des suppléants. Le renouvellement du Conseil aura lieu tous les deux ans, dans le premier ou dans le dernier trimestre de l’an, quand la gestion élue devra prendre possession et être contresignée dans la Conférence municipale. Caractère permanent et délibératif, ayant l’organisation suivante : Fonctionnement Comité, Commission exécutive et Secrétariat général. Objectifs Sources : Loi 12.546/98; Décret 37.330/98; Décret 37.360/98; Décret 38000/99; Décret 38.576/99 de 155 la Ville de São Paulo; Nelson Rodrigues dos Santos, Implantação e funcionamento dos Conselhos de Saúde no Brasil , in Maria do Carmo A. A. Carvalho et Ana Claudia C. Teixeira, Conselhos Gestores de Políticas Públicas, São Paulo, Polis, p. 15-21. Tableau XVI LE CONSEIL MUNICIPAL DE L’ENFANCE ET DE L’ADOLESCENCE À SÃO PAULO Assurer effectivement les droits de l’enfant et de l’adolescent à la vie, à la santé, à la nourriture, à l’éducation, à la culture, aux sports, aux Objectifs loisirs, à la profession, à la dignité, au respect, à la liberté et à la convivialité familiale et communautaire. Établir des politiques publiques municipales pour l’enfance et l’adolescence; suivre et évaluer les actions gouvernementales et non gouvernementales ainsi qu’inscrire leurs programmes; participer à la mise au point de la proposition budgétaire destinée à la mise en œuvre des politiques pour l’enfance et l’adolescence; surveiller et contrôler l’accomplissement des priorités établies dans la formulation de ces politiques publiques; gérer le FUMCAD (Fonds municipal pour l’enfance Compétences et et l’adolescence); donner son avis sur la convenance et l’opportunité de attributions l’accomplissement des programmes et des services, sur la fondation d’agences gouvernementales ou de la réalisation de consortium intermunicipal; accueillir, analyser et acheminer des dénonciations ou propositions pour un meilleur suivi pour défendre l’enfant et l’adolescent; réaliser l’Assemblée annuelle ouverte à la population ayant pour but la reddition de comptes; établir le règlement intérieur du Conseil ainsi que des règles concernant tout autre sujet soumis à son avis et qui relève de sa compétence. C'est un organe de décision autonome et de représentation paritaire entre le gouvernement municipal et la société civile, composé de seize membres. Huit représentants du pouvoir public municipal du domaine des politiques sociales, du budget et de finances, outre d'autres domaines à être définis par le pouvoir exécutif, dont l'indication relève Composition du libre choix du maire parmi des listes triples, dressées par les secrétariats; huit représentants de la société civile, des mouvements et des agences, élus par l'assemblée générale. Le mandat est valable pour deux ans, en étant admise la réélection une seule fois et pour la même durée. La commission électorale sera constituée par le pouvoir exécutif et composée de cinq membres; cette commission est responsable de la réception des lettres de créance des agences et des mouvements et doit suivre la réalisation des assemblées sectorielles et générales, en apportant des réponses aux doutes posés. Pour choisir les délégués à Fonctionnement l'assemblée générale, il y a cinq assemblées sectorielles, chacune pour un domaine particulier d'action, constituées par des représentants de la société civile; les assemblées sectorielles ont eu lieu le même jour et à la même heure, dans des locaux fixés par l'Exécutif et publiés dans le DOM (Journal officiel de la municipalité), dix jours au moins à l'avance. Les représentants de la société civile ont été élus en assemblée 156 générale, dont le local, la date et l'horaire ont été fixés par l'Exécutif et publiés dans le DOM, quinze jours au moins à l'avance. Sources : Décret 20.554/84; Décret 22.992/86; Décret 25698/88; Décret 28096/89; Décret 30.600/91; Loi 11242/92 de la Ville de São Paulo. Tableau XVII LE CONSEIL MUNICIPAL DES PERSONNES ÂGÉES À SÃO PAULO Être un forum permanent capable d'interpréter et de véhiculer les intérêts légitimes des personnes âgées. Proposer des politiques et des activités de protection et d'aide sociale aux personnes âgées dans la sphère de la compétence municipale de la ville de São Paulo; accueillir les revendications des mouvements organisés ou les dénonciations, en leur donnant suite vers une solution; renseigner et orienter la population âgée concernant ses droits ainsi que mettre en œuvre des campagnes éducatives auprès de la société; aider les personnes âgées dans leur lutte pour leurs revendications; conseiller Compétences et des normes de fonctionnement des asiles ou des maisons de retraite attributions pour les personnes âgées, en surveillant et en évaluant leur accomplissement; établir les conditions pour récupérer la mémoire et l'expérience des personnes âgées dans le champ des mouvements syndicaux, politiques, culturels, des mouvements de quartiers et similaires; établir le règlement intérieur du Conseil ainsi que des règles concernant tout autre sujet soumis à son avis et qui relève de sa compétence. L'assemblée générale autant que les assemblées régionales sont composées par des personnes âgées en particulier ou organisées en associations, des personnes et des associations conventionnées et par toute autre personne ou association intéressée. Le Conseil des représentants est composé par : trente personnes âgées titulaires et quinze suppléants, élus dans les assemblées régionales, en considérant la représentativité de six titulaires et trois suppléants pour chaque région; un représentant et son suppléant, désignés par les titulaires des organes suivants : cabinet du maire, secrétariats municipaux de santé, du logement et du développement urbain, de transports, du bien-être social, de la culture, de services et travaux, de l'administration, Composition Compagnie municipale de transports urbains (CMTU), Hôpital des fonctionnaires municipaux (HSPM), Institut de prévoyance municipale de São Paulo (IPREM), Corps municipal de bénévoles (CMV) et Chambre municipale de São Paulo (CMSP), dont le représentant est indiqué par son président. Les commissions de travail sont composées par des membres du Conseil de représentants, personnes âgées qui participent aux assemblées et personnes et/ou associations gouvernementales et privées, spécialement invitées. Le secrétariat exécutif est constitué de cinq membres représentants des personnes âgées, à savoir, un président, un vice-président, un premier secrétaire, un second secrétaire et un votant. Fonctionnement Font partie du Conseil : assemblée générale, assemblées régionales Objectifs 157 (mises en place dans les cinq régions - nord, sud, est, ouest et centreville ou dans les sous-mairies dès qu'elles sont en fonctionnement), conseil de représentants des personnes âgées et de l'administration, commissions de travail et secrétariat exécutif. L'assemblée générale est convoquée par les moyens de communication. Les assemblées régionales doivent se réunir tous les deux ans, dans des colloques régionaux des personnes âgées, ayant pour but l'élection des personnes âgées qui doivent représenter chaque région dans le Conseil des représentants. C'est à celui-ci qui revient la tâche de convoquer l'assemblée générale et les assemblées régionales. Sources : Décret 20.554/84; Décret 22.992/86; Décret 25.698/88; Décret 28.096/89; Décret 30.600/91; Loi 11.242/92 de la Ville de São Paulo. Tableau XVIII LE CONSEIL MUNICIPAL DES HANDICAPÉS À SÃO PAULO Mettre en œuvre et acheminer des propositions à la mairie de la ville de São Paulo, ayant toujours pour but la promotion et le soutien des Objectifs activités concernant l'intégration des personnes handicapées à la société. Encourager, soutenir et développer des études et des diagnostics sur la situation et les problèmes des personnes handicapées; accueillir, analyser et acheminer des dénonciations de pratiques discriminatoires; mettre en œuvre des politiques municipales d'accueil d'une façon articulée avec les secrétariats ou d'autres organes engagés de l'administration municipale; donner des directives pour l'administration municipale directe et indirecte et, subsidiairement, pour le secteur privé; mettre en œuvre et divulguer des études sur la situation économique, sociale, politique et culturelle des personnes handicapées, divulguer des textes éducatifs et dénoncer des pratiques discriminatoires; établir des programmes de formation et Compétences et d'entraînement des fonctionnaires publics municipaux, avec les attributions secrétariats équivalents, ayant pour but la suppression des pratiques discriminatoires; proposer la mise en place des accords pour assister les handicapés avec des associations publiques ou privées, à but non lucratif; mettre au point et mettre en œuvre des projets ou des programmes concernant les conditions des personnes handicapées, dont l'incorporation par d'autres secrétariats ou organes de l'administration municipale n’est pas possible dans l'immédiat; proposer et suivre des programmes ou des services moyennant des mesures d'amélioration de la recherche de données d'ordre statistique; gérer les éléments nécessaires au développement des actions du Conseil; établir le règlement interne du Conseil ainsi que des règles concernant tout autre sujet soumis à son avis et qui relève de sa compétence. Sept membres, ayant au moins la participation d'un handicapé auditif, d'un handicapé physique, d'un handicapé visuel, d'un handicapé mental Composition (ou représentant légal), outre les sept suppléants, selon les critères de participation de la coordination générale. Un de ces membres sera élu 158 président, tandis qu'aux autres seront attribuées les fonctions nécessaires pour en venir à ses fins. Leur mandat est d'un an, la reconduction étant admise. Colloques annuels des handicapés à São Paulo; réunions plénières Fonctionnement mensuelles; coordination générale; groupes de travail. Source : Loi 11.315/92 de la Ville de São Paulo. Tableau XIX LE CONSEIL MUNICIPAL DE LA CULTURE À SÃO PAULO Institutionnaliser le rapport entre l'Administration municipale et les secteurs de la société civile attachés à la culture, moyennant la Objectifs participation dans la mise au point, dans la mise en œuvre et dans la surveillance de la politique culturelle de la Ville de São Paulo. Représenter la société civile de São Paulo, auprès du pouvoir public municipal, en ce qui concerne la culture; mettre au point, auprès du Secrétariat municipal de la culture, des directives et des normes pour la politique culturelle municipale; présenter, débattre et donner son avis sur des projets concernant : la production, l'accès et la diffusion culturelle, la mémoire sociopolitique, artistique et culturelle; encourager la démocratisation et la décentralisation des activités de production et de diffusion culturelle dans la commune; assurer le suivi des projets culturels d'intérêt de la commune; donner son avis sur : priorités budgétaires et des programmes, propositions de fonds Compétences et d'encouragement à la culture, propositions pour l'obtention de attributions ressources; répartition budgétaire, réalisation d'accords avec des institutions et des associations culturelles; apporter sa collaboration à l'étude et au perfectionnement de la législation sur : politique culturelle, dans la sphère municipale, des États et dans la sphère fédérale, politique de télécommunications, politique de l'organisation et du fonctionnement de la communication dans la ville de São Paulo; évaluer la mise en œuvre des directives et des objectifs du Secrétariat, ainsi que de ses rapports avec la société civile; établir le règlement interne du Conseil ainsi que des règles concernant tout autre Conseil, surtout normatif et consultatif, est présidé par le Secrétaire municipal sujet soumis à son avis et qui relève de sa compétence. Composé de huit commissions (arts scéniques et musicaux; arts visuels; arts audiovisuels; patrimoine culturel; livres et littérature; sciences, Composition technologie et éducation; manifestations dans la rue; institutions de la société civile et mouvements sociaux), un Conseil général et une plénière. La plénière doit se réunir une fois par an. Les périodes des réunions et la forme de leur convocation ainsi que des réunions extraordinaires des Fonctionnement trois juridictions qui la composent seront établies par le règlement interne. Sources : Loi 8294/75 et Loi 11287/92 de la ville de São Paulo. 159 Tableau XX LE CONSEIL MUNICIPAL DE L’ÉDUCATION À SÃO PAULO Apporter sa collaboration au pouvoir exécutif dans la mise en œuvre du Plan municipal de l'éducation et dans la surveillance des activités Objectifs scolaires en général et, en particulier, de celles concernant l'assistance sociale scolaire, en les encourageant et en proposant des mesures en vue de leur amélioration. Assister l’Exécutif municipal dans les questions sur l’éducation et présenter des mesures concernant l’organisation et le fonctionnement du réseau scolaire municipal; encourager et mettre au point des études sur l’organisation de l’enseignement municipal; mettre en œuvre le plan municipal d’éducation; surveiller les activités concernant l’assistance sociale scolaire, en les encourageant et en proposant des mesures ayant pour but leur perfectionnement; donner son avis sur les Compétences et sujets d’ordre pédagogique et éducatif présentés par l’Administration attributions municipale; encourager la réalisation de séminaires et de congrès d’enseignants ayant pour but le débat sur les problèmes de l’enseignement dans la sphère municipale; rectifier au besoin des actions des écoles municipales, pour qu’elles obéissent à la législation scolaire et à d’autres attributions confiées par le Conseil de l’éducation de l’État de São Paulo; établir le règlement interne du Conseil ainsi que des règles concernant tout autre sujet soumis à son avis et qui relève de sa compétence. Constitué de neuf membres, nommés par le maire : trois membres représentant le pouvoir public, au libre choix de l’Exécutif municipal, parmi les personnes de savoir notoire et d’expérience en matière Composition d’éducation; trois membres représentant le corps enseignant, désignés par le Secrétariat municipal de l’éducation et trois membres représentant la communauté, désignés par des associations représentatives de couches sociales diverses. La législation concernant le Conseil d’éducation ne donne pas de Fonctionnement renseignements sur ce sujet. Sources : Loi 10429/88; Décret 28378/89; Décret 33892/93; LOM art. 200, § 2 de la Ville de São Paulo. Tableau XXI LE CONSEIL MUNICIPAL DE L’ASSISTANCE SOCIALE À SÃO PAULO Fonctionner en tant que comité du système décentralisé et participatif de l’assistance sociale de la commune. Approuver la politique municipale d’assistance sociale; établir les normes d’action et réglementer la prestation de services d’ordre public Compétences et et privé dans la sphère municipale; inscrire les associations et les attributions organisations d’assistance sociale pour leur fonctionnement; surveiller les associations et les organisations d’assistance sociale, selon les normes de son règlement intérieur, en incorporant l’avis du Conseil Objectifs 160 tutélaire, dans les cas des associations concernant l’enfant et l’adolescent; réglementer la concession et la valeur des bénéfices éventuels prévus dans l’article 22 de la loi fédérale 8724/93, moyennant des critères établis par le Conseil national d’assistance sociale; établir les critères en vue de la destination des ressources financières pour le paiement de l’assistance natalité et de l’assistance funérailles; orienter et contrôler la gestion du Fonds municipal de l’assistance sociale; établir des critères pour le transfert des ressources publiques ou des subventions aux associations de prestation de services et aux autres organisations d’assistance sociale qui agissent dans la commune; établir les directives, évaluer et approuver les programmes annuels et pluriannuels du Fonds municipal d’assistance sociale; établir des critères pour l’application de l’exemption d’impôts et de taxes; définir et coordonner, entre les institutions, les programmes d’assistance sociale, prévus dans l’article 24 de la loi fédérale 8742/93, selon leurs principes et objectifs; approuver les plans ayant pour but la signature d’accords entre la commune, les associations et les organisations d’assistance sociale; coordonner les programmes d’assistance sociale voués aux personnes âgées, aux invalides et à l’intégration des handicapés, moyennant le bénéfice des services continus établi dans l’article 20 de la Loi; évaluer et approuver la proposition budgétaire de l’Assistance sociale acheminée par les divers secrétariats et par les unités budgétaires; suivre et évaluer la gestion des ressources ainsi que les bénéfices sociaux et l’accomplissement des programmes et des projets approuvés; faire la convocation ordinaire chaque deux ans, ou extraordinaire, par la majorité absolue de ses membres, de la Conférence municipale d’assistance sociale, à qui revient l’attribution d’évaluer la situation de l’assistance sociale et de proposer des directives concernant l’amélioration du système; mettre au point et approuver son règlement interne; maintenir la coordination avec le Conseil d’assistance sociale de l’État (CONSEAS) et avec le Conseil national d’assistance sociale (CNAS); établir le règlement interne du Conseil ainsi que des règles concernant tout autre sujet soumis à son avis et qui relève de sa compétence. Composé de dix-huit membres (neuf représentants du pouvoir public et neuf représentants de la société civile) et les suppléants respectifs, élus, Composition si appartenant à la société civile, et désignés, si appartenant au gouvernement, et tous deux nommés par le maire, avec mandat de deux ans; la réélection est admise. La loi prévoit l’existence du règlement interne, mais ne détaille pas le Fonctionnement fonctionnement de ce Conseil. Sources : Loi 12524/97; Décret 38877/99; Décret 40.531/01 de la ville de São Paulo. Ce qu’il faut souligner dans ces expériences et qu’il est important de considérer dans l’analyse du développement local, c’est la façon par laquelle s’établissent les différents partenariats ou de nouvelles formes de coalition qui se dégagent entre 161 la société civile et l’État, ainsi que les rôles précis de ces partenariats (Carvalho et Teixeira, 2001; Santos, 2001). À São Paulo, des partenariats entre acteurs sociaux urbains se sont aussi multipliés par l’entremise des programmes de logement. Entre 1989 et 1992, un programme de partenariat de grande réussite, lié à la formation professionnelle et à la construction de logements par le système nommé mutirão et autogestion, a été développé à São Paulo. Les partenariats ont été établis entre le gouvernement municipal, des associations communautaires et des organisations non gouvernementales de consultation technique (Bonduki, 1992). Ces partenariats ont favorisé les interactions entre les différents acteurs sociaux – marchands et non marchands de la société civile – en intégrant davantage les acteurs non marchands, acteurs organisés sur une base communautaire. Ce programme de partenariat a changé à partir du milieu des années 1990. Le parti politique qui a assuré le relais du Parti des Travailleurs (PT) dans le gouvernement municipal, à partir de 1993, a repris le partenariat en lui donnant toutefois une autre direction et une structure complètement différente, avec la participation préférentielle des acteurs privés marchands, en limitant la participation des acteurs privés non marchands, qui sont structurés sur une base communautaire. Malgré cette nouvelle organisation mise en œuvre à partir de 1993, c’est à ce moment qu’une première structure du Conseil du Fonds municipal du logement fut proposée. Cependant, cette proposition est apparue dans la confrontation des revendications et des propositions d’organisations structurées sur une base communautaire avec le pouvoir public. De même, les partenariats entre acteurs sociaux urbains se sont répandus par le biais des Operações Interligadas et Operações Urbanas pendant les mandats de Jânio Quadros (1985-1988), Luiza Erundina (1989-1992) et Paulo Maluf (1993-1996) (Van Wilderode, 1998; EMURB, 1997, 2000 & 2002; Diário Oficial, 2000; Maricato et Ferreira, 2002; Fix, 2002). La 162 majorité des Operações Urbanas sont blâmées, du fait que, dans leur mise en place, la priorité n’a pas été donnée aux besoins des classes sociales plus défavorisées, favorisant encore plus les parties les plus urbanisées de la ville (Villaça, 2000). L’expérience de ces dernières années a révélé que le partenariat public-privé dans la gestion locale peut facilement créer le favoritisme unilatéral pour certains secteurs de la société, généralement en faveur des acteurs historiquement dominants qui réussissent à maintenir un accès privilégié à la machine de l’État. Dans ce sens, plusieurs Operações Interligadas et Operações Urbanas n’ont pas réellement été un instrument de cogestion locale. C’est relativement aux expériences de partenariats, surtout des Operações Interligadas et Operações Urbanas, qu’il faut se méfier des éloges insistants au sujet de l’efficacité des partenariats entre le pouvoir public et la communauté dans la gestion des services publics et de l’infrastructure à São Paulo (Maricato, 2000). Contrairement à ces expériences, celles de mutirão, par exemple, à São Paulo à la fin des années 1980 (Bonduki, 1992; Maricato, 1992; Bisilliat-Gardet, 1990) sont des exemples concrets d’un changement dans la philosophie de construire les partenariats. D’autres expériences révèlent aussi l’efficacité du partenariat local dans la restitution du tissu social, ainsi que l’engagement envers la mise en place et le perfectionnement des instruments de participation, comme le budget participatif (Becker, 2000); la coordination des politiques métropolitaines d’action, telle que l’Agence de développement du Grand ABC, comprenant quelques communes de la région métropolitaine de São Paulo (Klink, 2001); l’inclusion des organisations sociales et communautaires dans la gestion de la ville à partir de l’établissement des espaces de discussion collectifs et d’audiences publiques, comme le Conseil du Fonds municipal du logement (Paz, 1996; Santos Junior, 2001; Gohn, 2001; Cymbalista et Moreira, 2002); et les efforts de décentralisation et de réforme administrative (Soares et Caccia-Bava, 1998). 163 Depuis ces deux dernières décennies, et en tenant compte des expériences de partenariats dans la ville de São Paulo, il est possible de suggérer que l’une des initiatives de participation les plus légitimes techniquement et politiquement ait été celle des conseils et plus particulièrement celle du logement (Gohn, 1987, 1988 et 1989; Azevedo et Prates, 1991; Ribeiro, 1994; Cardoso et Valle, 1999; Paz, 2000). 3.8 La gouvernance urbaine dans notre cadre d’analyse Ce chapitre veut offrir une compréhension de la notion de gouvernance urbaine, en lien avec les notions clés des approches microsociologiques et macroéconomiques où elle s’insère, et en passant par une lecture de ses définitions et de ses origines, dans les domaines auxquels elle a été empruntée, jusqu’à son application dans le cadre de la ville de São Paulo. Et cela, dans le but de construire le cadre d’analyse pour saisir l’éventuelle adéquation de l’outil gouvernance urbaine dans la compréhension de la gestion d’une politique sectorielle de la ville de São Paulo. C’est dans ce but qu’il faut dégager, pour notre analyse, l’importance de la place de la notion de la gouvernance. Il faut comprendre qu’elle « participe » à un groupe de notions clés qui font référence aux débats et analyses à propos de la régulation, des pratiques et actions collectives d’interactions entre des acteurs sociaux, dans un contexte de transformation des relations économiques, sociales, culturelles et politiques engendrée par la globalisation. La gouvernance n’est donc pas une notion unique envisageable pour répondre aux diverses situations et interactions sociales qui ont été mises en place les dernières années, vu sa « propagation » et la façon dont elle a été utilisée un peu partout. Elle ne peut être considérée individuellement, mais plutôt intégrée dans un ensemble de notions clés dont elle fait partie. 164 Ainsi, la notion de la gouvernance nécessite d’être travaillée avec les notions de transaction et de transaction sociale, comme l’indiquent Gilly et Pecquer. Les trois angles peuvent, ensemble, mieux nous aider dans l’analyse de la régulation et de l’interaction sociale. Il existe une complémentarité dans ces concepts. Ils amènent à une lecture des pratiques et actions collectives selon les dimensions sociale, politique et économique, et cela, en liant le micro au macro, et vice-versa, tout en se référant au processus du compromis dans les pratiques et actions d’interactions sociales. En effet, pour nous, le compromis institutionnel de la transaction de l’institutionnalisme américain va de pair, en le relativisant bien sûr, avec le compromis de coexistence de la transaction sociale de la sociologie de la vie quotidienne, pour dégager où et comment s’établissent les règles, objectifs, pratiques et actions d’interactions sociales de toutes parties prenantes. Et cela, de la même façon dont la gouvernance urbaine suggère le compromis de coalition en fonction de l’exercice quotidien du rapport social et des ressources disponibles. Par ces dynamiques de compromis, ces notions suggèrent le construit social du processus d’interactions sociales. Toutefois, il convient d’établir une distinction dans la lecture de ces notions, en relativisant l’accroissement de leur utilisation, comme cela existe déjà entre les approches microsociologiques à propos du terme négociation, afin d’éclairer la configuration des pratiques et actions collectives. Elles apportent une lecture plus ou moins macro ou micro en fonction de leur portée et établissent différemment la valeur de la négociation. Ainsi, on rend approximative la définition de transaction sociale à propos du terme compromis dans la réflexion sur la gouvernance urbaine. Lorsque nous tentons de cerner davantage le contenu de la notion de gouvernance dans ces notions clés, cela témoigne d’un intérêt majeur pour mieux la comprendre. Nous nous préoccupons de savoir comment elle se situe dans la réalité brésilienne et particulièrement dans la ville de São Paulo. Tout cela en 165 sachant justement que c’était la notion la plus répandue et utilisée comme mot d’ordre; et qu’elle est devenue une référence incontournable, en s’institutionnalisant, pour décrire les situations des conditions d’élaboration des compromis autour desquels gravitent les stratégies des partenaires locaux. Devant le besoin de bien saisir l’introduction de la notion de la gouvernance urbaine à São Paulo, nous avons cherché à dégager l’origine de la notion de gouvernance et son insertion dans divers domaines, pour ensuite faire une lecture des expériences d’interactions sociales dans la ville de São Paulo, liées au logement, sur la base des définitions de la gouvernance urbaine. Partant du principe que les thématiques sur la gouvernance au sein de la sphère urbaine sont aujourd’hui dans une phase de questionnement important, à propos de sa valeur dans les recherches sur les études urbaines liées à la régulation, de ses notions parfois trop généralistes et de ses prémices douteuses et dirigées, nous nous sommes davantage intéressé à l’apport de cette notion présenté par Patrick Le Galès Et Christian Lefèvre. En tenant en compte des différentes recherches présentées j’ai utilisé, pour la comprehénsion de la gouvernance urbaine, celle de Le Galès. Selon lui la gouverance urbaine est : La construction des coalitions visant des objectifs spécifiques du processus d’interactions sociales, moyennant lesquelles les acteurs sociaux peuvent articuler leurs intérêts, mesure leurs différence et leurs ressources pour atteindre des objectifs communs, en établissant des consensus et des espaces de compromis (Le Galès, 1997). Nous retenons de leur interprétations, pour notre cadre d’analyse, l’importance de reconnaître la pertinence de la migration du terme du domaine de l’économie et des sciences politiques vers celui des études urbaines. Il est aussi clair que cette transposition ne peut se faire sans un ajustement de la notion, sinon, il y un risque 166 d’entretenir des problèmes de précision sur cette notion aussi bien que sur ses prémices. Tant Patrick Le Galès Et Christian Lefèvre entrevoient le noyau de la notion de gouvernance comme étant la capacité d’organisation des actions collectives, la construction des coalitions visant des objectifs spécifiques du processus d’interactions sociales, moyennant lesquelles les acteurs sociaux peuvent articuler leurs intérêts, mesurer leurs différences et leurs ressources et exercer leurs droits et leurs obligations pour atteindre des objectifs communs, en établissant des consensus et des espaces de compromis. Cela va à la rencontre de la lecture des autres notions clés. Dans cette lecture, nous admettons aussi l’ouverture de ces auteurs à propos de l’intégration sociale qui nécessite d’être vue à l'intérieur et à l’extérieur des domaines d’action de développement de stratégies d’intégration. À partir de cette construction, et en observant la réalité de São Paulo, nous n’envisageons pas de savoir quel est le modèle de gouvernance établi, mais surtout de mettre en évidence les mécanismes et processus qui permettent ou non d’obtenir une gouvernance plus ou moins importante, plus ou moins structurée. Autrement dit, il ne s’agit pas de considérer a priori l’existence d’un modèle de gouvernance, mais de repérer empiriquement les mécanismes qui se manifestent dans les processus d’interaction sociale. Pour rejoindre la réalité de São Paulo, nous reprenons la position d’Osmont dans la discussion sur l’introduction de la notion de gouvernance dans les pays en développement et nous considérons que la transposition du concept de gouvernance pour la scène brésilienne ne doit pas être réalisée comme cela a été fait par les institutions financières internationales. Elle doit être envisagée avec grande précaution, afin d'éviter que l'on soit pris dans le piège des idées situées hors de leur contexte. Néanmoins, ce n'est pas seulement l'idée hors contexte que l'on doit remettre en question, mais surtout la façon de l'employer. 167 Dans le cas de la ville de São Paulo et en tenant en compte la définition de Le Galès sur la gouernance urbaine, les acteurs qui doivent être présents dans l’exercice de gouvernance urbaine sont, certainement, les acteurs du secteur public, du secteur privé et ceux de la société civile, qui inclut des organisation communautaires, des universités, des associations de quartiers, des syndicats, des églises entre autres. Tirant les leçons de ce que les expériences brésiliennes ont présenté en matière de régulation et d’interaction sociale, spécialement celles de São Paulo au cours des dernières années, il est fondamental, encore, de noter que nous choisissons de comprendre la gouvernance à São Paulo, tout en sachant qu’il existe des pratiques plus courantes de ce questionnement, comprises comme « gestion démocratique des villes » au Brésil. À partir des expériences brésiliennes, il nous semble important de faire remarquer que l’emploi du terme gouvernance n’est pas commun et qu’il est même très récent. Par exemple, seulement en 1994, la gouvernance urbaine a été l'objet d'étude de la GURI (Global Urban Research Initiative) dans le séminaire Gouvernement et pauvreté au Brésil, à l'UFRG (Université fédérale de Rio de Janeiro). Ce terme, au Brésil, manque aussi souvent de précision; ainsi, maintes fois, il n'y a pas de distinction nette établie entre gouvernance et gouvernement, comme cela se produit dans d'autres sociétés occidentales. Il y a une assimilation des racines et des idéologies du terme originalement utilisé par la Banque mondiale et les organisations internationales qui peut tout simplement voiler les vraies intentions de l'emploi que le terme suggère, et ainsi camoufler les nouvelles idées progressistes et opposées aux intentions de ces organisations. 168 Il n'y a pas, non plus, une définition et un contexte précis pour utiliser ce terme; d'un côté, il ne correspond pas à la structure historique brésilienne ni au déclenchement des expériences sur le sujet. De l'autre côté, si l’on ne donne jamais une vraie définition du terme, il y aura toujours des interprétations erronées du terme, menant à son emploi incorrect ou à l'imposition et au camouflage des vraies intentions idéologiques qui se cachent derrière lui, comme on l’a vu dans les expériences de la ville de Salvador. Cela nuira aussi au « potentiel » que le terme peut avoir pour l'analyse brésilienne ainsi qu’à l’ouverture à d'autres sens particuliers au Brésil. On remarque qu’il n'existe pas de préoccupation pour préciser la définition de gouvernance urbaine dans la transposition de ce terme au contexte brésilien. On note une superposition présumée de la notion de gouvernance avec celle de gestion démocratique de la ville. En fait, quoiqu'elles présentent de grandes similitudes et qu'elles aient été constituées dans une même optique, on risque d'effacer l'une ou l'autre, en abandonnant leur « potentialité » propre et même l'écart critique et idéologique, mais surtout en abandonnant ce que la gestion démocratique de la ville a accumulé dans cette dernière décennie et les apports que la gouvernance urbaine peut prêter au vaste éventail de recherches sur le sujet. Il importe de ne pas introduire une typologie de gouvernance urbaine, capable de concourir à la compréhension concrète des différences entre les structures de gestion mises en place par la gestion démocratique de la ville. Cela contribuerait à la discussion sur les gestions démocratiques des villes, au Brésil, dont une grande majorité n'a pas légitimé réellement la démocratie participative, mais au contraire, qui n'a fait que maintenir les structures jusque-là en vigueur. Il y a aussi la possibilité que la gouvernance urbaine se renferme sur elle-même et qu’elle ne soit pas suffisamment abordée avec d'autres notions des courants d'étude comme la transaction sociale de la sociologie de la vie quotidienne et la transaction de l’institutionnalisation américaine, entre autres. 169 Il se peut que ces conditions imposent de fortes restrictions à l'emploi de la gouvernance urbaine au Brésil telle qu'elle est connue dans les pays européens et dans les pays nord-américains. Toutefois, il faut souligner qu’il existe plusieurs discussions sur ce sujet qui permettent de susciter la compréhension du terme, selon les modèles brésiliens, comme cela été fait dans les études de Jaime Preciado Coronado (2002), celles d’Emilio Duhau et Martha Schteingart (1997), au Mexique, celles de Amitabh Kundu (2000), en Inde et de Stefano Belluci (2002), au Mozambique. On croit qu’une plus grande précision dans l'introduction de la gouvernance urbaine, selon les modèles brésiliens, rendrait possible : (1) d’incorporer à cette idée la discussion de la gestion démocratique de la ville dans le pays et d’introduire dans le débat de la gestion démocratique de la ville les études de typologie de la gouvernance urbaine dans des contextes différents et des modèles présentés, permettant une caractérisation plus approfondie de l’ensemble des expériences brésiliennes, en révélant les biais politiques, sociaux, économiques et culturels de ces gestions, même parmi celles reconnues comme plus progressistes et participatives; (2) d’incorporer à la discussion la question des ressources des acteurs sociaux pour les compromis institutionnalisés et de coexistence, apportée non seulement par la gouvernance urbaine, mais aussi par la transaction sociale de la sociologie de la vie quotidienne ainsi que par la transaction de l'institutionnalisation américaine; (3) de dégager l'affrontement de coalitions idéologiques, impliquant la gouvernance urbaine par le biais de la gestion démocratique de la ville. Si l'on considère que la gouvernance urbaine semble être l’axe structural de l'action collective dans la discussion de la gestion locale, on s'aperçoit que la dynamique des villes brésiliennes, dans les dernières années (comme c’est le cas de São Paulo), présente des caractéristiques et des composantes qui rendent possible le débat sur les conditions de réflexion portant sur la gouvernance urbaine au Brésil. 170 À partir de cette perspective d'incorporation de la gouvernance urbaine selon les modèles brésiliens de gestion, nous pouvons établir que le budget participatif semble correspondre davantage à ce que nous pouvons espérer en parlant de gouvernance urbaine. Non seulement a-t-il permis la construction d'une démocratie participative, mais aussi, à l'intérieur du processus, est apparue la synergie des processus participatifs déclenchée par le budget participatif et surtout la réforme de la culture politique. Ces facteurs sont extrêmement importants pour l'analyse de la gouvernance urbaine dans le contexte brésilien. En tenant compte de la situation brésilienne, en nous concentrant sur le cas de la ville de São Paulo, nous pouvons essayer de comprendre les limites et les potentialités de la gouvernance urbaine. Et cela, en prenant en considération qu’elle a été entourée, d'une part, de contextes sociaux caractérisés par une faible inclusion sociale ou par la mise en place de mécanismes institutionnalisés de participation dans la gestion des politiques locales; d'autre part, des vieilles pratiques politiques, marquées par des hybrides institutionnels, produits et reproduits par le pouvoir public dans les différents échelons et différentes sphères aussi bien que par la construction de pratiques participatives dans des espaces divers. Dans ce but, rappelons que les gouvernements locaux au Brésil font la promotion des actions accomplies dans les secteurs publics, en encourageant les partenariats et la participation des acteurs sociaux dans la sphère locale. Ainsi, ils cherchent à « remonter » leurs localités moyennant une nouvelle voie pour l'action locale, avec la participation intensifiée de la société civile. Les partenariats se présentent comme la source principale du développement local et comme l'instrument pour promouvoir la gestion des villes. Les expériences de partenariats dans le domaine du logement sont largement présentes et révèlent des aspects différents d’une ville à l’autre. Ceux-ci changent dans chaque ville et selon chaque administration, compte tenu de leurs processus politiques et socio économiques respectifs. 171 Devant les nouvelles perspectives de la gestion locale de la ville de São Paulo, et tout en observant les expériences brésiliennes de partenariats, nous nous pencherons sur celle du Conseil du Fonds municipal du logement dans la ville de São Paulo. L’accent mis sur ce sujet se fait aussi en fonction de la problématique de l'habitat de cette ville et des confrontations entre les propositions du pouvoir public et la dynamique d’occupation, par exemple, des organisations communautaires dans les années 1990. Pour terminer, nous désirons évoquer un dernier point qui nous paraît central dans une approche en matière de gouvernance urbaine centrée dans la question du logement : il est impossible d’évaluer les effets de la gouvernance comme mode opératoire sans prendre en considération la nature des stratégies collectives ainsi mises en oeuvre, les règles, objectifs, pratiques et actions. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi de nous pencher sur la pratique quotidienne du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo en mettant en évidence six dimensions : fonctionnement, la représentativité, la participation, les échelles d’intervention, les ressources mobilisées et la question foncière. Ces dimensions ont été prises en considération à partir des études de Patrick Le Gales (1995), Barbara Ferman (1996), Christian Lefévre (1997) et Bernard Jouve (2003) à propos de la question du fonctionnement; des études de Patrick Le Gales (1995) et Christian Lefévre (1997) à propos de la représentativité; des études de Pierre Hamel (1991), Luis Klein (1992), Gianfranco Bottazzi (1996) et Bernard Jouve (2003) à propos de la participation; des études de Pierre Hamel (1995), David Harvey (1996) et Patrick Le Galés (1998) à propos des ressources mobilisables; des études de Caroline Andrew et Michael Goldsmith (1998) et celui d’Adauto Luis Cardoso et Cleber Lago do Valle (2000) à propos des échelles d’interventions; et, en particulier dans le domaine du logement, des études d’Adauto Luis Cardoso et Cleber Lago do Valle (2000) à propos de la question foncière. Chapitre IV LES QUESTIONS, OBJECTIFS, HYPOTHESES ET METHODOLOGIE 4.1 Les questions générales et spécifiques À partir de nos éléments de problématique et de notre cadre théorique, plusieurs questions émergent, en envisageant une plus grande compréhension des mécanismes et processus qui permettent d’obtenir une lecture approfondie de la gouvernance urbaine en matière de logement. Pour cette investigation, quelques questions générales et spécifiques ont été posées. Les questions générales sont les suivantes : Quelle est la place de la notion de gouvernance urbaine dans les pratiques d’interaction sociale dans le domaine du logement au Brésil et plus spécifiquement à São Paulo ? Comment les stratégies publiques et celles de la société civile laissent-elles place aux processus de partenariats, comme action collective, de gouvernance urbaine, en observant le cas de São Paulo ? Le degré de participation des acteurs est-il un facteur de mesure de la réussite des partenariats et un indicateur d’une gouvernance urbaine ? Parallèlement à ces questions générales, des questions plus spécifiques se posent également : Comment l’expérience du Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo s’est-elle développée au fil du temps ? 173 Dans le contexte de la problématique du logement à São Paulo et des stratégies des différents acteurs sociaux dans ce domaine, comment se sont structurées les procédures de participation, de fonctionnement, de représentativité, de régulation, de ressources mobilisables et de gestion foncière au sein du Conseil du Fonds municipal du logement ? Y a-t-il eu des transformations de ces procédures tout au long de l’existence du Conseil du Fonds municipal du logement ? Quelles sont les limites et les potentialités du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo ? Est-ce que la ligne de conduite adoptée pour mettre en place le Conseil du Fonds municipal du logement ne continue pas à reproduire le système existant des relations entre acteurs sociaux ou est-ce qu’elle se présente vraiment comme une rupture, en envisageant la construction d’une forme particulière de gouvernance ? 4.2 Les objectifs de recherche La présente recherche vise trois objectifs, en contribuant à de nouvelles réflexions sur le rôle des acteurs sociaux dans les formes de gestion locale brésilienne, à partir de l’analyse des mécanismes et processus du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo. Le premier objectif est d’expliquer la dynamique et le processus qui ont cours entre les acteurs sociaux dans le Conseil du Fonds municipal du logement par leur représentativité, leur participation, leurs échelles d’intervention, la mobilisation de leurs ressources et la question de l’accès au sol dans le domaine du logement. Le deuxième objectif porte sur les limites et les potentialités du Conseil à partir de l’établissement d’un nouvel arrangement structurel de partenariat entre les 174 acteurs sociaux y intervenant. Le troisième objectif vise à évaluer s’il existe ou non une forme structurée et importante de gouvernance dans le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo. 4.3 Les hypothèses de recherche Les hypothèses de recherche sont : Bien que le Conseil du Fonds municipal du logement représente une forme de gestion contemporaine, il semble difficile de le mettre en place et de le consolider. Les formes de participation et de représentativité qui structurent la gestion du Conseil du Fonds municipal du logement ne semblent pas être considérablement prises comme base pour la constitution de ce partenariat, car la forme de gestion paraît être davantage au service du maintien des pouvoirs publics qu’à celui de la construction d’une gouvernance. Il semble que les gouvernements ne cherchent pas réellement à intégrer dans la dynamique de partenariat du Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo celle des acteurs de la société civile, spécialement ceux structurés sur une base communautaire. Au cœur de la constitution du Conseil du Fonds municipal du logement, il semble que la gouvernance en matière de logement à São Paulo soit davantage de la rhétorique qu’une réalité. 4.4 L’approche méthodologique En tenant compte des processus de formation des partenariats dans le domaine du logement dans la ville de São Paulo, cette recherche prendra en considération 175 le Conseil du Fonds municipal du logement en tant qu’élément le plus représentatif de la régulation dans ce domaine. L’approche méthodologique de cette recherche se fonde essentiellement sur l’analyse des donnés secondaires et primaires (tableau XXVIII). Les donnés secondaires sont des livres, articles et rapports. Les donnés primaires sont des interviews semi-directifs, sur la base d’un guide d’entretien qui inclut les dimensions d’analyse : fonctionnement, représentativité, échelles d’interventions, participation, ressources mobilisables, questions foncière. Les documents analysés sont principalement des textes de loi, des politiques, des procès-verbaux de réunions. Quant aux entretiens, ils visent à favoriser des discours découvertes. Normalement, ils peuvent être non directifs, directifs ou semi-directifs. Ce dernier type, qui présente un système d’investigation à la fois souple et contrôlé, était plus approprié pour cette recherche. L’approche du discours découverte consiste à faciliter l’expression des interviewés, en les orientant vers des thèmes jugés prioritaires pour l’étude. Cette procédure leur permet une certaine autonomie qui peut favoriser la véracité de l’information et fournir des informations complémentaires. L’entretien semidirectif présuppose la préparation d’un questionnaire, désigné le plus souvent par « guide d’entretien », lequel facilite en particulier les échanges avec les interviewés. Le guide d’entretien de cette recherche comprend les rubriques suivantes : l’interviewé, la représentativité, la participation des acteurs dans le Conseil du Fonds municipal du logement, le fonctionnement, les ressources et les échelles de régulation, ainsi que la question foncière. Ces rubriques contiennent des questions qui visent à obtenir des réponses pour vérifier la validité des hypothèses. Le guide d’entretien suivant s’adresse aux différents acteurs qui ont été pris en considération dans cette recherche. La ligne de conduite utilisée, semi-directive, 176 est la base du questionnaire, mais elle permet aussi la construction de questions tout au long des interviews. Par ailleurs, les réponses peuvent entraîner à leur tour de nouvelles questions qui n’ont pas été prévues. Il convient de souligner que le guide d’entretien a été utilisé dans la langue maternelle des interviewés et de l’intervieweur, à savoir le portugais. Tableau XXII L’INTERVIEWÉ 1 2 3 Questions Nom et formation. Quelle est votre fonction dans l’institution? Comment voyez-vous votre participation dans le Conseil et votre représentation par rapport à votre institution? Tableau XXIII LA REPRÉSENTATIVITÉ 1 2 3 4 5 6 Questions Comment voyez-vous la représentativité dans le Conseil? Y a-t-il une disparité interne de représentativité? Selon vous, la représentativité de votre organisation a-t-elle eu le même poids que celle des autres partenaires? Quels étaient les problèmes et les grandes disparités? La représentativité a-t-elle été toujours la même tout au long du Conseil? Comment les autres partenaires du Conseil voyaient-ils votre représentativité? Quelles étaient les principales difficultés liées à la représentativité de votre organisation ou à celle des organisations de votre secteur au long du Conseil? Tableau XXIV LES RESSOURCES MOBILISÉES 1 2 3 4 5 Questions Quelles sont les ressources (physiques, financières, sociales et de gestion) utilisées dans ce partenariat? Est-ce que les ressources sont endogènes ou exogènes aux partenariats, c’est-à-dire sont-elles liées directement aux partenariats ou sont-elles plutôt externes à eux? Les informations sur les questions des réunions ont-elles toujours été partagées? Croyez-vous que votre organisation disposait toujours des données suffisantes pour participer activement aux réunions? Comment les prises de décision se sont-elles déroulées? 177 6 7 Y a-t-il eu des conflits? Si oui, quels étaient ces conflits? Quelles étaient les difficultés liées au partage des ressources? Tableau XXV LES ÉCHELLES D’INTERVENTION89 1 2 3 4 5 Questions Les échelles de régulation de chaque partenaire dans le Conseil ont-elles été prises en considération? Quelles étaient les principales échelles de régulation que votre organisation a apportées au Conseil? Les discussions sur la régulation ont-elles été plutôt générales ou spécifiques? Y a-t-il eu des conflits concernant la conception des échelles prises pour chaque partenaire? Quelles étaient les principales divergences entre les acteurs dans la régulation? Tableau XXVI LA PARTICIPATION 1 2 3 4 5 6 7 8 Questions Depuis combien de temps votre organisation participe-t-elle au Conseil? Comment vos relations sont-elles structurées avec les divers partenaires? Comment le processus de partenariat du Conseil s’est-il déroulé? Comment la valorisation de la participation de cette organisation a-t-elle été? Quel était le caractère de la participation de votre organisation? Y a-t-il une institutionnalisation de la participation du secteur de votre organisation? La participation des autres acteurs au Conseil a-t-elle influencé la participation de votre organisation? Quels étaient les points faibles et forts de ce partenariat par rapport à la participation? Tableau XXVII LA QUESTION FONCIÈRE 1 2 89 Questions À l´intérieur des discussions sur les actions du Conseil, comment voyez-vous la problématique foncière? A-t-elle été prise en considération? Comment les stratégies de politiques foncières se sont-elles développées? Les échelles d’intervention, ici, font référence à la dimension spatiale d’interventions dans la ville des acteurs intervenant dans le Conseil. 178 3 4 5 6 Votre organisation s'intéressait-elle davantage à cette problématique? Quelles étaient vos actions ou interventions à propos de ce thème? Votre action à l’intérieur du Conseil a-t-elle été différente de celle à l’extérieur du Conseil? Explicitez les principales difficultés relevées à propos de l’accès au sol dans les décisions prises dans et par le Conseil. Nous avons utilisé ce guide d’entretien auprès d’acteurs du pouvoir public, d’acteurs communautaires – des associations de logement en ville, d’entreprises privées liées au logement, d’acteurs des universités et églises qui ont participé au Conseil du Fonds municipal du logement. Un total de trente-cinq interviews a été réalisé. Les interviews ont été regroupées en groupe d’acteurs représentés au Conseil : titulaire, suppléant ou représentant technique. Les personnes interviewées ont été réparties de la façon suivante : 12 du secteur public, 12 du secteur communautaire, 1 du secteur éclesiastique, 6 du secteur privé, 4 du secteur universitaire. Chaque interview a été réalisée en 2 heures (tableau XXVII). Tableau XXVIII COLLETTE DE DONNÉES Sources Pourquoi ? Livres Articles Rapports Comprendre le contexte Interviews semidirectifs Faire ressortir l’expérience des acteurs Quoi ou qui ? Urbanisation / logement / politique Au Brésil et à Sao Paulo Concepts théoriques Gouvernance urbaine, transaction institutionnelle et transaction sociale Conseils national et municipaux BH / POA / Diadema + SP Groupe d’acteurs représenté au Conseil, soit par un titulaire, un suppléant ou un représentant Quand ? Toutes les étapes de la recherche 2002 (8 mois) 179 technique (public (12), communautaire (12), église (1), privé (6), université (4)) Total = 35 interviewés (2 heures par entrevue + transcription en portugais) Procès-verbaux Dégager les traces formelles des discussions en réunions et vérifier la présence des acteurs 42 2002 (8 mois) Assistance à des réunions Observer les débats 5 réunions (4 heures chacune) 2002 (8 mois) Aux fins d’analyse des données les interviews ont été regroupés par : groupe d’acteurs; période du mandat du Conseil du Fonds municipal du logement, au total de trois; questions du guide d’entretien (fonctionnement, représentativité, échelles d’interventions, participation, ressources mobilisables, questions foncière). Les interviews ont été aussi analysées en comparant avec les procèsverbaux et l’observation des réunions. Pour des questions éthiques, j’ai demandé si je pouvais faire références aux noms ou non. Enfin, il importe de souligner que j’ai travaillé pour les divers paliers de gouvernements dans le domaine du logement au Brésil. Ces expériences ont enrichi ma compréhension de la question du logement dans le pays. Cependant, tout au long de ma démarche de rechecrhe, j’ai conservé la distance critique requise et j’ai laissé la parole aux acteurs du Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo. Troisième Partie LE CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT A SÃO PAULO : ANALYSE D’UNE FORME PARTICULIERE DE GOUVERNANCE Chapitre V LE CONSEIL : QUELLE GOUVERNANCE ? 5.1 La structure de fonctionnement Analyser la structure de fonctionnement, la représentativité, la participation, les échelles d’intervention, les ressources et la question foncière, comme thèmes fondamentaux dans la problématique du logement à São Paulo, permet de comprendre et d’évaluer certains mécanismes et processus du Conseil du Fonds municipal du logement. En regardant l’étape de constitution du Conseil du Fonds municipal du logement jusqu’à de son implantation, nous constatons que cette période évoque des questionnements à propos de la forme du Conseil et de l’objectif réel de l’instaurer. Le Conseil a été structuré, par le pouvoir public, sans envisager la construction des compromis de coexistence entre les différents acteurs. Il a été constitué sans refléter un processus social de constitution d’un espace d’interaction social, construit par différents secteurs de la société civile et du pouvoir législatif. On constate une division claire de constitution du Conseil, une dichotomie : il y a eu deux propositions de réglementation de ce Conseil. Le résultat a été finalement la formation d’un Conseil avec une structure modelée par le pouvoir public, qui ne projetait pas une interaction sociale. Les tentatives pour rediriger ou corriger la forme de constitution du Conseil, afin d’en établir un approprié collectivement, ont été fortes. Plusieurs propositions ont été faites, pendant deux ans, pour définir un modèle qui pourrait refléter une conduite de fonctionnement plus équitable. Malheureusement, les efforts de changement n’ont pas eu d’impacts. Les conflits et les jeux d’intérêt dans le domaine du logement ont été difficiles à résoudre. 184 On a assisté à la structuration d’un Conseil qui ne reflétait pas du tout le débat national à propos des formes de participation et de gestion. On a aussi vu la constitution d’un Conseil qui ne représentait pas non plus les espaces de coexistence établis à São Paulo dans le domaine du logement dans les années précédentes. La création du Conseil du Fonds municipal du logement a eu lieu en 1994, pendant l’Administration Paulo Maluf, mais il a réellement commencé à fonctionner en 1997. Ce Conseil a été dissolu à la fin de 2002, en vertu de l’approbation d’un nouveau conseil, le Conseil municipal du logement, créé sous l’Administration Marta Suplicy. Le Conseil du Fonds municipal du logement a fonctionné pendant neuf ans, au cours de trois périodes administratives de la commune de São Paulo, durant les Administrations de Paulo Maluf (1993-1996), Celso Pitta (1997-2000) et Marta Suplicy (2001-2004). Ces trois périodes démontrent les diverses problématiques de son fonctionnement. En analysant aussi le nouveau Conseil de 2002, on note qu’il n’est que le résultat des transformations au sein du Conseil du Fonds municipal du logement, des conflits et de la volonté de construire un conseil collectivement plus approprié à la recherche d’une forme de gestion plus ou moins structurée et participative. Tableau XXIX Luiz Antônio Fleury 19911994 Fernando Affonso Collor de 19911994 Parti politique PTB - Parti de Travail Brésilien Année Année Administrations provinciales Parti politique PPB - Parti Progressiste Brésilien Administrations fédérales 19931996 Parti politique Paulo Maluf Année Administrations municipales LES ÉTAPES DU CONSEIL ET LES RÉGIMES POLITIQUES PRN Parti de la 185 Filho Celso Pitta Marta Suplicy 19972000 20012004 PPB PT - Parti de Travailleurs Mario Covas Mario Covas / Geraldo José Alckimin Filho Geraldo José Alckimin Filho Melo reconstru ction nationale 19951998 PSDB -Parti de la Démocratie Brésilienne Sociale Fernando Henrique Cardosos 19951998 PSDB 19992002 PSDB Fernando Henrique Cardosos 19992002 PSDB PSDB Luis Inácio Lula da Silva 20032006 PT 20032006 En examinant la structure de fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement qui a été mise sur pied par le biais de réunions officielles préparatoires, extraordinaires et ordinaires, portant sur l’organisation du pouvoir public municipal, nous saisissons que ces réunions ont été élaborées de façon différente dans les deux premières périodes d’administration publique par rapport à la troisième. Tout en sachant que, depuis son implantation, il y a eu neuf réunions officielles, constituées de réunions ordinaires et extraordinaires, et qu’il y a eu aussi des réunions préparatoires, avant chaque réunion officielle, on comprend qu’elles ne se pressentaient pas comme des espaces d’interactions sociales. Telle est la réalité du fonctionnement du Conseil : les deux réunions plus délibératives en termes de définitions ont été celles qui ont été faites entre la fin et le début de chaque nouveau mandat, qui était de deux ans. L’ironie est que ces deux réunions regroupaient uniquement des acteurs du secteur public. Il n’y avait pas d’autres acteurs présents. De plus, selon les besoins de fonctionnement, il y a eu, parfois, une ou deux réunions préparatoires avant chacune des réunions officielles. 186 En plus de ces arènes de discussions à l’intérieur du fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement, ont eu lieu des réunions de la Commission provisoire du nouveau conseil, dans la dernière année du mandat du Conseil du Fonds municipal du logement. Une période bien différente des précédentes et qui a ouvert l’espace de réflexion à propos de la forme et de la constitution du Conseil. Cette Commission a été créée au moment de la Conférence municipale du logement de la ville de São Paulo, en 2001, la première du genre. Elle est un forum privilégié de débat des politiques publiques liées au logement, organisé par la municipalité de São Paulo. Cette Conférence a réuni les divers segments de la société intéressés par le débat, en créant un espace de contribution pour la définition des politiques publiques. Un des thèmes principaux de cette Conférence a été le Conseil du Fonds municipal du logement et le besoin de création d’une nouvelle structure, d’une nouvelle composition et d’une nouvelle forme de fonctionnement. Un des résultats de cette Conférence a été la création de la Commission provisoire. Elle devait exister jusqu’à la création du nouveau Conseil, qui était en discussion. Les réunions de la Commission provisoire ont joué un rôle important. Elles ont eu pour fonction d’élargir la discussion des réunions officielles du Conseil du Fonds municipal du logement, soit par rapport aux thèmes développés, soit par rapport à un groupe plus étendu d’acteurs sociaux. Cette Commission était indépendante et n’altérait pas la fonction originale du Conseil du Fonds municipal du logement. Ces réunions ont eu aussi un rôle d’expérimentation pour la composition d’un nouveau conseil, qui était en processus d’approbation. La Commission provisoire a fonctionné jusqu’en mars 2003, avant les élections des nouveaux conseillers du nouveau Conseil : le Conseil municipal du logement. Avec la constitution et le fonctionnement de la Commission provisoire, nous pouvons dire que l’on commençait à assister à un changement de conduite à propos de la forme du 187 Conseil ou de ce que devrait être le conseil, en tant qu’espace où les acteurs sociaux peuvent exprimer leurs intérêts, mesurer leurs différences et leurs ressources pour atteindre des objectifs communs sur une base de consensus et de compromis de coexistence. Les réunions de la Commission provisoire ne faisaient pas partie de la structure officielle du Conseil du Fonds municipal du logement. Cependant, compte tenu de leur contribution effective dans la discussion pour la mise sur pied d’un nouveau conseil, ainsi que du fonctionnement réel du Conseil du Fonds municipal du logement, elles pouvaient être considérées comme intégrées dans la mise en œuvre du fonctionnement du Conseil. Les réunions de la Commission provisoire se tenaient parallèlement aux réunions préparatoires et aux réunions officielles du Conseil. Leur rôle principal était un complément aux réunions du Conseil, faisant aussi le pont entre deux processus : celui du fonctionnement du Conseil en activité et celui de l’organisation du nouveau. Toutefois, dans cette période de transition entre un conseil et l’autre, la question de la structure de fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement n’a jamais été remise en question à l’intérieur du Conseil, et aucun changement n’a été noté dans son fonctionnement. Il est clair qu’il était difficile de changer la structure de fonctionnement du Conseil, mais pas impossible. Les tentatives étaient restreintes, et la plus consistante ne fait pas référence directement à son fonctionnement. La construction, dans la dernière période, d’un processus plus régulier des réunions et d’ouverture de discussions à l’intérieur du Conseil et sa relation avec la Commission provisoire est, pour nous, un élément très important de critique et d’ouverture pour la recherche des nouveaux espaces d’interactions sociales. Nous pouvons aussi interpréter cela à partir de notre regard sur la gouvernance urbaine, où la construction d’espaces plus structurés d’interaction est 188 fondamentale. Base fondamentale aussi qui a été considérée par la transaction sociale de la sociologie de la vie quotidienne et la transaction de l’institutionnalisation américaine. Quant à la structure de fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement, des neuf réunions officielles qui ont eu lieu, sept étaient ordinaires et deux, extraordinaires. Même si le Conseil a officiellement été créé en 1994, la première réunion ordinaire s’est tenue le 17 septembre 1997. Les autres réunions ordinaires ont eu lieu le 18 novembre 1997, le 4 février et le 3 juin 1998, le 12 décembre 2000, le 29 octobre 2001 et le 12 juin 2002, date de la dernière réunion avant la destitution de ce Conseil par la loi qui a établi le Conseil municipal du logement, en septembre 2002. Enfin, en faisant abstraction des deux réunions qui ont précédé le nouveau mandat du Conseil municipal du logement, il y a eu uniquement deux autres réunions officielles dans les deux premières périodes du Conseil. Ensuite, presque deux ans se sont écoulés sans activités. Dans la troisième période, les réunions sont plus fréquentes si l’on considère aussi qu’elles étaient souvent précédées par des réunions préparatoires et qu’il y avait les réunions de la Commission provisoire. Cela montre que la troisième période représente un moment, même court, de modification du modèle du Conseil. Une modification qui allait dans le sens de l’espace entrevu au début de la création du Conseil. En fait, elle s’est imposée comme base de la constitution du Conseil municipal du logement. Quant aux deux réunions extraordinaires, elles se sont tenues le 25 mars 1998 et le 14 avril 2000. La première a eu lieu pour donner suite aux thèmes traités et non complètement résolus pendant la troisième réunion ordinaire. La seconde réunion extraordinaire a eu pour but de donner suite au fonctionnement du Conseil, alors qu’il n’y avait pas eu de réunions ordinaires pendant deux ans. Contrairement à la composition du Conseil, ces deux réunions extraordinaires rassemblaient des conseillers du pouvoir public uniquement, car les autres conseillers n’étaient pas encore élus (entretien avec Denise Souza, 2003). Il n’y avait pas, dans ces 189 réunions, d’acteurs de la société civile. Cela était dû au fait que ces réunions ont eu lieu pendant la fin d’un mandat et le début de l’autre, alors que les nouveaux conseillers n’étaient pas encore élus. Malgré l’absence de conseillers de la société civile, les résolutions prises ont été validées, et cela, en fonction justement des règlements concernant la fin et le début des mandats. Ces réunions extraordinaires ont été stratégiquement utilisées par le pouvoir public pour délibérer et valider toutes ses propositions, décisions et actions. Ces deux réunions ont présenté le plus grand nombre de délibérations tout au long du processus du Conseil, depuis 1997. La proposition du Conseil du Fonds municipal du logement relativement à son fonctionnement était de tenir une réunion normalement tous les deux mois, par convocation de son président, et, extraordinairement, à tout moment, par convocation de son président ou au minimum de quatre de ses membres. Ainsi, les réunions extraordinaires ont pu avoir lieu, car elles ont été convoquées par le président, qui appartenait au pouvoir public. Malgré les règles de fonctionnement, selon la Résolution numéro 1 du Conseil du Fonds municipal du logement, chapitre II, article 6, en aucun moment n’a été respectée la structure de réunions bimestrielles. Elles ont été, au début, plutôt moulées aux besoins réels du moment et sur l’intérêt de chaque période de l’Administration municipale en place. En effet, chaque Administration structurait le calendrier des réunions. Ce qui explique, d’une part, le retard de la première réunion du Conseil après l’élection des conseillers en 1996 et, d’autre part, le temps écoulé entre les réunions et l’absence de réunion en 1999 (année électorale). On constate que le peu de fréquence des réunions et la soumission du Conseil aux besoins de chaque Administration responsable ont nui à son fonctionnement et ont généré une accumulation d’objets de discussion dans chaque réunion. Une accumulation parfois intentionnelle, afin que les divers sujets ne puissent pas être 190 discutés. Il résulte de ce fait que la grande majorité des thèmes n’a pu être discutée et travaillée par les conseillers (entretien avec Evaniza Rodrigues et Carlos Adriano Constantino, 2003), le nombre de délibérations étant très restreint, comparé à celui des réunions extraordinaires. Pour nous, l’accumulation des thèmes dans les réunions du Conseil du Fonds municipal du logement fut l’un des problèmes les plus graves. On manquait de temps pour discuter de tous les points à l’ordre du jour. Cela a engendré une forme de déstructuration du fonctionnement du Conseil. Malheureusement, aucune action n’a été prise, par les différentes Administrations municipales, pour régler cette question. Cette accumulation a été rapportée comme étant problématique par différents conseillers (conseillers du secteur public et des mouvements prologement). À cause de cela, on a constaté que, progressivement, les conseillers de la société civile ont manqué d’intérêt par rapport au soi-disant partage de prises décisions collectives. Devant la difficulté d’engagement des conseillers de la société civile à l’égard du problème de déficience de périodicité du fonctionnement du Conseil ou des stratégies municipales de tenir, entre les mandats, les réunions les plus importantes pour délibérer, les thèmes de discussion des autres réunions du Conseil étaient plutôt liés à la réglementation et à l’approbation des dépenses. Par exemple, les conseillers voyaient à l'acceptation des paiements des constructions de logement en régime de mutirão (autoconstruction), à la mise en vigueur des procédés relatifs à l’approbration des valeurs payées aux entrepreneurs, à la définition des procédés pour le relevé de comptes des ressources du Fonds municipal du logement ainsi qu’à l’analyse, l’appréciation et l’approbation des comptes de ce Fonds. Comme la majorité des thèmes faisant référence à la présentation de comptes et non pas à des prises de décisions collectives, les conseillers de la société civile se sont sentis en marge du fonctionnement du Conseil. 191 Au début du fonctionnement du Conseil, pendant les deux premières Administrations, les sujets des réunions étaient simplement en relation avec les ressources, dont traitait le Conseil, et non avec toute la politique du logement. Ce n’est qu’au cours du dernier mandat qu’ont été traités des sujets davantage en rapport avec les directives de politique du logement. Le besoin d’avoir un espace de discussion à propos de la politique du logement a été exprimé dès la proposition de création du Conseil du Fonds municipal du logement et même bien avant, en 1988. La lutte pour obtenir un espace collectif de discussion sur la politique du logement provient de la création du Fonds national de logement populaire. Cet espace de revendication n’a pas existé au Conseil. Les deux premières Administrations municipales, celles de Paulo Maluf (19931996) et Celso Pitta (1997-2000), au cours des deux mandats initiaux du Conseil, n’ont pas permis la création de cet espace de participation. Au contraire, elles voulaient l’empêcher à tout prix. Ces Administrations n’avaient pas d’intérêt à favoriser ce genre de participation et d’interaction sociale. Pendant le dernier mandat, sous l’Administration de Marta Suplicy (2001-2004), ce besoin a été très fortement exprimé par les conseillers de la société civile. Même si les premières discussions officielles du Conseil se rapportaient de préférence à des budgets, elles définissaient quand même, mais de façon restreinte, certaines lignes politiques suivies dans chaque période d’Administration municipale. On constate que ce fait devient plus évident et surtout plus transparent au cours des deux dernières années d’existence du Conseil du Fonds municipal du logement, quand le thème de la politique publique du logement a davantage été traité au sein de la Commission provisoire. En effet, le thème de la politique publique du logement était aussi très peu discuté dans les réunions officielles, pendant cette période du dernier mandat du 192 Conseil. Voilà pourquoi, selon nous, il a trouvé sa place au sein de la Commission provisoire. Il y a eu un éloignement de ce sujet, à partir du moment où il était discuté uniquement dans cette Commission. On constate que l’espace de discussion de la politique du logement n’a jamais été réellement mis en relief durant l’existence du Conseil du Fonds municipal du logement, même en considérant la place créée par l’Administration Marta Suplicy (2001-2004) à cet effet. Pour chaque réunion ordinaire, des réunions préparatoires ont été tenues. Elles servaient d’appui et de consolidation aux éléments à discuter pendant les réunions ordinaires. Elles permettaient l’organisation du matériel à distribuer aux conseillers sur le sujet de la réunion en question. Ces réunions étaient souvent structurées par les conseillers prologement et par des assistants techniciens des conseillers du pouvoir public, qui accompagnaient les conseillers et qui les représentaient dans les réunions ordinaires et extraordinaires. C’est surtout à partir de 1998 que les réunions préparatoires ont été mises sur pied. Les premières réunions ont toutefois manqué d’organisation (entretien avec un conseiller de mouvements prologement, 2003). Contrairement au début du fonctionnement du Conseil, à partir de 2001, deux réunions préalables aux réunions ordinaires ont été tenues. Selon un rapport des conseillers (conseillers du pouvoir public, des mouvements prologement et du secteur privé), ces réunions préparatoires aux réunions ordinaires présentaient clairement les principales discussions du Conseil, et les décisions principales y étaient presque prises. Cela faisait de ces réunions ordinaires des réunions d’approbation et de délibération plutôt que des rencontres de discussion, d’échange d’informations et de décision. Afin de bien comprendre la structure de fonctionnement du Conseil, il est important de voir que, pendant la période d’existence de ce Conseil, il y a eu trois 193 élections de conseillers (voir la section sur la représentativité) : la première, tenue avant la première réunion, en 1996; la seconde, en 1998; et la troisième et dernière, à la fin de l’année 2000. En 2001, en vertu du changement d’Administration municipale, le corps de conseillers du secteur public a été modifié. Les membres des Conseils sont, normalement, élus par leurs membres et le secrétaire général ou président du Conseil est, souvent, le secrétaire du logement et du développement urbain de la ville, nommé par le maire. Le premier Conseil du Fonds municipal du logement était composé de représentants d’organisations non gouvernementales prologement, de représentants d’universités, de représentants de la Chambre brésilienne de l’Industrie de la construction et de représentants du secteur public municipal – finances, planification, développement urbain, voies publiques et infrastructures (tableau XXX). Tableau XXX COMPOSITION DU CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT, 1997 Institutions Organisation non gouvernementale – Associação Feminina da Vila Alpina – Parque São Lucas Organisation non gouvernementale – Associação Feminina da Vila Alpina – Parque São Lucas Nom des conseillers et des représentants techniques Titulaire : Marina Marques de Souza Suppléant : Doralice S. Brito Organisation non gouvernementale – União dos Moradores da Vila João Canuto Titulaire : Edson Donizetti Xavier de Miranda Organisation non gouvernementale – União dos Moradores da Vila João Canuto Suppléant : Ocimário Nunes Angelim Université Mackenzie Université Mackenzie Chambre brésilienne de l’Industrie de la construction Titulaire : Haroldo Gallo Suppléant : Pedro Paulo de Mello Saraiva Titulaire : Sergio Antonio Monteiro Porto 194 Chambre brésilienne de l’Industrie de la construction Suppléant : Ricardo Yazbek Secrétaire municipal des Finances José Antonio de Freitas Secrétaire municipal de la Planification Guilherme Afif Domingos Secrétaire municipal de la Planification Secrétaire municipal des Voies publiques Secrétaire municipal des Voies publiques Représentant technique : Alfredo Cotait Neto Reinaldo Emygdio de Barros e André Monteiro de Fazio Représentant technique : Newton Bastos Président de la Compagnie du Logement de São Paulo Deniz Ferreira Ribeiro Compagnie du Logement de São Paulo Représentant technique : Giovani Torres et Nino Sergio Rotini Secrétaire du Logement et du Développement urbain - Président Secrétaire du Logement et du Développement urbain Surintendance du Logement populaire – Secrétaire exécutif Lair Alberto Soares Khahenbuhl Représentant technique : João Abukeater Neto João Leopoldo Wernek de Camargo Source : Procès-verbaux des réunions ordinaires et extraordinaires, PMSP 1997-1998 (voir annexe III). À la différence de la composition du premier Conseil du Fonds municipal du logement, la seconde et la troisième composition n’ont pas compté de représentants d’universités (tableau XXXI et XXXII). Il n’y avait pas non plus de représentants d’institutions religieuses dans aucune des trois, bien qu’il y ait eu l’inscription d’une institution de ce type dans la première réunion. Cependant, elle n’a pu être acceptée parce qu’elle n’était pas reconnue. Tableau XXXI COMPOSITION DU CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT, 1999 Institutions Nom des conseillers et des représentants techniques Organisation non gouvernementale – Associação Feminina da Vila Alpina – Parque São Lucas Titulaire : Marina Marques de Souza 195 Organisation non gouvernementale – Associação Feminina da Vila Alpina – Parque São Lucas Organisation non gouvernementale – Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara Organisation non gouvernementale – Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara Organisation non gouvernementale – Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara Chambre brésilienne de l'Industrie de la construction Chambre brésilienne de l'Industrie de la construction Chambre brésilienne de l'Industrie de la construction Suppléant : Doralice S. Brito Titulaire : Evaniza Lopes Rodrigues Suppléant : Neuma Silva de Oliveira Cruz Représentant technique : Leonardo Pessina Titulaire : Abelardo Camoy Diaz Suppléant : Basílio Jafet Représentant technique : Edson E. Kitamura Secrétaire municipal des Finances José Antonio de Freitas Secrétaire municipal des Finances Représentant technique : Vera Lucia Vada Secrétaire municipal de la Planification Heloisa Maria de Salles Penteado Proença Secrétaire municipal de la Planification Représentant technique : Diana Teresa Di Giuseppe Secrétaire municipal des Voies publiques André Monteiro de Fazio Secrétaire municipal des Voies publiques Représentant technique : Maria Helena B. Brasil Président de la Compagnie du Logement de São Paulo Paulo Cesar Tagliavins Compagnie d’habitation de São Paulo Représentant technique : Luiz Carlos A Correa e Maria Teresa Soares Oliveira Secrétaire du Logement et du Développement urbain – Président Lair Alberto Soares Khahenbuhl Surintendance du Logement populaire – HABI/SEHAB Denise Lopes de Souza Source : Procès-verbaux des réunions ordinaires et extraordinaires, PMSP 1999-2000 (voir annexe III). 196 Tableau XXXII COMPOSITION DU CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DU LOGEMENT, 2001 Institutions Organisation non gouvernementale – Associação Feminina da Vila Alpina – Parque São Lucas Organisation non gouvernementale – Associação Feminina da Vila Alpina – Parque São Lucas Organisation non gouvernementale – Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara Organisation non gouvernementale – Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara Organisation non gouvernementale – Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara Chambre brésilienne de l'Industrie de la construction Chambre brésilienne de l'Industrie de la construction Chambre brésilienne de l'Industrie de la construction Secrétaire municipal des Finances et du Développement économique Secrétaire municipal des Finances et du Développement économique Nom des conseillers et des représentants techniques Titulaire : Doralice S. Brito Suppléant : Marina Marques de Souza Titulaire : Evaniza Lopes Rodrigues Suppléant : Neuma Silva de Oliveira Cruz Représentant technique : Leonardo Pessina Titulaire : Abelardo Camoy Diaz Suppléant : Basílio Jafet Représentant technique : Edson E. Kitamura João Sayad Représentant technique : Eduardo Lima e Souza Secrétaire municipal de la Planification Jorge Wilheim Secrétaire municipal de la Planification Représentant technique : Paulo Rivaben Salles Secrétaire municipal d’Infrastructure urbaine Secrétaire municipal d’Infrastructure urbaine Président de la Compagnie du Logement de São Paulo Compagnie du Logement de São Paulo Secrétaire du Logement et du Développement urbain – Président Surintendance du Logement populaire – Secrétaire exécutif Roberto Luiz Bortolotto Représentant technique : Maria Helena B. Brasil Ricardo Farhat Schumamm Représentant technique : Adriano Luiz Paulo Teixeira Gisela Maria Mori Source : Procès-verbaux des réunions ordinaires et extraordinaires, PMSP 2001-2002 (voir annexe III). 197 La composition du Conseil et l’élection90 de ses conseillers permettaient aux divers secteurs représentés de suivre le processus de développement du Conseil du Fonds municipal du logement. Toutefois, il est fondamental de remarquer que, bien que ces conseillers aient été élus pour siéger au Conseil, plusieurs d’entre eux ne participaient pas à toutes ses réunions. Ils s’y faisaient représenter par des assistants techniciens, particulièrement dans le cas des conseillers du secteur municipal, en vertu de leur travail comme secrétaires publics communaux. Ce remplacement était certainement prévu, mais il s’est avéré un problème, au moment de la rotation des représentations. Ce système empêchait une bonne compréhension des problèmes du Conseil, portant préjudice à sa propre structure et à son fonctionnement. Parmi les conseillers les plus remplacés sous forme de rotation se trouve le secrétaire de la Planification urbaine, dans les deux listes de conseillers (procès-verbaux des réunions ordinaires et extraordinaires, 1997-2002). De plus, il y a eu un manque de participation de conseillers des universités, surtout pendant le premier mandat du Conseil, et des conseillers d’institutions privées, dans les autres mandats. Une autre indication problématique par rapport à la présence de conseillers a trait à la composition de la Commission provisoire, formée uniquement de représentants du secteur communautaire, un total de soixante-neuf (tableau XXX). La Commission provisoire avait pour but de fonctionner parallèlement au Conseil du Fonds municipal du logement, jusqu’à l’approbation et la mise en place du nouveau Conseil : le Conseil municipal du logement. Les réunions de cette Commission ont eu lieu tous les quinze jours. Cette Commission a été importante pour la constitution du nouveau Conseil municipal du logement, en 2002. Toutefois, sa composition ne reflète pas une préoccupation de considérer les différents acteurs sociaux dans la construction 90 Les conseillers sont élus par répresentants de leur secteur. 198 d’un espace délibératif. C’est la raison pour laquelle elle a été plusieurs fois confondue avec un espace de débat du secteur prologement. La formation de cette Commission uniquement avec des acteurs du secteur prologement a été le résultat de la pression de ce secteur qui se sentait très peu représenté au Conseil du Fonds municipal du logement, dans un contexte politique plus favorable, régi par une administration du PT (Parti des Travailleurs). Tableau XXXIII COMPOSITION DE LA COMMISSION PROVISOIRE DU LOGEMENT, 2002 Institutions UMM / Nord UMM / Nord UMM / MST / Nord Loteamento / Nord MNLM / Nord Fórum Campo Limpo e Embú / Sud UMM / MST / Est MOFEG Unificadora dos Movimentos / Est UMM / Sud-Est Associação Futuro Melhor / Nord CEP / Est CASP / Est CASP / Est UMM / Nord Cidade Nova / Nord Movimento de Regulariazação de Favelas e Loteamentos UMM / Ouest UMM / Est Movimento Chácara Do Conde / Sud Central de Entidades Populares / Est Favela / Sud Associação dos Moradores Jardim Edite / Sud ULC (Cortiços) / Centre Associação União dos Moradores / Nord MTSTRC (Cortiços) / Centre Mutirão Fazenda do Carmo / Est CASP / Est MSTC (Cortiços) / Centre Nom des titulaires Adilson Rosalino Martins Adjane Lima da Silva Ana Maria Ramalho Pinto Antonio Ferreira da Costa Filho Antônio José de Araújo Antonio Roberto Torres Linhares Bernadete Aparecida Vieira Carlos Fernandes Barbosa Carmen Lima de Alcantara Cosme Alexandrino Silva Crenildes Jesus da Silva Dalcides Batista Neto Dorival Gomes de França Ednelson Pacheco Ferreira Edy Gonzaga Silva Eliel Reis Oliveira (Pastor Léo) Esicleide Conceição de Albuquerque Espiridião Rodrigues Trindade Evaniza Rodrigues Felicia Mendes Dias Franciane dos S. F. Fernandes Geraldo José da Cunha Gerônimo Henrique Neto Gilberto Santos Silva Gildo Evangelista de Souza Hamilton Silvio de Souza Iris Pauferro da Silva Ismael dos Santos Ivaneti de Araújo 199 MNLM / Est UMM / Ouest Movimento Unificado de Entidades / Est FACESP / União dos Moradores Jardim Aurora / Est Associação Unificadora dos Movimentos da Zona Leste / Est UMM / Ouest Central de Apoio as Familias Sem teto / Est Movimento Campo Alegre / Sud Pastoral da Moradia / Est União dos Movimentos de Moradia da Zona Leste / Est Centro de Capacitação Popular / Est Fórum dos Mutirões / Est UMM / Ouest UMM / Cingapura / Sud-Est CASP / Est Sem teto /Sud-Est FACESP / Sud Projeto Vila Mara / Est MST / UMM / Nord UMM / Centre Movimento Quero um Teto Central / Nord Associação dos Moradores do Portla Ecológico UMM / Est Sem Teto / Nord Sem Teto / Nord UNAS / Sud-Est Movimento Quero um Teto Central / Centre Associação Vila Torinto / Sud Movimento de Defesa dos favelados / Est Associação em Defesa da Moradia / Nord UMM / Est UMM / Est Fórum dos Cortiços / Centre Movimento Estrela Guia / Sud FACESP / Est ULC / Centre Jailton Santos de Lima João José de Jesus Gonçalves João Timoteo de Andrade Jorgeval Santos José Alves Dias José de Abraão José de Souza Nogueira José Gonçalves de Almeida José Roberto Sacki José Romon Cruz Juvenal José dos Santos Luci Valente Luis Carlos Goes de Lima Márcia Aparecida dos S. de Souza Maria de Fátima Santos Tavares Lima Maria Elisabete dos Santos Maria Ester Martins da Vitória Maria Isabel Carvalho Maria Izilda Camillo Maria Nilce Souto Kovacs Marinalva Gonçalves de Brito da Silva Marisa Kowaleska Menezes Mariza Dutra Alves Neusa Avelino da Silva Melo Paulo Roberto dos Santos Paulo Roberto Nunes Vieira Sebastião Bezerra Sobrinho (Tião) Sidonio José G. Afonso Sueli de Fátima de Almeida Valdeci Aparecida de Oliveira Valdelice Ferreira da Silva Valdir Lima Cordeiro Verônica Kroll Zilda Maria de Jesus Zorilda Maria dos Santos Sidnei Antonio Euzébio Source : PMSP, 2002. Cette Commission provisoire du logement, composée exclusivement de représentants des mouvements populaires, devait exister jusqu’à l’approbation du nouveau Conseil. Cette Commission, qui se réunissait tous les quinze jours, 200 discutait de questions concernant le budget municipal du logement, les programmes de logement, la demande, l’utilisation des ressources et le plan directeur, entre autres, et surtout du processus d’approbation du nouveau Conseil municipal du logement. Cette dernière discussion servait, selon nous, plutôt comme catalyseur pour exiger la fin du Conseil existant et l’instauration d’un nouveau que comme espace de structuration du fonctionnement du Conseil en vigueur. Étant donné le nombre élevé de membres de la Commission provisoire, il a été décidé que les représentants de la Commission pourraient travailler en souscommissions. La plupart de celles-ci se composaient de dix à douze personnes, qui se réunissaient selon leurs propres critères. Indépendamment du fait qu’elle soit formée uniquement de représentants des mouvements populaires, il faut signaler que la Commission provisoire n’est pas uniquement composée d’un segment de représentants issus de la lutte prologement en ville, comme dans le cas du Conseil du Fonds municipal du logement. Il y avait divers représentants, comme ceux des favelas, des lotissements irréguliers, des mouvements prologement au centre-ville et des mouvements des mutirões. Cette Commission a cherché à incorporer ce qu’il y avait de plus représentatif des mouvements populaires, que ce soit des mouvements de quartiers, d’associations ou d’organisations locales. Du fait du caractère provisoire de la Commission, il y avait le défi de rallumer la discussion sur la participation populaire, pour éviter le risque de son extinction, par manque de définition claire de ses fonctions. Ainsi, on remarque que cette Commission était en train de souffrir d’une déviation de fonction, car elle cessait peu à peu d’être une instance de décision et de pouvoir liée au Conseil du Fonds municipal du logement, pour jouer de plus en plus le rôle d'instance de communication interne entre les mouvements. Selon nous, bien que cette Commission ait eu à jouer ce rôle, elle n’a pas épuisé le débat sur les thèmes de discussion chers aux mouvements. 201 Nous constatons que la structure de fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement, mise en place par les pouvoirs publics municipaux, n’a pas permis la construction d’un espace de pratique et d’action collective permanente et solide. Cette structure a fortement affecté la représentativité des conseillers. Les difficultés de fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement ont eu un rapport direct avec la question de la représentativité des divers acteurs sociaux liés à la question du logement dans la ville de São Paulo. 5.2 La représentativité La discussion sur le sujet de la représentativité des divers secteurs de la société dans le Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo, pour peu qu’elle ait eu lieu, n’est pas restée concentrée uniquement sur la composition du Conseil, bien que ce soit un élément fondamental. On a aussi abordé la représentativité des conseillers dans les réunions officielles et préparatoires ainsi que celles de la Commission provisoire. Dès sa création, il y avait la recherche d’une composition tripartite, qui devait être structurée en un tiers de représentants du gouvernement, un tiers de représentants des promoteurs du logement de la société civile (constructeurs, gens d’affaires, représentants des secteurs techniques) et un tiers de représentants des bénéficiaires de la société civile (mouvements populaires et syndicaux). La recherche de cette composition a comme origine celle menée pendant la proposition de création du Fonds et du Conseil national du logement populaire. La composition du Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo a, en réalité, été bipartite : 50 % du Conseil était composé de représentants du pouvoir public; l’autre 50 % était composé de représentants d’institutions de la société civile : promoteurs du logement, universités, institutions religieuses et mouvements populaires. Cette composition va de pair avec l’objectif du modèle de 202 Conseil instauré en 1994, lequel ne démontrait aucun intérêt à ouvrir les espaces de décision et à construire des espaces d’interaction sociale. Et cela, tout en connaissant la forme d’élection et du choix de représentants des institutions de la société civile, dirigée par le secteur public. Diverses discussions ont surgi à ce sujet. La plus forte a été celle tenue au dernier mandat du Conseil. Au cours des délibérations de la première Conférence municipale du logement de São Paulo, en 2001, il a été mentionné qu’une composition tripartite devrait être structurée ainsi : 25 % pour les représentants du pouvoir public municipal, 25 % pour les représentants des promoteurs du logement et 50 % pour les mouvements populaires prologement. Toutefois, même après la constitution du nouveau Conseil, cela ne s’est pas concrétisé. On a plutôt assisté à la constitution d’une composition tripartite d’un tiers pour chaque groupe de représentants. Pendant la durée de vie du Conseil du Fonds municipal du logement, on remarque que la prédominance du pouvoir public était manifeste. Plus encore, l’inégalité a été évidente, étant donné que les représentants de la société civile n’ont jamais représenté effectivement 50 % des membres, comme il était prévu. Cela a été attribuable à l’absence de représentation d’institutions religieuses ou de participation des universités, soit aux élections, soit aux réunions. Ainsi, le Conseil a toujours été majoritairement composé de représentants du pouvoir public, spécialement pendant les Administrations Paulo Maluf et Celso Pitta. La représentativité s’est avérée problématique non pas uniquement sur le plan de la composition, mais aussi sur la façon de choisir les représentants et de les élire. La représentativité a été fortement remise en question tout au long de l’existence du Conseil du Fonds municipal du logement, quant à la réelle participation des conseillers dans les diverses instances du Conseil. Cette représentativité a même déjà été reconsidérée au début de la formation du Conseil du Fonds municipal du logement, après la promulgation de la loi, en 1994. 203 La Loi du Conseil du Fonds municipal du logement, Loi 11 632 du 22 juin 1994, Chapitre 1º, Article 1, alinéa 4, stipulait que les institutions devraient être préalablement enregistrées au Secrétariat du logement et du développement de la commune de São Paulo - SEHAB et avoir leurs représentations au Conseil indiquées par tirage au sort public, pour un mandat de deux ans. Les mandats consécutifs d’une même organisation ou institution étaient interdits (Diário Oficial do Município, 1997). Le grand problème était lié à l’enregistrement des institutions et à leur forme d’élection, initiés en juin 1996 : c’est à peine si les institutions enregistrées pouvaient participer au tirage au sort et au Conseil du Fonds municipal du logement, selon les critères exigés par le pouvoir public municipal. Ces critères limitaient déjà la représentativité des autres acteurs sociaux au Conseil, soit en ce qui concerne leur légitimité dans la forme d’élection, soit dans leur possibilité de participation. Cela est dû au fait que la grande majorité des acteurs sociaux n’était pas préalablement enregistrée au SEHAB et ne répondait pas non plus aux conditions pour y être, celles-ci étant restreintes. Ce qui fait que le tirage au sort a été dès le début contesté par différentes institutions de la société civile. Contrairement aux mouvements populaires, les institutions de promoteurs du logement se sont organisées pour indiquer lesquelles seraient enregistrées. Ainsi, malgré le tirage au sort, ces institutions auraient comme représentants des institutions suggérées par tout le segment des promoteurs (entretien avec un conseiller du secteur privé). N’étant pas informées du processus, diverses institutions populaires ont tenté de s’inscrire, sans opter pour une sélection des institutions inscrites. Toutefois, l’exigence de pièces justificatives d’utilité publique rendait non valides presque toutes les inscriptions, ce qui éliminait une grande partie des mouvements sociaux. Pour s'inscrire, les organisations communautaires prologement devaient présenter les documents suivants : une requête d’inscription signée par le mandataire (« représentant légal ») et toute la documentation relative à leur personnalité 204 juridique, contenant une copie des statuts sociaux ou le procès-verbal de l’assemblée de constitution avec ses modifications ultérieures, dûment enregistrées; l’adresse de l’institution dans la commune de São Paulo; les objectifs sociaux incluant le développement des activités socioéducatives auprès de la population à faible revenu; ainsi qu’une déclaration d’utilité publique municipale et une déclaration de non-exercice d’activités politiques. Pour s'inscrire, les institutions religieuses devaient présenter à peu près les mêmes documents : une requête d’inscription signée par le mandataire, accompagnée d’une documentation relative à la personnalité juridique contenant une copie des statuts sociaux ou le procès-verbal de l’assemblée de constitution avec ses modifications ultérieures, dûment enregistrées; l’adresse du siège; les objectifs sociaux; une déclaration d’utilité publique municipale et une déclaration de non-exercice d’activités politiques. Pour les universités, les documents exigés étaient : une requête d’inscription signée par le mandataire, accompagnée d’une déclaration de nonexercice d’activités politiques (DOM, 1996; Arrêté 009/SEHAB.G/96, 1996). À cause de ces exigences, les institutions éprouvaient beaucoup de difficultés à présenter tous les documents. Le faible nombre d’inscriptions des institutions religieuses, universitaires et communautaires prologement a eu pour résultat une inscription qui, à elle seule, établissait ceux qui seraient conseillers, car le tirage au sort n’était plus nécessaire, les institutions inscrites correspondant au nombre fixé pour y participer. En date du 5 septembre 1996, à 14 heures, se réunirent les membres de la Commission spéciale constituée par l’Arrêté nº 009/SEHAB.G/96, conformément à l’alinéa VI de l’Avis officiel. Le tirage au sort prévu dans l’alinéa concerné n’eut pas lieu puisque seules deux institutions communautaires prologement (Association Féminine Vila Alpina – Parc São Lucas et Union des habitants de Vila João Canuto), une seule institution religieuse (Núcleo Espírita Segue a Jesus) et une seule université (Université Mackenzie) furent habilitées lors de l’inscription. C’était donc exactement le nombre minimum de représentants des institutions en question, auprès du Conseil du Fonds municipal du logement, exigé par l’article 12, alinéas VII, VIII et IX, de la Loi nº 11 632/94. La Commission décida d’envoyer le procès au secrétaire, pour que soit faite l’homologation prévue à l’alinéa VII de l’acte de convocation. N’ayant plus rien à traiter, fut dressé le présent procès-verbal et signé 205 par les membres de la Commission (traduit du portugais, procès–verbal de la réunion 05.09.96 – procès 05.022.299-94*17). On confirme que cette exigence concernant les institutions a façonné la représentativité des conseillers, objectif caché de l’Administration municipale en place au moment de la formation et de l’implantation du Conseil du Fonds municipal du logement. Contrairement aux autres institutions – celles des secteurs de l’église, de l’université ou des promoteurs du logement – nombre d’institutions populaires ont tenté de s’inscrire pour participer au tirage qui définirait les institutions populaires conseillères, mais la majorité n’a pas réussi. C’est le cas de quelques institutions comme l’Association Parc résidentiel Talara et l’Association des habitants de l’ensemble résidentiel Rio da Pedras I et II. Elles ne possédaient pas les documents justificatifs pour pouvoir participer au tirage au sort. Seulement deux institutions ont réussi, ayant produit les pièces demandées. Une troisième institution, bien que n’ayant pas tous les documents exigés, est arrivée à s’inscrire : l’Association Parc résidentiel Talara. Elle n’a pas pu justifier son utilité publique au moment de son inscription. Comme il n’y avait que deux institutions agréées, le tirage n’était pas nécessaire, conformément à la loi. Les deux institutions qui ont participé au début du Conseil, l’Association féminine Vila Alpina - Parc São Lucas et l’Union des habitants de Vila João Canuto, ont pu justifier leur utilité publique à cause de leur ancienneté : elles existaient depuis les années 1950 (entretien avec le conseiller des mouvements prologement). Ces exigences et cette forme de représentativité des mouvements populaires ont entraîné une grande contestation de la part des institutions populaires. Nombre d’entre elles n’ont même pas pu s’inscrire pour participer au tirage (entretien avec le conseiller des mouvements prologement), raison pour laquelle le Forum du 206 mouvement des mutirões, qui comptait sur quatre-vingt-quatre institutions91, a tout fait pour empêcher la constitution de ce Conseil. Pour d’autres institutions, qui voulaient s’inscrire pour participer au tirage, le temps pour le faire se révélait trop court. Cela les empêchait de se procurer une justification d’utilité publique. C’est ainsi que les mouvements ont décidé d’inscrire quand même une institution, sachant fort bien qu’elle n’aurait pas accès à l’élection du Conseil. Cette stratégie a été admise, en supposant qu’une éventuelle irrégularité puisse survenir pendant le déroulement du processus de sélection. Cela fut fait au moyen de la recommandation d’une équipe juridique de la Chambre municipale de São Paulo, du bureau du conseiller municipal José Eduardo Cardoso. Cette équipe a toujours soutenu l’Association Parc résidentiel Talara et a accompagné diverses associations prologement dans toute la procédure de tentative d’inscription. N’ayant pas été acceptée pour le Conseil du Fonds municipal du logement, l’Association Parc résidentiel Talara a analysé les documents des autres institutions. Elle a alors découvert plusieurs irrégularités concernant la documentation de l’institution religieuse. Le pouvoir public avait fait semblant de ne pas voir ce qui manquait à celle-ci, mais n’avait pas agi de même en ce qui concernait l’Association Parc résidentiel Talara. Celle-ci a logé un recours contre la constitution du Conseil du Fonds municipal du logement : elle en avait le droit parce que, s’étant portée candidate à l’inscription, elle pouvait remettre en question les exigences du Conseil. 91 Le Forum des mouvements des mutirões se composait de quatre-vingt-quatre associations qui ont eu leurs conventions paralysées à partir de l’Administration Paulo Maluf, en 1993. Il s’agissait des Associations Celso Garcia, Madre Deus, Boa Esperança Carraozinho, Juta, Setor 8, Talara, São Francisco Sudeste, Autódromo, Icaraí, Unidos Venceremos, União de Todos, Vista Linda, Leste II, Miguel Aquel, Casa Branca – Petrili, Terra de Deus Terra de Todos, Rio das pedras I e II, Vila Mara I et II, Parque das Andorinhas, Baltazar Cisnero, Barro Branco I, II, III. IV et V, Willian Mandela, Área Treze, entre autres. 207 Par l’intermédiaire d’un avocat du Forum des mouvements des mutirões, cette association a découvert que la seule institution religieuse enregistrée et agréée pour participer au Conseil n’avait pas produit tous les documents exigés par le pouvoir public : il lui manquait la liste de présence et le procès-verbal de la première réunion, entre autres documents. Cela prouvait que le pouvoir public avait agréé une institution qui ne pouvait pas justifier son fonctionnement ni sa création. Ce fait constituait une preuve de la fraude du pouvoir public à l’égard de chacun des secteurs et particulièrement pour celui des mouvements populaires prologement. Ce recours a empêché non seulement l’agrément de l’institution religieuse dans le Conseil, mais aussi la constitution du Conseil pendant neuf mois. Au début, ce recours a été rejeté, et la sélection du Centro Espírita Segue a Jesus a été maintenue (Arrêt sur des recours 30.08.96 et 02.09.96 – Procès 0022.299-94*17). Cependant, en dépit de plusieurs autres recours tentés contre la constitution du Conseil, après neuf mois, le pouvoir public a réussi à le mettre en place92 (entretien avec un conseiller des mouvements prologement et un du secteur public). Outre ces recours, le conseiller municipal José Eduardo Martins Cardoso attaquait l’avis officiel le 10 juillet 1996, en se basant sur l’illégalité manifeste de quelques documents exigés, tandis que d’autres prétendaient restreindre le nombre d’associations et d’institutions en mesure d’obtenir une place dans le Conseil, sans aucune justification légale. Selon José Eduardo Martins Cardoso, la liste des documents requis est généralement indiquée sur des avis officiels publics, visant à engager, pour l’administration, l’acquisition de biens ou de services, par force de la loi spécifique. Malgré cette requête, tous les arguments en annulation ont été rejetés. 92 C’était un événement très important, à l’époque, car il rendait possible le financement de la Banque Interaméricaine de Développement pour les programmes Cingapuras. 208 Il est [donc] difficile d’accepter que les représentants populaires représentent effectivement les institutions prologement dans le Conseil du Fonds municipal du logement, si l’on pense à la forme par laquelle ils sont devenus des conseillers : l’inscription et le tirage au sort. On ne peut vraiment prendre au sérieux cette représentativité (traduit du portugais, entretien avec Gisela Mori, 2003; entretien avec Luciana Royer, 2003). Le processus d’inscription et de tirage au sort a non seulement été maintenu, mais il a servi de base à la seconde élection des conseillers, en 1998. À ce moment, nombre d’institutions prologement avaient déjà un justificatif d’utilité publique, ce qui leur a permis de s’inscrire (entretien avec un conseiller du mouvement prologement). Les institutions détentrices d’un justificatif ne se sont pas limitées à obtenir cette documentation exclusivement pour l’inscription au Conseil du Fonds municipal du logement. Elles s’en sont servi dès lors pour participer aux projets des mutirões qui ont eu lieu pendant l’Administration Celso Pitta et aussi à ceux entrepris par l’État. Il s’agit de la seule manière pour elles d’obtenir un tel document, qui leur sera utile pour l’inscription au second mandat du Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo. Craignant la difficulté du tirage au sort et voulant en même temps garantir une représentativité de force au Conseil, les institutions inscrites et associées à l’Union des mouvements prologement de São Paulo – UMM signent alors un accord. Elles déterminent qu’indépendamment de l’association tirée au sort pour le Conseil, le représentant serait toujours le même, à savoir la coordinatrice de l’UMM de São Paulo. C’est ainsi que, lorsque l’Association de construction communautaire Ernesto Che Guevara a été élue par tirage au sort, la représentante au Conseil du Fonds municipal du logement a été la coordinatrice de l’UMM de São Paulo. Cette stratégie a été adoptée aussi pour la troisième élection des conseillers, en 2000. En se révélant comme un moyen de garantie effective de pouvoir de participation et de voix au Conseil du Fonds municipal du logement, cette stratégie 209 a rendu possible que la représentante des mouvements prologement n’appartienne pas à une institution particulière. Au contraire, l’idée était que la représentante soit une personne qui pouvait coordonner toutes les institutions directement liées à l’UMM de São Paulo. Il fallait quelqu’un qui pouvait jouer un rôle important dans cette lutte pour le logement dans la ville. On constate que cette stratégie a été adoptée comme contrôle et capacité de participation des mouvements prologement. Elle a été la conséquence du contrôle d’acteurs, spécialement prologement, dans le Conseil. Au début de l’Administration Marta Suplicy, en 2001, des discussions ont eu lieu au sujet du maintien ou non du Conseil du Fonds municipal du logement. Selon nous, cette interrogation n’était pas liée à sa valeur, mais plutôt, et surtout, à sa capacité réelle d’action collective sur la politique du logement de la commune. La discussion qui a eu cours dans cette Administration venait du fait que celle-ci n’était en accord ni avec la proposition des gouvernements précédents, par rapport à la structure et au fonctionnement du Conseil, ni avec la proposition de représentativité et de participation au sein du Conseil. Finalement, et même en connaissant les problèmes du Conseil du Fonds municipal du logement, il a été décidé que celui-ci continuerait d’exister jusqu’à l’approbation du nouveau Conseil municipal du logement. Bien que cela ait été souhaité par le pouvoir public, la décision a été prise aussi par les mouvements populaires, en réunion : ils ont préféré le maintien du Conseil du Fonds municipal du logement parce qu’ils ne voulaient pas une interruption et ils avaient peur qu’une possible interruption prenne trop de temps. Ce n’est qu’avec la création du Conseil municipal du logement, en 2002, que le processus a changé. Les formes antérieures d’élection ont été éliminées à la faveur d’une élection de fait, c’est-à-dire où chaque secteur de la société devient responsable de l’élection des membres qui composent le nouveau Conseil. 210 Ce processus a pour but de légitimer le conseiller, les formes et les sphères de représentativité dans la composition des conseillers. Les représentants d’universités et d’institutions professionnelles ou de celles qui assurent un conseil technique ont pu concourir à se tailler une place au Conseil municipal du logement. Les organisations non gouvernementales, les catégories professionnelles du domaine du logement, les institutions syndicales des travailleurs de la construction civile, les centrales syndicales, les associations ou syndicats patronaux de la chaîne productive de l’industrie de la construction civile et les catégories professionnelles du domaine du droit ont aussi pu participer au processus d’adhésion au Conseil municipal du logement. C’est dans ce nouveau contexte qu’au cours d’une élection inédite dans la ville de São Paulo, le 23 mars 2003, les seize représentants93 des mouvements 93 Les conseillers élus des mouvements populaires sont : 1 - Marilei Gomes Ribeiro Santana (14 267 votes), 2 - Zorilda Maria dos Santos (13 711 votes), 3 - Luiz Carlos Góes de Lima (13 642 votes), 4 - Valdir Lima Cordeiro (13 635 votes), 5 - Maria Izilda Camillo (12 582 votes), 6 - Sueli de Fátima de Almeida Machado (12 528 votes), 7 - Neuza Avelino da Silva Melo (12 496 votes) de la politique du logement de la commune, 8 - Elisângela de Fátima da Silva (12 350 votes), 9 - José Ramão Cruz (12 345 votes), 10 - Verônica Kroll (12 343 votes), 11 Rozina Conceição de Jesus (12 220 votes), 12 - Wander Geraldo da Silva (12 216 votes), 13 Felícia Mendes Dias (11 981 votes), 14 - Izildinha Aparecida de Andrade (11 898 votes), 15 Luci Valente Marins (11 598 votes), 16- Solange Cervera Faria (10 892 votes). Les candidats à l’élection étaient 57 : 01 - Verônica Kroll, 02 - Raimunda Bonfim Ribeiro, 03 - Durvalina Aparecida Silva dos Santos, 04 - Luci Valente Marins, 05 - Luiz Carlos Góes de Lima, 06 Eduardo dos Santos, 07 - Ronaldo Bezerra Matos, 08 - Marcos Roberto Oliveira de Siqueira, 09 - José Aparecido Martins de Souza, 10 - Carlos Ricardo Machado de Oliveira, 11 - Maria José da Silva Santos, 12 - Odenice da Costa Sampaio, 13 - Marilei Gomes Ribeiro Santana, 14 - Helena Cândida dos Santos, 15 - Jesus Dias Miranda, 16 - Zorilda Maria dos Santos, 17 Sidônio José Geraldo Afonso, 18 - Sueli de Fátima de Almeida Machado, 19 - Felícia Mendes Dias, 20 - Ruth Helena Vieira Furtado, 21 - Maria de Fátima Zanon do Rego Monteiro, 22 João Themóteo de Andrade, 23 - Cirlande Pereira da Silva, 24 - Carlos Roberto Vaz, 25 Liana Correia Lopes, 26 - Glaucia de Fátima Batban Morelli, 27 - Yara Machado, 28 - Joel Marques Pereira, 29 - Wander Geraldo da Silva, 30 - Rozina Conceição de Jesus, 31 - Nildes Cecília Purificação, 32 - Luis Fabiano Machado de Oliveira, 33 - Valdir Lima Cordeiro, 34 Judite Monteiro Gomes da Silva, 35 - Neuza Avelino da Silva Melo, 36 - Maria Ferreira de Almeida, 37 - Tânia Valéria Sepulvida, 38 - Geraldo de Jesus Moura, 39 - Elisângela de Fátima da Silva, 40 - Rosana Cezar da Silva, 41 - Vera Lúcia Gonçalves Martins Velasques, 42 - Leonardo Medeiros e Silva, 43 - Marize Aparecida Benedito, 44 - Regina Quirino dos Santos, 45 - José Ramão Cruz, 46 - Marina Marques de Souza, 47 - Márcio Aparecido Pereira, 48 - Juvenal José dos Santos, 49 - Lione Rodrigues da Silva, 50 - Ilda Aparecida Fiorante Fiore, 51 - Roberto Lima de Melo, 52 - Izildinha Aparecida de Andrade, 53 - Maria Aldeiza 211 populaires au Conseil municipal du logement ont été choisis par suffrage direct de 31 868 habitants de la ville de São Paulo, appartenant à des associations prologement. C’est la première élection du nouveau Conseil, institué par la Loi municipale 13 425/02. Ce processus électoral a obtenu le soutien technique du Tribunal régional électoral de São Paulo, qui a prêté les 454 urnes électroniques utilisées dans 41 zones électorales de la ville, ce qui a assuré la transparence et la rapidité du scrutin. Seuls ont pu voter les électeurs du segment qui ont justifié un lien avec l’institution inscrite au processus électoral. À l’exemple des mouvements populaires, les autres institutions qui composent le nouveau Conseil ont aussi organisé des élections, avec des réunions préalables pour discuter de la politique du logement de la commune. Les formes de représentativité au sein du Conseil du Fonds municipal du logement ont entraîné beaucoup de problèmes, soit ceux liés à sa composition, à la façon de choisir les représentants et à les élire. On voit que ces problèmes n’ont pas contribué à la constitution d’une interaction sociale équitable et désirée pour tous les acteurs sociaux. Ils ont plutôt illustré la volonté de contrôle du pouvoir public sur le Conseil et le manque d’intérêt à construire un processus de gouvernance à partir de l’intégration de divers acteurs dans une même arène de débat. Ces problèmes remettent en question la participation des représentants à l’intérieur du Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo. 5.3 La participation La participation des conseillers était liée à la représentativité structurée et définie par la forme de convocation, divulgation, élection et composition du Conseil. En raison de sa composition – cinq représentants du pouvoir public et, au Linhares Bezerra, 54 - Maria Izilda Camillo, 55 - Solange Cervera Faria, 56 - Rita Maria dos Santos et 57 - Suzana Severina Gomes. 212 début, quatre représentants de la société civile, réduits à trois pour les mandats suivants des conseillers – toute résolution, approbation des comptes ou directive était toujours à la merci des voix du pouvoir public, majoritaires. En d’autres termes, les décisions du pouvoir public étaient toujours prépondérantes, et les intérêts des autres conseillers, relégués à un plan secondaire. Cela a mené les autres secteurs à jouer un rôle bien en deçà de ce qu’ils espéraient et à fonctionner plutôt comme des surveillants et des informateurs des réunions pour leurs institutions et secteurs. Comme la forme de participation structurée et définie au Conseil ne coïncidait ni avec les nécessités réelles ni avec les intérêts des divers secteurs présents, plusieurs enjeux d’intérêt ont été soulevés hors du Conseil (voir première partie, chapitre I : Les occupations en réaction à la politique du logement). Les diverses pressions exercées par les mouvements populaires et par le secteur de la construction de logements sont des exemples de ces enjeux. Un cas exemplaire des pressions exercées à l’extérieur du Conseil a été les occupations d’immeubles vides ou sous-utilisés dans la ville, ainsi que l’appui aux pressions de diverses institutions du secteur communautaire prologement, comme les acquisitions de terrains, les remises de logements à des institutions spécifiques et la production de Cingapuras, entre autres. Cela a toujours eu lieu parallèlement à l’action du Conseil ou, mieux, toujours à l’extérieur de lui. Le résultat de ces pressions fut que la majorité des conseillers finissaient par agir contre le Conseil, car ils ne voyaient pas de champ d’action tangible pour leur propre participation dans la gestion publique et ils exerçaient leurs actions en dehors du Conseil du Fonds municipal du logement (entretiens avec des conseillers des mouvements prologement et des conseillers de la Commission provisoire). Un autre exemple fut l’alliance tactique entre les mouvements populaires et la Chambre brésilienne de l’industrie de la construction (CBIC), pendant le second mandat du Conseil du Fonds municipal du logement. En raison des difficultés de 213 participation et de la prépondérance des décisions du pouvoir public, ces institutions vont s’unir pour s’opposer au gouvernement et essayer de combattre certaines propositions et décisions (entretiens avec des conseillers du secteur privé et des mouvements prologement). Cette union a eu lieu à l’extérieur du Conseil, fortifiée par les débats et les réunions qui structuraient l’opposition visant à retirer du pouvoir public la légitimité de ses actions. Les actions hors Conseil ont été une pratique presque normale pendant une bonne période de l’existence du Conseil du Fonds municipal du logement. Une telle pratique démontre bien que le Conseil ne constituait aucunement un exercice d’interaction sociale. Un exemple de cet exercice « contre-Conseil » est que, pendant cette période, plusieurs discussions ont mené à présenter des votes « contre » ou une abstention de votes des deux groupes minoritaires siégeant au Conseil, correspondant aux groupes des promoteurs immobiliers et des mouvements communautaires prologement. Cette alliance a continué jusqu’à la fin du second mandat. Ces acteurs tentent alors d’être plus autonomes l’un à l’égard de l’autre pendant le troisième mandat, au cours duquel les mouvements prologement se rapprochent du pouvoir public (à ce moment-là, du Parti des Travailleurs) et se sentent davantage valorisés, avec plus d’espace de participation. Le secteur de la production de logements, représenté par la CBIC, a alors cherché à se maintenir indépendant, fonctionnant plutôt comme surveillant du Conseil du Fonds municipal du logement. Nous pouvons observer que le processus de participation n’a pas représenté un système d’action et de pratique collective de cohésion sociale, fondée sur la recherche de solution de conflits au moyen de consensus. En fait, nous constatons que ce processus visait seulement la mise en marche immédiate du Conseil du Fonds municipal du logement. 214 D’autres facteurs ont aussi été importants pour remettre en question la participation des conseillers. En témoignent leurs réactions devant l’accumulation des thèmes traités et l’information à propos de ceux-ci. Gisela Mori, Luciana Royer et Evaniza Rodrigues, ainsi bien que plusieurs autres conseillers, mettent en lumière l’importance de l’information/formation. Ils ont souligné que le manque de formation sur les thèmes traités, par rapport au temps dont chaque conseiller avait besoin pour s’approprier les informations, compromettait un résultat fructueux dans le Conseil. En outre, chaque conseiller agissait d’une manière différente. Marina et Doralice Souza affirment qu’elles avaient beaucoup de difficulté à saisir les questions soulevées et qu’elles n’avaient pas le temps de consulter quelqu’un à ce sujet (entretien avec des conseillers des mouvements prologement). Ce fait découle de l’excès d’informations apportées à chaque réunion du Conseil du Fonds municipal du logement. Le volume d'information est trop grand, et le niveau de la formation est nul. Les personnes ne sont pas préparées à participer au Conseil du Fonds municipal du logement, parce qu’elles ne comprennent rien ni au budget municipal, ni à la politique du logement, ni à la législation, entre autres thèmes (traduit du portugais, entretien avec des conseillers du secteur public et des mouvements prologement). Le nombre réduit des réunions ordinaires du Conseil du Fonds municipal du logement a aussi représenté une difficulté, car le manque d’assiduité et les modifications découlant des différents mandats ont rendu difficile la participation sociale sur quelques aspects de la politique du logement. À ce sujet, différents conseillers déclarent que les variations dans le fonctionnement du Conseil ne permettent pas une plus grande participation, centrée non seulement sur les questions d’approbation et de délibération, mais aussi en ce qui concerne la politique du logement de la commune de São Paulo (entretien avec des conseillers du secteur public). 215 L’autre souci concernant l’assiduité aux réunions se rapporte à la question des réunions quadrimestrielles. Dans une ville d’à peu près onze millions d’habitants, les questions à traiter tendent à devenir très nombreuses, ce fait étant mis en relief par les conseillers. Cela ne fait que porter préjudice aux discussions, qui n’arrivaient pas, la plupart du temps, à une conclusion. Il faut aussi mentionner les thèmes extrêmement restreints des discussions, pendant les trois premiers mandats du Conseil; des sujets dépassés, qui tentaient de résoudre des querelles laissées par les Administrations antérieures plutôt que l’établir des directives d’une politique pour la période en vigueur. Pedro Salles et Carlos Adriano Constantino, tous deux assistants techniques des conseillers, respectivement du secrétaire de la planification urbaine et du président de la COHAB, manifestent leur étonnement devant les thèmes traités, car ils étaient tous rattachés, d’une certaine façon, aux propositions de l’Administration antérieure à la création du Conseil du Fonds municipal du logement, dans l’Administration Paulo Maluf. Cela montre le manque d’objectif clair au cours des premiers mandats, les thèmes des réunions étant complètement détachés des nécessités d’une politique du logement pour la commune. Cela est d’autant plus évident que la création du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo était liée à une demande faite à la Banque Interaméricaine de Développement (BID) de financer le Projet Cingapura. Cependant, ce Conseil n’a jamais eu à décider quoi que ce soit sur ce projet. Il y a eu un total détachement entre le Conseil et le Projet Cingapura, bien que le premier ait été mis en place en raison du second (entretien avec des conseillers du secteur public, du secteur privé et de celui des mouvements prologement). Signalons que la participation n’a pas toujours été la même tout au long des mandats du Conseil. Au cours du premier et du second mandat des conseillers, leur participation était plus restreinte que celle de la période de 2001 et 2002, soit 216 celle du troisième mandat (entretien avec des conseillers du secteur public, du secteur privé et de celui des mouvements prologement). La participation a été modifiée d’une période à l’autre étant donné que, dans les premiers mandats, la participation ne concernait que la consultation sur les approbations des budgets et la marche des activités, tandis que, dans la dernière période, la participation était plutôt liée aux directives de la politique du logement, mais pas encore à la politique en soi (entretien avec des conseillers des mouvements prologement). Les premiers mandats avaient des objectifs très ponctuels, en faisant du Conseil une instance limitée pour comprendre les questions en lien avec le logement en ville, tandis que le dernier mandat portait sur des thèmes plus larges et liés aux réalités, de façon à permettre une vision plus globale de la politique du logement. Toutefois, tout en sachant que le dernier mandat était plutôt centré sur la discussion des directives politiques, on comprend que la plupart des propositions arrivaient déjà structurées et fermées et que l’espace de discussion concernant celles-ci, pour importantes qu’elles soient, était encore très restreint. Au cours de cette même période, il y a eu la Commission provisoire, qui prétendait être le pont entre les titulaires élus lors de la première Conférence municipale du logement à São Paulo et les délibérations du Conseil du Fonds municipal de logement. Les discussions de thèmes plus larges de la politique du logement devaient être le but de cette Commission, mais cela ne s’est pas réalisé (entretien avec des conseillers des mouvements prologement). Dans ce processus, on constate les « antécédents » de la Conférence : les conférences préparatoires. De même que la Commission provisoire, les conférences préparatoires ont aussi eu un rôle en deçà de ce qui était souhaitable, selon des représentants de mouvements communautaires prologement. Tout cela parce que les conférences n’abordaient pas de grands thèmes et ne favorisaient pas une plus 217 grande participation des mouvements communautaires prologement. Leur but principal était la présentation de directives de la politique du logement de la part des représentants du Secrétariat de logement et du développement urbain de la ville, en plus des représentants de la Surintendance du logement populaire et ceux de la Compagnie du logement de la municipalité (entretien avec des conseillers des mouvements prologement). Le résultat fut que les conférences préparatoires ne se sont pas converties en espaces de discussion et de délibération capables d’apporter des contributions valables à la première Conférence municipale du logement. La majorité des contributions provenaient des grands mouvements communautaires prologement de São Paulo. Un autre facteur à considérer relativement à la question de la participation est la conformité de celle-ci avec l’institution qu’elle représente, c’est-à-dire le compte rendu de tout ce qui se passe à l’intérieur du Conseil auprès de groupes que les conseillers représentent. En effet, le retour des informations et le dialogue avec les personnes représentées sont fondamentaux pour légitimer la représentation du conseiller dans le Conseil. Toutefois, cela n’arrivait pas toujours à être établi. Deux faits opposés mettent en lumière les difficultés et les avantages d’une relation d’aller et de retour du conseiller. Dans le cas du conseiller de l’Association de construction communautaire Ernesto Che Guevara, un événement marquant, en rapport avec le Projet Celso Garcia, qui démontre l’action d’aller et de retour, ainsi que la valorisation de la participation au Conseil du Fonds municipal du logement et les gains acquis par celui-ci, a été rapporté par Evaniza Rodrigues (conseiller des mouvements prologement) : L’un des thèmes d’une des réunions du Conseil était l’approbation de ressources additionnelles au Projet Celso Garcia. Devant l'importance du thème, qui serait traité dans la réunion du Conseil, je suis allé en discuter à l'Association. En vérité, le représentant du Conseil, qu’il appartienne à une institution spécifique ou qu’il vienne d’un lieu spécifique de la ville ou même d’une région, doit être de fait le porte-parole des mouvements. Il faut qu’il quitte sa place et qu’il aille parler avec 218 ceux qu'il représente. C’est ce que j’ai fait. Lorsque la question est ponctuelle, l’opinion de l’Union des mouvements prologement, qui représente une grande partie des associations prologement dans la ville, n’avance rien; ce qui compte, c’est l’opinion de celui qui vit le local, dont on discute au Conseil. J’ai alors compris que, comme le Conseil traite de la politique générale jusqu’aux projets un à un, on est tenu de chercher l’interlocuteur selon chaque situation. Le plus important est qu'après l’approbation des ressources additionnelles, le personnel du Celso Garcia a reconnu la représentation et n’a pas crédité cette conquête à la mairie, mais au Conseil. C’est un petit épisode, mais qui représente quelque chose de bien précieux et d’important pour un conseiller (traduit du portugais, entretien avec Evaniza Rodrigues, 2003). À l’autre extrémité de ce processus, se trouve la contrepartie de l’accomplissement effectif des résolutions et des délibérations du Conseil. Le fait rapporté a eu lieu pendant le second mandat du Conseil, lorsqu’une résolution au sujet du budget a été prise, avec la participation du représentant du secrétariat des Finances; mais ensuite, à l’instance de ce secrétariat, la résolution n’a pas été maintenue, selon ce secrétariat. Ainsi, il faut se poser des questions sur la valeur de la participation au cas où l’engagement d’un conseiller ne serait pas maintenu. Cela révèle l’absence du processus d’aller et de retour des sujets traités dans le Conseil, ainsi qu’un manque de respect à l’égard des autres conseillers et du Conseil proprement dit : de sa valeur et de sa légitimité devant la société. Ces deux faits sont des exemples concrets des dichotomies, des oppositions à l'intérieur du Conseil. Ils concernent la participation des conseillers, en tant que représentants de leurs institutions, aussi spécifiques et importantes qu’elles soient. Un autre élément majeur au sujet du thème de la participation a été le contraste entre le Conseil du Fonds municipal du logement et la Commission provisoire. Compte tenu de l’expérience de la Commission, le manque d’articulation entre les deux était évident, l’un qui discutait au sujet du programme et des directives et l’autre qui discutait sur le format de la gestion. Pour cette raison, on saisit aussi le manque d’articulation au sein même de la Commission provisoire, les résultats ne répondant pas aux attentes telles qu’elles avaient été prévues ou imaginées par les 219 titulaires de cette Commission. Selon Sidnei Eusébio, « on discutait beaucoup et on marchait peu » (entretien Sidnei Eusébio, 2003). On voit que la Commission ne réussissait pas à fonctionner parce qu’elle était trop officieuse et qu’elle n’avait aucun pouvoir de délibération. La structure de fonctionnement, la représentativité des conseillers et leur participation ont déterminé la forme du Conseil du Fonds municipal du logement, tout en démontrant sa fragilité et sa limite en tant qu’espace de gestion collective et de construction d’une cohésion sociale. Outre ces sujets, la question des différences des échelles d’intervention vécues dans la ville et des actions, entreprises par les conseillers, démontre aussi les problèmes de ce Conseil et sa fragilité. 5.4 Les échelles d’intervention Les différentes échelles d’intervention sur le territoire des conseillers et de leurs institutions ont été déterminantes pour l’action du Conseil du Fonds municipal du logement. L’échelle d’intervention de chacun des conseillers, que ce soit sur la façon d’intervenir ou sur la capacité de vision des dimensions urbaines et spécifiquement du logement dans la ville de São Paulo, a contribué à définir leurs intérêts particuliers au Conseil du Fonds municipal du logement. Le degré de leurs interactions était représentatif de leurs échelles d’intervention dans la ville. Il s’est avéré que chaque conseiller disposait d’une somme d’informations selon son échelle d’intervention dans la ville. La contribution de chacun était donc différente. Un cas exemplaire du manque d’articulation dans les discussions peut être examiné par le biais des conseillères de l’association prologement Vila Alpina – Parc São Lucas. Les représentantes de cette association se présentaient en tant que membres de l’institution prologement de la plus petite représentation dans la 220 ville, en ce qui concerne l’échelle d’intervention, en même temps que d’intérêts ponctuels ou locaux. Elles ne possédaient ni un cumul de connaissances sur les espaces régionaux et municipaux ni une perspective d’action plus élargie que celle liée à des interventions effectuées localement. La responsabilité de ces conseillères envers leur mouvement limitait l’échelle d’intervention de ses représentantes. Dans le cas de l’autre association prologement, même si, au cours du premier mandat, elle avait une régulation plus locale, elle a tenté d’intervenir sur un territoire plus vaste, plus régionalisé dans la ville. C’est en comprenant ce déphasage existant entre les conseillers que des organisations non gouvernementales, en rapport avec ces derniers, ont offert une assistance technique. Le conseiller de l’association Union des logements de la Vila, João Canuto, a établi un dialogue intense sur les divergences des échelles d’intervention avec l’assistance technique. L’appui trouvé auprès de l’assistance technique a été semblable à celui du pouvoir législatif. Les assistants du conseiller municipal José Eduardo Cardoso se sont mis à la disposition des conseillers des mouvements communautaires prologement pour une meilleure compréhension des questions qui étaient étudiées au Conseil. Ils analysaient tous les documents, avec les conseillers élus. Ils présentaient aussi des suggestions concernant les thèmes traités et mentionnaient quelles seraient leurs positions (voir les procès-verbaux des réunions du Conseil, annexe III). L’importance de l’intervention et de la connaissance des échelles territoriales des autres conseillers a été notée par les mouvements populaires pendant l’élection du second et du troisième mandat du Conseil du Fonds municipal du logement. Devant ce fait, ils ont élaboré une stratégie. Celle-ci était d’élire une représentante de la coordination de l’UMM à São Paulo. Cette stratégie était liée à la recherche d’une perception plus étendue de la problématique du logement et des questions traitées dans le Conseil ainsi que du cumul de connaissances de la problématique du logement par les institutions spécifiques. Cette stratégie a été mise en œuvre dans le deuxième mandat du Conseil du Fonds municipal du 221 logement, quand la représentante de l’UMM à São Paulo a pris la place de représentante de l’Association de construction communautaire Ernesto Che Guevara. De la même façon, le représentant de la CBIC, bien que détenteur d’une vision régionalisée, possédait aussi une vision plus locale (entretien avec des conseillers des secteurs privé et public). Dans ce cas, le biais local n’était pas lié à ses échelles d’intervention sur le territoire et à sa connaissance des problèmes du logement dans la ville, mais à ses intérêts particuliers, intérêts qui étaient en rapport avec une partie du déchaînement de la production immobilière et de logements de la ville pour les classes sociales à plus haut revenu. Le pouvoir public possédait une vision plus élargie, ouverte sur toute la municipalité. Toutefois, l’échelle d’intervention était ressentie de façon différente dans chaque Administration. Au cours des premiers mandats, ces échelles étaient plus restreintes. Les thèmes abordés au Conseil étaient souvent très ponctuels. Tandis qu’au troisième mandat, leur élargissement était recherché, c’est-à-dire qu’il y avait une discussion non seulement des questions ponctuelles, mais aussi des questions plus générales et complexes. Cette dissimilitude fait référence à la politique de ces Administrations et aux actions privilégiées dans la construction de leur politique qui, parfois, ne tenaient pas le même discours. 5.5 Les ressources mobilisées Contrairement à certains conseils, dont l’existence et la dotation budgétaire sont garanties institutionnellement, le Conseil du Fonds municipal du logement de São Paulo n’a pas joui de ressources assurées à même les budgets publics. Historiquement, le domaine du logement n’a jamais été considéré comme étant du ressort de la politique publique, et ce fait est bien illustré par le manque de garantie des ressources publiques. Un conseil et une politique du logement sans 222 ressource sont évidemment des instruments affaiblis. Assurer, d’une certaine façon, l’existence d’un conseil du logement efficace dépend de l’existence de ressources pour appuyer des programmes et actions. Dans le cas contraire, les pressions et les débats vont graviter autour des décisions en lien avec des ressources, même si elles sont en dehors du Conseil. Dans le cas de la municipalité de São Paulo, une difficulté a surgi. Nombre de programmes de logements – Guarapiranga, Billings, Cingapura, entre autres – reçoivent du financement spécifique, provenant de sources internationales, dites « ressources timbrées », des ressources qui ne passent pas par le Conseil du Fonds municipal du logement. Pendant les deux premiers mandats, les ressources ont été minces, et la majorité destinée au logement ne passait pas par le Conseil. Les ressources liées au logement pendant les Administrations de Paulo Maluf et Celso Pitta étaient attribuées par le biais des programmes internationaux et n’étaient donc pas obligées de passer par le Conseil du Fonds municipal du logement. La mairie a abandonné le financement du Fonds municipal du logement en faveur de « ressources timbrées », ce qui a fini par anéantir le Fonds. Si la mairie est effectivement disposée à ouvrir des espaces de participation populaire et de partage de pouvoir, elle devra avoir la détermination de déléguer un pouvoir réel au Conseil, même si cela signifie un risque de perte de pouvoir. Dans le cas contraire, si la mairie insiste pour la création et la gestion de fonds parallèles en dehors de la gestion du Conseil, cela pourrait indiquer qu’elle ne mise pas sur l’ouverture d’espaces de participation populaire (Paz, 2000), comme cela s’est souvent manifesté au Conseil du Fonds municipal de logement. Bien que présentant dans son ébauche une proposition de participation plus démocratique que les Administrations précédentes, l’Administration municipale de Marta Suplicy n’a pas complètement montré une plus grande préoccupation relativement à l’ouverture de ces espaces. 223 Le rôle de ce conseil devrait aller aussi au-delà de la simple définition de l’affectation des ressources. Cela inclut le suivi et le contrôle de l’engagement des ressources, la prise de décisions selon les circonstances de chaque programme et de chaque financement, l’élaboration de stratégies générales d’une politique de logement. Malheureusement, ces points n’ont pas été entièrement traités au cours du mandat du Conseil. 5.6 La question foncière Parmi les résolutions du Conseil du Fonds municipal du logement, il y en a très peu concernant les types d’action foncière et la politique vouée à cette question. Quelques résolutions du Conseil se rapportent à ce sujet, dont les suivantes : Résolution numéro 4 du 17 septembre 1997, appendices A, A-1, B, B-1 et C, ainsi que la Résolution numéro 12 du 9 juin 1998, appendice I. Les appendices94 A, A-1 et C (respectivement Programme municipal de logement social, Sous-programme de production et de commercialisation de lots urbanisés et Programme municipal de relogement), mentionnent les choix de terrain et la situation foncière : Les ensembles pourront être exécutés dans : a) des terrains qui puissent être liés aux opérations du Fonds municipal du logement, de propriété de la PMSP et de la COHAB-SP; b) des terrains qui puissent être commercialisés aux bénéficiaires du FMH, de propriété de l’Union, du gouvernement de l’État, des entreprises publiques ou de tiers; c) des terrains qui puissent être liés aux opérations du FMH, objet d’arrêtés d’intérêt social – DIS de la PMSP, avec titre de possession émis par la mairie ou par la COHAB-SP (traduit du portugais, DOM, 1997). 94 Chaque annexe présente : objectifs du programme, description, demande, modèles de logement, moyens de fonctionnement de l’entreprise, formes d’accès aux immeubles, instruments contractuels avec le bénéficiaire, origine des ressources, agents d’intervention, définition des priorités pour l’investissement et législation d'appui (DOM, 1997). 224 Apparemment semblables aux précédentes, les annexes B et B -1 (respectivement Programme municipal d’urbanisation des terrains occupés et Restauration des ensembles de logements et des édifications détériorées et Sousprogramme d’urbanisation des terrains occupés) se réfèrent aux choix du terrain et à sa situation foncière, en mettant en relief le rôle du partenariat : Les ensembles pourront être exécutés dans : a) des terrains qui peuvent être liés aux opérations du Fonds municipal du logement, de propriété de la PMSP et de la COHAB-SP; b) des terrains qui peuvent être commercialisés aux bénéficiaires du FMH, de propriété de l’Union, du gouvernement de l’État, des entreprises publiques ou de tiers. Dans ce cas-là, il faut établir un partenariat où le propriétaire du terrain assure une partie des investissements; c) des terrains qui peuvent être liés aux opérations du FMH, objet d’arrêtés d’intérêt social – DIS de la PMSP, avec titre de possession émis par la mairie ou par la COHAB-SP (traduit du portugais, DOM, 1997). Dans l’appendice I de la résolution numéro 12, qui a approuvé la réglementation de la construction en régime de mutirão, dans le Sous-programme municipal de nouveaux logements sociaux, il y a des critères pour l’utilisation des terrains ayant en vue la production d’unités de logement social en régime de mutirão. Les terrains destinés à la mise en œuvre des projets ayant pour but la production d’unités de logement social, en régime de mutirão et avec des ressources en provenance du FMH, doivent respecter les critères suivants : 1) Les investissements avec des ressources du FMH pour la construction de logements en régime de mutirão doivent répondre aux dispositions du paragraphe V, appendice A-1, Sous-programme de production de nouveaux logements, résolution CFMH numéro 04 du 17 septembre 97; 2) On doit respecter les critères d’urbanisation suivants pour l’accord ou la destination d’un terrain à la production d’unités de logement social en régime de mutirão; 2.1 – l’emplacement du terrain doit être compatible avec le zonage municipal et avec la législation de l’État de São Paulo pour les entreprises de logement social; 2.1.1 – des terrains appartenant aux régions de protection aux sources et aux régions industrielles en prédominance ne seront pas acceptés, selon les termes de la législation de l’État pertinente; 2.1.1.1 – exceptionnellement, des cas particuliers de terrains appartenant aux régions de protection des sources pourront être objet d’analyse, dès que sont respectées les déterminations légales; 2.2 – les terrains destinés à des entreprises qui demandent la division du sol doivent s’adapter à la Loi fédérale 6766 du 19 décembre 1979, en particulier quant aux dispositions de l’article 3; 2.3 – le terrain doit être inséré de préférence dans le maillage urbain, permettant l’accès aux équipements et services 225 publics et au commerce local; 3) l’acceptation de terrains d’un tiers (traduit du portugais, DOM, 1998). D’autres programmes municipaux touchent à ce sujet, dont le Programme municipal de régularisation des lotissements irréguliers, le Sous-programme de financement d’unités achevées, le Sous-programme de l’urbanisation des ensembles de logements ou même le Sous-programme de récupération d’édifices détériorés ayant pour but le logement ou l’usage mixte. Outre les résolutions présentées, qui se rapportent à la question foncière, il y a aussi les résolutions 23 et 24 du Conseil du Fonds municipal du logement, du 12 juin 2000 et du 12 juin 2002. Dans le Conseil du Fonds municipal du logement, la question foncière était traitée d’une façon générale, parmi d’autres questions (entrevue avec des conseillers du secteur public). La plupart des notes et observations se rapportaient à des budgets, lesquels à leur tour ébauchaient des directives foncières, qui n’ont été jamais traitées au sein du Conseil avec plus d’acuité. Bien au contraire, selon Gisela Mori (conseilleur municipal, 2003), toutes les démarches à propos de la question foncière et de la problématique du sol ont été traitées en dehors du Conseil, comme le choix d’acheter des terrains vagues ou sous-utilisés. Bien que ce thème ait été l’objet de discussions dans les réunions de la Commission provisoire, qui avait une position sur ce sujet, présentée et définie lors la Conférence municipale du logement de la ville de São Paulo en 2001, il n’avait pas de répercussions et demeurait sans portée au Conseil. La question foncière a été l’un des thèmes peu traités au Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo (entrevue avec des conseillers des mouvements prologement et du secteur privé). 226 5.7 Les quatres périodes du Conseil À partir de ces cinq dimensions, on constate que le Conseil du Fonds municipal du logement peut être analysé selon quatre périodes : une première, qui va de sa création jusqu’à son implantation; la deuxième, marquée par la période de vie du Conseil sous l’Administration Paulo Maluf (1993-1996) et Celso Pitta (1997-2000); la troisième période correspond au questionnement sur la poursuite de ses activités ou même son rejet total, où le Conseil ne fonctionne pas; et la quatrième période définit la suite du Conseil dans un nouveau contexte qui prévoyait sa fin et la construction d’un autre Conseil, pendant l’Administration Marta Suplicy (20012004). Ces périodes présentent des mécanismes différents à propos de l’assurance ou non de la constitution d’un processus d’interaction sociale basé sur le compromis de coexistence et sur le consensus aussi bien que sur une forme particulière de gouvernance. En effet, en examinant ces périodes, nous constatons qu’au début, il n’y a pas la tendance de constitution d’un espace d’interaction sociale comme lieu d’articulation des intérêts des acteurs sociaux. Au contraire, ce qu’il y a, c’est une fausse proposition dans le but, uniquement, de répondre à une exigence de la Banque mondiale pour permettre le financement international. La formation du Conseil du Fonds municipal du logement n’est pas non plus la manifestation des logiques de constitution des espaces de gouvernance. On assiste à un total manque de volonté du pouvoir public à constituer collectivement ces espaces, et en même temps, à une totale volonté de constituer ces espaces, par des acteurs de la société civile. Le deuxième moment est la fortification, d’une part de cette fausse structure du Conseil en tant qu’espace d’interaction sociale, mais aussi qui reproduit les vieux modèles de pouvoir; d’autre part, du contre-courant du Conseil, c’est-à-dire qu’il fait ressortir les forces sociales, qui ne cherchent pas à le valider, mais au contraire à créer des espaces plus importants, où se trouvent des possibilités de constitution d’interaction sociale à plus long terme et équitables. 227 La troisième période est le résultat de cette manifestation de contre-courant du Conseil du Fonds municipal du logement. C’est une période de questionnement au sujet de son abandon. Toutefois, la consolidation des espaces d’interaction sociale constituée hors du Conseil, entre les membres, a permis d’envisager la suite dans l’objectif de le remplacer par un autre, ce qui a été discuté en consensus et collectivement. La quatrième période est justement celle des nouveaux espaces d’interaction sociale du Conseil du Fonds municipal du logement et de la Commission provisoire, instaurés par la Conférence municipale du logement, comme forme d’ouverture pour la constitution d’un espace plus ou moins structuré de gouvernance jusqu’à la création du Conseil municipal du logement, comme lieu de consolidation de cette ouverture. Même en connaissant les différentes phases du processus de « construction » du Conseil, nous ne croyons pas qu’il fut un espace réel de constitution d’interaction sociale. Il a plutôt servi de modèle pour d’autres fins. Ce Conseil du Fonds municipal du logement a été un lieu de reproduction des vieilles formes de gestion publique, non participatives. On ne peut croire en ce Conseil qui a présenté, tout au long de son existence, un conflit à propos de ce qu’il représente vraiment. Nous considérons qu’il n’a pas mené à la consolidation d’un espace de gouvernance urbaine. Nous pourrions imaginer que le nouveau Conseil offre une autre vision et une réelle constitution des espaces d’une forme particulière de gouvernance. Chapitre VI LE CONSEIL : LIMITES ET POTENTIALITES 6.1 Le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo Se pencher sur les limites et les potentialités du Conseil du Fonds municipal du logement nécessite de considérer plusieurs éléments, dont ceux-ci : la valeur d’un conseil et son importance à long terme, la participation, la composition et les élections des conseillers, le caractère délibératif ou consultatif, les arènes de discussion des mouvements prologement, l’information et la formation des conseillers, la communication et le langage, aussi bien que la dynamique de fonctionnement. Les conseils municipaux de politiques sectorielles, comme celui du logement spécialement dans la ville de São Paulo, constituent l’une des voies institutionnelles les plus importantes de participation de la société civile dans la gestion des politiques municipales. La « réussite » nationale de ce modèle peut être illustrée par son incorporation dans les lois organiques municipales des grandes villes (Ribeiro, 1994) et des villes moyennes brésiliennes (Santos, 1996). Le Conseil du Fonds municipal du logement, comme d’autres conseils, a été mis en valeur parce qu’il représentait la possibilité de réorganiser les politiques publiques dans la construction de formes de gestion démocratique de la ville ou de gouvernance urbaine, car dans les communes, les conseils municipaux thématiques (de la santé, de l’enfance et de l’adolescence, de l’éducation, des personnes âgées, de la culture, de l’environnement, de l’assistance sociale, du logement, entre autres) ont été analysés comme l’un des résultats les plus importants des réformes municipales récemment engagées. Cela s’inscrit dans la tentative de mettre en œuvre un régime d’action politique comportant davantage d’intégration entre le gouvernement et la société civile (Gohn, 2001). 229 En fait, les conseils de gestion ont été la grande nouveauté dans les politiques publiques au fil des ans. Compte tenu de leur caractère interinstitutionnel, ils jouent le rôle de médiateur dans le rapport société/État et sont inscrits dans la Constitution de 1988, et dans d'autres lois du pays, en tant qu’instrument d’expression, de représentativité et de participation de la population (traduit du portugais, Gohn, 2001 : 83). Toutefois, on remarque que les conseils thématiques, comme celui du logement, ne sont pas tout simplement le résultat d’un nouveau contexte politique. Ils sont importants parce qu’ils résultent des luttes, des demandes populaires et des pressions de la société civile pour la redémocratisation du pays. Néanmoins, bien que les conseils soient des instruments de participation, il est impossible de les considérer comme des remplaçants de la démocratie représentative ni comme le bras droit du pouvoir exécutif, et encore moins comme remplaçants de la participation populaire. Les conseils peuvent être tantôt des instruments importants pour la mise en place d’une gestion démocratique et participative de la ville, caractérisée par de nouveaux modèles d’interaction entre gouvernement et société civile concernant les politiques sociales sectorielles, tantôt des structures bureaucratiques formelles ou simplement des structures d’arrangement d’intégration des individus ou groupes sociaux dans des schémas définis au préalable. Le cas du Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo laisse voir cette dernière dimension. De ce fait, un conseil peut être un espace à double caractère : il implique, d’une part, l’accroissement de l’espace public, en jouant le rôle d’agent médiateur des conflits, allant contre les tendances des politiques néolibérales d’annuler les espaces de médiation des conflits; mais, d’autre part, comme c’est le cas à São Paulo, il peut annuler les effets empowerment des institutions et des groupes organisés de la société civile et réaffirmer d’anciennes pratiques héritées du « physiologisme », c’est-à-dire de l’action politique au profit d’elle-même. 230 Si l’État et les politiques néolibérales « détruisent » le sens du public, en lui enlevant son universalité et en le renvoyant au domaine de l’assistance et de la logique du consommateur usager de services, les conseils ont la possibilité de rassembler à nouveau ces droits fragmentés et de reconstruire les chemins qui conduisent à la citoyenneté, à présent anéantie (traduit du portugais, Gohn, 2001: 88). Dans ce sens, le Conseil du Fonds municipal du logement porte des contradictions. Autant il peut mener au processus de participation sociopolitique des groupes organisés ayant en vue la mise en place d’une gestion démocratique, autant il peut stagner et continuer à reproduire le développement archaïque bâti par les vieilles élites paulistanas, comme cela nous semble être le cas de São Paulo. 6.2 La participation populaire La question de la participation est un élément très important pour comprendre le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo. Et cela, tout en sachant qu’une des questions prioritaires pour les mouvements prologement de São Paulo est la défense de la participation populaire dans les politiques de logement de la commune, principe réaffirmé au second congrès de la Centrale des mouvements populaires à Alagoas, en 2002, dont l’étendard affichait « Politiques publiques avec participation populaire ». Parmi les revendications, la proposition de conseils qui définissent des directives pour la politique du logement et pour l’affectation des ressources est défendue à tous les niveaux, soit fédéral, d’État ou municipal. Toutefois, pendant cette rencontre, il a été souligné que, même si les expériences développées à l’échelon municipal ratifient l’importance de cet instrument en tant que forme d’institutionnalisation de la participation des mouvements prologement dans la politique du logement, il existe déjà des critiques sur les distorsions dans leur utilisation. 231 Ces critiques se concentrent sur la participation réelle des conseillers originaires des mouvements prologement, sur la forme d’élection des conseillers, la composition non égalitaire entre les conseillers des divers secteurs, les temps d’appropriation et de connaissance des sujets des réunions, entre autres. Comme c’était aussi le cas à São Paulo. L’existence du Conseil n’est donc pas suffisante en soi pour garantir la participation et la constitution des espaces de gouvernance urbaine. Il est aussi essentiel de saisir la logique interne du développement du Conseil, en ce qui concerne le fonctionnement et la représentativité, entre autres. Il est par ailleurs important de comprendre les ressources et les échelles d’intervention sur le territoire des acteurs sociaux présents au Conseil du Fonds municipal du logement. La participation populaire représente certainement la clé pour franchir les limites étroites de la démocratie représentative (Sartori, 1994; Slater, 1998; Carvalho, 2000) – ou de la démocratie fonctionnelle95 – fondée sur un espace politique plus large ou qui va au-delà de celui qui réalise la démocratie représentative, comme l’indique Thuot (1998). Car la participation populaire est considérée non seulement comme le principe matriciel de la démocratie moderne, mais aussi comme l’élément organisateur et structurant des sociétés démocratiques contemporaines (Thuot, 1998; Gohn, 2001). C’est elle qui objective 95 La notion de démocratie fonctionnelle ne s’oppose pas à la démocratie représentative. Elle naît au sein de cette dernière. Pour Thuot (1998 : 49), la notion de démocratie fonctionnelle, représentative de la modernité, signale que « sous bien des aspects de l’exercice du pouvoir politique, les sociétés contemporaines ont entrepris un mouvement de sortie hors de la représentation politique », et cela, en fonction d’une nouvelle configuration entre le pouvoir politique et l’action sociale, qui a invalidé les conditions de déploiement de la démocratie représentative en poussant la restructuration du mode d’organisation du pouvoir politique. Selon lui, la démocratie fonctionnelle traduit l’idée « que la qualité d’un régime démocratique peut être évaluée à partir de l’intensité de son inscription sociale, de ses liens avec la société réelle, et que cette intensité requiert de minimiser dans la mesure du possible la séparation entre les gouvernants et les gouvernés » (Thuot, 1998 : 52). Ainsi, il faut voir la démocratie fonctionnelle comme « le mode d’organisation du pouvoir politique découlant de la rencontre directe de ce pouvoir avec les pratiques sociales particulières » (Thuot, 1998 : 164). 232 l’affermissement de la gestion démocratique de la ville, vue comme une forme d’institution d’une culture de partage des responsabilités dans la construction collective d’un processus de compromis de coexistence. Dans ce sens, il est important de rappeler quelques aspects marquants de l’histoire récente qui ont imprimé une nouvelle configuration de participation, pour appuyer les réflexions sur les structures intérieures du développement du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo. Cet exercice nous aide à comprendre non seulement le Conseil en soi, mais aussi son processus et ses délimitations : ses limites et ses potentialités. Les expériences de participation populaire, à partir des mouvements sociaux urbains, constituent l’un des principaux éléments de référence de la démocratisation du pays, après la période militaire – période au cours de laquelle les mouvements sociaux se sont développés en réaction à un manque de conditions des voies de représentation ou des arrangements institutionnels (Jacobi, 1989). À partir des années 1980, les expériences des mouvements sociaux urbains ont été caractérisées par des actions qui associaient des demandes locales (installation de l’eau, traitement des égouts, éclairage ou autres services de base dans des zones urbaines dégradées) à des luttes politiques plus vastes (démocratisation de l’État), en envisageant un caractère de représentation régionale et nationale. L’État, à cette époque, était considéré comme une structure lointaine et inaccessible aux pressions et aux mobilisations des mouvements populaires. Et cela, parce qu’il était doté de pratiques clientélistes, autoritaires ou populistes, qui imprégnaient la machine administrative et moulaient ses relations avec la société civile. Son rôle était de répondre aux demandes originaires des grandes mobilisations. La population organisée avait plus de pouvoir de pression sur les gouvernants et pouvait obtenir de meilleurs résultats dans la réponse à ses revendications. Par 233 conséquent, l’action des mouvements sociaux était légitimée, ce qui leur permettait d’étendre leur influence politique et sociale sur les populations qu’elles représentaient et aussi d’essayer de nouveaux projets politiques dans le champ institutionnel. Cette réalité a redéfini les relations entre l’État et la société civile. Dans la période de résistance et de lutte contre la dictature militaire, c’était la polarisation entre l’État autoritaire, arbitraire et répressif d’une part et, de l’autre, la société civile à faire pression sur l’État pour parvenir à la reconnaissance des droits sociaux et politiques niés (traduit du portugais, Caccia-Bava, 1994 : 5). À partir de la fin des années 1980 et du début de la décennie 1990, s’ébauche une autre manière d’envisager la participation à l’intérieur des mouvements sociaux urbains à caractère populaire (Gohn, 2001). Cette participation est définie alors en tant qu’efforts organisés pour augmenter le contrôle sur les ressources et les institutions publiques et pour établir un espace de représentation des divers intérêts de la société civile auprès du pouvoir public, ce qui permettait la création de nouvelles règles de coexistence politique. Les relations avec l’État commencent à être envisagées sous un autre angle. Il ne s’agit plus de la pression sur l’ennemi, il y a également l’espace politique, où se déclenchent les luttes et les conflits. Dans ce type de relations, des mouvements sociaux commencent aussi à concevoir des projets de construction de politiques publiques qui peuvent répondre à quelques-unes de leurs demandes. Il ne s’agit plus, uniquement, de faire pression pour parvenir à des solutions, mais aussi d’en construire quelques-unes conjointement. Les années 1990 marquent la consolidation des démarcations faites par les mouvements populaires et leurs revendications, pendant le processus de démocratisation du pays, ainsi que la dissémination de la pression populaire sur le territoire brésilien, qui était jusqu’alors concentrée dans quelques villes très peu nombreuses, en dépit de plus de 5 500 communes brésiliennes existantes. 234 Quelques études scientifiques sont dédiées à l’accroissement des expériences de participation au Brésil, comme celles de Rebecca Abers (1997), Silvio Caccia-Bava (2000 et 2001), Adauto Lúcio Cardoso et Cleber Lago do Valle (1999), Rosangela Paz (2002), Maria da Gloria Gohn (1998 et 2001), Angela Amaral (2001), entre autres. C’est une période riche de plusieurs expériences de participation, comprenant diverses étapes du processus d’élaboration ou de mise en œuvre. Elles sont teintées par le souci de formation politique de mouvements populaires, la décentralisation des structures d’organisation et de représentation des mouvements populaires, entre autres aspects. Cette période est marquée par la restructuration et par la qualification de la thématique de la participation, basée sur la construction de nouveaux espaces de participation, appuyée non seulement sur des espaces physiques, mais aussi sur des relations sociales nouvelles entre le public et le privé. C’est ainsi que les années 1990 sont marquées par la recherche de la consolidation d’une nouvelle culture de citoyenneté, dans laquelle les demandes et les revendications populaires gagnent de la visibilité et de la légitimité. La reconnaissance des droits de citoyenneté s’affermit comme un paramètre pour la gestion urbaine. La fin des années 1990 porte en soi de nouvelles démarcations pour les stratégies d’action des mouvements populaires dans le contexte de la participation et montre l’existence de nouvelles stratégies de mobilisation, revendication et participation populaires, à partir de dynamiques inédites. Au cours de ces dernières années, la conquête des mairies élues à l’aide de l’appui des secteurs populaires a déclenché de plus en plus d’expériences de participation de la population dans la planification et dans l’action urbaines, ainsi que dans les décisions, dans le contrôle de la politique municipale du logement et dans le processus de démocratisation du pouvoir local (Palocci et alli, 1997; Bourdin, 2001). Cela ne signifie pas qu’il y ait, aujourd’hui, des formes homogènes 235 de participation. Elles sont aussi diverses que leurs résultats (http://inovando.fgvsp.com.br). Le début de cette nouvelle décennie est encore vu, d’une certaine façon, comme un prolongement des années 1990; mais avec la différence qu’elle se caractérise, de plus en plus, par la réévaluation et par la restructuration des instances de participation atteintes par les mouvements populaires pendant la dernière décennie, comme dans le cas des conseils directeurs des politiques sociales aux différents ordres de gouvernement et, à l’intérieur de ceux-ci, celui du Conseil du Fonds municipal du logement de la ville de São Paulo. 6.3 La composition et les élections des conseillers La composition du Conseil dans la commune de São Paulo, proposée depuis le début, était bipartite. Cependant, elle a fini par montrer que les conseillers du pouvoir municipal l’emportaient sur les autres représentants des associations prologement, de construction de logements, des institutions religieuses et des universités. Pendant toute la durée de vie du Conseil du Fonds municipal du logement, le déséquilibre entre les acteurs représentés a été la caractéristique la plus significative. Cela a conduit à une plus grande autonomie du pouvoir public. Toutes les délibérations ont toujours été établies à l’avance et soutenues par les pouvoirs publics, quel que soit le mandat du Conseil. À vrai dire, ce Conseil, dès sa création, fonctionnait déjà « de travers » et il est demeuré ainsi, soit en tant que forme de gestion, soit en tant que représentation. Il n’a jamais vraiment présenté la « proposition inverse » – une autre forme de représentation et de fonctionnement, laissant plus de place aux associations -, sauf pendant le dernier mandat, quand l’Administration a essayé de le modifier, 236 quoique d’une façon encore limitée. De toute façon, ce n’est que durant la dernière Administration que s’est manifestée la conscience de l’impossibilité de maintenir ce Conseil tel qu’il avait été établi. C’est ainsi que la lutte pour un nouveau projet de loi s’est faite d’urgence, et a abouti au Conseil municipal du logement. Différemment de ce dernier, le Conseil du Fonds municipal du logement a été mis au point à huis clos, par une loi de l’exécutif qui, automatiquement, annulait le FUNAPS communautaire96 et créait le Conseil du Fonds municipal du 96 En 1979, durant le mandat du maire Reynaldo de Barros (qui n’a pas été élu directement, mais désigné par le gouverneur de cette époque-là, Paulo Maluf), a été mis en place le Fonds d’assistance à la population habitant des logements précaires (FUNAPS), un fonds de logement voué principalement à l’accueil des demandes d’émergence et ponctuelles (loi no 8 906, du 27 avril 1979). Le FUNAPS ne comptait que sur des ressources limitées et n’était pas même attaché au Secrétariat du logement, mais à celui de la prévoyance sociale, ce qui prouve sa caractéristique de secours à émergence et non comme élément d’une politique structurée du logement. En 1989, quand Luíza Erundina assume la mairie de São Paulo, la structure de financement du logement se présentait peu ouverte à la participation populaire. Pour faire face à ce problème, une des solutions fut le renforcement du FUNAPS, avec une plus grande concentration de ressources et son transfert au secrétariat du Logement. Le FUNAPS s’est distingué par la décision importante de décentralisation de la gestion des ressources et du pouvoir de décision concernant les investissements dans le logement. Les ressources étaient employées en grande partie dans la construction de logements par autogestion ou mutirões, ce qui demandait l’organisation des secteurs populaires en associations, responsables de la gestion des ressources et de l’engagement des assesseurs concernant les aspects techniques des travaux. Les ressources du FUNAPS permettaient aussi un éventail assez large d’aide : urbanisation des favelas, aide en émergence, mutirão, construction d’unités par des entrepreneurs. Grâce aussi au FUNAPS, les communautés ont pu participer à des projets avec leur force de travail et leur capacité de gestion. Tous ces facteurs ont donné rapidement des résultats très évidents, ce qui a renforcé le modèle et a aidé à vaincre les résistances qui existaient aussi à la mairie, de la part de ceux qui ne voulaient pas partager le pouvoir d’une façon plus radicale. Dans la mesure où le FUNAPS gagnait de l’espace et de la légitimité au sein de la mairie et aussi auprès de la société, il concentrait plus de pouvoir et de ressources. Il est même devenu l’investissement majeur du SEHAB, représentant environ 80 % du total des investissements. Le FUNAPS comptait aussi sur un conseil, qui suivait tous les processus et délibérait sur chaque accord établi. Les conseillers étaient nommés et non élus. Il s’agissait d’un conseil de « notables », auquel participaient, par exemple, Ruth Cardoso, à l’avenir première dame, et le sociologue Lucio Kowarick. Il y avait aussi des conseillers nommés par les mouvements de logement. L’idée du SEHAB était une structuration progressive d’un système municipal de logement et le FUNAPS cédant sa place à un fonds plus large de logement, géré par un conseil. Mais, avec l’élection de Maluf en 1992, le projet politique de cette équipe a été coupé, d’où l’interruption du processus de mise au point d’une politique de logement sur bases démocratiques jusqu’en 1999, durant les gestions Maluf et Pitta. Pendant cette période, en même temps que le FUNAPS a été annulé, il n’y a pas eu la mise en place d’un fonds et d’un conseil actif et démocratique, malgré son approbation en tant que loi. C’est seulement en 2002, durant la gestion Marta Suplicy, qu’on a repris le 237 logement. Concevoir un conseil de gestion, dont le but devrait être ou serait de prendre en considération les différents acteurs sociaux, avec des intérêts divers concernant la question du logement, sans une discussion au sein de la société civile, signifie écarter automatiquement cette dernière du contrôle des espaces publics de pouvoir et de représentation. Les victoires des dernières années sont justement liées à la discussion autour du nouveau Conseil municipal du logement dans la société civile. La mise au point de la proposition du nouveau Conseil a été apportée à la Chambre municipale à la suggestion du conseiller municipal Adriano Diogo. C’est seulement à partir de cela que s’est manifestée une ouverture pour discuter de la loi. Le gain a été valable, car plusieurs changements ont été apportés à la nouvelle loi, quoique le veto de la mairesse après son approbation à la Chambre municipale ait été appliqué. Par cet acte, madame la mairesse a ouvert des sphères de participation de l’espace public à tous les acteurs de la société civile. Malgré la lutte inouïe des mouvements populaires pour la mise en place d’un conseil, ils y ont toujours été peu représentés. Et quand ils ont participé, le système d’élection des conseillers a été dirigé, annulant toute légitimité de leur représentation dans ce processus et « brûlant » consciemment dans ses fondements la lutte des mouvements prologement de São Paulo. Malgré tout, et contrairement à ce qu’il était possible d’envisager, les mouvements populaires n’ont été ni réduits ni déstructurés après la gestion de Luiza Erundina (1989-1992). Ce processus a pris la direction opposée durant l’Administration Paulo Maluf. Les mouvements ont fini pour s’organiser de plus en plus, en prévoyant justement les difficultés à affronter dans les années à venir. La processus de mise en place d’une politique de logement sur des bases démocratiques, culminant dans la constitution et l’approbation d’un Fonds et d’un Conseil du logement démocratique. 238 lutte des mouvements pour modifier la composition du Conseil a été toujours considérable et a duré tout au long du fonctionnement du Conseil. En 2002, avec la nouvelle composition tripartite, les mouvements populaires ont envisagé un rôle plus important dans le Conseil, cette fois-ci dans le Conseil municipal du logement, en ce qui concerne la forme des élections, de sa composition, de la prise de décisions, de la participation à des conférences préliminaires plus effectives et à des conférences municipales de logement plus actives; ce rôle les pousse à s’engager davantage dans la politique du logement de la commune. Quant à la composition du Conseil, il faut encore considérer l’importance du nombre de conseillers pour mettre au point une structure vraiment représentative de la ville qui tient compte des différents acteurs engagés dans la question du logement. À São Paulo, bien que les autres expériences aient prouvé que des conseils très nombreux posent des problèmes pour les démarches politiques et pour l’agenda et imposent le besoin de sous-conseils, réduire le nombre de conseillers de façon trop importante est également dangereux, car il y a le risque de laisser partir des forces politiques importantes à l’extérieur du conseil – lesquelles peuvent essayer d’anéantir et de discréditer le conseil ou même d’agir en dehors de lui, dès qu’elles ne se voient pas représentées. Un conseil dont le nombre de conseillers est réduit peut entraîner l’exclusion d’acteurs importants et, d’un côté, engendrer un manque de crédibilité et, d’un autre côté, aboutir à des activités, accords et tractations en dehors du conseil. La composition tripartite est beaucoup plus qu’un simple groupement de trois secteurs importants d’acteurs sociaux urbains dans le domaine du logement. La réalité de ce cadre de fonctionnement a été bien esquissée dans les élections des conseillers prologement pour le Conseil municipal du logement, en 2003. 239 Durant ce processus d’élection des conseillers prologement, il y a eu seize listes de candidats de ce groupe de conseillers. Ces listes révèlent des limitations et des divergences au sein même du mouvement populaire. Il est possible de noter ce fait encore plus clairement dans le groupe de construction de logements, chez les assistants techniques, les universités, les institutions religieuses, les syndicats du bâtiment, entre autres. Il est important de considérer conjointement représentativité et diversité. Car il est impossible de penser sous l’angle de la représentativité sans analyser la diversité des domaines d’action thématiques et territoriaux des acteurs représentés en tant que conseillers de différentes organisations élues pour le nouveau conseil. En effet, il y a des biais spécifiques à l’intérieur de chaque groupe, en ce qui concerne son domaine thématique; par exemple, dans le cas des mouvements populaires : ceux relatifs à la lutte des cortiços, mutirões, des lotissements clandestins, des favelas, de la réurbanisation, du règlement foncier, des occupations dans des régions de risque, des occupations dans des régions d’origines, des occupations sous les ponts ainsi que des habitants de la rue. De la même façon, l’échelle territoriale peut aussi être mesurée selon son interprétation et action : sous-locale, locale, sous-régionale, régionale ou sousmunicipale et municipale, pour n’importe quel conseiller et organisation qu’il représente. Il faut faire une lecture transversale de cette composition, en analysant non seulement les acteurs de l'intérieur, mais aussi ceux de l’extérieur, qui n’ont pas été élus pour un nouveau mandat. C’est-à-dire qu’il faut prendre en considération tantôt les composants endogènes, tantôt les exogènes, qui auront toujours une influence sur le processus du conseil et, dans ce cas particulier, sur le nouveau Conseil municipal du logement. 240 6.4 Le caractère délibératif et consultatif Un des aspects les plus représentatifs du Conseil du Fonds municipal du logement est son caractère délibératif ou consultatif. Dans le cas du Conseil municipal du logement de São Paulo, la discussion sur ce sujet a été décisive. Un conseil consultatif est, en général, une instance qui ratifie des décisions (ou demande des éclaircissements sur celles-ci) concernant l’affectation de ressources et l’esquisse des politiques à mettre en place. Un conseil délibératif, par contre, est l’instance qui assure la mise en œuvre effective des politiques. Le Conseil du Fonds municipal du logement a été consultatif. Le projet de loi le plus récent sur le Conseil municipal du logement, après une longue période de discussion sur le caractère consultatif, a établi un conseil délibératif. Bien qu’à première vue, un conseil délibératif semble plus efficace qu‘un conseil consultatif, ce n’est pas toujours le cas. Ce qui compte le plus, c’est de savoir s’il présente les conditions pour intervenir vraiment dans les politiques et dans l’allocation des ressources publiques, dans la définition de la politique du logement et dans la mise en œuvre des programmes. Si un conseil consultatif réussit à le faire, il remplira ses fonctions. Par contre, si un conseil délibératif n’utilise pas son pouvoir, son action tend à être anodine. Il est possible de s’attendre à ce qu’un conseil sans pouvoir – consultatif ou délibératif – soit anéanti, car les représentations sectorielles exerceront leur pouvoir de pression sur les instances qui décident de la destination des ressources, soit par l’exécutif, par la Chambre municipale ou par le budget participatif. Si le Conseil municipal du logement de São Paulo, contrairement au Conseil du Fonds municipal du logement, réussit à faire homologuer ses décisions – en les rendant institutionnalisées –, il deviendra sans doute un instrument efficace pour la démocratisation de la gestion du logement. 241 6.5 L’arène de discussion des mouvements populaires Dans la mise au point du Conseil, les risques pour les secteurs communautaires prologement, clairement décelés pendant la Commission provisoire, tiennent, par exemple, au sentiment d’être déjà représentés. Ce fait, source potentielle d’affaiblissement de leur représentation, peut conduire à l’écroulement des espaces de discussion et de pouvoir de pression ou de revendication. Il est important que les mouvements populaires, ainsi que n’importe quel autre secteur représenté au Conseil, soient conscients qu’un conseil n’est pas un organe dont le seul but est de défendre leurs intérêts ni de les informer. Un conseil est une instance pluraliste, de consensus, dans laquelle toutes les parties concernées doivent être en mesure de faire des concessions. Si cette idée reste claire aux yeux des mouvements sociaux, on réduit le risque de démobilisation des mouvements, du fait de la simple existence du conseil. Il ne faut pas oublier non plus que le comportement des représentants populaires de défendre uniquement leurs intérêts, soit au Conseil du Fonds municipal du logement, soit dans la Commission provisoire, a été stimulé par leur faible participation dans le processus et par le manque de légitimité. D’où leurs pressions et revendications, soutenues aussi par les rapports établis par les autres conseillers avec les mouvements, en particulier, avec le pouvoir public municipal. En même temps, ce n’est pas juste de rendre responsables du fonctionnement des conseils les secteurs populaires organisés. Ce fonctionnement doit être un engagement de l’exécutif lui-même, qui doit s’obliger à son tour à assurer la viabilité de la structure du conseil ainsi que du renforcement de la participation. Comme il est possible de le constater dans des situations diverses, le pouvoir exécutif doit aussi être responsable de la formation des mouvements populaires, qui n’ont pas le même niveau de connaissances et qui doivent prendre rapidement des décisions. Peut-être ne serait-ce pas opportun de laisser aux pouvoirs publics la tâche de la formation, mais plutôt de confier cette dernière à d’autres groupes 242 organisés de la société civile, comme des adjoints techniques et juridiques qui, à une époque récente, ont toujours été assez proches des mouvements prologement. Au besoin, le pouvoir public doit mettre à la portée des secteurs populaires l’assistance technique et juridique gratuite, pour assurer aux conseillers populaires la possibilité de se prononcer sur des sujets plus complexes. Car maintes fois, il faut consulter les bases de ces secteurs et les former pour que la population puisse, elle aussi, se prononcer sur les propositions qui la regardent. Il est impossible d’oublier cette condition quand on envisage un conseil ayant pour but de prendre réellement en considération la position des secteurs populaires. Cette situation devient évidente quand Raimundo Bonfim (conseiller des mouvements prologement à la Commission provisoire) dit : C’est vraiment angoissant de se rendre compte que les conseillers n’ont pas la compétence pour jouer leur rôle, quand on suit leurs rapports sur les tâches quotidiennes de représentation. [...] Dans les conseils municipaux, plusieurs conseillers élus n’ont jamais eu la chance de se qualifier au point de vue technique, professionnel ou politique et n’ont pas non plus la moindre idée du rôle d’un conseiller. Ils ne comptent que sur leur détermination et leur expérience dans l’action politique. Toutefois, quand on parle des conseils institutionnels, on parle d’une série de normes et de conduites qu’il faut bien connaître (traduit du portugais, entretien avec Raimundo Bonfim, 2001). Comme Raimundo Bonfim, les divers conseillers du Conseil du Fonds municipal du logement se sont aussi inquiétés et exigent un espace pour mieux assimiler les informations dont ils ont besoin pour participer aux discussions des ordres du jour proposés par le pouvoir public et pour qu'ils puissent soumettre au Conseil les préoccupations et les propositions de la population représentée. 6.6 L'information et la formation Compte tenu de la masse d’informations traitée dans le Conseil du Fonds municipal du logement et ayant en vue le nouveau Conseil municipal du logement, 243 le processus de formation des conseillers devient fondamental pour assurer une participation équitable entre eux. Le nouveau Conseil est composé de quarantehuit conseillers dont les échelles d’intervention dans la ville sont distinctes ainsi que leur formation préalable avant d’y accéder. De ce fait, au lieu de comparer les conseillers des trois secteurs il faut, bien au contraire, offrir à tous l’accès à un processus de formation continue et intégrale sur la politique urbaine et celle du logement. C’est la seule manière d’envisager la mise en place effective d’une participation intégrale au Conseil municipal du logement et d’y contribuer, différemment de ce qui s’est passé au Conseil du Fonds municipal du logement, où la préoccupation relative à l’information et à la formation n’existait pas du tout. Cette formation permettrait une compréhension plus réelle de ce qui se passe et existe vraiment à l’intérieur et en dehors du Conseil, pour son fonctionnement au jour le jour. Car on a démontré, concernant le fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement, le manque de connaissances et de formation/information. Une telle formation permettrait aussi à chaque conseiller de participer et d’agir plus efficacement au Conseil. Ce facteur peut aussi avoir plus d’importance si l’on considère que le nouveau Conseil municipal du logement et l’accroissement du nombre des conseillers ont exigé des renseignements plus détaillés, soit à propos du Conseil du Fonds municipal du logement, soit sur tout ce qu’il fallait définir au nouveau Conseil municipal du logement, par exemple toutes les résolutions internes. Il est vrai que, sans information et sans formation, il n’est pas possible de participer efficacement au Conseil. Il n’y a jamais eu un processus réel de transfert de connaissances d’une gestion à l’autre du Conseil du Fonds municipal du logement ni la mise en place, à long terme, à la fin de chaque Administration, de la continuité du processus mis en œuvre, sous n’importe quelle Administration municipale responsable du Conseil. 244 Indépendamment de la recherche de la mise au point d’un processus continu, il faut analyser la façon dont ce modèle du Conseil, en tant qu’exemple d’expériences cumulatives, façonne les acteurs sociaux. C’est dans les mouvements populaires que ce modèle se fait plus présent. Cela est attribuable à l’encadrement des espaces publics dans le format institutionnel auquel les mouvements populaires ont été assujettis pendant les dernières années et en particulier à leur expérience dans le Conseil du Fonds municipal du logement. La participation institutionnalisée doit être relativisée, dans la mesure où les mouvements populaires se sont plus adaptés au format né des pouvoirs publics et exigé par eux qu’à l’ouverture pour l’intégration de ces espaces par d’autres acteurs sociaux. Cela n’est pas si évident dans le Conseil du Fonds municipal du logement, par rapport aux autres représentants de la société civile, du fait qu’il y a eu une grande variation quant à leur participation et à leur contribution. De toute façon, les mouvements ne craignent pas la participation institutionnalisée, malgré ses modifications devant le besoin d’un nouveau format pour arriver à des voies de gestion publique (à l’exemple de la Commission provisoire) qui n’ont pas étouffé les mouvements populaires en leur dérobant leur autonomie ou leur vision critique d’un espace d’institutionnalisation. 6.7 La dynamique de fonctionnement Concernant la structure du Conseil, il faut se demander à qui va de droit sa présidence, toujours occupée par un représentant du pouvoir public, secrétaire ou directeur du logement. La présidence pourrait très bien être occupée en alternance par le pouvoir public et par la société civile, dans le sens d’une attitude démocratique plus radicale. Néanmoins, cette structure n’est pas prévue, et il n’existe aucun exemple de conseil de logement la présentant. Toutefois, cette structure contribuerait, sans aucun doute, au maintien d’un processus continu du 245 Conseil, indépendamment de l’Administration municipale en vigueur, même si, en cours de mandat, il y a des changements de représentants municipaux, en raison d’un changement du pouvoir, comme il était possible de le noter dans la structure du Conseil du Fonds municipal du logement. Il est aussi important de mettre en place des sous-commissions comme cela s’est produit à Porto Alegre, dans le Conseil du logement de cette ville, ainsi que dans le Conseil national d’assistance sociale et dans le processus de la Commission provisoire, juste après la Conférence municipale du logement à São Paulo, en 2001. L’importance du maintien d’un groupe de conseillers, représentant les forces sociales, est démontrée par la composition actuelle de quarante-huit membres au Conseil municipal du logement de São Paulo, différente de la composition initiale de 20 membres. En revanche, il faut se soucier de la coordination des souscommissions dans le nouveau Conseil. Dans sa composition, les trois secteurs définis par le Conseil sont représentés d’une manière équitable. Cependant, ils ne doivent pas manipuler les informations découlant de leur responsabilité pour éviter qu’elles soient au centre de luttes intestines. Cela vaut aussi pour le secrétariat du nouveau Conseil. L’expérience de la Commission provisoire met aussi en relief la formation des sous-commissions, se rapportant soit au règlement foncier, soit aux ressources et aux programmes spécifiques, entre autres, dans l’établissement des priorités de la politique du logement. Le Conseil municipal du logement actuel fait face à ce remaniement en cherchant à mettre au point une structure propre de fonctionnement, comme celle des quarante-huit conseillers. Dans cette structure, la présence d’assistants techniques est importante au sein du Conseil, en ce qui concerne les souscommissions, ainsi que la proposition d’ouvrir des espaces pour les assistants techniques des différents conseillers. 246 Dans la dynamique du Conseil du Fonds municipal du logement, les réunions préparatoires, les réunions ordinaires et même les réunions extraordinaires ont joué un rôle important. Elles ont fini par renforcer le fonctionnement du Conseil lui-même. Dans la dynamique du Conseil du Fonds municipal du logement, bien que les réunions préparatoires furent composées en majorité d’assistants techniques, est ressortie l’importance de la participation des secrétaires dans les réunions ordinaires et extraordinaires, du fait que ce sont eux, ou leurs chefs de cabinet en tant que leurs représentants, qui détiennent le pouvoir politique sur les décisions et délibérations. En effet, ils ont une représentation politique de poids, du fait que le Conseil approuvait des directives de la politique du logement rattachées à celles de la politique urbaine pour la commune. En ce qui concerne la dynamique de fonctionnement du Conseil, l’expérience de l’Administration de Marta Suplicy sera sûrement un héritage important pour le prochain gouvernement. L’Administration actuelle a collaboré, au début de son mandat, au processus de transformation du Conseil du Fonds municipal du logement – modèle qui n’était pas approprié aux buts établis – en Conseil municipal du logement. Grâce à l’expérience acquise dans les dernières années de gestion, cette Administration peut tracer une voie pour la mise au point du nouveau Conseil, alors qu’il faut le réorganiser en ce qui concerne toutes les résolutions de loi intérieures ayant pour but de lui donner plus de souplesse, de transparence, de légitimité et de le rendre plus démocratique. La continuité de ce processus peut être assurée, compte tenu des mesures prises. Plusieurs modifications et innovations par rapport aux Administrations précédentes ont été présentées. En particulier, l’Administration de Marta Suplicy a soumis des éléments et des directives politiques pour discussion au Conseil. 247 6.8 Le langage et la communication Dans un conseil, le langage commun à tous est essentiel pour la réussite d’un projet de participation de tous les conseillers. Il doit être en accord avec le répertoire et les possibilités de tous ses membres, surtout pour que les secteurs populaires puissent participer aux négociations dans les mêmes conditions que les interlocuteurs des autres secteurs. Tout comme le législatif et le judiciaire ont leur propre langage, un conseil doit aussi se mouler à un langage en accord avec celui des représentants et non sur un langage technique et réservé aux initiés. Le problème du langage technocratique des conseils s’étend aussi à leur communication avec le reste de la société. Comme instrument de participation, le conseil doit, par définition, être en contact permanent avec la société tout entière et pas seulement avec les secteurs organisés. En dernière analyse, un conseil et la Chambre des conseillers risquent de s’isoler de leurs bases originales s’ils n’adoptent pas de langage commun. On remarque que la notion de temps du pouvoir public et des techniciens diffère de celle des secteurs populaires, plus spécifiquement le temps pour prendre connaissance des informations, en discuter et prendre des décisions. Maintes fois, il faut faire des consultations à la base et investir dans des actions de logement pour que la population puisse prendre position sur quelques sujets. Il est important de considérer ces faits quand un conseil prétend effectivement la position d’une cohésion sociale entre tous les secteurs qui y interviennent et qui y participent. Au besoin, le pouvoir public doit mettre à la disposition des secteurs populaires une aide technique ou juridique gratuite, pour assurer aux conseillers populaires la compétence afin de prendre position sur les sujets plus complexes. Le fait de supposer au préalable un langage adapté à l’ensemble des conseillers ne veut pas dire que ceux-ci ne doivent pas accéder à la formation. C’est 248 justement l’inverse : plus les conseillers sont qualifiés et familiarisés avec les langages plus complexes de l’exécutif, du législatif, du judiciaire, plus ils seront capables de défendre leurs intérêts et de participer en tant qu’interlocuteurs actifs à la politique municipale – parce que le langage peut aussi être traduit par le pouvoir. Au contraire, si cela n’arrive pas, il y aura certainement une manipulation des décisions au sein du Conseil. La tâche est multilatérale : il revient aux conseillers le maintien et le renforcement de leurs rapports avec les secteurs dont ils sont mandataires; il revient à la société de connaître l’existence de ces voies de communication; et il revient à l’exécutif d’assurer les ressources pour que la communication avec la société s’établisse, de même qu’assurer l’accès à l’information par les secteurs populaires. La recherche d’une communication la plus étendue possible avec les différents secteurs de la société civile a l’effet d’ouvrir le Conseil au domaine du logement, aux différentes pressions et à la possibilité d’une négociation réelle en cas de conflits. Il faut envisager des moyens de communication pour accroître les formes du langage et les rendre plus homogènes. Une voie possible est sans aucun doute la mise au point de bulletins ou de lettres d’information sur le fonctionnement du Conseil et l’action des conseillers, du fait qu’ils doivent rendre service non seulement au groupe à qui ils appartiennent, mais aussi à la société entière. Outre cette voie, il est possible d’organiser des réunions publiques pour présenter les délibérations du Conseil ou encore l’utilisation des chaînes publiques et ouvertes des médias (télévision et radio), sans parler de l’importance de la divulgation de tout le matériel produit par le réseau informatique, soit parmi les conseillers, soit pour le public en général. 249 6.9 Éléments de synthèse Notre étude des limites et des potentialités du Conseil du Fonds municipal du logement développée à partir de son analyse est un exemple de lecture. Elle ne veut pas considérer toute la gamme de sujets qui pourraient être considérés. Elle ne veut pas non plus réduire le champ des discussions à propos du Conseil. Nous voulons souligner que cette lecture ouvre un espace de discussion à la recherche de la simplicité de l’analyse; mais, en même temps que l’on essaie de simplifier les arguments, on les accepte en conservant une idée de doute à leur sujet. Il est possible que nos arguments soient trop simples, mais ils offrent quand même une possibilité de discussion importante à propos du Conseil du Fonds municipal du logement dans la mesure où celui-ci peut être un lieu de gouvernance urbaine. Les limites du Conseil du Fonds municipal du logement se sont révélées majeures par rapport à ses potentialités, mais cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas « refaire » son histoire et consolider un nouveau modèle où l’on pourrait reconnaître la construction de coalitions et de consensus entre acteurs sociaux visant un processus d’interaction sociale acceptable par les différents intervenants; tout cela en gardant en tête une logique de gestion de la société. Les nombreuses limites évoquées montrent que le Conseil court le risque de se renfermer sur lui-même et de ne pas correspondre à une structure évolutive de gouvernance urbaine. Le Conseil, effectivement, s’est révélé une structure bureaucratique formelle, un instrument sans effet, avec un processus d’intégration sociale défini et inflexible. Il a aussi laissé entrevoir les diverses critiques sur les distorsions dans son fonctionnement, dans sa composition ou même dans les formes d’élection de ses conseillers. En outre, son caractère consultatif à propos de thèmes peu importants a réduit sa valeur. De plus, certains points parfois plus simples, comme celui du besoin de constituer un système d’information et de 250 formation avec un langage et une communication appropriés aux divers conseillers du Conseil, se sont montrés des problèmes difficiles à surmonter. Et cela, surtout, s’il n’y a pas un travail constructif quotidien et réel pour homogénéiser la compréhension des différentes thématiques traitées dans le Conseil. Les limites sont donc importantes pour pouvoir penser à la consolidation du Conseil dans le défi actuel de la gouvernance urbaine. Les potentialités semblent difficiles à percevoir. Toutefois, nous pouvons affirmer que la transposition du Conseil du Fonds municipal du logement en Conseil municipal du logement fut déjà une manière de croire en ces potentialités. Les plus importantes ont été le mouvement « contre-conseil », l’insertion de la recherche pour des espaces réels d’interactions sociales aux échelons national, provincial et local, aussi bien que dans le groupe de consolidation de conseils dans divers domaines, les revendications sociales à l’intérieur ou à l’extérieur du Conseil au sujet des formes et espaces de participation et à propos de nouvelles dynamiques de fonctionnement. Les potentialités du Conseil sont souvent confrontées à ses limites et vice-versa. Cela indique la difficulté de mettre en place une coordination efficace. Le défi de la gouvernance urbaine est là. Il nous renvoie justement à la difficulté d’instaurer une coordination efficace et durable dans un processus d’interaction sociale. Ce défi s’impose, dans le contexte actuel, où la gouvernance urbaine dans le domaine du logement à São Paulo se révèle plutôt une rhétorique qu’une réalité et qui s’avérera importante dans la construction du nouveau Conseil municipal du logement. Conclusion GOUVERNANCE URBAINE DE L’HABITAT : REALITE OU RHETORIQUE? 254 Trois objectifs et trois hypothèses ont délimité l’orientation de cette recherche. Il est probable que le parcours pour y arriver a produit des dérapages et des interférences au long de cette étude, ou même, parfois, un éloignement du sujet. Ce n’était pas notre intention; au contraire, la diversité des matières traitées permettait d’envisager la structuration d’une réflexion mieux organisée. Toutefois, il est vrai que cette construction, parfois un peu « baroque », fait dévier l’attention sur l’orientation de la recherche et laisse, de temps à autre, pencher vers la construction épistémologique. En sachant qu’il est possible que certains propos de cette étude n’aient pas été très clairs dans la construction de la réflexion autour de la gouvernance urbaine en matière de logement à São Paulo, nous nous penchons sur nos objectifs et hypothèses afin de justifier notre conduite. Auparavant, nous nous penchons sur quelques réflexions à propos de notre point de départ. La confluence de la croissante disparité historique de la richesse, approfondissant un fossé entre une minorité privilégiée et les grandes masses de la population, et du processus de « pauvreté spatiale », comprise comme étant la restriction de l’usage collectif social et du confinement social, consolident davantage les illégalités et les irrégularités des conditions élémentaires de vie de la population brésilienne. L’urbanisation brésilienne, vue à partir de l’entrée de nouvelles conditions, valeurs et besoins sociétaux, éclaire cette confluence. Les processus spatiaux de l’ensemble des relations socioéconomiques, culturelles et politiques dans la société brésilienne sont de plus en plus déterminés par l’irrégularité et l’illégalité des conditions de vie. Celles-ci ne sont pas nouvelles et ont été exposées, sous différents angles, par des géographes, sociologues, économistes et urbanistes brésiliens, tels que Celso Furtado, Lúcio Kowarick, Erminia Maricato, Luis Cesar de Queiroz Ribeiro, Milton Santos et Paul Singer. 255 À partir de leurs études, nous soulignons que les conditions relatives à l’irrégularité et à l’illégalité du logement sont actuellement des facteurs parmi les plus importants de l’urbanisation brésilienne, qui vont de pair avec les conditions relatives au transport et à l’économie informelle. Les conditions relatives à l’irrégularité et à l’illégalité du logement ont été démontrées par plusieurs auteurs, comme Nabil Bonduki, Laura Bueno, Maria Carolina Pozzi de Castro, Erminia Maricato, Andréa Piccini, Raquel Rolnik, Helena Menna Barreto e Silva, Suzana Tascher et Maura Veras. Ceux-ci ont mis en évidence la situation des favelas, des cortiços, des sans-logis habitant des rues et sous les ponts, des lotissements clandestins, ainsi que des immeubles vacants. Leurs études, ensemble, sont dénonciatrices de la situation du logement des villes brésiliennes et du cadre chaotique dans lequel la grande partie de la population de la ville de São Paulo vit actuellement. Les occupations illégales, spontanées ou organisées, des terrains et des édifices vides ou sous-utilisés sont aussi révélateurs de la situation du logement à São Paulo. Elles représentent aujourd’hui plutôt la règle que l’exception des formes de logements et sont donc des éléments nouveaux et indispensables pour la compréhension de l’urbanisation. L’absence généralisée de politique du logement consistante, durable et articulée entre les divers ordres de gouvernement au Brésil est aussi indicatrice des conditions relatives à l’irrégularité et à l’illégalité du logement. C’était devant ce cadre que le débat sur la formation d’un conseil municipal du logement a vu le jour dans la ville de São Paulo. Il est apparu, d’un côté, par la construction d’une politique du logement de matrice participative mise en place à São Paulo, dans le courant de constitution de politiques locales au Brésil à la fin des années 1980. D’un autre côté, cette discussion s’est dégagée de la lutte nationale à propos d’un conseil et d’un fonds national d’intérêt social, après la Constitution fédérale de 1988 et qui a été sanctionnée uniquement en juin 2005. 256 La discussion autour de la gouvernance urbaine en matière de logement par l’intermédiaire de la création d’un conseil municipal du logement à São Paulo apparaît ainsi à l’intérieur de ce contexte d’établissement d’une politique du logement par la voie du développement local. Cette discussion autour de la gouvernance a été établit par l’analyse des dimensions retenues dans plusieurs études sur la gouvernance urbaine : le fonctionnement (Patrick Le Gales, 1995; Barbara Ferman 1996; Christian Lefévre, 1997 et Bernard Jouve, 2003); la représentativité (Patrick Le Gales, 1995 et Christian Lefévre, 1997); la participation (Pierre Hamel, 1991; Luis Klein, 1992; Gianfranco Bottazzi, 1996 et Bernard Jouve, 2003); les ressources mobilisables (Pierre Hamel, 1995; David Harvey, 1996 et Patrick Le Gales, 1998); les échelles d’interventions (Caroline Andrew et Michael Goldsmith, 1998 et Adauto Luis Cardoso et Cleber Lago do Valle, 2000); et la question foncière, en particulier dans le domaine du logement (Adauto Luis Cardoso et Cleber Lago do Valle, 2000). Le Conseil du Fonds municipal du logement représente une forme de gestion contemporaine dans la ville São Paulo. Si l’on examine son processus, on retient qu’il a été très difficile de le mettre en place et de le consolider, pour plusieurs raisons. On a vu qu’entre 1989 et 1992, il a été largement débattu comme moyen d’institutionnalisation de la participation sociale à la politique du logement, mais sans aucun succès. On a vu aussi que le débat initié en 1989, en entraînant de nouvelles conduites pour la politique du logement, n’a pas eu de suite, car au cours des années suivantes, la priorité du gouvernement municipal a été le démantèlement de la politique municipale du logement établie précédemment, sans la élaboration’une nouvelle politique. Une des controverses principales de la fin de la politique mise en place entre 1989 et 1992 et du manque d’une nouvelle, à partir de l’année 1993, a été l’interruption de tout le processus de participation sociale. Quoique les dialogues avec les divers segments de la société, particulièrement des mouvements populaires, aient été complètement rompus par l’Administration 257 Paulo Maluf, la création et la mise en place du Conseil du Fonds municipal du logement dans la ville de São Paulo apparaissent dans ce contexte. À l’évidence, la contradiction entre les pratiques existantes à propos des relations sociales et l’objectif de la constitution du Conseil du Fonds municipal du logement nous autorise à manifester quelques craintes. Sa création n’a jamais représenté l’aboutissement d’un processus de construction d’une politique de logement de matrice participative, comme celui engendré entre 1989 et 1992, pendant l’Administration Luiza Erundina. La participation n’a jamais été le centre d’intérêt des Administrations Paulo Maluf et Celso Pitta. Comme celles-ci n’ont pas construit une politique de logement de matrice participative, ou même, n’ont pas eu ce but, le plus fondamental est que la création du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo est née dans ce contexte du manque d’une conduite participative. En entrevoyant l’absence d’acuité dans la formulation d’une politique du logement de matrice participative pour la commune de São Paulo, pendant cette période de l’Administration Paulo Malut et Celso Pitta, de 1993 à 2000, l’évocation trop facile du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo nous permet de constater qu’elle était utilisée de façon idéologique. L’on en vient à ce constat, car l’objectif de sa création ne correspondait pas du tout à la logique réelle du gouvernement ni à logique de l’existence d’un conseil. Il a été aussi ardu de mettre en place et de consolider le Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo, car les échelles de régulation, la représentativité, la participation, les ressources mobilisables des acteurs, entre autres, ne se sont pas montrées équivalentes ou même considérées en tant que telles tout au long du processus de constitution du Conseil. Ainsi se présente la réalité de son fonctionnement : les deux réunions les plus délibératives en ce qui concerne les définitions ont été celles qui ne présentaient que des acteurs du secteur public, sans la participation des autres acteurs sociaux. Le Conseil du Fonds municipal du logement résulte d’une faible représentativité des acteurs sociaux et d’une limitation du champ de décision à propos des ressources pour le 258 logement; une fois le Conseil mis en place, la représentativité a toujours été très limitée, et les décisions ont été assez circonstancielles. Ces faits confirment l’absence d’intérêt pour le processus et la continuité du Conseil du Fonds municipal du logement et surtout du crédit pour cet espace, comme étant un lieu de construction collective dans le but de créer ou d’instaurer des espaces de gestion. Le fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement n’a jamais établi d’interactions sociales pour sa consolidation. Le gouvernement a modelé la structure du Conseil sans envisager l’établissement des compromis de coexistence entre les différents acteurs qui pourraient mener à un processus de gouvernance urbaine. Malgré cela, ce Conseil a modelé des interactions sociales pour le démanteler et pour réfléchir à propos d’un autre modèle, qui a vu le jour en 2002 dans la transition du Conseil du Fonds municipal du logement au Conseil municipal du logement. Si l’on observe le fondement de la création du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo, on retient que la forme de gestion établie au long du processus de constitution de ce Conseil montre qu’elle est davantage au service du maintien des pouvoirs publics qu’à celui de la construction d’une gouvernance urbaine. Quelques faits évidents ont démontré cela. Les Administrations de 1993 à 2000 n’ont pas cherché à intégrer, dans la dynamique de partenariat, les acteurs de la société civile et encore moins les intégrer dans la construction d’un processus de gouvernance urbaine en matière de logement à São Paulo. En vérité, il y a eu deux propositions de constitution du Conseil, dont le résultat a été la formation d’un Conseil avec une structure modelée par le pouvoir public qui ne projetait pas une interaction sociale. En effet, la mise au point du Conseil du Fonds municipal du logement n’a pas répondu aux principes de décentralisation et de transparence des procédures et des processus de décision à l’échelle municipale comme l’envisageaient les divers acteurs de la société civile. En plus, la dispute au début de la formation du Conseil et les diverses réunions ordinaires ou préparatoires 259 dénotent que le Conseil était au service du maintien des intérêts du pouvoir public. Ce Conseil du Fonds municipal du logement s’est constitué comme un lieu de reproduction des vieilles formes de gestion publiques. Dans la même logique de non-construction d’un processus de gouvernance urbaine en matière de logement, nous pouvons affirmer que la création et la mise en place du Conseil du Fonds municipal du logement dans la ville de São Paulo se sont faites en fonction d’exigences des institutions internationales et de l’initiative du gouvernement fédéral, ceux-ci soutenant la création de conseils en contrepartie du financement en matière de logement. Le gouvernement fédéral et des institutions financières internationales exigeaient que les communes mettent au point des conseils et des fonds du logement pour se qualifier en vue de l’obtention des ressources financières aux programmes de logement. La perspective d’obtenir des ressources par le biais des programmes a suscité, dans la deuxième moitié des années 1990, l’apparition de nombreux conseils du logement aux différents ordres de gouvernement, comme c’est le cas de celui de São Paulo. Aujourd’hui, il est possible de noter que, pour la majorité, les conseils du logement sont apparus justement et uniquement en fonction de cette exigence du gouvernement fédéral et des institutions financières internationales, au détriment de la valeur et de l’importance réelle d’un conseil, ou de la demande de la société civile, ou encore d’un processus de gestion démocratique. La création du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo est due surtout au besoin d’obtenir du financement international pour certains projets en matière de logement, des projets dont ils n’ont jamais été discuté autour de la table du Conseil. Les éléments analysés qui ont structuré le Conseil du Fonds municipal du logement ne se sont pas révélés comme des fondations pour la constitution des interactions sociales, car une fois de plus, la forme de gestion mise en place au Conseil a été construite pour le maintien des besoins du pouvoir public. 260 La formation, la structure et le processus de fonctionnement du Conseil du Fonds municipal du logement à São Paulo, aussi bien que la transition de ce Conseil au nouveau, laissaient percevoir le problème de gouvernance urbaine qu’a subi ce Conseil et signalent qu’il n’a pas été le reflet d’un processus social de constitution d’un espace d’interaction sociale qui estimait construire une structure de compromis de coexistence. Au cœur de la constitution du Conseil du Fonds municipal du logement, la gouvernance urbaine en matière de logement à São Paulo a été certainement plus une rhétorique qu’une réalité. On constate qu’il n’y a pas eu d’éléments importants pour indiquer une forme ou une structure de gouvernance urbaine en matière de logement. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y a pas eu certains éléments. En effet, ils sont apparus à l’extérieur du Conseil, et nous pouvons affirmer qu’ils ont servi de base pour la construction du nouveau Conseil municipal du logement. Malgré cette constatation, il nous semble fondamental de mentionner que l’effort de réfléchir sur les exercices quotidiens de construction de gouvernance urbaine en la confrontant avec la « gestion démocratique de la ville », terme plus courant au Brésil, doit être continuellement envisagé. Cette perception est due à deux lectures de la situation. Nous croyons que la gouvernance urbaine doit prendre plus d’espace dans les recherches brésiliennes à propos des études urbaines, car la notion de gouvernance permet de dévoiler, d’une part, plusieurs facteurs à propos des compromis de coexistence des interactions sociales dans divers cas. D’autre part, elle peut apporter des contributions importantes au sujet de la « gestion démocratique de la ville », et les sens que la gouvernance urbaine peut prêter au vaste éventail de recherches sur le sujet au Brésil. Et cela, pour ne pas risquer de négliger l'une ou l'autre, en abandonnant leurs potentialités. Par contre, on ne doit pas oublier qu’elle a été très répandue et utilisée comme mot d’ordre, en devenant une référence incontournable, en s’institutionnalisant, 261 pour décrire les situations des conditions d’élaboration des compromis autour desquels se fédèrent les stratégies des acteurs sociaux. Il faut certainement avoir un regard très critique, pas uniquement par rapport à ses notions, mais surtout quant à son usage au Brésil. Plusieurs études brésiliennes n’ont pas fait ces lectures et ont été prises au piège. Peut-être est-ce parce que l’emploi du terme gouvernance n’est pas courant et qu’il est même très récent au pays. Toutefois, des études brésiliennes à propos de la gouvernance ont incorporé des idéologies du terme originaire de son emploi par la Banque mondiale et les organisations internationales. C’est un fait qui a pu voiler les vraies intentions de l'emploi que le terme suggère, ainsi que camoufler les nouvelles idées opposées au sujet et imposées par ces organisations. La gouvernance ne peut donc pas être analysée en tant que recette miracle, comme elle s’est beaucoup présentée, et courir le risque d’être un modèle sans prendre en considération la réalité brésilienne. La transposition du concept de gouvernance pour la scène brésilienne mérite d’être faite avec une énorme précaution, afin d'éviter que l'on soit pris au piège des idées situées hors de leur contexte. Néanmoins, l’on ne doit pas seulement remettre en question l'idée hors contexte, mais surtout la façon de l'employer. Nous estimons qu’une plus grande acuité dans l'introduction de la gouvernance urbaine dans les études urbaines brésiliennes doit assimiler la discussion accumulée de la « gestion démocratique de la ville » dans le pays, introduire dans le débat de cette gestion les études de typologie de gouvernance urbaine dans de multiples contextes. Elle doit aussi incorporer à la discussion des notions complémentaires d’autres courants d'étude comme la transaction sociale de la sociologie de la vie quotidienne et la transaction de l’institutionnalisation américaine, car elle n’est pas une notion unique envisageable pour répondre aux demandes de formalisation d’interactions sociales, vue surtout comme contrepoint à la propagation et à la 262 façon dont la notion de gouvernance urbaine a été utilisée un peu partout. Nous pensons qu’il est important qu’elle ne soit pas travaillée individuellement et que cette conjonction des notions permettra de raffiner les études. À la lumière de ces observations, nous considérons que les perspectives de politiques mises en place par ces diverses Administrations tendent à démontrer que la politique du logement, développée jusqu’à présent, a fait preuve de fragilité dans son effort d’atténuer des mécanismes d’exclusion sociale, de ségrégation spatiale et de participation sociale. Les expériences des conseils du logement à l’échelle municipale au Brésil ne constituent pas toujours des processus définis et durables. Au contraire, plusieurs initiatives se sont soldées par l’interruption du processus ou de sa courte trajectoire, comme on l’a vu à Diadema, Belo Horizonte, Porto Alegre en plus de São Paulo. Cela est dû, entre autres facteurs, à l’inexistence d’un système soutenu de financement du logement, à la méconnaissance par les pouvoirs publics municipaux de la représentativité des conseils dans la gestion du logement et parfois au manque de tradition participative de la société civile dans la gestion des affaires publiques. Dans ces communes, les conseils révèlent, d’une part, les potentialités qui se manifestent en conséquence d’une démocratisation de la politique du logement et, d’autre part, la fragilité de ce genre d’organisme et les menaces permanentes qui planent sur les conseils du logement, comme c’est bien le cas de São Paulo. En l’absence de garanties permanentes pour la mise en œuvre des conseils, il faut une conjonction de facteurs pour que les conseils puissent résister au temps et accomplir effectivement leur fonction de donner la place à la démocratisation de la gestion de la politique du logement. L’étude présentée dans cette thèse ouvre la voie à de nouveaux débats sur la gouvernance urbaine, spécialement en matière de logement. Il nous reste à espérer que des comparaisons systématiques avec des travaux empiriques au Brésil pourront se réaliser dans un proche avenir. Annexe I LA LOI DU CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DE LOGEMENT DE 1994 LEI 11.632, DE 22 DE JULHO DE 1994 – Dispõe sobre o estabelecimento de uma política integrada de habitação, voltada à população de baixa renda ; autoriza a instituição, junto à Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP, do Fundo Municipal de Habitação ; cria o Conselho do Fundo Municipal de Habitação, e dá outras providências. Paulo Maluf, Prefeito do Município de São Paulo, no uso das atribuições que lhe são conferidas por lei, faz saber que a Câmara Municipal, em sessão de 23 de julho de 1994, decretou e eu promulgo a seguinte lei : Capítulo I – Seção I – Da Política Municipal de Habitação Art. 1º - O Governo Municipal, através da Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB, formulará a Política Municipal de Habitação de Interesse Social. § 1º - O desenvolvimento, a implementação e a execução do programa habitacional do interesse da população do Município, com recursos oriundos do orçamento fiscal, obedecerão aos dispositivos desta lei. § 2º - Os programas desenvolvidos com recursos de outras fontes poderão, sem prejuízo das regras próprias, ser enquadrados os termos desta lei. Art. 2º - A Política Municipal de Habitação, observará os seguintes objetivos, princípios e diretrizes : I – Facilitar e promover o acesso à habitação, com prioridade para a população de baixa renda ; II – Articular, compatibilizar e apoiar a atuação dos órgãos e entidades que desempenham funções no campo da habitação de interesse social ; III – Priorizar programas e projetos habitacionais que contemplem a melhoria da qualidade de vida da população de menor renda e contribuam para a geração de 265 empregos ; IV – Democratizar e tornar transparentes os procedimentos e processos decisórios ; V – Desconcentrar poderes e descentralizar operações ; VI – Economizar meios e racionalizar recursos visando a auto-sustentação econômico-financeira ; VII – Fixar regras estáveis simples e concisas ; VIII – Adotar mecanismos adequados de acompanhamento e controle do desempenho dos programas habitacionais ; IX – Empregar formas alternativas de produção e de acesso à moradia. Através do incentivo à pesquisa e ao desenvolvimento tecnológico, objetivando novas técnicas de produção, construção, comercialização e distribuição de habitação ; X – Integrar os projetos habitacionais com os investimentos em saneamento e os demais serviços urbanos ; XI – Viabilizar estoque de terras urbanas necessárias à implementação de programas habitacionais. Art. 3º - A Política Municipal de Habitação terá na Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB o seu órgão central e superior e na Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP o seu órgão operador. Seção II – Da Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB, em relação à Política Municipal de Habitação Art. 4º - à Secretaria Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB caberá, em relação à Política Municipal de Habitação, orientar a ação integrada dos órgãos públicos e da iniciativa privada, no sentido de estimular o encaminhamento d soluções habitacionais, especialmente para as classes da população de mais baixa renda, competindo-lhe, ainda, a articulação da Política Municipal de Habitação, com as demais políticas dos governos estadual e federal. 266 Art. 5º - Além das já estabelecidas em lei, são atribuições da Secretaria Municipal da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB : I – Estabelecer a política municipal de habitação, observando o disposto na presente lei, avaliando, acompanhando e decidindo sobre as ações do Município no campo da habitacional, juntamente com o Prefeito Municipal ; II – Elaborar programas e projetos, observado o que a respeito dispuser o orçamento-programa do Município ; III – Propor a alocação de recursos em programas e projetos habitacionais, com recursos oriundos do Fundo Municipal de Habitação previsto no artigo 7º ; IV - Propor atos normativos relativos à locação dos recursos do Fundo Municipal de Habitação ; V – Subsidiar o Conselho do Fundo Municipal de Habitação de que trata a Seção V do Capítulo II, com estudos técnicos necessários ao aprimoramento operacional dos programas habitacionais ; VI – (vetado) ; VII – Elaborar planos anuais e plurianuais do Fundo, fixando as metas a serem alcançadas ; VIII – Acompanhar e avaliar a execução dos programas e projetos, mediante apresentação de relatórios gerenciais periódicos, com a finalidade de proporcionar ao conselho do Fundo Municipal de Habitação os meios para aferir o desempenho dos programas nos seus diversos aspectos físicos, econômico-financeiros, sociais e institucionais, e sua vinculação às diretrizes governamentais ; IX - Submeter à apreciação do Conselho do Fundo Municipal de Habitação as contas do Fundo ; X – Aprovar as operações a serem contratadas com recursos do Fundo Municipal de Habitação, observadas as diretrizes do Conselho do Fundo. Seção III – Da Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP, 267 enquanto agente operador do sistema municipal de habitação Art. 6º - Caberão à COHAB/SP, enquanto órgão operador, as seguintes atribuições, além das já estabelecidas em lei e nos seus estatutos : I – Implementar a Política Municipal de Habitação em consonância com as metas e prioridades estabelecidas pela Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB e aprovadas pelo Conselho ; II - Executar programas e projetos derivados da Política Municipal de Habitação, estabelecidos em conformidade com o disposto na presente lei ; III – Implementar os atos normativos necessários à alocação dos recursos do Fundo Municipal de Habitação, de acordo com as deliberações da Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB e aprovados pelo Conselho do Fundo Municipal de Habitação ; IV – Viabilizar as operações consideradas tecnicamente viáveis e previamente aprovadas pela Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB, responsabilizando-se por todo o processo de produção, pelo acompanhamento da execução e comercialização e zelando pela correta aplicação dos recursos do Fundo Municipal de Habitação ; V – (vetado) ; VI – (vetado) ; VII – Elaborar a prestação de contas do Fundo ; VIII – Fornecer periodicamente à Secretaria de Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB informações necessárias ao gerenciamento e controle dos recursos do Fundo. Capítulo II – Seção I – Do Fundo Municipal de Habitação Art. 7º - Fica instituído um fundo especial denominado Fundo Municipal de Habitação, junto à Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP, destinado a apoiar e suportar financeiramente a Política Municipal de 268 Habitação, com a finalidade de administrar a execução de programas e projetos habitacionais de interesse social. § 1º - O Fundo Municipal de Habitação terá contabilidade própria, que registrará todos os atos e fatos a ele pertinentes, vinculada ao sistema contábil da Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP, na qual deverão ser criados e mantidos títulos e sub-títulos específicos para esta finalidade, de modo a permitir a apuração de resultados à parte, inclusive balanços anuais, devidamente aditados com apresentação de relatórios. § 2º - O Poder Executivo fará consignar em seu orçamento-programa, propostas relativas aos recursos destinados ao Fundo Municipal de Habitação. Seção II – Dos recursos do Fundo Art. 8º - Constituirão Recursos do Fundo Municipal de Habitação : I – Dotação orçamentária, à qual serão carreados também os recursos repassados ao Município decorrentes da elevação das alíquotas de tributos federais os estaduais sempre que, na origem, estejam vinculados ao incremento de produção habitacional ; II – Créditos suplementares a ele destinados ; III – Os retornos e resultados de suas aplicações ; IV – Multas, correção monetária e juros em decorrência de suas operações; V – Contribuições ou doações de outras origens ; VI – Os de origem orçamentária da União e do Estado, destinados a programas habitacionais ; VII – Os derivados de operações interligadas, na forma regulamentada em lei própria e de operações em parceria com o setor privado voltadas exclusivamente à produção de empreendimentos habitacionais ; VIII – Os provenientes de empréstimos internos e externos ; IX – Os originários de empréstimos concedidos por autarquias, empresas ou 269 administração indireta do Município, voltado a seus servidores ; X – Outros recursos destinados a programas habitacionais. Parágrafo único – Os recursos relacionados nos itens VIII e IX ingressarão no Fundo Municipal de Habitação com obrigação de retorno. Seção III – Do Controle Art. 9º - Os recursos do Fundo Municipal de Habitação serão depositados, obrigatoriamente, em conta especial, a ser aberta e mantida em instituição financeira. § 1º - As importâncias liberadas pela Prefeitura Municipal, à conta dos recursos orçamentários, serão depositadas na conta especial de que trata este artigo. § 2º - À Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP incumbirá a movimentação da conta especial referida neste artigo, através de cheques nominais ou ordens de pagamento aos beneficiários. § 3º - (vetado). § 4º - Os recursos do Fundo Municipal de Habitação, além das auditorias externas por empresas para esse fim contratada e pelo Tribunal de Contas do Município de São Paulo e pela Secretaria de Finanças, por sua unidade competente, ficarão sujeitos a auditorias internas pela Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB. Seção IV – Das finalidades e diretrizes gerais Art. 10º - O Fundo Municipal de Habitação terá por objetivo centralizar recursos destinados às atividades referentes à política habitacional de interesse social, contribuindo para a redução do déficit habitacional e para a melhoria das condições habitacionais de assentamentos populacionais de baixa renda, visando : I – Custear a produção e comercialização de unidades habitacionais, de lotes urbanizados e de sua infra-estrutura básica, bem como a recuperação e melhoria das condições de vida nas favelas, cortiços e outras formas degradadas de 270 habitação ; II – Propiciar a aquisição de materiais de construção e estimular a utilização de processos alternativos para melhoria e barateamento das unidades habitacionais ; III – Propiciar a produção de moradias para utilização sob a forma de locação social com opção de compra. § 1º - Para a consecução dos seus objetivos, o Fundo poderá, complementarmente: I – Propiciar a aquisição antecipada de terrenos para assegurar a implementação de programas habitacionais ; II – Conceder financeiramente para infra-estrutura básica e equipamentos comunitários necessários aos programas habitacionais, desde que sejam alocados ao Fundo recursos específicos para esse fim ; III – Conceder linhas de crédito para a viabilização do adequado aproveitamento ao solo urbano, quando vinculado aos objetivos da presente lei. § 2º - A aplicação dos recursos do fundo Municipal de Habitação, observará as prioridades estabelecidas pelo Conselho, que definirá, para tanto, os parâmetros e critérios de alocação dos seus recursos, considerando, primordialmente, os dados relativos às necessidades habitacionais e aos perfis de renda da população a ser atendida. § 3º - Na formulação de programas e projetos com recursos do Fundo, respeitadas as disposições Estaduais e Federais, deverão ser observadas as seguintes diretrizes gerais : I – Concessão de financiamento para a população de renda de até 10 (dez) salários mínimos, com atendimento prioritário às famílias com renda de até 5 (cinco) salários mínimos ; II – Será admitido o atendimento a famílias de outras faixas de renda em empreendimentos integrados ou em operações especiais, na hipótese destes terem a participação de recursos externos ao Fundo Municipal de Habitação ; 271 III – Ação integrada de órgãos e instituições que objetivem o encaminhamento de soluções habitacionais e melhoria da qualidade de vida das populações de baixa renda ; IV – Atendimento à população organizada através de cooperativas habitacionais ou quaisquer formas associativas ; V – Preservação do meio ambiente ; VI – Adoção de prazos e carências, limites de financiamento, de juros, encargos diferenciados em função da condição sócio-econômica da população a ser beneficiada ; VII – Aplicação dos recursos do Fundo, sob a forma de empréstimo, somente mediante operações com garantia real ; VIII – Proibição de aplicação de recursos para produção de unidades habitacionais e de lotes urbanizados, exclusivamente a fundo perdido. Seção V – Da operacionalização Art. 11º - O Fundo Municipal de Habitação será operacionalizado pela Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP, sob supervisão do Conselho do Fundo Municipal de Habitação, de que tratam os artigos 12 e 13. Art. 12º - Fica criado, no âmbito da Secretaria Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB, o Conselho do Fundo Municipal de Habitação que terá a seguinte composição : I – Secretário Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano, que o presidirá ; II – Secretário Municipal de Planejamento ; III – Secretário Municipal das Finanças ; IV – Secretário Municipal de Vias Públicas ; V – Presidente da Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP ; 272 VI – 01 (um) representante da Câmara Brasileira da Indústria da Construção – CBIC; VII – 02 (dois) representantes de Organizações Comunitárias pró-Moradia ; VIII – 01 (um) representante das Entidades Religiosas ; IX – 01 (um) representante de Universidades com setores ligados à produção habitacional ; § 1º - As funções dos membros do Conselho do Fundo Municipal de Habitação não serão remunerados, sendo seu desempenho considerado como de serviço público relevante. § 2º - O mandato dos membros do Conselho referidos nos incisos VI a IX será de 02 (dois) anos, admitida a recondução. § 3º - Os segmentos da Comunidade de que tratam os incisos VII a IX deste artigo serão previamente cadastrados na Secretaria Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano. – SEHAB e terão suas representações no Conselho indicadas por sorteio público, vedado o exercício de mandatos consecutivos por uma mesma organização ou entidade. § 4º - Os membros do Conselho do Fundo Municipal de Habitação de que tratam os incisos VI a IX serão nomeados por Portaria do Secretário Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano. § 5º - A posse de todos os membros do Conselho dar-se-á mediante assinatura do respectivo termo, que será lavrado no livro das atas das suas reuniões. § 6º - O Conselho reunir-se-á ordinariamente, a cada bimestre, por convocação de seu Presidente e extraordinariamente a qualquer tempo, por convocação de seu Presidente ou de no mínimo 04 (quatro) de seus membros. § 7º - As decisões do Conselho serão, tomadas com a presença, no mínimo, de 05 (cinco) de seus membros, tendo o Presidente o voto de qualidade. § 8º - A Secretaria Executiva do Fundo Municipal de Habitação será exercida 273 pela Superintendência de Habitação Popular – HABI da Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano – SEHAB, que propiciará o apoio técnico e administrativo ao Conselho. Art. 13º - Ao Conselho do Fundo Municipal de Habitação compete : I – Estabelecer as diretrizes e os programas de alocação dos recursos do Fundo Municipal de Habitação, de acordo com os critérios definidos na presente lei, em consonância com a Política Municipal de Habitação, estabelecida pelo Governo Municipal ; II – Acompanhar e avaliar a gestão econômica e financeira dos recursos do Fundo Municipal de Habitação, bem como os ganhos sociais e desempenho dos programas e projetos aprovados ; III – Aprovar anualmente, o orçamento do Fundo Municipal de Habitação, bem como propostas de alteração ; IV – Aprovara normas para a aplicação dos recursos do Fundo Municipal de Habitação ; V – Aprovar as contas do Fundo Municipal de Habitação antes do seu envio aos órgãos de controle interno ; VI – Dirimir dúvidas quanto à aplicação das diretrizes e normas relativas ao Fundo Municipal de Habitação nas matérias de sua competência ; VII – Definir normas, procedimentos e condições operacionais e aprovar a política de subsídios ; VIII – Fixar a remuneração do órgão operador do Fundo Municipal de Habitação ; IX – Aprovar seu regimento interno ; X – Divulgar no Diário Oficial do Município as decisões, análises das contas do Fundo e pareceres emitidos. Capítulo III – Seção I – Das aplicações do Fundo Art. 14º - As condições para a concessão de empréstimos e financiamentos, tais 274 como planos de reajustamento, sistemas de amortização, valores de financiamento, prazos, taxas de juros, o comprometimento máximo de renda, prêmio de seguros habitacionais, acessórios, bem como as normas e condições dos subsídios a serem concedidos e a operacionalização da garantia de Limite de Comprometimento de Renda, serão definidos e regulamentados por Decreto do Executivo no prazo de 30 (trinta) dias a contar da instalação do Conselho. Parágrafo único – A Garantia de Limite de Comprometimento de Renda dar-se-á através das contribuições individuais e seus valores serão depositados, à conta de cada beneficiário de financiamento, em sub-conta específica do Fundo Municipal de Habitação. Art. 15º - Admitir-se-á aplicação de recursos a fundo perdido para atender as diretrizes do Fundo, especialmente quanto aos programas de Urbanização de Favelas e melhorias de áreas habitacionais degradadas, além do atendimento à Política de Subsídios. Art. 16º - Os subsídios terão caráter pessoal, temporário e intransferível, e serão concedidos sempre sob a forma de desconto no valor de encargo mensal do financiamento ao beneficiário final. Seção II – Do equilíbrio Art. 17º - Fica autorizado o Poder Executivo a conceder subvenções econômicas para o equilíbrio de todas as operações vinculadas ao Fundo Municipal de Habitação, notadamente para os investimentos e aplicações a fundo perdido e para a estabilização das contas e sub-contas do Fundo Municipal de Habitação, desde que previstas tais despesas no orçamento Municipal. Capítulo IV – Seção I – Das disposições gerais e transitórias Art. 18º - As operações realizadas com os recursos do Fundo Municipal de Habitação gozarão de isenção de preços públicos Municipais relativos à aprovação de projetos habitacionais. Art. 19º - Fica isento do Imposto sobre Transmissão Intervivos a Qualquer Título, 275 por ato Oneroso, de Bens Imóveis, por Natureza ou Acessão Física – ITBI-IV, o ato transmissivo relativo à primeira aquisição de unidades habitacionais financiadas de conformidade com o disposto na presente lei. Art. 20º - Fica extinto o Fundo de Atendimento à População Moradora em Habitação Subnormal – FUNAPS, passando os seus ativos e passivos financeiros para o Fundo Municipal de Habitação, mediante balanço de encerramento de suas contas. § 1º - A Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP sucederá o Fundo de Atendimento à População Moradora em Habitação Subnormal – FUNAPS na administração dos empreendimentos produzidos ou em produção com os seus recursos, respeitadas as características, direitos e obrigações fixadas nas respectivas operações. § 2º - O Poder Executivo inventariará o patrimônio imobiliário vinculado a operações com recursos do Fundo de Atendimento à População Moradora em Habitação Subnormal – FUNAPS, no prazo máximo de 180 (cento e oitenta) dias a contar da data de promulgação desta lei, ao fim dos quais remeterá ao Poder Legislativo os projetos de lei necessários para a regulamentação das transferências dos títulos de domínio para a Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo – COHAB/SP ou para os beneficiários finais. Art. 21º - Fica o Poder Executivo autorizado a criar, em níveis municipal e das Administrações Regionais, Grupos de Assessoria e Participação – GAPs, que contarão com a participação de entidades e associações representativas das Comunidades do Município e Locais, bem como de membros de entidades técnicas da sociedade civil voltadas à problemática habitacional em todos os seus aspectos e de servidores públicos municipais. Parágrafo único – Aos GAPs competirá colaborar com a Política Municipal de Habitação em todos os seus aspectos e, em especial, fornecer subsídios e encaminhar propostas ao Conselho do Fundo Municipal de Habitação. Art. 22º - As despesas com a execução desta lei correrão por conta das dotações 276 orçamentárias próprias. Art. 23º - Esta lei entrará em vigor na data de sua publicação, revogadas as disposições em contrário, em especial a Lei 8.906, de 27 de abril de 1979. Câmara Municipal de São Paulo, 29 de junho de 1994 o presidente 277 Annexe II LA LOI DU CONSEIL MUNICIPAUL DU LOGEMENT DE 2002 LEI 13.425, DE 2 DE SETEMBRO DE 2002 - Regulamenta o artigo 168 da Lei Orgânica do Município de São Paulo e institui o Conselho Municipal de Habitação de São Paulo. MARTA SUPLICY, Prefeita do Município de São Paulo, no uso das atribuições que lhe são conferidas por lei, faz saber que a Câmara Municipal, em sessão de 8 de agosto de 2002, decretou e eu promulgo a seguinte lei : Art. 1º - Fica criado, no âmbito da Secretaria Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano, o Conselho Municipal de Habitação de São Paulo, que atuará em conformidade com os princípios consagrados no artigo 168 da Lei Orgânica do Município de São Paulo e artigo 2º do Estatuto da Cidade, Lei Federal nº 10.257, de 10 de julho de 2001. Art. 2º - O Conselho Municipal de Habitação tem caráter deliberativo, fiscalizador e consultivo e como objetivos básicos o estabelecimento, acompanhamento, controle e avaliação da política municipal de habitação. Art. 3º - Compete ao Conselho Municipal de Habitação : I - participar da elaboração e fiscalizar a implementação dos planos e programas da política habitacional de interesse social, deliberando sobre suas diretrizes, estratégias e prioridades ; II - acompanhar e avaliar a gestão econômica, social e financeira dos recursos e o desempenho dos programas e projetos aprovados ; III - participar da elaboração de plano de aplicação dos recursos oriundos dos Governos Federal, Estadual, Municipal ou repassados por meio de convênios internacionais e consignados na SEHAB ; IV - fiscalizar a movimentação dos recursos financeiros consignados para os programas habitacionais ; 278 V - constituir grupos técnicos, comissões especiais, temporárias ou permanentes, quando julgar necessário para o desempenho de suas funções ; VI - constituir comissão especial para organização de Conselhos Regionais de Habitação ; VII - estimular a participação e o controle popular sobre a implementação das políticas públicas habitacionais e de desenvolvimento urbano ; VIII - possibilitar ampla informação à população e às instituições públicas e privadas sobre temas e questões atinentes à política habitacional ; IX - convocar a Conferência Municipal de Habitação ; X - estabelecer relações com os órgãos, conselhos e fóruns municipais afectos à elaboração do Orçamento Municipal e à definição da política urbana; XI - elaborar, aprovar e emendar o seu Regimento Interno ; XII - articular-se com as demais instâncias de participação popular do Município ; XIII - definir os critérios de atendimento de acordo com base nas diferentes realidades e problemas que envolvam a questão habitacional no Município. Art. 4º - O Conselho Municipal de Habitação supervisionará o Fundo Municipal de Habitação, competindo-lhe especificamente : I - estabelecer as diretrizes e os programas de alocação dos recursos do Fundo Municipal de Habitação, de acordo com os critérios definidos na Lei nº 11.632/94, em consonância com a política municipal de habitação ; II - encaminhar e aprovar, anualmente, a proposta de orçamento do FMH e de seu plano de metas ; III - aprovar as contas do Fundo antes de seu envio aos órgãos de controle interno ; IV - dirimir dúvidas quanto à aplicação das diretrizes e normas relativas ao FMH nas matérias de sua competência ; 279 V - definir normas, procedimentos e condições operacionais ; VI - fixar a remuneração do órgão operador do FMH; VII - divulgar no Diário Oficial do Município as decisões, análises das contas do FMH e pareceres emitidos. Parágrafo único - Para a função específica de acompanhamento da gestão do Fundo Municipal de Habitação será designada uma Comissão Executiva do Conselho, formada a partir dos seus membros. Art. 5º - O Conselho Municipal de Habitação terá a seguinte composição : I - 13 (treze) representantes da Prefeitura Municipal de São Paulo, sendo : Secretário Municipal da Habitação e Desenvolvimento Urbano (SEHAB) ; b) Superintendente de Habitação Popular da Secretaria da Habitação e Desenvolvimento Urbano (SEHAB) ; c) 3 (três) representantes da Secretaria Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano (SEHAB) ; d) Presidente da Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo (COHABSP) ; e) 1 (um) representante da Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo (COHAB-SP) ; f) 1 (um) representante da Secretaria Municipal de Planejamento (SEMPLA) ; g) 1 (um) representante da Empresa Municipal de Urbanização (EMURB) ; h) 1 (um) representante da Secretaria de Infra-Estrutura Urbana (SIURB) ; i) 1 (um) representante da Secretaria de Finanças e Desenvolvimento Econômico (SF) ; j) 1 (um) representante da Secretaria de Desenvolvimento, Trabalho e Solidariedade; k) 1 (um) representante da Comissão Procentro ; II - 1 (um) representante da Secretaria de Habitação do Estado de São Paulo ; 280 III - 1 (um) representante da Companhia de Desenvolvimento Habitacional e Urbano do Estado de São Paulo (CDHU) ; IV - 1 (um) representante da Caixa Econômica Federal (CEF) ; V - 16 (dezesseis) representantes de entidades comunitárias e de organizações populares ligados à habitação, eleitos de forma direta ; VI - 2 (dois) representantes de universidades ligados à área habitacional ; VII - 2 (dois) representantes de entidades de profissionais da área habitacional ; VIII - 1 (um) representante de entidades sindicais dos trabalhadores da construção civil ; IX - 3 (três) representantes das associações ou sindicatos patronais da cadeia produtiva da indústria da construção civil, existentes no Município ; X - 2 (dois) representantes de entidades que prestam assessoria técnica na área habitacional ; XI - 2 (dois) representantes de centrais sindicais ; XII - 2 (dois) representantes de ONGs que atuam na área habitacional ; XIII - 1 (um) representante de conselho de categoria profissional da área habitacional ; XIV - 1 (um) representante de conselho de categoria profissional do direito. Art. 6º - A Comissão Executiva do Conselho Municipal de Habitação será formada a partir dos seguintes membros do Conselho Municipal de Habitação: I -Secretário Municipal de Habitação e Desenvolvimento Urbano (SEHAB) ; II - Superintendente de Habitação Popular da Secretaria de Habitação e Desenvolvimento Urbano (SEHAB) ; III - Presidente da Companhia Metropolitana de Habitação de São Paulo (COHABSP) ; IV - 3 (três) representantes das entidades comunitárias e de organizações 281 populares ligados à área habitacional ; V - 1 (um) representante das associações ou sindicatos patronais da cadeia produtiva da indústria da construção civil ; VI - 1 (um) representante de universidades ligado à área habitacional ; VII - 1 (um) representante das entidades de profissionais da área habitacional. Art. 7º - O Conselho Municipal de Habitação, bem como sua Comissão Executiva, será presidido pelo Secretário de Habitação e Desenvolvimento Urbano, competindo-lhe : I - representar legalmente o Conselho ; II - convocar e presidir as reuniões do Conselho ; III - publicar no Diário Oficial do Município a composição do Conselho Municipal de Habitação ; IV - cumprir e fazer cumprir seu Regimento Interno ; V - dirigir e coordenar as atividades do Conselho determinando as providências necessárias ao seu pleno desempenho ; VI - promover ou praticar atos de gestão administrativa, necessários ao desempenho das atividades do Conselho, de suas Comissões Temáticas e Grupos de Trabalho ; VII - emitir voto de desempate. § 1º - Caso o Presidente não convoque as reuniões ordinárias do Conselho nos prazos estabelecidos nesta lei, estas poderão ser convocadas por requerimento de, no mínimo, 50 % mais um de seus membros. § 2º - A periodicidade das reuniões da Comissão Executiva serão estabelecidas em Regimento Interno. Art. 8º - As funções dos membros do Conselho Municipal de Habitação e de sua Comissão Executiva não serão remuneradas, sendo seu desempenho considerado 282 como de serviço público relevante. Parágrafo único - A cada conselheiro titular corresponderá um suplente. Art. 9º - O mandato dos membros do Conselho Municipal de Habitação indicados ou eleitos nos termos dos incisos V a XIV do artigo 5º será de dois anos, sendo permitida apenas uma reeleição consecutiva. Parágrafo único - O mandato dos membros do Conselho Municipal de Habitação que compõem a Comissão Executiva do Conselho indicados ou eleitos nos termos dos incisos V a VII do artigo 6º será de dois anos, sendo permitida apenas uma reeleição consecutiva. Art. 10 - Os membros do Conselho e sua Comissão Executiva serão nomeados pelo Prefeito do Município de São Paulo, através de decreto, mediante indicação dos representantes do Poder Público e após a eleição dos representantes da sociedade civil. Art. 11 - As reuniões do Conselho Municipal de Habitação se instalarão com um quorum mínimo de1/3 de seus integrantes. Art. 12 - As decisões do Conselho Municipal de Habitação serão tomadas com aprovação da maioria simples de seus membros. Art. 13 - As deliberações do Conselho Municipal de Habitação serão materializadas em resoluções que serão encaminhadas ao Secretário Municipal de Habitação para homologação. § 1º - A homologação será efetuada pelo Secretário Municipal de Habitação, no prazo máximo de 15 (quinze) dias úteis, a contar da data da deliberação. § 2º - Caso o Secretário Municipal de Habitação não homologue as deliberações do Conselho Municipal de Habitação no prazo estabelecido pelo § 1º, as mesmas deverão retornar ao Conselho, com prioridade, para discussão na próxima reunião, onde serão confirmadas ou reformuladas pela maioria absoluta dos conselheiros. Art. 14 - Compete à Secretaria Municipal de Habitação proporcionar ao Conselho Municipal de Habitação condições para o seu pleno e regular funcionamento, dando-lhe suporte técnico, administrativo e financeiro, garantindo a contratação 283 de assessoria externa, quando necessário. Art. 15 - A Secretaria Executiva do Conselho Municipal de Habitação será exercida pela Superintendência de Habitação Popular - HABI, da Secretaria de Habitação e Desenvolvimento Urbano, que propiciará o apoio técnico e administrativo ao Conselho, na forma determinada pelo Regimento Interno. Art. 16 - O Conselho Municipal de Habitação é órgão de deliberação plena e conclusiva, configurado pela reunião ordinária de seus membros, e que deverá ser convocada quadrimestralmente, sendo que suas regras de funcionamento serão estabelecidas em Regimento Interno. Parágrafo único - As reuniões extraordinárias só poderão ser convocadas com a anuência da maioria absoluta dos conselheiros e por motivo fundamentado. Art. 17 - A constituição do Conselho Municipal de Habitação será feita no prazo de 90 (noventa) dias a partir da publicação da presente lei. Art. 18 - Esta lei entrará em vigor na data de sua publicação, revogando-se expressamente os artigos 12 e 13 da Lei nº 11.632, de 22 de julho de 1994. PREFEITURA DO MUNICÍPIO DE SÃO PAULO, aos 2 de setembro de 2002, 449º da fundação de São Paulo. MARTA SUPLICY, PREFEITA; ANNA EMILIA CORDELLI ALVES, Secretária dos Negócios Jurídicos; JOÃO SAYAD, Secretário de Finanças e Desenvolvimento Econômico; ROBERTO LUIZ BORTOLOTTO, Secretário de Infra-Estrutura Urbana; LUIZ PAULO TEIXEIRA FERREIRA, Secretário da Habitação e Desenvolvimento Urbano; JORGE WILHEIM, Secretário Municipal de Planejamento Urbano; MÁRCIO POCHMANN, Secretário do Desenvolvimento, Trabalho e Solidariedade. Publicada na Secretaria do Governo Municipal, em 2 de setembro de 2002. RUI GOETHE DA COSTA FALCÃO, Secretário do Governo Municipal. 284 Annexe III LES PROCES VERBUX DES REUNIONS DU CONSEIL DU FONDS MUNICIPAL DE LOGEMENT A SÃO PAULO 285 286 287 288 289 290 291 292 293 294 295 296 297 298 299 300 301 302 303 304 305 306 307 308 309 BIBLIOGRAPHE Livres et revues ABERS Rebecca, 1998, « La participation populaire à Porto Alegre, au Brésil », Governances, Montréal, Les Annales de la Recherche Urbaine, p. 43-54. _____, 1997, « Inventando a democracia: distribuição de recursos públicos através da participação popular em Porto Alegre, RGS », Anais do VII Encontro Nacional da ANPUR, Recife, ANPUR, p. 1735-1759. ABRAMO Pedro, 2001a, « Dinâmica espacial e instabilidade do mercado imobiliário: a ordem-desordem urbana », in Pedro Abramo (dir.), Cidades em transformação. Entre o plano e o mercado. Experiências internacionais de gestão do solo urbano, Rio de Janeiro, Observatório Imobiliário e de políticas do Solo, p. 161-188. _____, 2001b, Mercado e Ordem Urbana. 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Ciro Nunes Fraga Neto, UMM, participante do Conselho provisório, durante o período de 2001-2002 (Administração Marta Suplicy – PT). Denise Lopes de Souza, Superientendente de Habi da Secretaria de Habitação e Desenvolvimento da Prefeitura Municipal de São Paulo e secretaria executiva do Conselho do Fundo Municipal de Habitação durante o período de 1998-2000 (Administração Celso Pitta - PPS). Doralice S. Brito, representante da Associação Feminina de Vila Alpina – Parque São Lucas junto ao Conselho do Fundo Municipal de Habitação, durante o período de 1997-2002 (Administração Paulo Maluf - PPS, Celso Pitta - PPS e Marta Suplicy - PT). Elen Mara Monpean, Assessora técnica da Superientendente de Habi da Secretaria de Habitação e Desenvolvimento da Prefeitura Municipal de São Paulo no Conselho do Fundo Municipal de Habitação durante o período de 1998-2000 (Administração Celso Pitta - PPS). Evaniza Rodrigues, Coordenadora da UMM – União de Movimentos de Moradia e representante da Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara no Conselho do Fundo Muncipal de Habitação, durante o período de 1998-2002 (Administração Celso Pitta – PPS e Marta Suplicy - PT). Gisela Mori, Superientendente de Habi da Secretaria de Habitação e Desenvolvimento da Prefeitura Municipal de São Paulo, secretaria executiva do Conselho do Fundo Municipal de Habitação, durante o período de 2001-2002 (Administração Marta Suplicy - PT). Irineu Bagnariolli, Secretario da Habitação da Prefeitura de Santo André (Administração Celso Daniel – 1997-2002). Leonardo Piccini, Coordenador CAAP e Assessor técnico da Associação de Construção Comunitária Ernesto Che Guevara junto ao Conselho do Fundo Municipal de Habitação, durante o periodo de 1998-2002 (Administração Celso Pitta – PPS e Marta Suplicy – PT). Lilimar Mazzoni, Procuradora Chefe da Procuradoria Patrimonial da Prefeitura de Santo André. Luci Valente - Fórum dos Mutirões, titular do Conselho provisório, durante o período de 2001-2002 (Administração Marta Suplicy – PT). Luciana Royer, Assessora da Superientendente de Habi da Secretaria de Habitação e Desenvolvimento da Prefeitura Municipal de São Paulo na secretaria executiva do Conselho do Fundo Municipal de Habitação, durante o período de 2001-2002 (Administração Marta Suplicy – PT). Marina Marques de Souza, representante da Associação Feminina de Vila Alpina – Parque São Lucas junto ao Conselho do Fundo Municipal de Habitação, durante o período de 1997-2002 (Administração Paulo Maluf - PPS, Celso Pitta - PPS e 348 Marta Suplicy - PT). Renato Cymbalista, Instituto Polis. Ricardo Schuman, Presidênte da COHAB-SP – Companhia Habitacional de São Paulo e representante do Conselho do Fundo Municipal de Habitação, durante o período de 2001-2002 (Administração Marta Suplicy - PT). Roberto Manoel Domingues, responsável pelas avaliações de terra da Companhia de Desenvolvimento Habitacional e Urbano do Governo do Estado de São Paulo. Rosangela Paz, Observatório de Políticas Públicas do Instituto Polis. Rosangela Staurengh, 13 Promotora de Justiça de São Bernardo do Campo. Rossella Rosseto, Assessora do Vereador José Eduardo Martins Cardosos e do Vereador Nabil Bonduki. Paulo de Mello Schwenck Junior, Assessor técnico da Secretaria do Meio Ambiente do Governo do Estado de São Paulo. Sidnei Antonio Eusébio, UMM, titular do Conselho provisório, durante o período de 2001-2002 (Administração Marta Suplicy – PT).