Un nouveau fléau pour l`Europe
Transcrição
Un nouveau fléau pour l`Europe
Te c h n i q u e s Châtaignier Fléau Henri Breisch, Ctifl Jean-Claude Streito, LNPV Montpellier* Infos-Ctifl-n° 204 Résumé Un nouveau ravageur, Dryocosmus kuriphilus, du châtaignier vient d’être découvert en Italie. Ce microhyménoptère de la famille des cynipidés attaque les bourgeons verts et dormants du châtaignier en juin-juillet et ses larves provoquent des galles au printemps suivant dès le débourrement. La production en est fortement diminuée et des mortalités d’arbres sont possibles. Les moyens de lutte sont limités et longs à mettre en œuvre. Le Japon, pays très touché, a sélectionné des variétés de plus en plus tolérantes et a aussi développé une lutte biologique au moyen d’un autre micro-hyménoptère Torymus sinensis qui parasite le cynips. La filière française se mobilise avec le Service de la protection de végétaux (SPV) pour faire faceau risque d'apparition du cynips. Symptômes du cynips du châtaignier sur Marsol Oriental chestnut gall wasp: a new plague for Europe A new chestnut pest, Dryocosmus kuriphilus, was recently reported for the first time in Italy. This microhymenopteran insect of the Cynipidae attacks the green and dormant buds of the chestnut tree in June and July, and its larvae cause gall formation as soon as bud burst occurs the following spring. Yield is sharply diminished and the trees can even die. The available means of control are limited and timeconsuming to implement. Japan, which has been heavily hit by this problem, has been selecting increasingly tolerant varieties, while also developing biological control based on another microhymenopteran insect, Torymus sinensis, which parasitises the gall wasp. The French sector is mobilising its efforts in collaboration with the Service de la Protection des Végétaux (SPV) (plant protection agency) in order to be prepared wis the gall wasp . Le cynips du châtaignier Un nouveau fléau pour l’Europe A près la maladie de l’encre causée par deux espèces de champignon du genre Phytophthora à la fin du 19e siècle et le chancre de l’écorce (Cryphonectria parasitica) arrivé en France dans les années 1950, le troisième grand fléau du châtaignier vient d’arriver en Europe via l’Italie sous la forme d’un cynips : LNPV Montpellier* : Laboratoire national de la protection des végétaux 2 place Paul Viala 34060 Montpellier Cedex 01 34 Infos-Ctifl/Septembre 2004 un petit insecte très difficile à combattre. Son impact peut être considérable. On sait déjà que l’espèce européenne Castanea sativa est sensible et que le patrimoine génétique européen s’en trouve donc menacé dans son ensemble. Un symposium organisé à Cuneo (Italie) en mai dernier a permis de faire le point. Une extension inexorable Le cynips du châtaignier Dryocosmus kuriphilus Yasumatsu est un petit hyménoptère de la famille des Cynipidae qui provoque des galles. Originaire de Chine où il vit de façon endémique dans une population de châtaigniers Castanea mollissima moyennement résistante, il a été découvert au Japon vers 1940 où il a fait de gros ravages, puis il est apparu en Corée en 1958, puis aux Etats-Unis en 1974. Il vient d’être découvert en Italie en 2002 dans la région de Cuneo (Piémont). On peut noter qu’il a suivi ainsi le même parcours que l’agent du chancre de l’écorce. Il a déjà attaqué les espèces C. mollissima, C. crenata et C. dentata. Nous savons aujourd’hui que le châtaignier européen C. sativa aussi est sensible. Il faut donc être extrêmement vigilant en matière d’importation de matériel végétal : scions et greffons en particulier en provenance d’Asie, d’Amérique et d’Italie d’autant plus qu’une réglementation adaptée n’est pas encore en place. Des symptômes faciles à identifier Au printemps, au débourrement, les bourgeons, au lieu de donner naissance à une pousse feuillée, se mettent à gonfler pour former une galle. Généralement tous les bourgeons d’un rameau sont concernés ce qui fait mourir le rameau ou bien les deux ou trois derniers bourgeons formés n’ont pas été attaqués et donnent des pousses normales. Les arbres atteints ont des feuilles sèches mélangées à des feuilles vertes. Châtaignier Fléau Infos-Ctifl-n° 204 tin), il n’y a que des femelles, elles se reproduisent par parthénogenèse thélytoque. Les adultes mesurent 3 mm de long, tête, thorax et abdomen sont d’un noir brillant, les pattes et la base des antennes sont brun jaune. Les adultes émergent des galles en juin et le vol dure jusqu’à fin juillet en Italie. L’émergence est complète en trois semaines. Ils pondent aussitôt par groupes de trois à cinq œufs par bourgeon dans les bourgeons latents et verts placés à l’aisselle des feuilles de la pousse en cours de croissance. Plusieurs adultes peuvent pondre dans le même bourgeon et on peut compter plus de 25 œufs par bourgeon. L’œuf ovale, blanc laiteux, mesure 0,1 à 0,2 mm de long. L’incubation des œufs dure 40 jours. Après éclosion, les larves blanc laiteux au début, font un début de croissance en fin d’été, qui se ralentit pendant l’automne et l’hiver. Leur présence ne laisse pas de trace : les bourgeons, en hiver, conservent une apparence normale. Les larves reprennent leur croissance au printemps. Sous l’effet des toxines qu’elles secrètent il se forme rapidement (en une à deux semaines) des galles de 8 à 15 mm de diamètre à la place des pousses normales ou à la place des feuilles et parfois des chatons. La croissance larvaire dure alors 20 à 30 jours avant la nymphose. En fin de croissance, les larves mesurent 2,5 mm de long. La pupe est noire et mesure 2,5 mm de long. Après l’envol des adultes, la galle sèche, devient ligneuse et peut rester ainsi sur l’arbre plusieurs années. Lorsque plusieurs bourgeons sont attaqués le rameau peut en mourir et comme il s’agit généralement d’une pousse fructifère c’est d’abord la production qui est condamnée mais l’infestation peut être plus intense, au Japon des arbres en sont morts. La propagation de l’insecte se fait d’une part par le vol des adultes (quelques kilomètres par an) et d’autre part par le transport de pousses infestées (greffons, scions). Stratégies de protection Différents moyens de lutte sont à notre disposition qui, si l’on en croit l’expérience japonaise doivent être mis en œuvre tous ensembles pour obtenir un résultat acceptable. Prophylaxie Le ravageur n’étant pas encore répandu en France, il faut donc pratiquer une prophylaxie sévère pour retarder son extension d’autant plus que les mesures réglementaires ne sont pas encore en place (voir encadré). Le plus gros danger vient des importations de scions de la région de Cuneo, or plusieurs centaines de plants en provenance de cette région sont importés chaque année vers le Sud-Ouest et le SudEst la France. Lutte chimique Au Japon, pays qui a été le premier confronté d’une façon très sévère à ce ravageur, on a d’abord pratiqué une lutte chimique dans les années 60 avec des produits orPhoto Fruit Tree Research Station – Tsukuba – Japon). Te c h n i q u e s Des dégâts considérables La première conséquence de l’attaque est la forte baisse de la production : 60 à 80 % constatés en Italie. Dans le cas de fortes attaques sur des variétés très sensibles, cela peut aller jusqu’à la mort de l’arbre en été. Au Japon, la plupart des vieilles variétés ont disparu à cause du cynips et l’insecte est une des causes du déclin de la production japonaise de châtaignes qui a chuté de moitié entre 1980 et 2000 passant de 60 000 t à 30 000 t. Éléments de biologie D. kuriphilus fait l’essentiel de son cycle à l’intérieur d’un bourgeon : de l’œuf à la nymphe. Il n’a qu’une génération par an (il est univol- Cynips adulte en position de ponte sur un bourgeon 35 Infos-Ctifl/Septembre 2004 Châtaignier gano-phosphorés (parathion) dont le résultat a été jugé insuffisant. Il est d’ailleurs possible que des traitements insecticides répétés détruisaient aussi les prédateurs naturels du cynips. Il semble que seuls des insecticides systémiques puissent avoir un effet mais pour le moment on en a aucune preuve. Des essais de traitements insecticides sont en cours actuellement en Italie. Fléau philus. Sa période de vol et donc de ponte correspond au débourrement c’est-à-dire au début de l’activité des larves du cynips et de la formation des galles. Il n’empèche pas les galles de se former, tout au plus, il en diminue le volume final car la larve parasitée du cynips ne peut pas aller au bout de son développement mais, au printemps suivant c’est lui qui sort de la galle. Son effet est de diminuer fortement les populations de cynips. Au Japon où il a été introduit en 1982, on observe plusieurs années après une introduction : cent T. sinensis et seulement dix cynips pour cent galles (S. Moriya 1989). Cette lutte biologique associée à des variétés assez résistantes semble avoir donné satisfaction aux producteurs. En Italie, Georges Melika, un spécialiste hongrois des cynipidés a inventorié sept espèces d’hyménoptères hyperparasites du cynips du châtaignier, ils sont communs sur des espèces de cynips des chênes mais aucun ne semble pour le moment très efficace sur celui du châtaignier. L’université de Turin a procédé à des introductions de T. sinensis dans la région de Cunéo. L’insecte est encore mal acclimaté, son vol est trop précoce, entre mars et avril, seuls les derniers insectes peuvent pondre dans les galles. On peut cependant espérer que les derniers insectes émergents serviront de base à une nouvelle population adaptée au cycle du cynips en Europe. La dispersion sera longue, au Japon il a fallu six ans pour que T. sinensis migre seul hors des zones d’introduction. Il peut arriver, pour des raisons climatiques probablement, que sa population baisse sur une période de deux ou trois ans et que le cynips en profite pour se développer à nouveau pendant cette période. L’Inra de Valbonne, dont la lutte biologique contre des ravageurs d’introduction récente est une spécialité, est informé du problème. Sensibilité des variétés et lutte génétique Au Japon toujours, il est apparu assez rapidement que certaines variétés n’étaient pas ou peu attaquées et un programme de création variétale a démarré aboutissant à une première vague de variétés résistantes comme Ginyose, Tsukuba, Tanzawa, Ibuki… La résistance est basée sur la composition biochimique (polyphénols, protéines…) des tissus verts du châtaignier. Puis l’insecte, grâce à une mutation ou une sélection naturelle a réussi à contourner cette résistance et la recherche a sélectionné une deuxième génération de variétés encore plus résistantes comme Ishizuchi, Kunimi et Shihou. Ginyose reste cependant dans le groupe des variétés résistantes. Les premières observations en Italie montrent que les variétés C. sativa de la région de Cunéo telles : Garonne Negro (surtout), Garonne Rosso, Temporivo, Castagna della Madona sont sensibles et aucune variété tolérante n’est apparue. Du côté des hybrides interspécifiques, Marsol est très sensible, Marigoule aussi, par contre Bouche de Bétizac résiste. Cette dernière variété est piquée par l’insecte mais les larves meurent et au printemps suivant on voit seulement quelques feuilles légèrement déformées par les piqûres à la base des rameaux. Compte tenu du contournement de la résistance observé au Japon, il est encore trop tôt pour dire que Bouche de Bétizac est totalement résistante. Ces premiers constats sont un argument essentiel pour relancer la création variétale du châtaignier (Tableau 1). Henri Breisch, Ctifl Jean-Claude Streito, LNPV Montpellier* Infos-Ctifl-n° 204 Photo : G. Bosio SFR Reg. Piemonte Te c h n i q u e s Larves dans leur galle La défense s’organise D’abord en Italie où les autorités phytosanitaires du Piémont se sont mobilisées depuis 2002 pour : - alerter la profession ; - rédiger une PRA (Analyse du risque phytosanitaire) dont le résultat final a évalué le risque d’introduction à 6,4 et le risque d’impact économique à 6,1 pour une note maximale de 9 ; - faire adopter des mesures administratives par la région Piémont parues dans son Bulletin Officiel du 5 Juin 2003 ; - mettre en œuvre une surveillance de l’extension du ravageur et des contrôles dans les pépinières où le matériel contaminé est brûlé. En France où la nouvelle a été connue dès l’automne 2002 par un article italien, le Ctifl a répercuté l’alerte auprès du SPV et de la profession, une note d’information a été diffusée à une soixantaine de responsables professionnels, pépiniéristes spécialisés (fruitiers et forestiers) techniciens ainsi qu’au Département Santé des Forêts. Le LNPV de Montpellier a rédigé une fiche descriptive du cynips qui a été diffusée aux Tableau 1-Sensibilité des espèces du genre Castanea La lutte biologique L’étude de l’insecte en Chine, son pays d’origine où des variétés moyennement sensibles poussent sans trop de dommages, a montré qu’il avait des ennemis naturels dont le plus efficace est Torymus sinensis Kamijo un autre micro-hyménoptère de la famille des Torymidae. Ce dernier agit en hyperparasite c’est-à-dire qu’il pond ses œufs dans les larves de D. kuri- 36 Espèces Origine Sensibilité C. mollissima C. crenata C. dentata C. sativa C. pumila Chine Japon, Corée États-Unis Europe, Asie Mineure États-Unis Sensible mais contient des clones résistants Sensible mais contient des clones résistants Sensible Sensible Seraient résistants, ils produisent des fruits de très petits calibres et n’ont qu’un fruit par bogue C. henryi C. mollissima X C. dentata C. sativa X C. crenata Chine États-Unis France Infos-Ctifl/Septembre 2004 on signale des clones résistants aux États-Unis Bouche de Bétizac résiste pour le moment (création Inra : Bouche Rouge X C. crenata CA 04) Te c h n i q u e s Châtaignier contrôleurs de tous les SRPV pour les sensibiliser au problème et faciliter les premières détections notamment en pépinières. La section nationale châtaigne s’est mobilisée en démarches administratives officielles et pour une nouvelle vague d’information. En attendant l’inscription du cynips sur les listes de quarantaine et sur le passeport phytosanitaire européen, la section nationale a lancé une campagne d’identification des vergers à risque : des techniciens de la profession accompagnés d’agents du SPV ont commencé au printemps 2004 des visites dans les vergers plantés avec du matériel importé d’Italie depuis 1999-2000 dans le Sud-Ouest et le Sud-Est. Début juillet 2004, aucun signe du cynips en France. La châtaigneraie française la plus proche de la région atteinte de Cunéo est à Saint Dalmas de Tende soit à 30 km de là. Prévention, le maître-mot Troisième grand fléau pour le châtaignier après la maladie de l’encre et celle du chancre de l’écorce, le cynips est à nos portes et menace la production, le patrimoine végétal et les fragiles efforts pour renouveler cette culture. Il faut éviter absolument de l’introduire en France par des mesures prophylactiques efficaces soutenues par Fléau Infos-Ctifl-n° 204 la situation réglementaire Le cynips du châtaignier, insecte ravageur d’importance majeure, devrait être inscrit dans la liste européenne des organismes de quarantaine afin d’être pris en compte par le passeport phytosanitaire européen. Ce document doit accompagner toute transaction de matériel végétal à risque dans la Communauté européenne. La profession, par la voix du président de la section nationale châtaigne a demandé à la Direction Générale de l’Alimentation - Sous-Direction de la Qualité et de la Protection des Végétaux que ce nouveau ravageur pour l’Europe soit inscrit en liste A2 de quarantaine au niveau européen. Le dossier est soutenu par le ministère de l’Agriculture de la Pêche et des Affaires Rurales et devrait être examiné prochainement à Bruxelles. Nous pouvons espérer que l’inscription ait lieu rapidement et aboutisse à la prise en compte du cynips du châtaignier dans les exigences du passeport phytosanitaire. Rappelons que ce passeport est accompagné de contrôles dans les pépinières, que la présence du ravageur ou de la maladie entraîne l’impossibilité de commercialiser le matériel végétal contaminé par suppression du passeport. Il responsabilise ainsi les pépiniéristes et le pays d’origine en cas de détection du ravageur ou de la maladie sur le matériel vendu dans le pays ou exporté. une réglementation adaptée. Mais il faut quand même prévoir le risque d'introduction en préparant des moyens de lutte génétiques (création et sélection variétale) et biologiques (étude des auxiliaires potentiels et notamment de Torymus sinensis dès à présent), avant l’apparition du cynips en France. L’observation attentive de ce qui se passe en Italie dans le Piémont peut nous aider à orienter notre stratégie. Pour tous renseignements complémentaires, contacter : • H. Breisch : note d’information, bibliographie sur le cynips, [email protected]. • J.-Claude Streito : fiche descriptive du cynips, [email protected]. • B. Hennion : responasable programme châtaigne, [email protected] • Marion Gonard : animatrice Section nationale châtaigne, [email protected]. r Schéma des cycles simultanés de Dryocosmus kuriphilus et de Torymus sinensis (d’après Otake 1985) ÉTÉ Nymphose La galle gonfle avec le développement des larves à l'intérieur PRINTEMPS Émergence Les adultes pondent dans les bourgeons dormants nymphose émergence qui se développeront au printemps suivant Éclosion Larves matures dans les galles Les adultes attaquent les galles au premier stade de leur développement Les larves matures restent en diapause dans les galles flétries AUTOMNE Jeunes larves dans les bourgeons Émergence Torymus sinensis Dryocosmus kuriphilus HIVER Pas de différence d'aspect entre bourgeons sains et bourgeons infestés 37 Infos-Ctifl/Septembre 2004
Documentos relacionados
Clermont - Montpellier
Saint-André, le sélectionneur, qui l’a titularisé lors de 22 de ses 23 matchs à la tête du XV de France, le Clermontois porte sur ses épaules les espoirs de progrès de l’attaque française. Mais un ...
Leia mais