LA FLUTE ENCHANTEE

Transcrição

LA FLUTE ENCHANTEE
LA FLUTE ENCHANTEE
Emmanuel SCHIKANEDER et Wolfgang Amadeus MOZART
ACTE 1
(Tamino, en somptueux vêtement de chasse japonais descend d’un rocher ; il porte un arc, sans flèche ; un serpent le poursuit.
Puis entrent les trois dames)
N° 1 – INTRODUCTION
Tamino
Zu Hilfe ! zu Hilfe ! sonst bin ich verloren,
Der listigen Schlange zum Opfer erkoren.
Barmherzige Götter ! Schon nahet sie sich !
Ach rettet mich ! Ach schützet mich !
A l’aide ! A l’aide ! ou s’en est fait de moi,
Victime du serpent maléfique.
Dieux miséricordieux ! Le voici qui approche !
Ah ! Sauvez-moi ! Protégez-moi !
(Il perd connaissance ; aussitôt la porte du temple s’ouvre ; trois dames voilées entrent, portant chacune un javelot d’argent)
3 Dames
Stirb, Ungeheu’r, durch unsre Macht !
Triumph ! Triumph ! si ist vollbracht,
die Heldentat. Er ist befreit
Durch unsres Armes Tapferkeit.
Meurs, monstre funeste, meurs du pouvoir de nos
traits. Victoire ! Victoire ! Le geste héroïque est
accompli.
Nous l’avons libéré par notre bravoure.
1ère Dame (elle contemple Tamino)
Ein holder Jüngling, sanft und schön.
Quel jeune homme charmant, si beau et si tendre.
2ème Dame
So schön, als ich noch nie gesehn.
Plus beau que jamais je ne vis.
3ème Dame
Ja, ja, gewiss, zum Malen schön.
Si beau qu’on aimerait en peindre le portrait.
3 Dames
Würd’ich mein Herz der Liebe weihn,
So müsst es dieser Jüngling sein.
Lasst uns zu unsrer Fürstin eilen,
Ihr diese Nachricht zu erteilen.
Vielleicht, dass dieser schöne Mann
Die vor’ge Ruh’ ihr geben kann.
S’il fallait consacrer mon coeur à l’amour,
Il reviendrait à ce jeune homme.
Hâtons-nous de porter à notre princesse la nouvelle.
Cet homme si beau peut-être saura lui redonner la
paix qu’elle n’a plus.
1ère Dame
So geht und sagt es ihr,
Ich bleib indessen hier.
Allez donc et l’en prévenez
Tandis que moi, je reste ici.
2ème Dame
Nei, nein, geht ihr nur hin,
Ich wache hier für ihn !
Non, non, hâtez-vous toutes deux !
Je veillerai sur lui !
3ème Dame
Nein, nein, das kann nicht sein !
Ich schütze ihn allein !
Non, non, cela ne peut pas être ainsi !
Moi seule le garderai !
1ère Dame
Ich bleib indessen hier !
C’est à moi de rester ici !
1
2ème Dame
Ich wache hier für ihn !
C’est à moi de veiller sur lui !
3ème Dame
Ich schütze ihn allein !
Moi seule le garderai !
1ère Dame
Ich bleibe !
Je reste !
2ème Dame
Ich wache !
Je veille !
3ème Dame
Ich schütze !
Je garde !
3 Dames
Ich ! Ich ! Ich !
Moi ! Moi ! Moi !
(chacune à part)
Ich sollte fort ! Ei, ei, wie fein !
Sie wären gern bei ihm allein !
Nein, nein ! Das kann nicht sein.
Il faudrait que je parte ! Bonne aubaine !
Elles seraient alors seules à ses côtés !
Non, non, cela ne peut pas être !
(Alternativement, puis toutes trois ensemble)
Was wollte ich darum nich geben,
Könnt’ich mit diesem Jüngling leben !
Hätt’ich ihn doch so ganz allein !
Doch keine geht ; es kann nicht sein.
Am besten ist es nun, ich geh.
Du, Jüngling, schön und liebevoll,
Du trauter Jüngling, lebe wohl,
Bis ich dich wieder seh.
Que ne donnerais-je pas
Pour vivre avec ce jeune homme !
Et l’avoir à moi seule !
Mais aucune ne part. Mieux vaut donc que je parte.
Beau jeune homme si cher,
Qui appelle à l’amour,
Jeune homme bien aimé, adieu !
Puissè-je te revoir jamais.
(Elles se dirigent toutes trois vers la porte du temple qui s’ouvre et se ferme derrière elles)
DIALOGUE
Tamino (il s’éveille et regarde inquiet autour de lui)
Où suis-je ? Je rêve ou quoi ? Une puissance divine m’a-t-elle sauvée la vie ?
(Il se lève et regarde autour de lui)
Quoi ? ce maudit serpent est mort ?
(On entend au loin une flûte de Pan, Tamino parle durant la ritournelle)
Qu’est-ce que j’entends ? Mais où suis-je ?
(il se cache derrière un arbre)
N°2 – AIR DE PAPAGENO
(Papageno marche le long du chemin, portant sur l’épaule une grande volière avec des oiseaux de toutes sortes, tenant dans
une main une flûte de Pan.)
Papageno
Der Vogelfänger bin ich ja,
stets lustig, heisa, hopsassa !
Ich Volgenfänger bin bekannt
Bald alt und jung im ganzen Land.
Weiss mit dem Locken umzugehn
Und mich aufs Pfeifen zu verstehn.
Drum kann ich froh und lustig sein,
denn alle Vögel sind jam mein.
Oui, c’est moi l’oiseleur,
Toujours joyeux, hop là ! hop là !
Je suis connu comme oiseleur
Des jeunes et vieux de tout le pays.
Je sais très bien les attirer ;
L’art de la flûte est mon secret,
Et me voici tout guilleret
Car tous les oiseaux sont à moi.
(Il joue de la flûte)
2
Der Vogelfänger bin ich ja,
Stets lustig, heisa, hopsassa !
Ich Vogelfänger bin bekannt
Bei alt und jung im ganzen Land.
Ein Netz für Mädchen möchte ich,
Ich fing sie dutzendweis’ für mich ;
Dans sperrte ich sie bei mir ein,
Und alle Mädchen wären mein.
Oui, c’est moi l’oiseleur,
Toujours joyeux, hop là ! hop là !
Je suis connu comme oiseleur
Des jeunes et vieux de tout le pays.
Je voudrais un filet pour attraper les filles,
Par douzaines, s’entend !
Je les enfermerais,
Toutes seraient à moi !
(Il joue de la flûte)
Wenn alle Mädchen wären mein,
So tauschte ich brav Zucker ein,
Die, welche mir am liebsten wär’,
Der gäb’ich gleich den Zucker her.
Und küsste sie mich zärtlich dann,
Wär’ sie mein Weib und ich ihr Mann.
Sie schlief’ an meiner Seite an,
Ich wiegte wie ein King sie ein.
Si toutes étaient à moi,
Je les échangerai contre un morceau de sucre.
Mais à ma préférée
Donnerais tout ce sucre.
Elle me donnerait tendrement des baisers
Elle serait ma femme, je serais son mari.
Elle dormirait à mon côté,
Je la bercerais comme on berce un enfant.
(Il joue de la flûte)
(La chanson achevée, Tamino s’avance)
DIALOGUE
Tamino
Eh là !
Papageno
Quoi !
Tamino
Dis, drôle d’ami, qui es-tu ?
Papageno
Qui je suis ?
(à lui-même) Quelle question stupide !
(tout haut) Un homme comme toi ! Et toi qui es-tu ?
Tamino
Je suis de sang royal !
Papageno
De sang royal ?… Bah ! c’est trop compliqué pour moi !
Tamino
Mon père règne sur plusieurs grands pays et sur beaucoup d’hommes. C’est pourquoi on m’appelle
Prince.
Papageno
Hummm… ouais !… dis l’ami : il y a beaucoup de pays et d’hommes en dehors de ces montagnes ?
Tamino
Des milliers !
Papageno
Je pourrais peut-être faire des affaires avec mes oiseaux ?
3
Tamino
On verra ça plus tard si tu veux bien. Comment appelle-t-on cette région ? et qui la gouverne ?
Papageno
Ça, j’en sais rien du tout… je ne sais même pas où je suis né !
Tamino (riant)
Tu ne sais pas où tu es né ?
Papageno
Je sais seulement qu’un vieil homme très amusant m’a élevé et nourri.
Tamino
C’est sûrement ton père.
Papageno
J’en sais rien
Tamino
Tu n’as jamais connu ta mère non plus ?
Papageno
Non. J’ai entendu une fois qu’elle bosserait pour la Reine de la Nuit. Je sais même pas si elle vit encore !
Tout ce que je sais, c’est que je vis dans une piaule en paille pas très loin d’ici et que ça me protège de la
pluie et du froid.
Tamino
Mais comment vis-tu ?
Papageno
Ben, je mange et je bois comme tout le monde, quelle question !
Tamino
Non, je veux dire, comment fais-tu pour vivre ?
Papageno
Ah !!! grâce au troc !
Tamino
Au troc ?
Papageno
J’attrape toutes sortes d’oiseaux pour la Reine et ses jeunes femmes, en échange de quoi elles me
fournissent à boire et à manger.
Tamino
Dis-moi, mon bon ami, as-tu déjà rencontré cette Reine ?
Papageno (riant)
On voit bien que t’es pas du coin, toi ! Si tu continues à me poser des questions pareilles, je te jette dans
ma volière comme un oiseau, et je te vends avec tous les autres à la Reine de la Nuit et ses femmes. Je
suis sûr qu’elles auront un malin plaisir à te faire bouillir ou cuire dans leur marmite. (à lui-même et haussant
les épaules) Voir la Reine de la Nuit ! (fixant Tamino d’un air inquiet) Et puis pourquoi est-ce que tu me
regardes comme ça ?
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Tamino
Parce que je doute que tu sois un être humain !
Papageno (vexé)
Eh, faudrait arrêter les champignons !
Tamino
Avec ses plumes qui te couvrent, je te prendrais pour…
Papageno
Eh, si tu cherches des embrouilles, fais gaffe… j’ai la force d’un titan ! (à lui-même) Si je réussis pas à lui
foutre la trouille, j’ai intérêt à me barrer vite fait !
Tamino
La force d’un titan ? Alors, c’est toi qui as tué ce serpent ?
Papageno (paniqué)
Un Serpent ? Où ça ?… Ah !!!!
Tamino
Je voudrais te dire à quel point je te suis éternellement reconnaissant de cet acte courageux…
Papageno (se ressaisissant)
Y a pas de quoi !
Tamino
Comment as-tu fait pour tuer cette énorme bête ? tu n’as même pas d’arme !
Papageno
Pas besoin, j’ai une poigne d’enfer !
Tamino
Tu l’as donc étranglé ?
Papageno
Ouais ! (allant vérifier si le serpent est bien mort) Même moi, j’en suis pas revenu de la force que j’ai eue
aujourd’hui !
3 Dames (menaçantes)
PAPAGENO !!!
Papageno
Ah, je crois que c’est pour moi !
Tamino
Qui sont ces dames ?
Papageno
Ce sont les meufs dont je te parlais tout à l’heure ! Elle m’apporte à boire et à manger en échange des
oiseaux que je leur donne.
Tamino
Elles sont très belles, je suppose ?
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Papageno
Ça, ça m’étonnerait ! Si elles étaient si canon, elles auraient pas besoin de se cacher sous un store !
3 Dames (menaçantes)
PAPAGENO !!!
Papageno (emphatique et mondain)
Tu me demandes si elles sont belles ? Ma foi, de ma vie, je n’ai rien vu de plus ravissant ! (bas à Tamino)
Bon, j’espère qu’avec ça elles se calmeront…
3 Dames (menaçantes)
PAPAGENO !!!
Papageno
Quoi ? Qu’est-ce que j’ai dit encore ? eh, cool !!!… Voici mes belles, je vous remets mes oiseaux !
1ère Dame (lui tend un bouteille d’eau)
Notre Reine t’offre pour la première fois de l’eau claire à la place du vin.
Papageno
De la flotte ?
2ème Dame (lui tend une pierre)
Elle m’a ordonné de te donner cette pierre à la place des gâteaux. Je te souhaite bon appétit !
Papageno
Quoi ? je vais me taper ce cailloux ?
3ème Dame
Au lieu d’avoir de délicieuses figues, j’ai l’honneur de te poser un cadenas d’or sur la bouche.
(elle lui ferme la bouche avec un cadenas)
Papageno (exprimant sa douleur par des gestes)
Hummm !!!!
1ère Dame
Tu veux savoir pourquoi la Reine t’a puni si durement aujourd’hui ?
Papageno (acquiesce)
Hum.
2ème Dame
Afin que tu ne mentes plus aux étrangers.
3ème Dame
Afin que tu ne te vantes plus de prouesses accomplies par d’autres.
1ère Dame
Avoue : as-tu combattu le serpent ?
Papageno
(fait signe que non)
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2ème Dame
Qui était-ce ?
Papageno
(fait signe qu’il ne sait pas)
1ère Dame (à Tamino)
C’est nous qui t’avons libéré, charmant jeune homme.
3ème Dame (à Tamino)
Ne tremble pas : la joie et le bonheur t’attendent. La grande Princesse t’envoie ce tableau. C’est le portrait
de sa fille Pamina. Si tu n’es pas indifférent à sa beauté, le bonheur, l’honneur et la gloire te seront
destinés. Au revoir. (elle sort)
2ème Dame (à Papageno)
Adieu, monsieur Papageno !
1ère Dame
Ne bois pas trop vite !
(Elles sortent en riant)
N° 3 – AIR DE TAMINO
(dès qu’il a reçu le portrait, le considère avec attention ; son amour grandit bien qu’il semble sourd à toutes ces paroles)
Tamino
Dies Bildnis ist bezaubernd schön,
Wie noch kein Auge je gesehn !
Ich fühl es, wie dies Götterbild
Mein Herz mit neuer Regung füllt.
Dies Etwas kann ich zwar nicht nennen,
Doch fühl ich’s hier wie Feuer brennen.
Soll die Empfindung Liebe sein ?
Ja, ja , die Liebe ist’s allein.
O wenn ich sie nur finden könnte !
O wenn sie doch schon vor mir stände !
Ich würde – würde – warm und rein –
Was würde ich ? – Ich würde sie voll Entzücken
An diesen heissen Busen drücken.
Und ewig wäre sie dans mein.
Un portrait si charmant, de si rare beauté,
Jamais ne fut donné au regard d’un mortel.
Et je ressens combien cette image divine
Vient envahir mon cœur d’un tout nouvel émoi.
C’est un je ne sais quoi que je ne puis nommer.
Mais je sens comme un feu qui m’emplit et me
brûle.
Serait-ce donc l’amour que cette émotion ?
L’amour assurément se révèle à mes sens.
Ah ! S’il m’était donné d’atteindre son séjour !
Si déjà près de moi je la pouvais avoir !
De feux nouveaux et purs mon cœur serait empli.
J’oserais… dans ce ravissement j’oserais
Contre moi la presser en une ardente étreinte.
Elle serait à moi toute l’éternité.
(Il veut partir quand les 3 Dames réapparaissent)
DIALOGUE
1ère Dame
Arme-toi de courage ! Jeune homme, la Reine…
2ème Dame
…a décidé de te rendre heureux. Ce jeune homme, a-t-elle dit,…
3ème Dame
…peut sauver ma fille Pamina.
Tamino
Pamina ? la sauver ?
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1ère Dame
Un puissant démon l’a enlevé.
Tamino
Enlevée ? Où habite ce tyran ?
2ème Dame
Il habite non loin d’ici dans un château bien gardé.
Tamino
Conduisez-moi, mesdames ! que soit sauvée Pamina !
(le tonnerre résonne)
Quel est ce bruit ?
1ère Dame
C’est la Reine de la Nuit ! Elle arrive !
2ème Dame
Elle arrive !
3ème Dame
Elle arrive !
(il tonne à nouveau)
N°4 – RECITATIF ET AIR DE LA REINE DE LA NUIT
Reine de la Nuit
Ô zittre nicht, mein lieber Sohn !
Oh ne tremble pas, mon fils bien-aimé !
Du bist unschuldig, weise, fromm.
Tu es innocent, sage, pieu.
Ein Jüngling, so wie du, vermag am besten,
Un jeune homme comme toi saura à merveille,
Dies tief bretrümmte Muterherz zu trösten !
Consoler le cœur assombri d’une mère !
Zum Leiden bin ich auserkoren,
A la souffrance je suis condamnée,
Denn meine Tochter fehlet mir ;
Car ma fille m’a été enlevée ;
Durch sie ging all mein Glück verloren !
Avec elle s’est enfui tout mon bonheur !
Ein Bösewicht entfloh mit ihr.
Un démon me l’a arrachée.
Noch seh ich ihr Zittern
Je la vois encore trembler
Mit bangem Erschüttern,
Avec une agitation extrême,
Ich ängstliches Beben,
Ses tremblements anxieux,
Ihr schüchternes Streben.
Ses efforts impuissants.
Ich musste sie mir rauben sehen,
Je l’ai vue m’être enlevée,
Ach helft ! war alles, was sie sprach.
A l’aide ! ce fut tout ce qu’elle dit.
Allein vergebens war ihr Flehen,
Sa supplication seule fut vaine,
Denn meine Hilfe war zu schwach.
Car mon secours était trop faible.
Du, du, du wirst sie zu befreien gehen,
Toi, toi, tu iras la délivrer,
Du wirst der Tochter Retter sein ;
C’est toi qui le sauver de ma fille ;
Und wird ich dich als Sieger sehen,
Et je te verrais comme vainqueur,
so sei sie dann auf ewig dein.
Elle sera alors à jamais tienne.
(Elle sort avec les 3 Dames)
DIALOGUE
Tamino
Est-ce que j’ai rêvé ou quoi ?
(Tamino veut partir, mais Papageno se met en travers de son chemin)
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N° 5 – QUINTETTE
Papageno
Hm ! hm ! hm ! hm ! hm! hm !
Tanimo
Der Arme kann von Strafe sagen,
Denn seine Sprache ist dahin.
Ich kann nichts tun, als dich beklagen,
Weil ich zu schwach zu helfen bin.
Le pauvre est bel et bien puni,
Il n’a plus l’usage de la parole.
Je ne peux rien sinon te plaindre,
Je suis trop faible pour t’aider.
(les 3 Dames reviennent)
1ère Dame
Die Königin begnadigt dich,
erlässt die Strafe dir durch mich.
La Reine te fait grâce,
Et te pardonne ta faute.
(elle lui enlève le cadenas)
Papageno
Nun plaudert Papageno wieder.
Papageno parle à nouveau.
2ème Dame
Ja, plaudre ! Lüge nur nicht wieder.
Oui, parle ! Mais sans jamais mentir.
Papageno
Ich lüge nimmermehr. Nein ! Nein !
Je ne mentirai plus jamais. Non ! Non !
3 Dames
Dies Schloss soll deine Warnung sein.
Ce cadenas t’a mis en garde.
Papageno
Dies Schloss soll meine Warnung sein.
Ce cadenas m’a mis en garde.
Tutti
Bekämen Doch die Lügner alle
Ein solches Schloss vor ihren Mund;
Statt Hass, Verleumdung, schwarzer Galle,
Bestünden Lieb’ und Bruderbund.
Si on donnait à tout menteur
Un cadenas pour le faire taire,
Le fiel, la calomnie, la haine
A jamais cèderait à l’amour et aux liens fraternels.
1ère Dame (donne à Tamino une flûte)
O Prinz, nimm dies Geschenk von mir!
Dies sendet unsre Fürstin dir.
Die Zauberflöte wird dich schützen,
Im grössten Unglück unterstützen.
O Prince, accepte ce présent de moi !
Il t’est envoyé par notre reine.
La flûte magique te protègera,
Et t’apportera le secours dans le malheur !
3 Dames
Hiermit kannst du allmächtig handeln,
Der Menschen Leidenschaft verwandeln.
Der Traurige wird freudig sein,
Den Hagestolz nimmt Liebe ein.
Elle te donne le pouvoir
De transformer les passions ;
La tristesse se mue en joie,
Le vieux garçon apprend l’amour.
Tutti
O so eine Flöte ist mehr als Gold und Kronen wert.
Denn durch sie wird Menschenglück
und Zufriedenheit vermehrt.
O une flûte comme celle-ci vaut plus que l’or et les
couronnes. Car elle a le pouvoir d’accroître le
bonheur humain et la joie.
9
Papageno
Nun, ihr schönen Frauenzimmer,
Darf ich – so empfehl ich mich.
Et maintenant, ô belles Dames,
Permettez-moi de m’éloigner !
3 Dames
Dich empfehlen kannst du immer,
Doch bestimmt die Fürstin dich,
Mit dem Prinzen ohn’ Verweilen
Nach Sarastros Brug zu eilen.
Mais notre reine a décidé
De t’envoyer sans plus tarder
Vers le château de Sarastro
Et d’y accompagner le Prince.
Papageno
Nein, dafür bedank ich mich !
Von euch selbsten hörte ich,
Dass er wie ein Tigertier !
Sicher liess ohn’ alle Gnaden
Mich Sarastro rupfen, braten,
Setzte mich den Hunden für.
Non, je vous en remercie beaucoup !
Vous même m’avez bien appris,
Que c’est un tigre sans pareil !
Et qu’assurément, sans vergogne,
Il me ferait plumer, cuire,
Ou me jetterait à ses chiens.
3 Dames
Dich schützt der Prinz, trau ihm allein !
Dafür sollst du sein Diener sein.
Le prince veillera sur toi, et tu lui donneras ta foi !
Tu lui serviras d’écuyer.
Papageno (à lui-même)
Dass doch der Prinz beim Teuflel wär !
Mein Leben ist mir lieb ;
Am Ende schleicht, bei meiner Ehre,
Et von mir wie ein Dieb.
Que le diable emporte le prince !
Quant à moi, je tiens à la vie ;
Il pourrait, sur mon honneur,
Me planter là comme un voleur.
1ère Dame (elle lui tend un coffret contenant un jeu de clochettes)
Hier nimm dies Kleinod, es ist dein.
Prends ce joyaux-ci, il est pour toi.
Papageno
Ei, ei ! Was mag darinnen sein ?
Ah ! Ah ! Que peut-il contenir ?
3 Dames
Darinnen hörst du Glöckchen tönen.
Il contient des clochettes qui sonnent.
Papageno
Werd ich sie auch wohl spielen können ?
Est-ce que je pourrais aussi en jouer ?
3 Dames
O ganz gewiss ! ja, ja, gewiss !
Bien sûr, assurément ! oui, oui, assurément !
Tutti
Silberglöckchen, Zauberflöten,
Sind zu eurem (unserm) Schutz vonnöten.
Lebet wohl ! Wir wollen gehen.
Lebet wohl ! Auf Wiedersehn !
Clochettes d’argent, flûte magique,
Vous (nous) serviront de protection.
Adieu ! Nous devons partir.
Adieu ! Au revoir !
(Tous s’apprêtent à sortir)
10
Tamino
Doch, schöne Damen, saget an...
Encore un mot, belles dames, dites-nous donc...
Papageno
Wie man die Burg wohl finden kann ?
Comment peut-on trouver le château ?
3 Dames
Drei Knäbchen, jung, schön, hold und weise,
Umschweben euch auf eurer Reise.
Sie werden eure Führer sein,
flogt ihrem Rate ganz allein.
Trois garçons, jeunes, beaux, doux et tendres,
Vous escorteront pour votre voyage.
Ils seront vos guides avisés,
Vous ne suivrez que leur conseil.
Tamino et Papageno
Drei Knäbchen, jung, schön, hold und weise,
Umschweben uns auf unsrer Reise.
Trois garçons, jeunes, beaux, doux et tendres,
Nous escorteront pour notre voyage.
Tutti
So lebet wohl ! Wir wollen gehen,
lebt wohl, lebt wohl ! Auf Wiedersehn !
Adieu donc ! Nous devons partir,
Adieu, adieu ! Au revoir !
(Tous sortent)
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DEUXIEME TABLEAU
(Deux esclaves apportent de riches coussins ainsi qu’une luxueuse table turque. Ils déroulent des tapis.)
Deuxième Esclave (ricanant)
Ah ! Ah ! Ah ! Ah !
Premier Esclave
Qu’est-ce t’a à te marrer ?
Deuxième Esclave
Le chef sera pendu ou transformé en brochettes demain !
Premier Esclave
Quoi ?
Deuxième Esclave
A cause de la meuf qu’il garde !
Premier Esclave
Elle s’est encore barrée ?
Deuxième Esclave
Ouais !
Premier Esclave (riant à son tour)
Ah ! Ah ! Ah ! C’est super !
Monostatos (hors scène)
Eh vous, là-bas !
Deuxième Esclave (sur l’introduction musicale)
Monostatos !
N°6 – TRIO
Monostatos
Du feines Täubchen, nur herein !
Toi douce colombe, approche donc !
Pamina
O welche Marter, welche Pein !
Oh ! Quel tourment ! Oh ! Quel supplice !
Monostatos
Verloren ist dein Leben !
C’est en fini de ta vie !
Pamina
Der Tod marcht micht nicht beben,
Nur meine Mutter dauert mich ;
Sie stirbt vor Gram ganz sicherlich.
La mort ne peut me faire trembler,
Mais de ma mère j’ai pitié ;
Elle doit se mourir de chagrin.
Monostatos
He, Sklaven ! Legt ihr Fesseln an !
Mein Hass soll dich verderben.
Holà, Esclaves ! Qu’on l’enchaîne !
Que ma haine te soit fatale.
(Les esclaves enchaînent Pamina)
12
Pamina
O lasst mich lieber sterben,
Weil nichts, Barbar, dich rühren kann.
Oh ! laissez-moi plutôt mourir !
Si rien, barbare, ne t’émeut.
(Elle tombe sans connaissance)
Monostatos
Nun fort ! Lass mich bei ihr allein.
Sortez maintenant ! Laissez-moi seul près d’elle.
(les esclaves sortent)
Papageno (entre par la fenêtre)
Wo bin ich wohl ? Wo mag ich sein ?
Aha, da find ich Leute !
Gewagt, ich geh hinein.
Où suis-je donc ? Où puis-je être ?
Ah ah ! J’aperçois du monde !
Courage, je vais entrer.
(il entre)
Schön Mädchen, jung und fein,
Viel weisser noch als Kreide !
Belle demoiselle, jeune et douce,
Plus pâle qu’un linceul !
(Papageno et Monostatos s’aperçoivent, s’examinent mutuellement et se font peur l’un à l’autre)
Monostatos et Papageno
Hu ! Das ist – der Teu-fel si-cherlich !
Hab Mitleid – verschone mich !
Ouh ! C’est – le diable – as-su-ré-ment !
Ayez pitié – Epargne-moi !
(Ils s’enfuient chacun de son côté)
DIALOGUE
Pamina (parlant comme dans un rêve)
Maman ! Maman !
(elle reprend connaissance et regarde autour d’elle)
Quoi, je vis encore ? Oh, non, c’est trop cruel ! J’aimerais mieux mourir !
Papageno (revenant)
Non mais, je vais pas bien, de me payer une trouille pareille. Il y a bien des oiseaux noirs dans le ciel,
pourquoi il y aurait pas des êtres humains !
(regarde attentivement Pamina)
Ouais, ça a bien l’air d’être elle.
(s’adressant à Pamina)
Eh, toi, fille de la Reine de la Nuit…
Pamina
Qui es-tu ?
Papageno
Papageno.
Pamina
Papageno ?… Papageno… je me souviens avoir déjà entendu ce nom, mais je ne t’ai jamais vu.
Papageno
Moi non plus.
Pamina
Tu connais donc ma mère ?
Papageno
Si tu es la fille de la Reine de la Nuit, oui.
13
Pamina
Bien sûr que je le suis !
Papageno
Eh attends là ! Pas si vite !
(il contemple le portrait qu’il a reçu du prince, et qu’il porte maintenant attaché par un ruban autour du cou)
Les yeux… ok ! Les cheveux… ouais… la bouche… ouaou !!! Canon la meuf !… tout correspond, sauf la
tête et les pieds !
Pamina
Comment as-tu eu ce portrait ?
Papageno
Ce serait trop long à te raconter ! Disons qu’il est passé de mains en mains. Et je l’ai attrapé.
Pamina
Attrapé ?
Papageno
Bon, ok, je vais te raconter l’histoire ! J’arrivais, comme d’habitude, chez ta mère pour une livraison…
Pamina
Une livraison ?
Papageno
Non, je te rassure, je suis pas livreur de pizza ! Je bosse dans les volatiles !!! Si tu veux, j’attrape des
oiseaux que je livre à ta mère ! Bref, j’allais faire une livraison, quand je me suis trouvé nez à nez avec un
type qui dit s’appeler Prince. Ta mère a complètement flashé pour lui ! Elle lui a refilé ta photo et lui a
demandé de venir te sortir de là. Oh, je te dis pas… quand il a vu ton portrait, il s’est pas fait prier, il a
accepté tout de suite. Je crois bien qu’il est raide dingue de toi !
Pamina
Il m’aime ? oh ! redis-le moi encore un fois !
Papageno
Ouais, t’as parfaitement pigé ! Et nous sommes là, tous les deux, pour te prendre dans nos bras, et se
mettre les voiles le plus vite possible pour te ramener au bercail.
Pamina
Mais, si ce prince est si amoureux de moi, pourquoi a-t-il mis si longtemps pour venir me délivrer de mes
chaînes ?
Papageno
Ben, c’est là que ça se gâte ! Les trois dames de ta mère nous ont dit que trois gamins seraient nos guides,
et qu’ils nous diraient ce qu’il faut faire.
Pamina
Et l’ont-ils fait ?
Papageno
Des clous, oui !… Heureusement, le Prince a eu l’idée de m’envoyer en éclaireur !
14
Pamina
L’ami, tu as pris beaucoup de risques. Si Sarastro t’aperçoit…
Papageno
J’économiserai le billet de retour ?
Pamina
Tu mourrais dans d’atroces souffrances !
Papageno
Oui, bien, on va peut-être pas s’éterniser !
Pamina
Quelle heure est-il ?
Papageno
Presque midi.
Pamina
Nous n’avons pas une minute à perdre. A cette heure, Sarastro revient de la chasse.
Papageno
Barrons-nous vite fait, alors ! Et je te promets que tu le regretteras pas quand tu verras ce type, il est
vraiment pas mal.
Pamina
Tu as bon cœur l’ami.
Papageno
Mais à quoi ça me sert ? J’aurais envie de me déplumer chaque fois que je me dis que je trouverai jamais
une Papagena.
Pamina
Pauvre homme, tu n’as pas encore de femme ?
Papageno
Non, aucune meuf ! Ça me déprime.
Pamina (affectueusement)
Papageno !
Papageno
On pourrait passer de bons moments ensemble…
Pamina
Patience mon ami ! Le ciel s’occupera de toi, il t’enverra une femme plus tôt que tu ne le penses.
Papageno
Ouais, ben ! qu’il se magne !
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N°7 – DUO
Pamina
Bei Männern, welche Liebe fühlen,
Fehlt auch ein gutes Herz nicht.
Papageno
Die süssen Triebe mitzufühlen,
Ist dann der Weiber erste Pflicht.
Aux hommes qui savent aimer,
Est donné d’avoir le cœur bon.
Le premier devoir de la femme
Est de vivre du même élan.
Ensemble
Wir wollen uns der Liebe freun,
Wir leben durch di Lieb’ allein.
Réjouissons-nous de l’amour,
C’est lui seul qui donne la vie.
Papageno
Die Lieb’ versüsset jede Plage,
Ihr opfert jede Kreatur.
L’amour adoucit toute peine,
Tout être doit lui sacrifier.
Pamina
Sie würzet unsre Lebenstage,
Sie wirkt im Kreise der Natur.
Il est la saveur de nos jours,
Et fait tourner la roue de la fortune.
Ensemble
Ihr hoher Zwek zeigt deutlich an,
Nichts Edlers sei als Weib und Mann.
Mann und Weib, und Weib und Mann
Reichen an die Gottheit an.
Vos grandes intentions montrent clairement
Que rien n’est plus précieux que l’homme et la
femme.
Mari et femme, et femme et mari, accèdent à la
divinité.
(Ils sortent)
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TROISIEME TABLEAU
(La scène représente un bois sacré. A l’arrière-plan, tout au fond de la scène s’élève un temple majestueux qui porte
l’inscription : « Temple de la Sagesse ». De ce temple, on accède par des portiques à deux autres temples. Sur celui de droite,
on lit l’inscription : « Temple de la Raison ». Sur celui de gauche : « Temple de la Nature »)
(Trois jeunes garçons accompagnent Tamino. Chacun d’eux tient à la main une palme d’agent)
N°8 – FINALE
3 Garçons
Zum Ziele führt dich diese Bahn,
Doch musst du, Jüngling, männlich siegen.
Drum höre unsre Lehre an :
Sei standhaft, duldsam und verschwiegen.
Jeune homme, ce chemin te conduira au but,
Mais il faut que tu sois viril pour triompher.
Pour cela il te faut écouter nos préceptes :
Sois ferme, sois patient, observe le silence.
Tamino
Ihr holden Knaben, sagt mir an,
Ob ich Pamina retten kann.
Vous très chers enfants, dites-moi donc
Si je pourrais sauver Pamina.
3 Garçons
Dies kundzutun steht uns nicht an.
Sei standhaft, duldsam und verschwiegen.
Bedenke dies ; kurz, sei ein Mann,
Dann, Jüngling, wirst du männlich seigen.
Il ne nous appartient pas de te l’annoncer.
Retiens bien nos conseils, fermeté et patience.
Rappelle-toi : viril, sois un homme,
Alors, tu remporteras, jeune homme, la victoire.
(Les 3 garçons sortent)
DIALOGUE
Tamino
Que les sages conseils soient gravés à jamais dans mon cœur ! Où suis-je ? Que va-t-il se passer ? Est-ce
ici le royaume des Dieux ? Ces portes et ces colonnes annoncent et révèlent l’intelligence, le travail et
l’art. Il semble régner une grande activité ici, et la haine n’a pas l’air d’y habiter facilement. Allons,
courage, franchissons cette porte, après tout mes intentions sont pures. Sauver Pamina est mon devoir.
(Il s’approche de la porte de droite)
Une Voix (de l’intérieur)
Arrière !
Tamino (il recule d’un pas)
Arrière ?… Bon, je vais tenter l’autre porte !
(Il s’approche de la porte de gauche)
Une Voix (de l’intérieur)
Arrière !
Tamino (il recule d’un pas)
Là-aussi, on me dit « Arrière » ?
(Il regarde autour de lui)
Il reste encore une porte, peut-être que je trouverai enfin l’entrée.
(Il s’approche de la troisième porte, et un prêtre apparaît)
L’Orateur
Où veux-tu aller, courageux étranger ? Que cherches-tu dans le sanctuaire ?
Tamino
Ce qui appartient à l’amour et à la vertu.
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L’Orateur
Les mots ont de grandes significations. Est-ce seulement cela que tu veux trouver ? Ce n’est pas l’amour
et la vertu qui te conduiront, parce que ce sont la haine et la mort qui te conduisent ici.
Tamino
Seulement la vengeance contre ce démon.
L’Orateur
Tu n’en trouveras pas parmi nous.
Tamino
Sarastro règne bien dans ces lieux ?
L’Orateur
Oui, oui, Sarastro règne ici.
Tamino
Ici, dans le Temple de la Sagesse ?
L’Orateur
Il règne dans le Temple de la Sagesse.
Tamino
Tout cela n’est qu’hypocrisie !
(Il veut pour partir)
L’Orateur
Tu veux déjà partir ?
Tamino
Oui, oui, je veux partir libre et joyeux, et ne plus jamais voir vos temples.
L’Orateur
Explique-toi plus clairement, car je crois que tu fais erreur.
Tamino
Sarastro vit ici, ça me suffit.
L’Orateur
Tu détestes donc Sarastro ?
Tamino
Oui, je le déteste pour toujours.
L’Orateur
Et bien, donne-moi tes raisons.
Tamino
Il est inhumain, c’est un tyran.
L’Orateur
As-tu des preuves de ce que tu dis ?
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Tamino
Je le tiens d’une femme malheureuse qui se lamente.
L’Orateur
Une femme fait peu, mais parle beaucoup. Tu crois à leurs mensonges ? Si Sarastro pouvait te révéler le
secret de ses intentions !
Tamino
Ce n’est que trop clair ! Ce voleur n’a donc pas de pitié pour arracher Pamina des bras de sa mère ?
L’Orateur
Ce que tu dis est injuste.
Tamino
Où est-elle, celle qu’il a enlevé ? Peut-être a-t-elle déjà été sacrifiée ?
L’Orateur
Te le dire, cher fils, ne me l’est permis.
Tamino
Pourquoi ce mystère ?
L’Orateur
Je suis lié par le serment et le devoir.
Tamino
Quand donc disparaîtra ce mystère ?
MUSIQUE
L’Orateur
Sobald dich führt der Freundschaft Hand
Ins Heiligtum zum ew’gen Band.
Dès que te conduira la main de l’amitié
Dans notre sanctuaire pour le lien éternel.
(le prêtre sort)
Tamino
Ô maudite nuit ! Quand disparaîtras-tu ? Quand mes yeux verront-ils la lumière ?
Les Voix (en coulisses)
Bald, Jüngling, oder nie !
Bientôt, jeune homme, ou jamais !
Tamino
Bientôt, dites-vous, ou jamais ? Dites-moi au moins si Pamina est encore en vie !
Les Voix (en coulisses)
Pamina lebet noch !
Pamina vit encore !
Tamino
Elle vit ? elle vit ! Merci du fond du cœur !
(Il prend sa flûte. Il montre son cœur et joue de la flûte. Aussitôt apparaissent des animaux de toutes espèces et ils écoutent. Il
cesse de jouer et les animaux s’enfuient. Les oiseaux chantent aussi)
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AIR DE TAMINO
Wie stark ist nicht dein Zauberton,
Weil, holde Flöte, durch dein Spielen
Selbst wilde Tiere Freude Fühlen.
Doch nur Pamina bleibt davon
Pamina ! Höre, höre mich !
Umsonst !
Wo, ach, wo find ich dich ?
Comme ta musique magique est puissante,
Car, noble flûte, à travers son jeu
Elle enchante même les animaux sauvages.
Pamina reste encore au loin.
Pamina ! Entends, entends-moi !
En vain !
Où, enfin, où puis-je te trouver ?
(il joue de la flûte et Papageno répond au loin avec sa flûte de pan)
Ach, das ist Papagenos Ton !
Ah, c’est la flûte de Papageno !
(il joue à nouveau. Papageno répond)
Vielleicht sah er Pamina schon,
Vielleicht eilt sie mit him zu mir,
Vielleicht führt mich der Ton zu ihr.
Peut-être a-t-il déjà rencontré Pamina ?
Peut-être se hâte-t-elle avec lui vers moi,
Peut-être que la flûte me conduira vers elle.
(il sort)
(Papageno et Pamina entrent)
Papageno et Pamina
Schnelle Füsse, rascher Mut,
Schützt vor Feindes List und Wut.
Fänden wir Tamino doch,
Sonst erwischen sie uns noch.
D’un pas rapide, courage tenace,
Protège de la colère et de la haine.
Si nous pouvions trouver Tamino,
Sinon il nous attraperont.
Pamina
Holder Jüngling !
Noble jeune homme !
Papageno
Stille, stille, ich kann’s besser.
Du calme, du calme, je connais un meilleur moyen.
(Il souffle dans sa flûte de pan. Tamino répond avec sa flûte depuis la coulisse)
Ensemble
Welche Freude ist wohl grösser ?
Freund Tamino hört uns schon ;
Hierher kam der Flötenton.
Welch ein Glück, wenn ich ihn finde.
Nur geschwinde ! Nur geschwinde !
Y a-t-il de plus grande joie ?
Notre ami Tamino nous entend déjà ;
Sa flûte annonce sa venue.
Quel bonheur si je le trouve.
Hâtons-nous donc ! Hâtons-nous donc !
(Ils s’apprêtent à entrer. Monostatos et ses esclaves surgissent)
Monostatos (ironiquement)
Nur geschwinde ! Nur geschwinde !
Ha, hab ich euch noch erwischt ?
Nur herbei mit Stahl und Eisen ;
Wart, ich will euch Mores weisen.
Den Monostatos berücken !
Nur herbei mit Band und Stricken,
He, ihr Sklaven, kommt herbei !
(Les esclaves apportent des chaînes)
Pamina et Papageno
Ach, nun ist’s mit uns vorbei !
Hâtons-nous donc ! Hâtons-nous donc !
Ah ! Je vous ai donc rattrapés.
Qu’on m’apporte maintenant les chaînes et les fers ;
Moi, je vais vous apprendre à vivre !
Vouloir tromper Monostatos !
Qu’on m’apporte des liens et des cordes,
Holà ! Esclaves, venez par ici !
Hélas, maintenant tout est perdu pour nous !
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Papageno
Wer viel wagt, gewinnt oft viel !
Komm, du schönes Glockenspiel !
Lass die Glöckchen klingen, klingen,
Dass die Ohrend ihnen singen.
Qui ose beaucoup, gagne souvent beaucoup !
Viens, toi joli carillon !
Laisse sonner les clochettes !
Que ton chant charme leurs oreilles.
(Il joue de son jeu de clochettes)
Monostatos et les Esclaves
Das klinget so herrlich, das klinget so schön !
Larala, larala la la la la la la la !
Ça sonne si clairement, ça sonne si joli !
Larala, larala la la la la la la la !
(Ils s’éloignent en dansant)
Pamina et Papageno
Könnte jeder brave Mann
Solche Glöckchen finden,
Seine Feinde würden dann
Ohne Mühe schwinden,
Und er lebte ohne sie
In der besten Harmonie.
Nur der Freundschaft Harmonie
Mildert die Beschwerden ;
Ohne diese Sympathie
Ist kein Glück auf Erden !
Puissent tous les braves hommes
Trouver tel jeu de clochettes,
Ses ennemis seraient alors
Chassés sans peine,
Et sans eux ils pourraient vivre
Dans la plus pure harmonie.
L’harmonie de l’amitié
Seule apaise les douleurs.
Car sans cette sympathie
Il n’est de bonheur sur terre !
(On entend soudain une marche brillante avec trompettes et timbales)
Le Chœur (en coulisse)
Es lebe Sarastro ! Sarastro lebe !
Que vive Sarastro ! Vive Sarastro !
Papageno
Was soll das bedeuten ?
Ich zittre, ich bebe !
Qu’est-ce que cela signifie ?
Je tremble, je tressaille !
Pamina
O Freund, nun ist’s um uns getan !
Dies kündigt den Sarastro an.
Oh mon ami, c’en est fait de nous !
Ceci annonce Sarastro.
Papageno
O wär ich eine Maus,
Wie wollt’ich mich verstecken !
Wär ich so klein wie Schnecken,
So kröch’ ich in mein Haus.
Mein Kind, was werden wir nun sprechen ?
Oh si j’étais une souris,
Je pourrais rentrer sous terre !
Si j’étais aussi petit qu’un escargot,
Je rentrerais aussitôt dans ma coquille.
Mon enfant, qu’allons-nous donc lui dire ?
Pamina
Die Wahrheit ! Die Wahrheit !
Wär sie auch Verbrechen.
La vérité ! la vérité !
Serait-elle aussi un crime ?
(le chœur continue à chanter pendant que Sarastro entre sur un char triomphal tiré par six lions)
Le Chœur
Es lebe Sarastro ! Sarastro soll leben !
Er ist es, dem wir uns mit Freude ergeben !
Stets mög’er des Lebens als Weiser sich freun,
Er ist unser Abgott, dem alle sich weihn.
Que vive Sarastro ! Sarastro doit vivre !
C’est à lui qu’avec joie nous nous sommes soumis !
Que sa vie soit toujours vouée à la sagesse !
Il est l’idole à qui tous nous nous dédions.
(le chœur chante jusqu’à ce que Sarastro descende de son char)
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Pamina (s’agenouille)
Herr, ich bin zwar Verbrecherin,
Ich wollte deiner Macht entfliehn.
Allein die Schuld ist nicht an mir
Der böse Mohr verlangte Liebe ;
Darum, o Herr, entfloh ich dir.
Seigneur, il est exact que je suis criminelle,
J’ai voulu m’échapper et braver ton pouvoir.
Mais je ne porte pas la faute de mon crime.
Ce vil maure prétendait me forcer à l’aimer ;
Tu connais, oh Seigneur, la raison de ma fuite.
Sarastro
Steh auf, erheitre dich, o Liebe !
Denn ohne erst in dich zu dringen,
Weiss ich von deinem Herzen mehr :
Du liebest einen andern sehr.
Zur Liebe will ich dich nicht zwingen,
doch geb ich dir die Freiheit nicht.
Relève-toi ma fille et sois rassérénée.
Car sans même chercher à percer ton secret,
Je devine ton cœur qu’anime un autre amour :
Tu aimes davantage un autre homme.
Je ne prétends point à te contraindre à l’amour ;
Toutefois je ne te rends pas la liberté.
Pamina
Mich rufet ja die Kindespflicht,
Denn meine Mutter...
Mais mon devoir m’appelle, le devoir d’une enfant,
Car ma mère…
Sarastro
Steht in meiner Macht.
Du würdest um dein Glück gebracht,
Wenn ich dich ihren Händen liesse.
Elle est à ma merci.
Et je compromettrais à jamais ton bonheur
Si je t’abandonnais à ses soins maternels.
Pamina
Mir klingt der Muttername süsse ;
Sie ist es...
Combien m’est doux le nom de mère !
C’est ma mère…
Sarastro
Und ein strolzes Weib.
Ein Mann muss Eure Herzen leiten,
Denn ohne ihn pflegt jedes Weib
Aus seinem Wirkungskreis zu schreiten.
C’est aussi une femme orgueilleuse.
Il faut un homme qui puisse guider vos cœurs,
Car sans lui toute femme le plus souvent s’égare
Et se mêle d’agir plus loin que son domaine.
(Monostatos entre avec Tamino)
Monostatos
Nun, stolzer Jüngling, nur hierher !
Hier ist Sarastro, unser Herr !
Maintenant, fier jeune homme, viens donc ici !
Ici est Sarastro, notre maître !
Pamina
Er ist’s !
C’est lui !
Tamino
Sie ist’s !
C’est elle !
Pamina
Ich glaub’ es kaum !
Je ne peux le croire !
Tamino
Es ist kein Traum !
Ce n’est pas un rêve !
22
Pamina et Tamino
Es schling’ mein Arm sich um ihn/sie her...
Und wenn es auch mein Ende wär’ !
Que je te prenne dans mes bras...
Même si je devais en mourir !
(Ils s’embrassent. Monostatos les séparent)
Le Choeur
Was soll das heissen ?
Qu’est-ce que cela signifie ?
Monostatos
Welch eine Dreistigkeit !
Gleich auseinandern ! Das geht zu weit !
Quelle insolence !
Séparez-vous ! C’est trop fort !
(Il se met à genoux devant Sarastro)
Dein Sklave liegt zu deinen Füssen :
Lass den verwegnen Frevler büssen !
Bedenk, wie frech der Knabe ist !
Durch dieses seltnen Vogels List
Ton esclave repose à tes pieds :
Que ce sale vaurien soit puni !
Vois, combien ce garçon est insolent !
Par la ruse et la complicité de ce drôle d’oiseau
(Il montre Papageno)
Wollt’ er Pamina dir entführen !
Allein ich wuss ihn auszuspüren.
Du kennst mich ! Meine Wachsamkeit...
Il voulait t’enlever Pamina !
Moi-seul ai pu l’en empêcher.
Tu me connais ! Ma vigilance…
Sarastro
Verdient, dass man ihr Lorbeer streut !
He, gebt dem Ehrenmann sogleich...
Il le mérite, qu’on le couvre de lauriers !
Que sans tarder on donne à cet homme d’honneur…
Monostatos
Schon deine Gnade macht mich reich !
Ta gracieuse bonté déjà me récompense !
Sarastro
... nur sieben und siebenzig Sohlenstreich !
... soixante-dix-sept coups de bâton !
Monostatos
Ach Herr, den Lohn verhofft’ ich nicht !
Ah Maître, je n’attendais pas ce salaire !
Sarastro
Nicht Dank, es ist ja meine Pflicht !
Il n’y a pas à me remercier. Ceci est mon devoir !
Le Choeur
Es lebet Sarastro, der göttliche Weise !
Er lohnet und strafet in ähnlichem Kreise.
Honneur à Sarastro, sa sagesse est divine !
Il sait ou bien châtier, ou bien récompenser.
Sarastro
Führt diese beiden Fremdlige
In unsern Prüfungstempel ein ;
Bedeket ihre Häupter dann,
Sie müssen erst gereinigt sein.
Conduisez ces deux étrangers
A notre temple des épreuves.
Et puis recouvrez leur la tête.
Qu’ils soient tout d’abord purifiés.
(Deux prêtres apportent une sorte de sac dont ils recouvrent la tête des deux étrangers)
Le Choeur
Wenn Tugend und Gerechtigkeit
Den grossen Pfad mit Ruhm bestreut,
Dann ist die Erd’ ein Himmelreich
Und Sterbliche den Göttern gleich.
Si la vertu et l’équité
Font un chemin de gloire de cette noble voie,
La terre est royaume du ciel,
Les mortels sont semblables aux Dieux.
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