LA VIE EN VERS - Éditions de La Différence

Transcrição

LA VIE EN VERS - Éditions de La Différence
teresa rita lopes
la vie en vers
poèmes
choix, traduction du portugais
et préface de catherine dumas
le fleuve et l’Écho
ÉDITIONS DE LA DIFFÉRENCE
La Vie en vers.indd 5
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L’OISEAU DE POCHE
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Autofotobiografia
Que difícil que é o ser contar-se e ver-se
de fora!
E contudo, às vezes, apetece contar o conto
de quem somos.
Nascer já órfã deve ter feito a Vida
apiedar-se de mim:
deu-me uns olhos de água
para chorar minha mágua
mas também para espelhar
o céu e a lua e as estrelas
e o azul dos montes
ao longe.
Fez-me nascer anfíbia: sou da terra
e da água
ah sim! a cor clara dos olhos briga com
a da pele morena.
Meus antepassados andaluzes legaram-me
certamente esta cor tisnada
e o nostálgico prazer do flamenco.
(Eh! García Lorca, talvez meu remoto primo, como
teria gostado de te conhecer!)
Dos avós paternos
da Serra de Alcoutim e Martinlongo herdei talvez
o hábito do parco e do pouco e do silêncio
e de tocar e cheirar e contemplar as doces águas dos rios
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Autophotobiographie
Qu’il est difficile de se raconter et de se voir
du dehors !
Et pourtant, on a envie parfois de conter le conte
de celui que nous sommes.
Je crois que la Vie a eu pitié de moi
quand je suis née déjà orpheline :
elle m’a donné des yeux d’eau
pour pleurer ma peine
mais aussi pour refléter
le ciel et la lune et les étoiles
et le bleu des montagnes
au loin.
Elle m’a fait naître amphibie : je suis de la terre
et de l’eau
oh oui ! la couleur claire de mes yeux détonne avec
celle de ma peau brune.
Mes aïeux andalous m’ont certainement
légué ce teint foncé
et le plaisir nostalgique du flamenco.
(Eh ! García Lorca, mon lointain cousin peut-être, comme
j’aurais aimé te connaître !)
De mes grands-parents paternels
des montagnes d’Alcoutim et de Martinlongo j’ai peut-être hérité
l’habitude du frugal et du peu et du silence
et celle de toucher et de respirer et de contempler les eaux douces
des fleuves
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e de percorrer com as mãos e os olhos o debrum
nítido dos montes e das palavras.
Amo alternadamente
o mar, esse cavalo bravo, e o rio, esse humilde
burrinho manso.
Da minha avó Maria Rita, parteira, herdei
talvez o prazer de trazer novos seres ao mundo
meus e alheios
livros (bem que o Pessoa tem lucrado com isso!).
Do avô sargento Alfredo, zeloso guarda-rio, cumpridor de seus
deveres
mas também agricultor de uma réstea de chão à beira-rio
em que sobretudo plantava flores,
herdei talvez minha ríspida exigência
do cumprimento das regras do jogo.
Da avó Teresa Manuela me vem esta casa
e esta horta de Cacela
e o gosto por árvores e frutos e flores
e com certeza um certo jeito autoritário de ser (de que tanto
e tantos se queixam).
Com o avô Pedro olhava as estrelas,
à noite, no Verão, sentados no bordo do tanque
e o lume, na
cozinha, no Inverno
e partilhava o gosto de ler e ouvir música
(para ele a horta era um degredo. Ferroviário aposentado, gostava
era de montar combóios, à rédea solta).
Da Mãe Alda e da outra Mãe
que tive (e ainda tenho), a Tia Teresa, herdei a irrequietação
dos dedos sempre ansiosos de engendrar:
rendas e bordados e crochet e tricot
e sobretudo a Mãe, também cozinhados e bolos.
Por mim apenas trabalho com palavras:
são sílabas
as linhas com que me coso.
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et de parcourir des mains et des yeux le bord
net des monts et des mots.
J’aime tour à tour
la mer, ce cheval sauvage, et le fleuve, cet humble
petit âne si doux.
De ma grand-mère Maria Rita, sage-femme, j’ai hérité
peut-être le plaisir de donner de nouveaux êtres au monde
mes livres à moi
et ceux des autres (Pessoa en a bien profité !).
De mon grand-père le sergent Alfredo, garde fluvial zélé, soucieux
du devoir accompli
mais aussi agriculteur d’un arpent de terre sur les rives du fleuve
où il plantait surtout des fleurs,
j’ai peut-être hérité mon exigence acerbe
du respect des règles du jeu.
De ma grand-mère Teresa Manuela me viennent
cette maison de Cacela et son verger
et le goût des arbres et des fruits et des fleurs
et sûrement une certaine autorité dans ma manière d’être (dont mes
victimes se plaignent tant).
Avec mon grand-père Pedro nous regardions les étoiles,
la nuit, en été, assis sur le bord du bassin
et le feu, dans la
cuisine, en hiver
et je partageais son goût de la lecture et de la musique
(pour lui la campagne était un exil. Cheminot à la retraite, ce
qu’il aimait le plus, c’était de monter des trains, à bride abattue).
De Maman Alda et de l’autre Maman
que j’ai eue (et que j’ai encore), Tante Teresa, j’ai hérité la vivacité
des doigts toujours avides d’engendrer :
des dentelles et des broderies et du crochet et du tricot
et Maman surtout, des plats cuisinés et aussi des gâteaux.
Quant à moi, je ne travaille qu’avec des mots :
je tisse
les fils des syllabes.
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Do Pai, perdido antes de o ter,
herdei (dizia a minha Mãe) « a inteligência e o jeito para versos ».
A verdade é que nunca sei se sou da terra ou do mar,
se quero partir ou ficar.
Andar pelo mundo é gosto,
karma ou desafio? Não sei mas nunca paro.
E contudo gosto tanto de parar – à beira-mar, à
beira-terra, à beira-mim!
Apetece-me terminar
este conto
a imaginar que todos estes seres de que longinquamente
descendo:
judeus (os Lopes, é ver-lhes o perfil!), mouros
(na Andaluzia sinto-me em casa), piratas
vários (assaltantes ou náufragos destas costas)
de que não
conheço nomes nem feições
me acolherão um dia
na estação términus da minha última viagem
– um sítio
que será todos os sítios em que estive e não estive.
E à frente, as caras bem conhecidas e amadas dos avós,
tios e tias, e Mãe
(como será bom matar saudades
tão antigas mas tão vivas!)
Ah! e ao lado da Mãe, claro, o Pai
– que vou finalmente conhecer.
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De Papa, perdu avant de l’avoir eu,
j’ai hérité (disait Maman) « l’intelligence et le don pour les vers ».
À vrai dire, je ne sais jamais si je suis de la terre ou de la mer,
si je veux partir ou rester.
Parcourir le monde, est-ce un goût,
un karma ou un défi ? Je ne sais pas mais je ne m’arrête jamais.
Et pourtant j’aime tant m’arrêter – au bord de la mer, au bord
de la terre, au bord de moi !
J’ai envie de terminer
ce conte
en imaginant que tous ces êtres dont je descends
de loin,
juifs (les Lopes, il faut voir leur profil !), maures
(en Andalousie je me sens chez moi), pirates
divers (assaillants ou naufragés de ces rivages)
dont je ne
connais ni le nom ni les traits
m’accueilleront un jour
à la gare terminus de mon dernier voyage
– un lieu
qui sera tous les lieux où j’ai été et n’ai pas été.
Et devant eux, les visages bien connus et bien aimés de mes grands-parents,
de mes oncles et de mes tantes, et Maman
(comme il sera bon de combler une absence
si ancienne mais si vivante !)
Ah ! et à côté de Maman, bien sûr, Papa
– que je vais enfin connaître.
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