Rencontre avec Véronique Carrot ou la musique en partage
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Rencontre avec Véronique Carrot ou la musique en partage
Schweizer Musikzeitung Nr. 9 / September 2007 21 Rencontre avec Véronique Carrot ou la musique en partage Véronique Carrot est une figure féminine emblématique de la vie chorale romande. Elle est responsable du chœur de l’Opéra de Lausanne depuis 1995, directrice des chœurs des Conservatoires de Lausanne depuis 1986, et de Genève depuis 2007. Jean-Louis Matthey Claveciniste formée à l’Ecole de Christiane Jac‑ cottet à Genève et avec Scott Ross au Québec, disciple de Michel Corboz sous la direction du‑ quel elle a étudié, joué du clavecin, et chanté, Véronique Carrot a également été au pupitre du Chœur de la Cité de Lausanne de 1978 à 2006 dans de nombreux concerts d’oratorios avec l’OCL et l’OSR. Véronique Carrot, le fait d’être à la fois claveciniste et chef de chœur vous enrichit d’une double relation à l’exécution musicale. Comment vivez-vous ce que vous décrivez comme un « privilège » ? En effet, c’est un privilège. Ces deux façons de servir la musique me sont nécessaires. De‑ vant mon clavecin, je suis seule face au texte musical. L’instrument me donne tout à la fois la possibilité de penser et de faire la musique. Di‑ riger de la musique vocale – a cappella ou ac‑ compagnée avec des instruments – influe ma façon de jouer du clavecin, et m’engage vers une approche plus « orchestrale ». Il y a de nom‑ breuses manières de toucher le clavecin – pen‑ sez à Couperin ou à Frank Martin –, de le cares‑ ser ou de le « griffer ». Jouer de Falla, ce que je vais faire en 2008 avec l’OCL dirigé par Zacha‑ rias, me demande une autre démarche que les Elisabéthains. Paradoxalement, diriger de la musique contemporaine m’invite à faire « chan‑ ter » le clavecin d’une manière autre que celle qui serait la mienne si je ne jouais que du ba‑ roque. Je voudrais aussi dire que comme claveci‑ niste ou continuiste, je n’écoute pratiquement jamais la version des autres, ce qui n’est pas le cas dans le domaine lyrique où certaines ver‑ sions peuvent m’aider à une première approche des opéras ou opérettes que je ne connais pas du tout. Je le fais aussi par curiosité. Une première écoute – ou un visionnement de DVD – peut m’être utile, mais en fin de compte, j’aurai la tâche de faire que le langage de chaque œuvre devienne le plus accessible possible à mes chan‑ teurs. Vous dirigez des étudiants, des formations d’amateurs et des formations professionnelles. Comment gérez-vous votre relation à ces différents contextes de travail ? En fait, je ne pense pas travailler d’une ma‑ nière sensiblement différente. Que ce soit sur le plan pédagogique ou le plan artistique, j’entre assez rapidement dans la dimension musicale des œuvres, même avec les non professionnels. Des ensembles qui me sont confiés, je requiers d’abord une discipline, de façon à ce que je mières répétitions, je cherche les contrastes, mes choristes savent que j’évite le « mezzo-forte international ». J’aime imprimer ce que j’ap‑ pelle un mouvement à chacune de mes forma‑ tions vocales. Que ce soit dans un ensemble d’oratorio ou avec un chœur d’opé‑ ra, ce mouvement est la donne es‑ sentielle. A un chœur d’amateurs, il faut toujours accorder une chance supplémentaire et ne ja‑ mais oublier que les gens viennent chanter pour leur plaisir. Certains paient même pour cela. Cette no‑ tion du plaisir est d’un ordre un peu différent avec un chœur pro‑ fessionnel : on travaille alors sous contrat, plus rapidement, dans des délais plus courts, et avec des bases de solfège en principe impeccables, et une justesse supposée parfaite. Mais la notion du plaisir reste de mise. Que ce soit devant un en‑ semble professionnel ou un chœur d’amateurs, c’est à moi de trans‑ mettre ma joie musicale. Quel que soit le type de formation que je di‑ rige, mon enthousiasme à faire de la musique doit être le même. Dans un opéra, le chef de chœur ne choisit pas forcément son répertoire ou l’œuvre qu’il souhaiterait préparer ? Comment vous situezvous par rapport à cet impératif ? Vous avez raison, il s’agit ici d’une donnée incontournable et c’est un défi chaque fois renouvelé. C’est une chance de faire des décou‑ vertes d’œuvres, de chefs et de so‑ listes inconnus pour moi. Ce sont les directeurs d’opéra qui font les programmes et qui choisissent les artistes. Cette responsabilité est im‑ mense, car il faut choisir la bonne Véronique Carrot aime imprimer ce qu’elle appelle un mouvement à voix pour le bon rôle et, si possible, chacune de ses formations vocales. Photo : © L. Dubois le physique qui convient. Ce n’est pas aussi facile que le public le puisse mettre chaque fois la barre un peu plus pense. Comme chef de chœur, je prends connais‑ haut, mais je dois évidemment tenir compte de sance des œuvres choisies deux à trois ans à la résistance physique de mes chanteurs. Il y a l’avance. Je peux donc m’y préparer. Quand le des chorales à qui j’ai inculqué des notions ul‑ chœur est prêt, je me retire pour laisser le chef trabasiques, et puis, j’ai eu le bonheur de les d’orchestre commencer le travail en collabora‑ accompagner dans leur progrès. Au plan tech‑ tion avec le metteur en scène. Le répertoire ly‑ nique, le rapport au texte par exemple m’appa‑ rique nous emmène dans une aventure où le raît comme essentiel : il est la colonne verbale chœur doit être « reconstruit » à chaque spec‑ du chant choral, son expression, son articula‑ tacle. Mon rôle consiste à fournir, pour chaque tion. En outre, j’attache aussi beaucoup d’im‑ œuvre inscrite à l’affiche, un chœur formé à portance à l’émotion que crée la couleur vocale, son style spécifique. J’ai préparé des chœurs en fonction de la texture rythmique, de l’har‑ pour Monteverdi, Lully, Mozart mais aussi pour monie ou justement du texte. Faire ressortir les Chostakovitch, Menotti ou Dusapin. Imaginezvoyelles qui pleurent ou les consonnes qui dan‑ vous la différence des profils sonores que re‑ sent est pour moi une priorité. Dès les pre‑ quièrent ces compositeurs ! Des efforts sont à 22 Revue Musicale Suisse N°9 / Septembre 2007 Begegnung mit Véronique Carrot Véronique Carrot – eine herausragende Per‑ sönlichkeit in der Chorlandschaft der Ro‑ mandie – leitet die Chöre der Lausanner Oper sowie der Konservatorien Lausanne und Genf. Sie ist sowohl als Cembalistin wie als Chor‑ leiterin ausgebildet. Für sie bedingen sich diese beiden Seiten des Musikmachens gegen‑ seitig: Während sie auf dem Cembalo zu‑ gleich Musik konzipieren und machen kann, beeinflusst ihre Arbeit als Dirigentin von Vo‑ kalmusik ihr Spiel auf dem Cembalo. In der Vokalmusik ist für sie der Text grundlegend. So misst sie auch der Klanglich‑ keit des Textes grosse Bedeutung zu und ar‑ beitet etwa klagende Vokale oder tanzende Konsonanten heraus. Schon bei den ersten Proben sucht sie Kontraste und möchte das «internationale Mezzoforte» vermeiden. Je‑ des ihrer Vokalensembles prägt sie durch ei‑ ne spezifische Herangehensweise und ein angepasstes Arbeitstempo. In der Oper be steht ihre Aufgabe hauptsächlich darin, für jedes Werk einen stilistisch adäquaten Chor zu bilden, je nach erforderlicher Grösse und passenden Stimmtypen. So kann der Opern‑ chor bei Mozart 20, bei Verdi hingegen 30 bis 40 Personen umfassen, bei Monteverdi ande‑ Übers.: PZ re Stimmen als bei Bellini. faire pour rentrer dans les exigences propres à ces langages musicaux. C’est la chance du mi‑ lieu professionnel que de pouvoir gagner cette sorte de challenge en s’y consacrant pleine‑ ment. Dans le milieu amateur ou scolaire, je choisis moi-même les œuvres que j’aime diriger et qui conviennent à la culture du chœur. Fortsetzung von Seite 19 schritte präsentieren und mit andern verglei‑ chen. Der Eintritt in das Profil Musik erfordert das Bestehen der Eignungsprüfung. Damit ist ga‑ rantiert, dass bei entsprechender Entwicklung und nach erfolgreichem Abschluss der Fachma‑ turiät ein Bachelor-Studium möglich ist. Für Schüler und Schülerinnen, die bereits das klare Berufsziel Musik haben, ist die FMS mit Profil Musik ein idealer Ausbildungsweg – können sie doch die Allgemeinbildung auf Se‑ kundarstufe II abschliessen und sich gleichzei‑ tig ihrem Berufs- und Ausbildungswunsch ziel‑ gerichtet nähern. Der hohe Wert einer abgeschlossenen Allge‑ meinbildung ist nicht zu unterschätzen. Eine musikalische Ausbildung erfordert eine über‑ durchschnittlich hohe Selbstdisziplin und Be‑ gabung. Es kann vorkommen, dass eine Ent‑ wicklung stagniert und eine berufliche Um orientierung notwendig wird oder aber berufliche Wünsche sich verändern. Mit einer Fachmaturität ist ein Zugang zu andern Fach‑ hochschulstudiengängen sichergestellt, in Pas‑ sarellenangeboten können die fehlenden fach‑ A l’Opéra de Lausanne, je forme mon chœur au coup par coup, en fonction du nombre de chanteurs et des qualités vocales que requiert l’œuvre. Il faut aussi tenir compte des disponibi‑ lités – ou des indisponibilités – de chacun. Le chœur de l’Opéra peut réunir 20 personnes pour Mozart et 30 ou 40 pour Verdi en fonction du style de l’œuvre et de l’effectif orchestral. Je ne choisis pas les mêmes voix pour Monteverdi ou pour Bellini. Comme boutade, on pourrait dire que l’identité de ce chœur est de ne pas en avoir ! C’est ce chœur à « géométrie variable » qui m’in‑ téresse, car je peux le remodeler chaque fois dif‑ féremment. C’est un luxe que ne peuvent pas s’offrir les maisons qui ont des chœurs aux effec‑ tifs fixes ; en revanche, cette formule leur offre une certaine sécurité dans la stabilité. Quels sont les éléments qui caractérisent les qualités spécifiques d’un chœur d’opéra ? Ils sont multiples et le public n’en a pas tou‑ jours conscience. Le chœur d’opéra doit être d’une souplesse musicale et psychologique à toute épreuve et accepter parfois le compromis. Il doit savoir se mouvoir dans l’espace, être sen‑ sible au jeu scénique, aux lumières et à l’ambian‑ ce de la scène. Etre à l’aise dans son corps… même si on lui demande de chanter un jour derrière le rideau, la tête en bas ou couché sur le ventre ! Une des différences essentielles avec le chœur de concert est qu’à l’opéra, on chante toujours par cœur. La comédie ne se joue pas partition en main ! Le choriste d’opéra doit savoir concilier l’exigence musicale avec l’énergie requise par le jeu scénique et la gestion de l’espace. Il fut un temps où le public des scènes lyriques dans le milieu musical était considéré comme diffé rent de celui des concerts. Où en sommes-nous ? spezifischen Qualifikationen, beispielsweise in Pädagogik, erlangt werden. Der propädeutische Bereich an Musikhochschulen Alle schweizerischen Musikhochschulen führen Angebote im propädeutischen Bereich: Allge‑ meine Abteilung, Vorkurs, Grundausbildung, Kooperationen mit allgemeinbildenden Schulen auf der Sekundarstufe II und mehr. Was bewegt die Musikhochschulen, sich in diesem Ausbil‑ dungsbereich zu betätigen, gibt es doch die Ge‑ meindemusikschulen, welche diesen Auftrag ebenfalls erfüllen? Für die Musikhochschule Lu‑ zern ist es zum Beispiel von grösster Bedeutung, ihre Position im nationalen und internationalen Wettbewerb zu halten und zu stärken. Ein attrak‑ tiver und starker propädeutischer Bereich mit überregionaler Ausstrahlung ist dafür eine Voraussetzung. Anders als die Hochschulausbil‑ dung ist der propädeutische Bereich noch nicht gesamtschweizerisch geregelt. Mit der Fachmit‑ telschule Profil Musik verfügen die Musikhoch‑ schule Luzern und die Fachmittelschule Baldegg über eine neue und bislang einzigartige Ausbil‑ dungsvariante. Depuis longtemps, cette distinction n’a plus cours, ici ou ailleurs. A Lausanne, grâce à des responsables passionnés, l’art lyrique a pris un essor remarquable. L’Opéra se préoccupe du pu‑ blic de demain en accueillant les enfants des écoles pour des spectacles ou des démonstra‑ tions musicales et techniques qui leur dévoilent l’envers du décor. Dans les conservatoires, les attitudes ont évolué face à ce plan capital de la culture que représente l’opéra. Il reste cepen‑ dant beaucoup à faire. La tradition lyrique lau‑ sannoise ne remonte pas au XVIIIe siècle, elle est relativement récente. Le public d’opéra aime la scène et la musi‑ que sans qu’il y ait forcément de hiérarchie entre les deux. Bien sûr que la scène lyrique ou le concert ne sont que le reflet en petit de la vie, avec ses zones d’ombre et de lumière. Je suis née dans une famille française qui a pris part à la naissance du mouvement A Cœur Joie, un mouvement choral de dimension in‑ ternationale visant à l’épanouissement de l’être humain par la pratique collective du chant sous toutes ses formes. Cette ouverture, je l’ai retrouvée à l’Institut Jaques-Dalcroze où j’ai fait mes études de 1975 à 1978. Elle a égale‑ ment habité celles et ceux qui furent mes maîtres, Christiane Jaccottet, Michel Corboz. Ils m’ont appris la force médiatrice de la mu‑ sique vécue comme un espace qui relève de l’ordre spirituel. Je pense à cela quand je joue William Byrd, Bach, Rameau, Honegger ou Martin. Que ce soit dans le répertoire sacré – que je préfère diriger dans les lieux sacrés, jus‑ tement – ou sur la scène, je conçois la musique comme un lieu de partage et une forme d’ex‑ pression issue de diverses filiations. Je reste méfiante face à toutes les formes d’intégrisme ou d’idéologie, y compris en musique. Résumé de la page 15 Un dictionnaire Internet sur Leoš Janáček La Société Leoš Janáček suisse a choisi de mettre gratuitement à disposition des inter‑ nautes les informations qu’elle détient sur le compositeur tchèque. C’est ainsi que les 500 pages du Lexique Janáček sont en ligne, et constamment mises à jour – un avantage indéniable par rapport au papier. L’adresse www.leos-janacek.org s’ouvre sur un portail qui permet de choisir entre le catalogue des œuvres, classées par catégories (musique vo‑ cale, de chambre, etc.), un classement alpha‑ bétique qui permet d’accéder à toutes les entrées du lexique et diverses informations sur la société elle-même. Les exemples musi‑ caux sont nombreux, sous forme de parti‑ tions, mais aussi de fichiers audio. La biographie de Janáček contient 150 illustrations. Une bibliographie des ou vrages consacrés au compositeur est égale‑ ment disponible. Le site est principalement en allemand, avec quelques mots de bienve‑ nue en anglais et en tchèque. JDH