Adolf Weinmüller - Bibliothèque nationale de France
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Adolf Weinmüller - Bibliothèque nationale de France
Numérisation en arts à l’étranger : l’exemple de l’Allemagne Rüdiger Hoyer, Zentralinstitut für Kunstgeschichte, Munich L’Allemagne sert ici d’exemple à titre de comparaison, mais vous verrez que elle n’est pas forcément exemplaire. Je me concentrerai sur le domaine des imprimés concernant l’histoire de l’art, à l’exclusion de l’archéologie et du domaine iconographique. 1. Contexte structurel et politique En Allemagne, “des programmes nationaux de numérisation autour d’axes thématiques“ n’ont pas existé jusqu’à la création récente du programme „Digitalisierung der DFG-Sondersammelgebiete“ (numérisation des „CADIST“ financées par la Deutsche Forschungsgemeinschaft), programme organisée par la Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG), organisme directeur de la plupart des plans d’actions à échelle nationale touchant les bibliothèques. Auparavant, il y avait seulement le programme de la DFG intitulé „Erschließung und Digitalisierung handschriftlicher und gedruckter Überlieferung“(= « catalogage et numérisation du patrimoine manuscrit et imprimé ») qui vise plutôt des fonds individuels, tandis que le nouveau programme s’adresse à ce qu’on apelle les „Sondersammelgebiete“. Vous le connaissez sans doute, ce fameux schéma des Sondersammelgebiete (SSG) qui sont l’équivalent des CADIST français. Ce programme fut fondé en 1949. Y participent une multitude de bibliothèques universelles et quelques rares bibliothèques spécialisées. Il y a même un article Wikipedia sur ce sujet (http://de.wikipedia.org/wiki/Sondersammelgebiete). Or, depuis 2009, les bibliothèques qui participent au programme SSG sont encouragées de solliciter des moyens pour la numérisation de leur SSG respectifs. Les types d’opération pouvant faire l’objet d’une subvention sont: la numérisation de publications libres de droit, notamment de publications parues après l’an 1800, mais aussi la numération partielle de la production de maisons d’édition spécialisées, sous réserve d’avoir négocié des conditions d’accès appropriées, et finalement des opérations de valorisation des corpus disciplinaires numérisés. Le programme n’est pas réservé aux publications allemandes. Sauf quelques exceptions, dont aucune dans le domaine de l’histoire de l’art, de l’architecture et de l’archéologie, les bibliothèques spécialisées ne participent pas à ce programme. Contrairement au partenariat prévu en France, entre la BnF, l’Institut national d’histoire de l’art et autres institutions partenaires, l’appel à projet s’adresse uniquement au bibliothèques SSG. En la circonstance, il s’agit essentiellement de: Bibliothèque universitaire de Heidelberg, responsable (entre autres) des SSG 6.14 Klassische Archäologie (archéologie classique) 9 Kunstwissenschaft, Allgemeines (Histoire et théore générale de l’art) 9.1 Mittlere und Neuere Kunstgeschichte bis 1945 (Art occidental du haut moyen âge à 1945) 1 Selon les informations qui sont en ligne, cette bibliothèque a actuellement un fonds d’histoire de l’art d’environ 385.000 titres et d’env. 1.300 périodiques courants, et un fonds d’archéologie classique d’environ 60.000 titres et d’env. 470 périodiques courants. Sächsische Landesbibliothek – Staats- und Universitätsbibliothek à Dresde responsable du SSG 9.11 Zeitgenössische Kunst ab 1945 (art contemporain depuis 1945, y inclus photographie, design industriel et graphique) Selon les informations en ligne, le fonds art contemporain de cette bibliothèque comprend environ. 125.000 titres (le nombre de périodiques n’étant pas indiqué). Quelques autres bibliothèques ont des SSG partiellement pertinentes, notamment la Technische Universitätsbibliothek (TIB) Hanovre avec son SSG 20 Architektur. Städtebau. Landesplanung. Raumordnung (architecture, urbanistique, aménagement du territoire) et la Bibliothèque universitaire de Francfort-sur-le-Main avec son SSG 9.3 Théâtre / Cinéma artistique. D’après les informations dont je dispose, aucune subvention n’a éncore été accordée dans le cadre de ce nouveau programme à une opération touchant l’histoire de l’art. Les numérisations réalisées jusqu’au jour d’aujourd’hui par la B.U. de Heidelberg l’ont été grâce au programme plus ancien pour les fonds patrimoniaux (voir ci-dessus). Contrairement au programme français, l’appel à projets lancé par la DFG ne prévoit ni un réseau d’information réciproque ni un participation des chercheurs. Il exclut même les bibliothèques d’art. En effet, le programme national d’acquisitions partagees des bibliothèques d’art proprement dites, programme financé par le DFG depuis 1972 et comprenant les bibliothèques d’art allemandes les plus prestigieuses, vient d’être aboli. Il se terminera à la fin de l’année en cours. Du coup, même les bibliothèques d’art les plus importantes, avec toutes les richesses de leur fonds spécialisés exceptionnels, comme la Kunstbibliothek der Staatlichen Museen zu Berlin (Stiftung Preussischer Kulturbesitz), la Kunst- und Museumsbibliothek de la Ville de Cologne ou la bibliothèque du Zentralinstitut für Kunstgeschichte à Munich, pour ne pas parler des prestigieuses bibliothèques du Kunsthistorisches à Florence et de la Hertziana à Rome, n’auront plus aucun rôle officiel dans les plans nationaux d’acquisitions et de numérisations partagées et coordonnées. Et cela en dépit du fait que leurs fonds soient souvent plus complets que ceux des bibliothèques SSG. À mon avis, cette situation peut s’expliquer, entre autres, par le caractère assez bureaucratique, pour ainsi dire “auto-reproducteur” du système dans son ensemble, système visiblement dominé par les bibliothèques universitaires, dont le standing au sein de leur université dépend partiellement de leur rôle SSG et qui n’ont aucunement envie de céder le pas à des institutions spécialisées. Mais quoi qu’il en soit des raisons profondes de cette situation, le résultat est qu’en matière de numérisation en art, il n’y a aucune concertation formelle, aucune discussion ‘officielle’ des choix documentaires opérés par les bibliothèques, mais bien plutôt cette multitude d’opérations qui a donné lieu à l’effort de coordination français. Pour le moment, l’apport de l’Allemagne à la numérisation mondiale des imprimés 2 en arts est loin de posséder un profil bien précis. Par contre, grâce au modèle des licences nationales financées largement par la DFG, l’Allemagne me paraît bien avancée en ce qui concède l’accès en ligne libre aux informations scientifiques payantes. Mais c’est un autre sujet. La Deutsche Forschungsgemeinschaft (DFG) a publié un document contenant des règles à respecter en matière de numérisation par tous les candidats à une subvention de la DFG : les “Praxisregeln Digitalisierung” (2009). Ce texte ne comprend pas seulement des recommandations techniques pour la numérisation proprement dite, l’archivage pérenne et la production de méta-données, mais également des recommandations générales quant à la sélection de documents pertinents, à leur valorisation dans le cadre de portails en ligne comme les « Virtuelle Fachbibliotheken », et à la nécessité de tenir compte des grands programmes existants, y compris la numérisation de masse entreprise par Google en coopération avec des bibliothèques comme la Bayerische Staatsbibliothek. La DFG met même à la disposition des bibliothèques intéressées un navigateur, le « DFG-Viewer ». Elle recommande instamment l’emploi de OAI-PMH afin de permettre le moissonage par des portails spécialisés et par des moteurs de recherche. La DFG soutient bien sûr le principe de l’accès libre. Ce contexte de normes et de recommandations ne concerne évidemment pas spécialement les arts, mais à part cela il correspond largement aux recommandations techniques contenues dans l’accord-cadre du programme français de numérisation concertée en art. 2. Exemples de numérisation pertinentes Pour avoir une première orientation d’ensemble sur les numérisation d’imprimés en arts en Allemagne, on peut consulter le tutoriel « Recherche de sources numérisées » sur notre portail www.arthistoricum.net: http://www.arthistoricum.net/fr/tutorials/aide-a-la-recherche-iii-recherche-de-sourcesnumerisees/ Malheureusement, seulement le titre de ce tutoriel a été traduit en français. En outre, ce document en ligne n’est plus tout à fait à jour. Il résume néanmoins assez précisément les structures existantes en Allemagne. Ce tutoriel accentue le fait qu’on ne peut en effet analyser la contribution allemande à la numérisation des imprimés en arts sans tenir compte des grands programmes de numérisation ‘généralistes’, tout comme il est impossible de concevoir le nouveau programme français sans égard à ce qui a déjà été fait dans ‘Gallica’ et dans la bibliothèque numérique de l’INHA. Ainsi, vous avez probablement tous entendu parler des VD ( = « Verzeichnis der im deutschen Sprachraum erschienen Drucke » = „répertoire des imprimés parus en territoire germanophone“) 16, 17, 18, organisés par la „Arbeitsgemeinschaft Sammlung Deutscher Drucke (AG SDD)“. Il s’agit d’un projet coopératif de bibliographie nationale du livre ancien, qui est accompagné.d’un programme de numérisation. Le VD 18 par exemple prévoit la numérisation de 600.000 ouvrages (ou 120 mio de pages). Les participants sont : Staatsbibliothek Preussscher Kulturbesitz Berlin Sächsische Landesbibliothek - Staats- und Universitätsbibliothek Dresde Niedersächsische Staats- und Universitätsbibliothek, Göttingen Universitäts- und Landesbibliothek Halle Bayerische Staatsbibliothek, Munich 3 Cet aréopage d’institutions du livre ancien comprend le trio classique Berlin, Göttingen, Munich. La bibliothèque de Dresde s’efforce de plus en plus de se positionner sur un pied d’égalité avec ces bibliothèques vénérables dont l’importance est caractéristique du caractère profondément fédéral de l’Allemagne dont la Bibliothèque nationale à Francfort-sur-le- Main et à Leipzig ne joue aucun rôle pour les publications parues avant le 20e siècle. Vous êtes également au courant de la coopération de la Bayerische Staatsbibliothek avec le diable en personne, Google, projet inauguré de facon retentissante en 2007. Tous ces projets comprennent bien sûr un certain pourcentage de littérature pertinente pour les arts. Il est toutefois très malaisé de savoir ce que l’histoire de l’art peut précisément en attendre et dans quelle mesure ces projets vont couvrir des matériaux typiques comme grands formats, collections de planches ou catalogues d’expositions et de ventes. Pas plus que pour les ressources en ligne natives, il n’y a apparemment aucune classification cohérente par pertinence disciplinaire. Le portail « Zentrales Verzeichnis Digitalisierter Drucke (ZVDD)» (répertoire central des imprimés numérisés) (http://www.zvdd.de/sammlungen.html) qui devrait donner une orientation n’est pas encore bien avancé. Quoiqu’il énumère quelques collections numérisées dans le domaine de l’histoire de l’art, son caractère très incomplet en rend l’utilisation plutôt inutile. Le portail « Europeana » devrait à l’avenir constituer un outil de base pour accéder à des numérisations en arts. Du côté allemand, il y a depuis 2009 la « Deutsche Digitale Bibliothek », conçue comme une réponse allemande à Google Books. Ce projet est encore à un stade préliminaire. Espérons seulement que ces grands projets n’auront pas le même sort que d’autres projets dictés plus par des considérations politiques que par leur utilité réelle pour le public. La situation est nettement meilleure en ce qui concerne le signalement des periodiques, puisque la base de données EZB (« Elektronische Zeitschriftenbibliothek ») recense pratiquement tous les périodiques d’art et d’architecture numérisés ou nés numériques qui soient mondialement accessibles, en libre accès ou en accès payant. Notre portail arthistoricum.net donne accès à des extraits EZB spécialement conçus pour l’histoire de l’art et l’architecture : http://www.arthistoricum.net/fr/recherche/ Cela dit, la part de l’histoire de l’art dans le projet www.digizeitschriften.de, homologue allemand de JSTOR, est encore bien modeste. On y compte actuellement 19 revues d’art dont quelques-unes qui sont aussi dans JSTOR… Mais revenons au domaine spécifique de l’histoire de l’art. Et présentons quelques exemples de bibliothèques numériques, de projets de numérisation, et de projets de recherche axés sur la numérisation. Le portail arthistoricum.net (www.arthistoricum.net) donne directement accès à un certain nombre de numérisations d’imprimés en arts. Une partie seulement de ces numérisations a été directement inspirée par le projet arthistoricum.net. Mais elles ont toutes été réalisées par une institution-partenaire d’arthistoricum.net et s’insèrent dans quelques axes thématiques. Ces numérisations sont accessibles dans la rubrique « ressources numérisées » : 4 Elles peuvent en même temps être accessibles sur d’autres sites: site de la bibliothèque, site d’un projet de recherche ou d’exposition etc. Cette rubrique Ressources a l’intention de proposer des collections numérisées revêtant une importance particulière pour notre discipline, soit parce qu’il s’agit de “classiques”, soit au contraire parce qu’il s’agit de materiaux qu’on ne trouve pas au coin de la rue. Le but est de les rendre universellement disponibles en ligne par la numérisation et d’en améliorer la maniabilité par une indexation approfondie. Ces documents sont regardés comme des “sources primaires”. Ils sont souvent difficiles d’accès en original, à cause de leur rareté, de leur état de conservation ou à cause du caractère lacunaire des collections, notamment pour les revues et les séries de catalogues d’exposition. Pour commencer, ont été choisi avant tout: • des revues d’art et des catalogues d’exposition consacrés à la diffusion de l’art allemand du début du 19e siècle jusqu' au milieu du 20e siècle • des traités d’architecture et de jardins ainsi que des écrits historiques constituant des étapes dans l’histoire de l’histoire de l’art. 5 Il s’agit toujours de documents libres de droits d’auteurs. Ceci dit, les illustrations, particulièrement celles qu’on trouve dans les revues d’art très illustrées posent un problème particulier. En règle générale, les numérisations que voici ont pris des précautions juridiques plutôt minimalistes. Ces documents sont souvent, mais pas toujours, traités en mode texte, avec des résultats d’océrisation parfois contestables.. En consultant ces pages, vous verrez que la B.U. de Heidelberg se sert d’arthistoricum.net pour médiater les numérisations d’imprimés en arts qu’elle réalise courammemt sur sa propre chaîne de numérisation. Ainsi naît une sorte de bibliothèque numérique composée en partie de matériaux assez connus et qu’on retrouvera en partie dans d’autres programmes de numérisation. 6 7 Mais il y a aussi des collections complètes de revues d’art numérisées probablement en exclusivité. Pour s’informer sur tout ce qui se fait sur la chaîne de la B.U. de Heidelberg, on peut bien sûr aller directement sur son site. On verra là donc d’autres rubriques comme « Sonstige kunstwissenschaftliche Literatur » ou « Catalogues de ventes »: http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/www/kunst/digilit/ Quant aux périodiques, ce sont en partie les résultats d’un projet financé par la DFG et consacré spécialement à la numérisation et l’indexation de revues d’art et de revues de caricatures du 19e siècle et du début du 20e siècle (430 volumes, 210.000 pages) : http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/www/kunst/digilit/artjournals/Welcome.html 8 Il faut relever que ce projet comprend l’indexation-matière des illustrations. Notons en passant que la partie iconographique du site de Heidelberg possède une section consacrée à des caricatures françaises du 19e siècle: http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/www/kunst/digilit/artjournals/frzzeit.html 9 Mentionnons aussi un petit début de numérisation de catalogues de ventes anciennes qui semble préfigurer un projet coopératif avec la Kunstbibliothek Berlin et le Getty Research Institute: « German Sales 1930-1945 » . http://www.ub.uni-heidelberg.de/helios/fachinfo/www/kunst/digilit/auktion/welcome.html 10 En somme, nous avons affaire à un début de numérisation concertée pas toujours vraiment concertée. Les quantités concernées sont impressionantes vu qu’ils ont pour la plupart été produites sur la seule chaîne de Heidelberg. Mais je ne suis pas sûr s’ils répondent au critère de numérisation de masse. Ces opérations obéissent seulement en partie à une logique de concertation, par exemple en ce qui concerne les revues.. Sont concernés surtout des ouvrages de référence anciens, pas seulement en allemand, et quelques textes plus récents (thèses, mémoires de maîtrise) dont les auteurs ont consenti à la publication en ligne a posteriori. Quant à la logique de concertation et de coordination, on peut la constater plutôt pour des projets de numérisation très spécialisées, réalisés normalement par un groupe de plusieurs institutions pour aboutir à une collection virtuellement complète, par exemple d’une serie de catalogues d’expositions et d’un periodique. Il est impossible de dresser aujourd’hui une liste complète de tels projets en Allemagne. Il en existe un certain nombre. L’important, c’est plutôt de comprendre que de tels projets ont tendance à traiter des matériaux laissés probablement à l’écart par les grandes operations de numérisations de masse, ou du moins à y ajouter une plus-value, plus-value qui se produira dans la mesure où l’on réussit à connecter les deux mondes de la numérisation de masse et des projets plus spécifiques, souvent plus expérimentaux et originaux. Je voudrais me permettre de prendre comme exemple quelques projets munichois en cours, les catalogues des expositions d’art au ‘Glaspalast’ à Munich de 1869 à 1931 et les catalogues des Grosse Deutsche Kunstausstellungen de 1937 à 1944. 11 Le projet de numérisation des catalogues des expositions dans le ‚Glaspalast’ de Munich (http://www.arthistoricum.net/ressourcen/monographien/glaspalastkataloge/), est un projet classique de coopéeration entre plusieurs bibliothèques (Bayerische Staatsbibliothek, Bibliothèque historique de la Ville de Munich, Zentralinstitut), ayant pour but une collection virtuelle complèté pour une série pour laquelle il n’y a probablement pas de collection complète réelle. On sait d’ailleurs pas du tout si Google ou Europeana vont être capable de venir à bout de ce problème de collation. Le projet qui est en cours autour des catalogues des Grosse Deutsche Kunstausstellungen, triste « fleuron » de la politique culrturelle du IIIe Reich, est plus complexe, car il appartient au type ‘coopération entre différentes institutions de divers types contribuant chacune des des média différents. 12 une bibliothèque, la Kunstbibliothek Berlin, s’occupant de la mise en ligne des catalogues numérisé sur arthistoricum.net 13 une photothèque, celle du Zentralinstitut, possédant un fonds iconographique unique qu’il s’agit de mettre en valeur et de conserver, un musée, le Deutsches Historisches Museum à Berlin, possédant des œuvres d’art pertinents, à savoir des originaux exposés jadis dans les Grosse Deutsche Kunstausstellungen, un centre d’exposition: le Haus der Kunst à Munich possédant des archives historiques, à savoir des registres manuscrits d’achats d’œuvres exposés et de services additionnels (cadrage, photographies etc.) Le résultat sera une matrice de documents mis en relation, grâce un vrai travail de recherche: informations sur les artistes, transcription des informations sur les œuvres d’art, photographies historiques, originaux, documents archives. Ce projet n’est pas encore en ligne, mais il illustre bien l’intérêt qu’il y a à ne se pas s’enfermer dans une logique traditionelle de cloisonnement entre divers types de média. Et il faut bien voir que les programmes de numérisation à grande échelle, avec numérisation en mode images ou tout au plus océrisation plus ou moins bien structurée, aussi bénéfiques qu’ils soient pour atteindre vite une masse critique de documents, ne constituent qu’une première étape dans un procès qui nous mène probablement vers un degré interactivité jusqu’ici inconnu entre documents de types divers. Toujours est-il qu’on voit pas encore très clairement comment on arrivera à faire passer toutes ces informations qui dépassent le cadre habituel d’un signalement de catalogue de bibliothèque dans les moteurs de recherche dont se sert notre public. Permettez-moi de citer encore deux autres exemples de ce type, projets concernant cette fois particulièrement le domaine de la provenance et des restitutions : Le projet « catalogues de la galerie d’art Heinemann en ligne », projet du Deutsches Kunstarchiv à Nuremberg avec le Zentralinstitut à Munich et la Kunstbibliothek de Berlin a 14 pour but de relier les informations contenues dans les catalogues, souvent annotés et dans les archives de cette galerie munichoise, fondée en 1872 et supprimée par les nazis en 1939. On estime à 15.000 le nombre d’œuvres d’art et à 10.000 le nombre de personnes et d’instutions impliquées. Cf. http://www.zikg.eu/main/projekte.htm#heinemann Un projet similaire, lui aussi financé par la « Arbeitsstelle für Provenienrecherche » de la Fondation Preussischer Kulturbesitz et organisé par le Zentralinstitut avec la maison de ventes Neumeister de Munich concerne le marchand d’art Adolf Weinmüller qui fut au service des nazis pendant toute l’époque du IIIe Reich. Ici encore, la numérisation des catalogues, parfois annotés, sera complétée par une transcription et des recherches historiques supplémentaires basées sur les archives Weinmüller. Cf. http://www.zikg.eu/main/projekte.htm#weinmueller Catalogue de vente annoté, Adolf Weinmüller, 6.-7. 12. 1939 Il y a bien sûr d’autres projets qui mériteraient d’être mentionnés, mais devant l’impossibilite évidente de les apprécier tous à leur juste valeur et d’en faire une énumération, qui serait fastidieuse, nous avons préféré faire un choix quelque peu volontaire, voire égoїste. J’ai tenu surtout à faire ressortir une certaine typologie des approches. Comme en France, des projets de recherche comprenant des numérisations de fonds spécialisés et bien délimités sont en cours un peu partout dans les grandes bibliothèques d’art allemandes et dans les instituts de recherche, à commencer par la numérisation, fort avancée, des livres rares de la Bibliotheca Hertziana à Rome, en passant par le projet ambitieux que le Kunsthistorisches Institut à Florence consacre aux guides et inventaires de Florence, avec mode texte en transcription, au projet coopératif « Pro Firenze futurista » que le même Kunsthistorisches réalisera ensemble avec des partenaires italiens, et notamment la Biblioteca Marucelliana. Moyennant ce projet, les recherches sur le mouvement futuriste vont finalement disposer non seulement des numérisations de matériaux rares, mais encore d’une sorte d’environnement de recherche, réunissant des documents de type divers. N’oublions pas non plus les pays germanophones comme l’Autriche et la Suisse. Même la bibliothèque d’art la plus mystérieusement conservatrice, la bibliothèque de la Fondation Bibliothek Werner Oechslin à Einsiedeln, a commencé à produire des numérisations, en l’espèce des éditions de Vitruve, bel exemple pour l’importance, voir le rôle indispensable des bibliothèques spécialisées. Cf. http://www.bibliothek-oechslin.ch/d/forschung.php?nav=320&id_research=220. 15 3. Conclusion Tout compte fait, il semble que les grandes bibliothèques d’art allemandes préconisent à présent la numérisation de fonds spécialisés allant du 19e siècle finissant au début du 20e siècle : catalogues d’expositions, de galeries, revues d’art. Ce choix s’explique par l’intérêt particulier de ses matériaux pour la recherche et par la qualité des fonds. Typologiquement, sinon chronologiquement, ce choix correspond d’ailleurs assez bien à celui que vous avez opéré pour la coopération amorcée entre la BnF et l’INHA. L’essentiel de la situation en Allemagne peut peut-être se résumer comme suit: Aucun programme officiel pour la numérisation concertée d’imprimés en arts n’existe. Il n’y a pas non plus de réseau d’information réciproque de tous les acteurs potentiellement concernés : bibliothèques d’art, bibliothèques SSG (« CADIST »), grandes bibliothèques universelles. Le portail arthistoricum.net a produit un minimum de coordination (concentration partielle sur la période allant de 1871 à 1945) et de mise en valeur commune. La B.U. de Heidelberg a lancé la numérisation d’un corpus international de référence concernant des publications qui sont tombées dans le domaine public, surtout des monographies avant 1900, et un programme consacré à revues d’art allemandes. Des bibliothèques d’art individuelles ont lancé des projets de numérisation de fonds spécialisés: surtout catalogues d’expositions, catalogues de galeries, revues d’art. La multitude des projets en arts n’est pas articulé avec les projets de numérisation de masse, notamment Google Books. On ne sait pas dans quelle mesure ces projets vont trouver des solutions satisfaisantes pour le livre illustré et pour les matériaux spécialisés, souvent fragiles ou difficles à manier. Pour finir, je voudrais féliciter la France pour mettre en œuvre un programme basé sur le principe de la coopération, tout en rappelant qu’à des solutions nationales pour valoriser le patrimoine national devrait s’ajouter une coordination internationale, du moins européenne. 16