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A RAÍZ AFECTUOSA
(1972)
Les Yeux d'Ulysse.p65
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LA RACINE AFFECTUEUSE
(1972)
(traduction d’Armand Guibert)
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A RAIZ AFECTUOSA
Com os anos
a pouco e pouco
a raiz afectuosa
penetrou
no fundo da terra
até chegar
ao mais pequeno
e mais antigo
veio de lágrimas.
UM RIO PARA OS INCAS
Ressuscito os Incas: um rio
saindo docemente da boca.
APENAS COISAS
Apenas coisas, forças elementares:
O sangue que se dá,
a pele que se ama,
a passagem das nuvens,
a voz de um amigo,
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LA RACINE AFFECTUEUSE
Avec les ans
peu à peu
la racine affectueuse
a pénétré
au fond de la terre
jusqu’à atteindre
à la plus menue
et la plus ancienne
veine de larmes.
UN RUISSEAU POUR LES INCAS
Je ressuscite les Incas : un ruisseau
qui sort doucement de la bouche.
RIEN QUE DES CHOSES
Rien que des choses, forces élémentaires :
Le sang que l’on donne,
la peau que l’on aime,
le passage des nuages,
la voix d’un ami,
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o escuro reboco do tempo,
ele próprio lava corrupta,
a única, única vida,
o corpo, a carne,
o futuro dos homens.
TEMPESTADE
Como no último dia do ódio de Deus,
chove fogo e argila.
Sob o rufar dos telhados, sós, à janela,
esperam as crianças no claustro de seus olhos.
DANTE
Dante, meu astronauta do passado,
poalho que busco
como quem regressa
e encontra o chão habitual
– não o poeta, mas o homem
que confiava no homem
e a muitos rostos queria,
a tantas bocas, a certas casas
e seus recantos.
Decerto que teve a alegria
de levar as plantas
a beber pelo solo e pelas folhas,
viu comer os animais vorazmente
e deles se aproximou
como canavial junto às vinhas
cerca do mar. Plantou uma,
quantas árvores em chão molhado?
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l’obscur crépi du temps,
lui-même lave corrompue,
l’unique vie, l’unique,
le corps, la chair,
le futur des hommes.
TEMPÊTE
Comme au dernier jour de la haine divine,
il pleut du feu et de l’argile.
Sous le plissement des toitures, seuls, à la fenêtre
attendent les enfants dans le cloître de leurs yeux.
DANTE
Dante, mon astronaute du passé,
fine poudre que je cherche
comme l’homme de retour
qui trouve le sol habituel
– non le poète, mais l’homme
qui se fiait en l’homme
et qui aimait tant de visages,
tant de bouches, et certaines maisons
avec leurs recoins.
À coup sûr il eut la joie
d’amener les plantes
à boire par le sol et par les feuilles,
il vit manger les animaux voracement
et d’eux il s’approcha
comme les cannaies près des vignes
à proximité de la mer. Il en planta une,
combien de tiges en terrain mouillé ?
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Entrando por suas grutas tépidas
quantas mulheres desejou possuir?
Que suores na mão,
que fontes da vida
o jovem e depois o homem grave
não conheceu?
O que levou com ele, quanto não disse,
que desgostos, júbilos?
ELEGIA PARA ANA ACHMATOVA
Foi em 5 de Março, quase no fim deste Inverno.
Com outra luz gostaria de ter entregue o corpo.
Nevoeiro que nos montes se rasgava, despedaçado pelas árvores mais altas, herdara de Emily
Dickinson o deslumbrante hálito sonâmbulo e
de Safo o voo apaixonado.
Safo, Emily Dickinson – duas vezes mortas.
IN MEMORIAM
Ao lado do corpo de meu Pai
chorava esta pobre carne.
E de repente chegou a tua
e minha felicidade:
A teu lado estou
sorrindo a chamar-te,
espero que regresses a casa,
ansiosamente corro para a porta.
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S’introduisant par leurs grottes tièdes
que de femmes désira-t-il posséder ?
Quelles sueurs dans la main,
quelles sources de la vie
l’adolescent, puis l’homme grave
ne connut-il ?
Qu’emporta-t-il avec lui, sans en rien dire,
quels déboires, quels enchantements ?
ÉLÉGIE POUR ANNA AKHMATOVA
Ce fut le 5 mars, presque à la fin de cet Hiver.
Sur un autre éclair elle aurait aimé livrer son corps.
Brume qui dans les monts se déchirait,
effilochée par les arbres les plus hauts, elle avait hérité
d’Emily Dickinson l’éblouissante haleine
somnambule, et de Sapho le vol passionné.
Sapho, Emily Dickinson – mortes deux fois.
IN MEMORIAM
Auprès du corps de mon Père
pleurait cette pauvre chair.
Et subitement survint ton
bonheur avec le mien :
À tes côtés je suis,
je t’appelle souriant,
j’espère qu’à la maison tu retourneras,
anxieusement je cours à la porte.
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E ao colo sinto o teu calor,
contigo passeio pela mão,
pergunto, pergunto e tu respondes
ocultando o fim da vida.
Ver-te dormir, alegria
igual à tua
quando de noite
tranquilo eu respirava.
Tenho três anos e tu, Pai, és jovem,
grande, senhor do mundo,
deus docemente temido
desde o início.
Assim te amo agora sem lágrimas.
Que deste modo teus netos
um dia se recordem de mim,
na tua, minha e deles
pura ignorância da morte.
AS ADOLESCENTES
A pele mosqueada da maçã reineta,
um ar vago e doce, feliz.
Subitamente correm como rapazes,
são a corda do arco
que se dilata e a seta do corpo
chega aos quinze anos
quando abrem as ancas
e amam como se fossem mães.
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Dans tes bras je sens la chaleur,
avec toi je me promène, la main dans la main,
je demande, je demande et tu réponds
en cachant la fin de la vie.
Te voir dormir, joie
égale à la tienne
lorsque la nuit
tranquille je respirais.
J’ai trois ans et toi, Père, tu es jeune,
grand, seigneur du monde,
dieu doucement redouté
depuis le commencement.
Je t’aime ainsi maintenant sans pleurer.
Que tes petits-enfants de même façon
un jour se souviennent de moi,
dans cette tienne et mienne et leur
pure ignorance de la mort.
LES ADOLESCENTES
La peau tachetée de pomme reinette,
un air vague et gentil, heureux.
Subitement elles courent comme des garçons,
elles sont la corde de l’arc
qui se dilate et la flèche du corps
fait mouche à quinze ans,
quand elles ouvrent les hanches
et qu’elles aiment comme des mères.
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